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La série d'attentats-suicides en Irak : une diversion réactionnaire à la lutte politique contre l'impérialisme

Par le comité de rédaction international du WSWS
4 mars 2005

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L'attentat à la voiture piégée perpétré lundi dans la ville irakienne de Hilla a causé le plus grand nombre de morts pour un tel geste depuis le renversement du régime de Saddam Hussein par une invasion militaire américaine il y a environ deux ans. Ceux qui étaient visés par l'explosion étaient de jeunes hommes cherchant à obtenir les tests médicaux nécessaires pour se faire enrôler dans les forces militaires et policières irakiennes organisées par les États-Unis. Parmi les victimes, dont 125 morts et au moins 130 blessés, se trouvaient des passants et des gens faisant des achats dans un marché avoisinant.

L'attaque à Hilla - ville majoritairement chiite - n'est que la plus récente et meurtrière d'une série d'attaques terroristes qui se sont multiplié au cours des deux derniers mois. Selon un décompte fourni par Associated Press, 234 personnes ont été tuées et 429 blessées dans quelque 55 attaques en janvier. Le nombre de morts s'est élevé à 311 et le nombre de blessés à 433 suite à 38 telles attaques en février.

Ce massacre de non-combattants irakiens - y compris de jeunes travailleurs qui se sont laissés leurrer et ont joint les rangs de la police et de l'armée, attirés par la perspective d'un emploi et d'un salaire dans un pays où la majorité est sans emploi et sans le sou - est une atrocité politique qui mérite d'être condamnée.

Ce n'est pas une question de simple indignation morale. Ce sont là des crimes politiques. Loin de nuire à l'occupation américaine illégale de l'Irak, le principal résultat de telles attaques est de semer encore plus de confusion politique parmi les masses, ce qui peut mener à des conflits ethniques débilitants.

L'opposition du World Socialist Web Site aux attentats terroristes n'a rien de commun avec les dénonciations hypocrites de l'attentat de Hilla et autres attaques similaires par l'administration Bush et les médias de la grande entreprise, dont le seul but est de justifier les crimes de l'impérialisme en Irak.

Peu se donnent la peine de rappeler que Hilla en a connu des massacres. Elle a subi l'un des assauts les plus meurtriers au début de la guerre américaine contre l'Irak. Le 1er avril 2003, l'armée américaine a largué sur la ville des bombes à fragmentation, tuant au moins 60 personnes, dont plusieurs enfants, et en blessant des centaines. L'usage de cette arme était un autre crime de guerre dans une guerre qui continue à être criminelle.

Washington est en fin de compte responsable non seulement des meurtres commis par ses propres forces militaires - qui représentent le gros des dizaines de milliers de morts depuis l'invasion américaine - mais pour tout le sang versé en Irak. Ceci est indiscutable du point de vue de la loi internationale, car les États-Unis sont une force d'occupation. Mais plus fondamentalement, la guerre et l'occupation américaines, venant s'ajouter à une décennie de sanctions économiques dévastatrices, ont décimé la société irakienne et provoqué un mouvement de résistance, tout en plongeant l'Irak dans un état de désintégration économique et sociale.

Les crimes de l'impérialisme américain, toutefois, ne justifient nullement les tactiques qui résultent en massacres gratuits d'Irakiens - y compris sans aucun doute des opposants à l'occupation américaine.

Bien que la lutte armée soit une tactique légitime et inévitable dans la lutte contre l'occupation militaire étrangère, elle n'est pas une fin en soi et ne peut remplacer un programme politique visant à éduquer, guider et inspirer les masses populaires. Il y a, en outre, un lien profond entre la fin et les moyens. Tout comme les objectifs mercenaires de l'occupation de l'Irak sont reflétés dans les pratiques sadiques des États-Unis à Abu Graïb, les tueries en masse d'Irakiens mettent à nu la perspective essentiellement réactionnaire des forces politiques responsables des attentats-suicides. Il vaut la peine de noter que ces attaques sont menées sans la moindre suggestion qu'elles visent à gagner la population à une plateforme politique donnée, ou enflammer l'opposition populaire à la présence colonialiste des États-Unis en Irak.

