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France: L'appel télévisé de Chirac à voter « oui » au référendum sur la constitution européenne n'arrête pas la montée du « non »

Par Pierre Mabut
19 avril 2005

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Le président français, Jacques Chirac, est passé à la télévision jeudi soir pour tenter d'inverser la tendance faiblissante de sa campagne pour le « oui » au référendum sur la constitution européenne qui se tiendra le 29 mai. Chirac qui est à la tête de la coalition conservatrice au gouvernement, ainsi que ses alliés du Parti socialiste essaient par tous les moyens de contrecarrer l'opposition grandissante à la constitution. Les quatorze derniers sondages donnent tous à la campagne pour le « non » une avance entre 7 et 9 points.

Néanmoins, il semble que la prestation de Chirac n'a pas convaincu. De nouveaux sondages, publiés samedi, ont révélé une augmentation du « non » après l'intervention de Chirac. Les deux instituts de sondage principaux, le CSA et l'IFOP, ont tous deux donné 56 pour cent au « non », ce qui représente pour le CSA une augmentation de 1 pour cent et de 3 pour cent pour l'IFOP. Seuls 44 pour cent des personnes interrogées ont dit qu'elles voteraient « oui » à la constitution.

La formule de type causerie télévisée, organisée par Claude Chirac, fille du président, et les dirigeants de la chaîne privée, TF1, avait déjà soulevé une controverse car les 83 jeunes gens invités avaient été triés sur le volet. Malgré cela, le spectacle a tourné à la débâcle, aux yeux mêmes de certains des plus proches collaborateurs de Chirac.

Le président a semblé incapable de répondre, voire de comprendre les inquiétudes sociales et politiques exprimées par les jeunes gens présents. Bien que l'émission se voulait être un « dialogue », les explications de Chirac en faveur d'un « oui » à la constitution se transformèrent en un monologue intimidant sur les conséquences graves au cas où le « non » l'emporterait. Alors que la plupart des questions concernaient l'impact de la constitution sur les droits sociaux et démocratiques, Chirac pontifia sur la puissance de la France dans le monde.

Si la constitution était rejetée, la France "serait considérablement affaiblie", dit-il. Elle serait « le mouton noir » de l'Europe, « qui aura tout bloqué ». Chirac poursuivit en déclarant qu'en votant contre la constitution européenne, « vous ne réglerez aucun problème mais vous affaiblirez considérablement la voix de la France et la capacité de la France à défendre ses intérêts ».

En réponse à plusieurs questions concernant le caractère libéral du traité de constitution, le président invoqua à plusieurs reprises le slogan du pape décédé : « N'ayez pas peur ». Tout en reconnaissant que « la mondialisation inquiète les français et les françaises et est portée par un courant ultralibéral », il argumenta que «l'Europe doit être forte et organisée pour s'opposer à cette évolutionSeule notre puissance politique aujourd'hui au sein de l'Europe nous permet de défendre nos intérêts».

Sa défense d'une Europe forte était clairement dirigée contre d'autres nations. Au sujet de la Chine, il dit que « l'invasion brutale et inacceptable » du marché européen par les textiles chinois serait soumise à des clauses de sécurité qui seraient annoncées prochainement par l'Union européenne (UE). Quant au désir de la Turquie de rejoindre l'UE, et dont l'extrême droite qui s'y oppose farouchement a fait un de ses chevaux de bataille pour sa campagne du « non », Chirac dit qu'il considérait « les valeurs, le mode de vie et le fonctionnement de la Turquie incompatibles avec nos valeurs ».

Essayant de forcer la main des électeurs, Chirac dit on ne peut plus clairement que dans le cas où le"non" l'emporterait, la constitution ne serait pas à renégocier. Et si les électeurs pensaient que le référendum pouvait être utilisé contre lui comme un plébiscite à l'égard de la politique de son gouvernement, et bien ils seraient déçus. Il ne démissionnerait pas.

