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Canada : les sociaux-démocrates volent au secours du régime assiégé des Libéraux

Par Keith Jones
(Article original paru le 7 mai 2005)

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Les sociaux-démocrates canadiens se sont portés au secours d'un gouvernement libéral qui a, durant la quasi totalité de ses 12 ans de pouvoir, adopté la ligne dure contre l'État providence, rogné les droits démocratiques et redistribué les richesses en faveur de la grande entreprise et des riches en réduisant drastiquement les taxes.

Cinq jours après l'appel du Premier ministre Paul Martin à la télévision nationale demandant que son gouvernement puisse demeurer au pouvoir au moins jusqu'au dépôt du rapport final de la commission d'enquête publique sur le scandale de corruption, le chef du Nouveau Parti Démocratique (NPD), Jack Layton, annonçait que lui et Martin avaient conclu une entente parlementaire de principe.

Les sociaux-démocrates ont promis que leurs 19 députés allaient se joindre aux Libéraux afin de faire adopter le budget fédéral et contrer les tentatives des Conservateurs et du Bloc Québécois, parti indépendantiste québécois, de forcer des élections en juin. En retour, les libéraux s'engagent à faire des changements à leur budget - un budget si à droite qu'il avait reçu l'assentiment du chef Conservateur, Stephen Harper.

Selon l'accord budgétaire NPD-Libéral, le gouvernement va augmenter les dépenses sociales de 4,6 milliards au cours des deux prochaines années et reformuler son plan de coupures de taxes pour les sociétés devant prendre effet en 2008-2009 afin d'éliminer certaines des coupures destinées à la grande entreprise.

Le caractère modeste de ces changements contraste avec l'opposition véhémente qu'elles ont suscitée de la part de la grande entreprise et des grands médias. «La réputation du Canada pour investir et faire des affaires» a été «ternie», déclarait Hughes Anthony, président de la chambre de commerce du Canada. «Nous faisons affaire avec le Premier Ministre Layton maintenant», déclarait un autre représentant de la grande entreprise au Globe and Mail.

Cette réaction viscérale démontre que la grande entreprise est déterminée à imposer aux politiques gouvernementales un virage encore plus à droite.

La grande entreprise canadienne a appuyé la campagne menée par Paul Martin pour remplacer Jean Chrétien à la tête du Parti Libéral du Canada et comme Premier ministre dans l'espoir de voir cet homme d'affaires multimillionnaire répéter sa performance comme ministre des Finances, fonction sous laquelle il a imposé les plus importantes réductions dans les dépenses publiques et les plus importantes coupures de taxes dans l'histoire canadienne. Cependant, l'élite canadienne des affaires est déçue de Martin, qui est devenu premier ministre en décembre 2003. La presse l'accable régulièrement d'être «indécis», à cause de son incapacité à défier l'opinion publique pour imposer l'agenda pro patronal qui consiste à imposer un système de santé à deux vitesses, des coupures de taxes modelées sur celles du gouvernement Bush et le développement de relations géopolitiques et économiques plus étroites avec l'impérialisme américain.

Des sections clés du capital canadien considèrent maintenant sérieusement appuyer les tentatives des conservateurs de gagner le pouvoir en multipliant les allégations et dénonciations à propos de la corruption libérale, occultant ainsi toute discussion sur le programme néolibéral des conservateurs, leur lien avec la droite religieuse et le parti Républicain aux États-Unis. Des doutes subsistent néanmoins sur cet appui, principalement à cause de la position des conservateurs sur la question de l'augmentation des pouvoirs et de l'autonomie des provinces et à cause de leur volonté à vouloir travailler de concert avec le parti séparatiste du Bloc Québécois, puisque ces mesures risquent d'affaiblir le principal outil utilisé par la bourgeoisie canadienne pour diriger, l'État fédéral.

Quelle que soit l'issue de ces tractations au cours des prochaines semaines et peut importe qui formera ultimement le prochain gouvernement à l'issue de cette crise politique, la classe ouvrière va faire face à une nouvelle offensive de la grande entreprise contre ses droits fondamentaux et ses conquêtes sociales. La bourgeoisie canadienne, et cela se trouve au cur de la présente crise politique, craint d'être en train de perdre du terrain dans la lutte toujours plus intense pour le contrôle des parts du marché global, des profits, de sources de main d'uvre pas chère à exploiter et dans son positionnement géopolitique.