Les luttes des mouvements anti-coloniaux à une époque précédente étaient sans aucun doute accompagnées de violence, y compris, comme dans le cas de l'Algérie, l'utilisation d'attentats terroristes. Mais ces actions étaient menées par des mouvements qui avançaient des programmes ou des revendications politiques qui, malgré toutes les limitations et les illusions du nationalisme bourgeois, étaient présentés aux masses pour obtenir leur soutien.

Les organisateurs des dernières atrocités en Irak ne prétendent aucunement faire appel au mécontentement et à l'agitation politique largement répandus dans le pays, ou s'associer à la grande opposition à l'impérialisme américain qui prédomine dans toute la région. Ils exploitent plutôt de façon cynique la colère, l'esprit de sacrifice et la véritable haine de l'oppression de jeunes hommes et de jeunes femmes en les utilisant comme chair à canon dans des projets ignobles.

Ces tactiques ne sont pas basées sur une lutte pour vaincre l'impérialisme. Elles sont menées au mépris des masses irakiennes et des profondes traditions historiques de lutte ouvrière en Irak. Elles servent à miner la conscience sociale et à semer la confusion politique.

Un site internet islamiste a rapporté qu'un groupe s'appelant Organisation d'Al Qaïda pour la guerre sainte en Irak a revendiqué l'attentat de Hilla. Il est loin d'être clair si le groupe, à part son nom, mène une existence propre.

On ne peut exclure la possibilité que des forces loyales aux marionnettes pro-américaines telles que Ahmed Chalabi et Iyad Allawi aient mené de telles provocations afin d'attiser la violence intestine pour empêcher la mise en place d'un gouvernement d'où elles seraient exclues, et aussi maintenir un prétexte pour justifier l'occupation militaire américaine dont elles dépendent.

C'est dans la nature de tels attentats terroristes que l'identité précise des organisateurs et le caractère de leurs buts politiques ne soient pas entièrement discernables. Des attentats peuvent être perpétrés au nom d'organisations non-existantes pour faire avancer des objectifs cachés, y compris ceux de la CIA elle-même.

Mais ces tactiques ne sont nullement étrangères aux forces islamistes ni à ce qui reste du régime baatiste irakien. Les deux ont joué un rôle majeur à désorienter le large mouvement de résistance à l'occupation américaine qui a gagné le soutien non seulement de beaucoup d'Irakiens mais des peuples de tout le Moyen-Orient.

Ni les Baatistes, ni les islamistes, ne représentent les intérêts de la classe ouvrière et des opprimés. Le régime baatiste, comme le nationalisme bourgeois séculier dans tout le monde arabe, a sacrifié les besoins sociaux et les droits démocratiques élémentaires du peuple irakien pour faire valoir les intérêts d'une élite dirigeante. Il est tombé victime de la puissance impérialiste vers laquelle il s'était tourné dans le passé.

Les islamistes doivent leur montée avant tout à la faillite historique du nationalisme bourgeois. Ils ont été soutenus par Washington dans la lutte des années 80 contre le régime d'Afghanistan épaulé par l'Union soviétique, et ils continuent de recevoir au moins un soutien tacite de la part de certains éléments de l'élite saoudienne et d'autres régimes de la région, qui craignent l'émergence en Irak d'un état dominé par les Chiites. Tant les Baatistes que les islamistes seraient prêts à conclure une entente avec l'impérialisme si cela faisait avancer leurs propres intérêts mesquins.

Tels sont les buts sociaux rétrogrades qui sont poursuivis par le moyen criminel d'attentats-suicides contre des civils irakiens. Aucune de ces forces n'est capable de gagner un appui de masse - ni pour le rétablissement du régime baatiste, ni pour l'imposition d'une utopie islamiste réactionnaire comme celle des talibans en Afghanistan ou des moullas en Iran.

