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Le Canada dénie l'asile à un soldat américain ayant refusé de combattre en Irak

Par Lee Parson et Keith Jones
Article original paru le 29 Mars 2005

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La Commission canadienne de l'immigration et du statut de réfugié a déclaré au 24 mars qu'elle n'accorderait pas le statut de réfugié politique à l'objecteur de conscience américaine et « déserteur » de l'armée Jeremy Hinzman ­ une décision qui, si elle est maintenue par les tribunaux canadiens, entraînera en toute probabilité sa déportation aux États-Unis et son emprisonnement pour son opposition à l'invasion américaine illégale de l'Irak.

Cette décision établit un précédent de mauvais augure pour le personnel militaire américain qui chercherait asile au Canada. Environ une demi-douzaine d'objecteurs de conscience ont fait une demande de statut de réfugié au Canada et un nombre beaucoup plus grand attendraient le résultat de l'affaire Hinzman avant de décider s'ils feraient leurs propres demandes de réfugiés.

Ceci étant dit, la décision à l'égard de Hinzman était à peine surprenante vu l'attitude hostile du gouvernement canadien et des médias. Lorsque le dossier de Hinzman fut initialement soumis à la Commission, une intervention des avocats du gouvernement fédéral persuada le tribunal d'exclure toute considération de la légalité de la guerre en Irak pour déterminer si l'asile serait accordé à Hinzman. Au même moment, la presse mettait Hinzman au pilori en affirmant qu'il n'avait aucun droit d'être dissident des ordres de l'armée américaine car, en quête de moyens pour financer son éducation, il s'était porté volontaire pour le service militaire.

Hinzman, qui est âgé de 26 ans, a servi en Afghanistan. En janvier 2004, peu avant que l'unité de la 82e division aéroportée à laquelle il appartenait ne soit déployée en Irak, il vint au Canada. Hinzman ne prit la décision de fuir qu'après le refus de l'armée de lui accorder le statut d'objecteur de conscience et après avoir été harcelé par les autorités militaires en réplique à cette demande de statut.

Hinzman et des témoins appelés en son nom ont exposé à la Commission la preuve que les forces américaines en Afghanistan ont maltraité et tué des civils. Un ancien la Marine, qui a été décoré pour son service en Irak, fit un témoignage fascinant au sujet des pressions qu'il avait à subir de la part de ses supérieurs et de ses compagnons soldats pour faire feu sur des hommes, des femmes et des enfants irakiens non armés.

La décision à l'égard de Hinzman a été applaudie par les médias du Canada. Dans son éditorial du 25 mars, le Globe and Mail déclara que « La Commission était parvenue à la seule conclusion raisonnable possible. » De manière hypocrite, le Globe affirma que « La Commission avait soupesé tous les arguments, que ceux-ci eut été faibles ou non pertinents, amenés par M. Hinzman. »

En fait, la commission et le gouvernement ont bafoué la loi se rapportant au statut de réfugié en refusant à Hinzman de faire la preuve du caractère illégale de la guerre en Irak ­ une guerre justifiée par les déclarations, depuis démenties par Washington, sur la possession d'armes de destruction massive par le régime irakien et sur les liens de celui-ci avec Al-Quaida; une guerre où l'on a vu l'administration Bush invoquer l'originale et tout à fait illégale doctrine de la guerre préventive.

Pourtant, le Canada prétend que les soldats et autres agents de l'État devraient non seulement être protégés des persécutions encourues par un refus de participer aux crimes du gouvernement mais, qu'en plus, ils sont tenus de refuser, dans la mesure du possible, d'exécuter les ordres de leurs supérieurs s'ils impliquent l'abus de droits humains.

Par contre, dans le dossier Hinzman, ces précédents ont été jetés par-dessus bord.