Une seconde conclusion, qui est non moins fondamentale, est que les organisations qui ont historiquement prétendu parler au nom de la classe ouvrière, les syndicats et le NPD, ont répondu à la crise politique en se joignant encore une fois à l'une ou l'autre des factions de la grande entreprise. Alors que le NPD, avec l'appui du Congrès du Travail du Canada (CTC), s'est rallié au gouvernement libéral dirigé par Martin, les syndicats du Québec se sont alignés avec le Bloc québécois, et son frère siamois au sein de l'assemblée nationale du Québec, le Parti québécois (PQ) et, par le biais de ces partis, se sont associés avec l'offensive des conservateurs pour déloger les libéraux et porter au pouvoir un gouvernement conservateur. Durant ses années à la tête du gouvernement provincial de 1976 à 1985 et de 1994 à 2003, le PQ a su étaler toute sa servilité envers les banques torontoises et les institutions financières de Wall Street et s'illustrer comme représentant des intérêts de la grande entreprise québécoise. Malgré cela, la direction officielle de la bureaucratie syndicale au Québec, continue de présenter le BQ et le PQ comme des amis des travailleurs et, dans le respect de la perspective des politiciens indépendantistes, préfère un gouvernement fédéral conservateur plutôt que libéral. Et ce, parce que les conservateurs sont en faveur d'une plus grande décentralisation qui donnerait plus de pouvoir au Québec et à toutes les autres provinces. Aussi, parce qu'elle calcule qu'un parti Conservateur dédié aux politiques d'extrême droite avec une base dans le mouvement fondamentaliste protestant et un passé anglo-chauvin, serait une cible de choix pour rallier l'appui pour l'indépendance du Québec.

Le Budget NPD-Libéral

Le NPD et la direction syndicale dans le Canada anglais ont présenté le budget modifié NPD-Libéral comme la preuve qu'ils étaient capables d'arracher des concessions aux Libéraux et ainsi contribuer au progrès social.

En réalité, l'augmentation de 2,3 milliards dans les dépenses pour le logement, l'éducation post-secondaire et l'environnement ne constitue qu'une augmentation de moins de 2% des dépenses fédérales et ce, même en ajoutant dans le calcul les intérêts sur la dette payés annuellement par le gouvernement. En ce qui concerne les coupures de taxes corporatives, les libéraux ont eux-mêmes promis de les rétablir d'entièrement aussitôt qu'ils auraient l'appui parlementaire requis. Ils ont même proposé une alliance avec les conservateurs pour faire adopter une loi réintroduisant les coupures de taxes pour la présente session parlementaire.

Le budget modifié avec l'appui du NPD ne remet pas en question l'orientation fondamentale du gouvernement consistant à réduire la taille des services sociaux; couper les taxes corporatives et celles des riches; augmenter le budget de l'appareil militaire et policier; prioriser le remboursement de la dette fédérale plutôt que les dépenses sociales et réorienter les dépenses gouvernementales d'un programme de redistribution des revenus à un programme d'investissement «productif» dans les infrastructures et le développement d'une force de travail plus productive.

Le NPD, il faut le dire, a essentiellement poursuivi le même agenda lorsqu'il était au pouvoir en Ontario, Colombie Britannique, Saskatchewan et le Manitoba au cours des 15 dernières années. Dans une lettre ouverte, exhortant les vertus de son accord avec Martin, Layton répète à plusieurs reprises que son budget est « fiscalement responsable» et ne causera pas de déficit.

Selon un communiqué de presse, Buzz Hargrove, le président du syndicat canadien de l'automobile (CAW) et Ken Georgetti, président du CTC ainsi que d'autres dirigeants syndicaux, aurait joué un rôle déterminant en pressant le chef du NPD de conclure une entente avec les libéraux. Ils auraient menacé de retirer leur appui financier au NPD aux prochaines élections fédérales s'il échouait dans son effort de sauvetage des libéraux.