Ce qui sous-tend ces méthodes - dans la mesure où elles ne sont pas le produit d'une provocation impérialiste ou d'une tentative délibérée de provoquer une guerre civile ethnique - c'est le profond pessimisme partagé par ces deux forces et leurs défenseurs politiques. Elles rejettent de façon catégorique toute possibilité d'une lutte unifiée contre l'impérialisme qui soit basée sur la mobilisation politique consciente des masses irakiennes.

L'opposition du mouvement socialiste au terrorisme a une longue histoire et un solide fondement politique. Lénine, Trotsky et les autres dirigeants de la révolution d'Octobre 1917 ont forgé leur programme et leur perspective politiques justement dans la lutte contre la politique du terrorisme. Ils se sont opposés à de telles méthodes non pas du point de vue de la moralité abstraite, mais parce qu'elles ne servaient qu'à embrouiller la conscience politique et à ralentir la lutte politique indépendante de la classe ouvrière.

«À nos yeux, la terreur individuelle est inadmissible justement parce qu'elle minimise le rôle des masses dans leur propre conscience, amène celles-ci à se résigner à leur propre impuissance, et tourne leurs yeux et leurs espoirs vers un grand vengeur et libérateur qui viendra un jour accomplir sa mission», écrivait Trotsky dans son article de 1909, «Pourquoi les marxistes s'opposent au terrorisme individuel».

Trotsky et ses camarades, faut-il le rappeler, se battaient contre le terrorisme pratiqué par une couche de l'intelligentsia petite-bourgeoise russe, sous la forme de tentatives d'assassinats contre des ministres du Tsar, et non le massacre à grande échelle de gens pauvres et désarmés.

Bien que la lutte contre l'impérialisme dans un pays occupé doive inévitablement prendre des formes violentes, il est illusoire et réactionnaire de croire que des actions comme l'attentat de Hilla peuvent faire avancer cette lutte.

La question critique dans la lutte contre l'occupation américaine et sa tentative de recoloniser l'Irak est la montée d'un mouvement indépendant de la classe ouvrière irakienne, luttant pour s'unir aux travailleurs de toute la région et à l'échelle internationale sur la base d'un programme socialiste et internationaliste commun.

Face à un puissant mouvement de masse de travailleurs, les États-Unis seraient incapables de maintenir leur contrôle politique. La réaction des forces d'occupation américaines après que des dizaines de milliers de Chiites soient descendues dans les rues au début de 2004 pour exiger des élections directes était révélatrice. Confronté aux masses, l'impérialisme américain a dû battre en retraite et réviser ses plans.

L'effet pervers de la campagne d'attentats à la bombe est que la possibilité même de mobilisations de masse est minée par la menace omni-présente qu'elles s'attirent une violence anonyme.

La montée d'un mouvement véritablement indépendant de travailleurs irakiens ne peut prendre place que par une lutte irréconciliable contre les forces qui ont historiquement retenu la classe ouvrière. Il faut compter parmi celles-ci les gangsters du régime baatiste, les mouvements religieux qui nourrissent les sentiments politiques les plus arriérés, et le Parti communiste irakien, qui porte une responsabilité particulière pour le dilemme auquel sont présentement confrontés les travailleurs d'Irak.

Les staliniens du PC irakien ne sont restés conséquents avec eux-mêmes que dans leur détermination à bloquer l'indépendance politique de la classe ouvrière. Ils se sont intégrés au régime baatiste, malgré le massacre par les Baatistes de milliers de membres du parti après le coup d'état de 1963 appuyé par la CIA. Le PC irakien s'est accroché à Saddam Hussein jusqu'à ce qu'il lance une autre purge sanglante des staliniens en 1978-79. Le PCI est aujourd'hui un partisan de facto de l'occupation américaine, s'étant rallié au régime fantoche et ayant mis sur pied une fédération syndicale cautionnée par les Américains qui ne combat ni l'occupation ni la privatisation à grande échelle de l'économie irakienne.

Un nouveau parti politique de la classe ouvrière irakienne doit être bâti sur la base des expériences historiques et souvent tragiques des luttes socialistes et anti-impérialistes internationales du vingtième siècle. Il n'y a pas d'alternative à la construction d'un parti politique révolutionnaire de la classe ouvrière, basé sur une perspective internationaliste.

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