Le gouvernement était déterminé, sans aucun doute, à mettre fin à toute discussion sur la légalité de l'invasion et de l'occupation américaine de l'Irak par crainte que cela n'interfère avec ses tentatives de s'associer de plus près avec les États-Unis, économiquement et géopolitiquement. L'administration Bush eut incontestablement dénoncé tout corps juridique canadien qui aurait considéré des arguments sur la légalité de la guerre en Irak, ceci constituant une intrusion inacceptable dans les affaires américaines. Deuxièmement, Ottawa sait fort bien que la position de l'administration Bush sur la guerre est indéfendable. En attaquant l'Irak, Washington a saccagé des décennies de droit international ­ un droit présenté depuis longtemps par les États-Unis comme un moyen de sous-tendre un ordre international américain ­ et a abruptement réaffirmé le principe que la force fait le droit. Enfin, il y a l'expérience de la guerre du Vietnam, où des dizaines de milliers d'insoumis et de déserteurs américains ont trouvé asile au Canada. En intervenant dans le dossier et en persuadant le juge d'exclure toute discussion sur le caractère illégal de la guerre, le gouvernement Libéral a retiré toute chance à Hinzman et s'est ainsi assuré que le Canada ne servirait pas à encourager l'opposition à la guerre dans les rangs de l'armée américaine.

La décision de 70 pages du juge Brian Goodman rendue sur la demande de statut de réfugié de Hinzman est en conformité avec sa précédente décision sur l'admissibilité d'une déposition concernant la légalité de la guerre. Cela signifie en fait que nous avons à faire à une parodie.

Goodman a expédié sans ménagement le raisonnement de Hinzman sur le changement de sa perception du service militaire à la suite de ses expériences en Afghanistan et de la prise de conscience des actions de l'armée américaine en Irak et en Afghanistan.

De plus, Goodman a déclaré que la peine à laquelle fera face Hinzman lors de son retour aux États-Unis, jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, ne constitue pas un traitement « cruel et inusité » - une décision qui, encore une fois, ne put être rendue qu'en négligeant l'illégalité des actions militaires américaines.

En toute conformité avec les déclarations de la Maison Blanche, Goodman était d'avis « qu'il n'y a aucune preuve devant le jury que les États-Unis, lorsqu'il est question de leur politique ou de leur pratique, sont indifférents à la violation présumée des droits humains internationaux en Irak. » Il était néanmoins contraint d'ajouter « qu'il ne faudrait pas affirmer que des cas de violations sérieuses du droit humanitaire international, par exemple le mauvais traitement infligé par des militaires sur des prisonniers de guerre, comme à la tristement célèbre prison d'Abu Ghraib, ne sont pas survenus.»

Ailleurs dans son jugement, Goodman semble avoir l'intention de contester les motivations de Hinzman. Faisant remarquer que celui-ci, en tentant d'obtenir le statut d'objecteur de conscience, indiqua qu'il aurait pu être tenté d'accepter un rôle de non-combattant, Goodman écrit : « Certainement qu'un jeune homme intelligent, comme M. Hinzman, qui croit la guerre en Irak illégale, injuste et menée pour des raisons économiques, refuserait de participer à quelque titre que ce soit, combattant ou non. » L'insinuation étant que Hinzman agissait avec lâcheté.

En vérité, Hinzman a démontré un véritable courage en tentant d'abord d'obtenir le statut d'objecteur de conscience face à une farouche opposition de l'état-major et en décidant ensuite de fuir au Canada plutôt que de participer à une guerre injuste et illégale.

Il est significatif que Goodman ait presque complètement ignoré le témoignage de Hinzman à propos du châtiment réservé par l'armée américaine à ceux qui tentent d'obtenir le statut d'objecteur de conscience. « Les États-Unis, » a déclaré Goodman, « ont en place des règlementations militaires qui permettent à la fois l'exonération du service militaire et l'alternative d'un service non-combattant pour ceux qui peuvent invoquer de véritables motifs de conscience. »

Le jugement du 25 mars dernier place Hinzman dans la situation périlleuse d'être rendu aux autorités militaires américaines; l'affaire est par contre loin d'être réglée. Son avocat, Jeffry House, a déclaré qu'il en appellera de la décision en cour fédérale. La décision de Goodman d'exclure toute déposition quant à la légalité de la guerre risque de figurer largement au centre de cet appel.

Hinzman, qui est à Toronto avec sa femme et son fils de deux ans, poursuit son métier de courrier à vélo et affirme qu'il demeure optimiste d'être autorisé à rester au Canada. Dans le jugement du 24 mars dernier, sa femme et son fils se sont aussi vus refuser l'asile au Canada.

Bien que l'affaire Hinzman ait établi un précédent, il n'est qu'un parmi plus de 5000 militaires américains à avoir déserté l'armée au cours de la dernière année ­ une situation qui indique que l'opposition généralisée face à l'administration Bush et à ses politiques criminelles sur les peuples irakien et américain se fait ressentir au sein des troupes de l'armée américaine.

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