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Le vote sur le budget laisse le gouvernement libéral suspendu à un fil

Par Keith Jones
Article original publié le 26 mai 2005

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Le 19 mai dernier, le gouvernement minoritaire libéral a évité de justesse la défaite aux Communes, le président de la Chambre faisant pencher la balance par une voix lors du vote sur le budget.

Les scènes montrant un Paul Martin jubilant, célébrant la victoire de son gouvernement avec ses collègues libéraux, ne changeront rien au fait que le vote de mardi dernier n'a pas résolu ou amoindri la crise politique. Le gouvernement ne tient toujours qu'à un fil. De plus, l'opposition officielle conservatrice et le système politique de la bourgeoisie canadienne ont sévèrement été endommagés par la campagne d'allégation de corruption menée par les conservateurs pour renverser le gouvernement.

Le Parti conservateur était déterminé à forcer des élections en juin, parce qu'il voyait dans les récentes révélations devant la commission Gomery leur meilleure et dernière chance de saisir le pouvoir. Plusieurs témoins entendus devant la commission ont déclaré que des représentants officiels et des travailleurs de la section québécoise du Parti libéral du Canada avaient remplis leurs poches et les coffres du parti en siphonnant l'argent d'un programme de commandites fédérales. En faisant des prochaines élections un référendum sur la corruption, l'intention des conservateurs était d'éviter un débat public sur leur propre plateforme de droite et leurs liens intimes avec l'administration Bush et la droite religieuse.

Alors que dans son ensemble, la grande entreprise était prête à appuyer les conservateurs, même s'ils devait s'allier avec le Bloc québécois (BQ), un parti prônant l'indépendance du Québec, la population se montrait de plus en plus hostile à la tentative des conservateurs de prendre le pouvoir. Les sondages ont indiqué à maintes reprises que l'appui des conservateurs n'atteignait pas le tiers de l'électorat. L'incapacité des conservateurs à solidifier leur appui populaire a incité plusieurs partisans des conservateurs dans les médias à suggérer quelques jours avant le vote qu'une victoire du gouvernement pourrait bien être un soulagement pour les conservateurs.

Le décompte du vote appuyant le projet de loi sur le budget allait ainsi : 131 libéraux, incluant Belinda Stronach, l'ex-dirigeante du géant de pièces automobiles Magna International, passé aux libéraux deux jours avant le vote; 19 députés sociaux-démocrates du Nouveau Parti démocratique (NPD); une indépendante, expulsée du caucus libéral pour avoir ridiculisé Martin et Georges Bush; un conservateur, réélu comme indépendant après n'avoir pas réussi à devenir candidat conservateur pour sa circonscription électorale; et le dernier mais non le moindre, le président de la Chambre.

Les 98 députés conservateurs et les 54 députés bloquistes ont tous voté pour défaire le gouvernement.

Les grands médias ont répondu au vote en conviant les conservateurs à accepter les résultats et à repousser toute nouvelle tentative de renverser le gouvernement à tout le moins jusqu'à la reprise des travaux du Parlement en septembre prochain. Les éditorialistes ont noté qu'une élection devait inévitablement avoir lieu avant février prochain. (Dans un discours à la nation le 21 avril dernier, Martin a promis de déclencher les élections trente jours après le dépôt du rapport de l'enquête publique sur le scandale des commandites. Ce rapport doit être déposé avant la fin de l'année.)

Il est loin d'être certain que les conservateurs, dirigés par l'idéologue néo-conservateur Stephen Harper, se plient à la demande des médias. Des voix influentes de l'establishment ont dit et répété leurs préoccupations qu'une campagne se concentrant sur la corruption n'affecte la confiance du public envers l'establishment politique dans son entier et ne serve qu'à mousser l'appui au Bloc québécois et à la cause de l'indépendance. Mais Harper continue de faire de la corruption des libéraux son principal cheval de bataille. Les premiers commentaires de Harper après le vote de mardi furent pour accuser le Parti libéral d'être une organisation criminelle qui, de plus, pour garder le pouvoir a «fatalement miné son engagement pour une fiscalité responsable.»