Les divagations euro-chauvines de Chirac ne réussirent aucunement à le mettre sur la même longueur d'ondes que son public. D'après le Monde, de nombreux députés de l'UMP, (Union pour un mouvement populaire), parti de Chirac, durent reconnaître, une fois de retour dans leur circonscription vendredi, que le chef de l'état n'avait convaincu personne. Le quotidien cita l'un d'entre eux : « Ces jeunes étaient très représentatifs de l'opinion. Ils ont posé les questions que tout le monde se pose, mais le président n'a pas été assez concret. Il ne va pas assez sur le terrain, il a fait un exercice de politique internationale. Les gens ont l'impression qu'ils n'ont pas été compris ».

Bien que l'on ait fourni aux jeunes invités à l'émission un exemplaire de la constitution, une grande majorité reconnut qu'elle était illisible et incompréhensible : Comment pouvait-on attendre des gens qu'ils se décident sur la base de la lecture d'un pavé de 480 pages ? Pourquoi ne pouvait-on avoir une constitution de quelques 20 pages, comme la constitution de la France ou des Etats-Unis ?

Le show télévisé de jeudi mit en évidence le fait que l'opposition grandissante à la constitution européenne est alimentée par des inquiétudes concernant la démocratie et le social. Tandis que les partis de droite, tels que le Front national de Jean-marie Le Pen, Le Rassemblement pour la France de Charles Pasqua et des éléments de l'UMP de Chirac au pouvoir s'opposent à la constitution d'un point de vue chauvin étroit, l'opposition populaire plus large est dominée par la crainte des conséquences sociales de la politique libérale associée à la constitution et leur impact sur les droits démocratiques.

Dans ces conditions, Chirac compte beaucoup sur les partis de la gauche officielle dans sa campagne pour le "oui". Des dirigeants du Parti socialiste français, ainsi que des Sociaux-démocrates allemands et le chef de file des Verts au parlement européen, Daniel Cohn-Bendit, mènent une campagne intensive pour Chirac. Il y a un parallèle frappant entre cette situation et le second tour des élections présidentielles de 2002 où le plus gros de la campagne pour Chirac était conduit par la gauche, dans le but de vaincre son opposant Le Pen du Front National.

Lors d'un débat sur le référendum sur la chaîne publique France 2, le camp du « oui » était représenté par un dirigeant du Parti socialiste, Pierre Moscovici, ministre des affaires européennes dans le gouvernement de Gauche plurielle de Lionel Jospin en 1997, qui affirma que la constitution était un compromis entre une Europe sociale et une Europe libérale.

Moscovici loua la formule de la constitution appelant à « une économie de marché sociale hautement compétitive pour une compétition libre et non faussée qui tend vers le plein emploi et le progrès social » et l'opposa à ce qu'il appela un « monopole ». Il dit qu'il était possible en effet que le document n'ait pas une composante suffisamment sociale, mais que néanmoins il représentait un progrès. Il cita la campagne pour le « oui » de la Confédération européenne des syndicats pour preuve des bonnes intentions de ceux qui soutiennent le traité de constitution.

Sur le même plateau, Jo Leinen, député européen allemand du SPD, parti social démocrate, chercha à apaiser Marine Le Pen, fille de Jean-Marie Le Pen et dirigeante de facto du Front national faisant campagne pour le « non », qui soutenait que la constitution mettait la nation française en danger. Leinen insista sur le fait que l'article premier de la constitution préservait l'identité nationale, qui de ce fait n'était pas « en péril ».

Son argumentation pour le "oui" était identique à celle de Chirac. Un « non », fit remarquer Leinen, conduit à une Europe affaiblie et à du temps perdu dans ses efforts pour se mesurer aux Etats-Unis et à la Chine. Moscovici répéta la même rengaine. Il soutint que le « non » signifierait une France affaiblie et une Europe « impuissante ».

Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, Ligue communiste révolutionnaire, était aussi présent sur le plateau, appelant à voter « non ».

