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CBS congédie des producteurs et des dirigeants pour la diffusion d'une émission anti-Bush

Par Patrick Martin
12 janvier 2005

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Le congédiement de la productrice Mary Mapes et les démissions forcées de trois responsables de réseau marque une nouvelle étape dans le processus qui vise à intimider et à discipliner les médias de masse pour que seule la propagande approuvée par le gouvernement soit diffusée au public américain. Ces quatre personnes ont été suspendues de leurs fonctions dans les heures qui ont suivi le dépôt d'un rapport du comité indépendant chargé d'enquêter sur les circonstances entourant la diffusion en septembre dernier de l'émission «60 Minutes». Il y avait été allégué que Bush, à cause de ses contacts politiques, avait reçu un traitement de faveur dans la Garde nationale aérienne du Texas pendant la guerre du Vietnam.

Le comité, composé de deux personnes, Richard Thornburgh, procureur général pendant le premier mandat de Bush et Louis Bocciardi, l'ancien président d'Associated Press, a fait état de nombreuses failles dans la méthodologie et dans la recherche pour la préparation de l'émission du 8 septembre. Le volumineux rapport désigne Mapes comme bouc émissaire: ses actions sont présentées de la manière la plus disgracieuse, c'est-à-dire comme étant de la distorsion volontaire d'informations et même de la fabrication, en plus d'avoir menti à ses superviseurs et à ses collègues journalistes.

Les trois dirigeants qui la chapeautaient, la vice-présidente Betsy West, le producteur exécutif de « 60 Minutes Wednesday », et son adjointe, Mary Murphy, sont critiqués à prime abord pour leur incapacité à superviser correctement. Le lecteur de nouvelles de CBS, Dan Rather, qui était le journaliste qui animait le reportage, est aussi critiqué, mais plus pour avoir défendu avec acharnement l'émission que pour ce qu'il avait fait dans son élaboration. Rather a déclaré en novembre qu'il prendrait sa retraite en mars 2005 et le président du CBS, Leslie Moonves, a affirmé dans une déclaration sur le rapport que c'était une sanction suffisante pour Rather.

Cette distribution du blâme laisse de côté le président des actualités chez CBS, Andrew Heyward : Selon CBS, il a donné des instructions à West et Howard, qu'ils n'ont pas suivies. Moonves a défendu Heyward comme étant l'homme approprié pour son poste, même s'il a visionné le segment de «60 Minutes» avant sa diffusion et qu'il l'avait approuvé.

Mapes a déclaré qu'elle était «choquée par la férocité avec laquelle Leslie Moonves l'avait désignée comme bouc émissaire » et « était concernée par le fait que ses actions sont motivées par des intérêts politiques et privées, plutôt que par le journalisme». Elle a dit qu'elle avait informé ses superviseurs à toutes les étapes du processus qui a mené à la diffusion de cette nouvelle.

«Contrairement aux conclusions du comité, j'ai examiné minutieusement les aspects du reportage avec mes éditeurs, » a-t-elle écrit. « En fait, comme je l'ai toujours fait avec mes éditeurs, je leur ai tout dit Si un crime journalistique a été commis, ce n'est pas par moi.»

Il y a de sérieux indices que Rather et Mapes soient tombés dans un piège posé par des personnes venant du milieu politique de la droite qui ont fourni des documents frauduleux à Mapes avec l'espoir qu'ils seraient utilisés et qu'ils seraient par la suite exposés comme des documents falsifiés. En même temps, la chaîne serait discréditée et l'allégation selon laquelle Bush aurait utilisé ses connections familiales pour ne pas faire son service au Vietnam et qu'il n'aurait pas rempli correctement ses obligations envers la Garde nationale aérienne seraient politiquement discréditées. Cependant, avec ou sans les documents apparemment falsifiés utilisés dans «60 Minutes» (le rapport du comité indépendant d'enquête ne prend pas position sur l'authenticité des documents), il y a plusieurs informations pour appuyer de telles allégations.

De toute façon, le scandale qui a émergé après la diffusion de l'émission en septembre sur le service militaire de Bush pendant la guerre du Vietnam fut suffisant pour intimider CBS au point qu'il annule un autre documentaire à l'émission «60 Minutes» qu'il était supposé de diffuser avant les élections de novembre. Cette émission portait sur l'utilisation par l'administration Bush de documents falsifiés pour promouvoir son affirmation d'avant-guerre selon laquelle l'Irak aurait essayé d'acheter de l'uranium provenant du Niger.