Il n'y pas de raison de douter de l'exactitude de ces communiqués. Il faut dire cependant que le NPD a une longue histoire de copinage avec les libéraux, principal parti gouvernant de la bourgeoisie canadienne. Les élection de 2004 venaient à peine de produire un gouvernement minoritaire, que Layton spéculait sur la possibilité de se voir ministre au sein d'un gouvernement dirigé par les libéraux.

En justifiant son accord budgétaire avec les libéraux, le NPD a mis l'accent sur les gains sociaux. C'est pour des raisons tactiques. La direction du NPD craint que si elle ébruite le fait que l'alliance avec les libéraux visait à éviter l'arrivée des conservateurs, que cela pourrait bien mener de nombreux électeurs potentiels du NPD à conclure qu'il est préférable de voter pour les libéraux aux prochaines élections pour éviter une victoire conservatrice.

Mais il ne fait pas de doute que l'entente avec les libéraux était largement motivée par la crainte au sein des sociaux-démocrates et des cercles syndicaux, qu'un gouvernement conservateur ne provoque une explosion de la lutte de classe et qu'il affaiblisse l'état fédéral.

La bureaucratie syndicale est hantée par l'expérience en Ontario sous le gouvernement conservateur de Mike Harris. L'assaut anti-ouvrier du gouvernement Harris avait provoqué une vague de grèves et de manifestations de masse que la bureaucratie syndicale avait étouffée parce qu'elle craignait qu'elle ne devienne le point de départ d'une radicalisation de la classe ouvrière qui risquait d'entraîner les travailleurs en dehors du cul-de-sac de la politique parlementaire et de la négociation syndicale et se développer en un véritable défi à l'ordre social et politique établi.

Il ne fait pas de doute que les conservateurs expriment plus ouvertement, au moins sur plusieurs aspects, les prescriptions politiques de la grande entreprise. Mais si les libéraux ont été le principal parti au pouvoir de la bourgeoisie canadienne depuis 1896, c'est parce que fois après fois la classe dirigeante a trouvé que les libéraux étaient leur meilleur outil pour appliquer leur agenda et ce, parce que les libéraux se présentaient moins ouvertement comme parti de la grande entreprise et que depuis la seconde guerre mondiale, ils sont associés à l'État providence.

Au cours des 12 dernières années, les libéraux ont régulièrement utilisé les Mulroney-Kim Campbell du parti progressif conservateur, les partis populistes de droite, le parti réformiste et l'Alliance canadienne et maintenant Stephen Harper, comme épouvantails de droite. Ils ont gagné les quatre dernières élections en se présentant contre les propositions «mal intentionnés» de la droite, pour ensuite appliquer des pans entiers du programme conservateur, réformiste et allianciste. C'est le gouvernement de Martin et Chrétien qui a appliqué la taxe sur les produits et services (TPS) de Mulroney, l'appel des réformistes à éliminer le déficit annuel et l'appel de l'Alliance canadienne en faveur de coupures de taxes massives.

Il ne fait pas de doute que les libéraux calculent que leur présente alliance avec le NPD va les aider pour l'élection à venir en leur permettant de ranimer leur image progressiste.

Le rejet par le NPD de sa traditionnelle politique réformiste keynésienne, exprimé par le gloussement de Layton sur une pitance de seulement 2% d'augmentation dans les dépenses gouvernementales dans un contexte d'accroissement des inégalités, de la faim et de l'insécurité économique; l'offensive du gouvernement de Martin et Chrétien contre l'État providence; et l'émergence d'un parti conservateur qui prend pour modèle les républicains américains, tout ceci indique que la politique officielle au Canada a pris un virage marqué vers la droite et que la classe ouvrière ne peut défendre ses intérêts dans le cadre politique existant.

Le Parti de l'égalité socialiste (Canada) lutte pour la construction d'un nouveau parti de masse de la classe ouvrière qui refuse d'accepter la subordination de ses besoins à la course aux profits des compagnies. Il s'oppose à tous ceux qui font la promotion du nationalisme canadien ou québécois, et ce faisant, lient la classe ouvrière à l'une l'autre des factions de la classe dirigeante. Il se fait le champion de la lutte pour unifier les travailleurs du monde contre le capital international et son système dépassé de l'état-nation.

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