A la différence de 2002, lors de l'élection présidentielle, où la gauche dans sa quasi-totalité, du Parti socialiste à la LCR, s'était unie derrière Chirac, on retrouve aujourd'hui un camp « de gauche » important qui s'oppose à la constitution européenne. On trouve toute la gamme dans ce camp, d'une minorité du Parti socialiste (PS) et des Verts au Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement (MRC), en passant par le Parti communiste (PCF) et la LCR.

Au moment même où Chirac apparaissait à la télévision, ces partis politiques organisaient un rassemblement commun à la salle du Zénith à Paris, attirant quelques 5 000 personnes. Jean-Luc Mélanchon (PS), Marie-George Buffet, dirigeante du Parti communiste, Francine Bavay des Verts, Georges Sarre (MRC), Olivier Besancenot (LCR) et José Bové, tête de file du mouvement paysan radical partageaient la tribune.

La plupart de ces partis et de ces personnes sont des piliers expérimentés de l'ordre bourgeois français. Les gouvernements socialistes successifs sous François Mitterrand et Lionel Jospin ont réalisé des attaques contre la classe ouvrière, ouvrant la voie au régime de la droite conservatrice de Jacques Chirac. Le principal souci de ces partis de gauche et groupes « d'extrême-gauche » est d'empêcher que la résistance sociale qui alimente l'opposition à la constitution européenne ne prenne la forme d'une résistance de la classe ouvrière indépendante, mettant alors en péril l'ordre bourgeois en France.

Pour le MRC, qui est issu de la soi-disant aile « souverainiste » du Parti socialiste, la défense de la souveraineté de l'état français est prioritaire sur toute autre question politique. De même, le PCF a une longue histoire de défense du nationalisme français. Il partagea le pouvoir pendant un certain nombre d'années avec les gouvernements conduits par le Parti socialiste.

Afin de garder le contrôle sur le camp du "non", ces partis se sont regroupés, abandonnant pour un temps leurs différences politiques. Au rassemblement du Zénith, Mélanchon dit même regretter l'absence de camarades dissidents du parti tel Laurent Fabius, ancien premier ministre et considéré comme à droite, même selon les critères du Parti socialiste.

C'est à Besancenot qu'il revint de présenter cette alliance sans principe et fondamentalement réactionnaire comme la base pour un futur parti de gauche. Il dit qu'une victoire du camp du « non » le 29 mai marquerait le début d'une nouvelle relation de forces pour développer « une gauche cent pour cent à gauche ».

En fait, il n'en serait rien. Le World Socialist Web Site appelle à voter « non » à la constitution qui représente l'effort des entreprises et intérêts financiers les plus puissants d'Europe à établir un nouveau cadre pour l'exploitation de la classe ouvrière européenne et à promouvoir internationalement les intérêts impérialistes des plus grandes puissances européennes.

Cependant notre opposition se base sur une perspective socialiste et internationaliste qui s'oppose fondamentalement à toutes ces forces, de droite comme de gauche, qui, elles, disent « non » à la constitution d'un point de vue nationaliste et cherchent à encourager des illusions selon lesquelles on peut défendre les intérêts sociaux et droits démocratiques des salariés dans le cadre du système d'état nation capitaliste existant. Notre réponse au projet des élites européennes pour une intégration européenne capitaliste c'est la lutte pour unir et mobiliser la classe ouvrière indépendamment de tous gouvernements et partis bourgeois pour former les Etats unis socialistes d'Europe.

Le simple fait de voter "non" à la constitution ne va pas accomplir la tâche cruciale à laquelle est confrontée la classe ouvrière de tous les pays d'Europe ­ la nécessité de rompre politiquement avec les organisations qui la rattachent à l'ordre bourgeois et lutter pour une transformation révolutionnaire de l'Europe partant de la base et fondée sur un programme authentiquement démocratique et égalitaire, c'est-à-dire un programme socialiste.

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