Toute cette histoire démontre la remarquable naïveté politique et le manque de sérieux politique de la part des deux journalistes libéraux. Mais il y a une question beaucoup plus importante: CBS s'est débarrassé de quatre personnes, tous avec beaucoup d'ancienneté, à cause d'un seul cas de mauvais jugement ou d'insouciance. Mapes était considérée comme une des productrices les plus talentueuses et les plus agressives de la section des nouvelles de CBS. Elle est la première qui avait rapporté les photos de la prison d'Abou Ghraib, mais cela n'a pas sauvé son emploi (bien qu'il ait augmenté la probabilité qu'elle était ciblée par la droite pour des représailles).

Mais de tels traitements n'ont pas été infligés à ceux dans l'administration Bush qui sont coupables d'actes beaucoup plus graves de mépris pour la vérité ou de fabrication délibérée. Aucun officiel du gouvernement n'a été congédié ou n'a été forcé de se retiré à cause des mensonges sur les armes de destructions massives en Irak, sur les fausses accusations de liens entre Saddam Hussein et al Qaeda et les explications continuellement changeantes et contradictoires de ce que l'administration Bush faisait dans les mois précédant les attaques terroristes du 11 septembre 2001.

Au contraire, les menteurs en chef ont été promus. Condoleeza Rice, qui a joué un rôle de premier plan en essayant d'effrayer le peuple américain en leur faisant croire que Saddam Hussein pourrait fournir une arme nucléaire aux terroristes pour qu'ils l'utilisent contre les Etats-Unis, sera secrétaire d'État.

Son adjoint, Stephen Hadley, a admis qu'il était celui à cause de qui l'Irak avait faussement été accusé de tenter d'acheter de l'uranium en Afrique dans le discours sur l'État de l'Union de Bush de 2003. Il sera promu au poste de conseiller à la sécurité nationale en remplacement de Condoleeza Rice.

Personne n'a été congédié à la CIA pour les faux rapports sur l'Irak. Le secrétaire adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz, un des plus ardents défenseurs de la guerre en Irak qui avait déclaré que le peuple irakien accueillerait les soldats américains en lançant des fleurs sur leurs pas, « comme à Paris en 1944 », demeurera à son poste pendant le deuxième mandat de Bush. Même chose pour son patron, Donald Rumsfeld, dont les mensonges sur l'Irak, sur les armes de destruction massive, sur la prison d'Abou Ghraib et sur les progrès du régime d'occupation des Etats-Unis prendraient un livre entier à décrire.

Après, bien sûr, viennent les menteurs en chef, le président Bush et le vice président Cheney. La Maison blanche était tellement inquiète des dommages à sa crédibilité et de potentielles accusations de faux serments, qu'elle a insisté pour que les deux témoignages devant la commission d'enquête sur le 11 septembre soient donné à huis clos, sans qu'on en fasse la transcription et sans enregistrement et sans avoir à jurer de dire la vérité. De plus, elle a insisté pour que les deux témoignages soient rendus en même temps à la même séance, pour que leurs histoires concordent.

Le porte-parole de la Maison blanche, Scott McClellan a dit en réponse aux gestes de CBS, « Nous avons toujours senti qu'il était important pour CBS d'aller jusqu'au fond de l'affaire. CBS a pris des mesures pour rendre les gens responsables et nous apprécions ces mesures. »

Personne dans le corps des journalistes intimidés et complaisants de la Maison blanche lui ont demandé pourquoi des têtes ont roulé dans un réseau de télévision pour une histoire qui, peu importe ces défauts, n'a pas eu d'autre impact qu'embarrassé Bush, mais qu'aucune tête n'avait roulé à Washington pour les mensonges qui ont mené à la mort de dizaines de milliers d'Irakiens et de près de 1400 soldats américains.

Ensuite, il y a la tromperie systématique mise de l'avant par les médias de masse dans leur ensemble en relation avec la guerre. Si les mesures prises par CBS sur les ratés de l'émission «60 Minutes» étaient appliquées aux médias américains dans leur ensemble sur le rôle qu'ils ont joué dans la promotion de la guerre en Irak au peuple américain, des centaines de journalistes et de dirigeants seraient sommairement congédiés au New York Times, au Washington Post, à ABC, à NBC, à CBS et à PBS, sans mentionner tout ceux qui ont organisé et administré la désinformation régurgitée par le noyau de droitistes à Fox.

Mais Judith Miller, revendeuse en chef des falsifications de la CIA sur l'achat de tubes d'aluminium pour construire des armes nucléaires, travaille toujours au Times. D'autres fiévreux propagandistes écrivent toujours leurs articles : Thomas Friedman au Times, Jim Hoagland au Post.

Il y a, en fait, d'étroits parallèles entre d'un côté les failles de cette émission de «60 Minutes», telles que rapportées par Thornburgh-Bocciardi, et de l'autre la conduite de l'administration Bush pendant sa campagne de propagande pour mobiliser l'opinion publique derrière la décision d'aller en guerre contre l'Irak.

Mapes est réprimandée pour ne pas être capable d'authentifier les documents sur le service de Bush. L'affirmation de la Maison blanche selon laquelle l'Irak cherchait à obtenir de l'uranium de l'Afrique était basée sur des documents fournis par la CIA par les services du renseignement italiens qui se sont plus tard avérés fabriqués.

CBS est critiqué pour ne pas avoir examiné minutieusement le biais politique de l'informateur, le Lieutenant colonel à la retraite Bill Beckett, qui a fourni les documents sur Bush. L'administration Bush, pour affirmer que l'Irak avait des laboratoires d'armes biologiques mobiles, s'était basé sur le témoignage d'un seul informateur irakien, qui s'est avéré plus tard être le frère d'un membre haut placé du Congrès national irakien, l'organisation en exil dirigée par Ahmed Chalabi qui a été impliquée dans de multiples fabrications visant à faciliter l'invasion américaine.

Rather a été critiqué pour avoir refusé de prendre en compte la critique de l'émission «60 Minutes» pendant presque deux semaines après sa diffusion. L'administration Bush n'a jamais répondu à aucune des expositions de sa multitude de mensonges sur l'Irak, sauf pour leur ajouter d'autres mensonges, sans même qu'elle ne tente de rendre le nouveau mensonge compatible avec le premier. Bush, Cheney, Rumsfeld et compagnie agissent selon la maxime de Joseph Goebbels, propagandiste d'Hitler : « Si vous dites les même mensonge assez souvent, les gens vont le croire; et plus grand est le mensonge, mieux c'est. »

La Maison blanche a bloqué toute enquête sur sa conduite avant et pendant les attaques du 11 septembre pendant près de deux ans. Elle a aussi ralenti l'enquête sur les faux rapports d'informations utilisés pour justifier la guerre en Irak tant et si bien que la commission présidentielle qui a fini par être formée ( elle est composée de droitistes partisans de la guerre) ne délivra son rapport avant le printemps 2005, plus de deux ans après l'invasion de l'Irak.

La purge de la section des nouvelles de CBS aura de sérieuses implications. Elle va avoir un effet d'intimidation sur ce qui reste de reportage indépendant et de commentaire critique dans les médias de masse américains. Une indication de cela est l'unique action concrète qu'a entreprise par le réseau en plus des congédiements: la création d'un nouveau poste pour surveiller la programmation controversée. Ce nouveau poste de «vice-président des projets standards et spéciaux» auraient du être appelé, si les règles d'étiquetage exact s'appliquaient, «chef de la censure pro-gouvernementale et de la chasse aux sorcières interne».

Selon la déclaration de Moonves, le président de CBS, « Le responsable des projets standards sera identifié comme étant celui auquel, à la section des nouvelles de CBS, les employés peuvent communiquer sur une base confidentielle, sans danger de représailles, s'ils pensent qu'une émission devant être télédiffusée ne rencontre pas les standards d'exactitude et d'objectivité de la section des nouvelles de CBS.»

En d'autres mots, des journalistes de CBS qui travaillent sur des projets pouvant résultés en critique ou en dénonciation de l'administration Bush et du gouvernement américain seront la cible d'informateurs anonymes, soit des sympathisants politiques de Bush ou des carriéristes souhaitant se faire du capital professionnel en mouchardant leurs collègues.


 

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