Selon l'agence de presse CanWest News Service, Harper aurait dit à son caucus que si les conservateurs avaient réussi à renverser le gouvernement, le principal item de la plateforme électorale aurait été l'élargissement du mandat du juge Gomery qui préside l'enquête sur le scandale des commandites pour qu'il soit investi du pouvoir de suggérer le dépôt d'accusations criminelles et d'enquêter sur d'autres contrats de publicités fédéraux, incluant des contrats octroyés par le ministère des Finances dirigé à l'époque par Paul Martin.

S'ils le voulaient, les conservateurs et le BQ pourraient monter une demi douzaine de tentatives pour faire tomber le gouvernement sur des «questions de confiance» avant que le Parlement ne suspende ses activités pour l'été en juin.

Une élection partielle qui a eu lieu jeudi passé a rendu la position des libéraux à la Chambre des communes un peu moins périlleuse. Mais étant donné la faible marge avec laquelle les libéraux ont gagné le vote sur le budget et la volatilité de la situation politique, il est loin d'être certain que le gouvernement ne survive le prochain mois.

Les racines de la présente crise

À la base, la crise politique canadienne a deux causes. La première cause, la plus fondamentale, réside dans le fossé grandissant qui sépare la trajectoire politique réactionnaire de la grande entreprise et les besoins et aspirations de la classe ouvrière. À cause de la servilité du mouvement ouvrier officiel, c'est-à-dire, les syndicats et le NPD, au système de profit, la frustration populaire et l'insatisfaction n'ont pas trouvé d'expression positive cohérente. Mais il y a des signes d'une radicalisation politique, notamment les manifestations anti-guerre du début 2003 et la grève des étudiants au Québec de cette année. Les porte-parole de la classe dirigeante ont été forcés d'admettre qu'il y une profonde et selon eux, dangereuse aliénation populaire de la politique officielle.

La deuxième cause est la pression qu'exerce sur l'État-nation canadien l'intégration de plus en plus complète de son économie avec celle des États-Unis et l'éruption d'une nouvelle lutte entre les impérialistes pour les marchés, les ressources, les sources de main d'oeuvre à bon marché et pour les avantages géopolitiques. Le développement d'une «économie continentale» déstabilise les relations entre les différentes sections régionales de la bourgeoisie canadienne, même si la section la plus puissante cherche à projeter sa puissance sur l'arène mondiale à travers l'État fédéral.

L'élite dirigeante canadienne est insatisfaite de ces deux principaux partis politique. Ce fait a trouvé son expression dans le titre de l'éditorial publié dans le Globe and Mail (le principal organe des banques et maisons financières du Canada) deux jours après le vote sur le budget : « Harper et Martin deux pis-aller.»

Selon le monde des affaires canadien, ni l'un ni l'autre des deux dirigeants n'a réussi à démontrer sa volonté et sa capacité de préparer et de mener l'assaut contre la position sociale de la classe ouvrière tel que demandé dans les rapports publiés par le Conseil canadien des chefs d'entreprises, l'Institut Fraser et d'autres groupes de pressions et de réflexions.

Bien qu'il y ait des différences, dans certains cas significatives, sur la manière d'aller de l'avant face à la résistance populaire, il y a un consensus au sein de l'élite sur la nécessité de démanteler ce qui reste de l'état-providence, d'intensifier le transfert de la richesse des pauvres vers les riches et d'assurer au Capital canadien un meilleur «accès mondial». Les principales prescriptions politiques de la grande entreprise incluent : réduire les taxes et les impôts pour les entreprises et les riches; réduire la réglementation sur l'environnement et les relations de travail; développer l'implication du secteur privé et des profits dans le domaine de la santé et transférer une plus grande part du fardeau financier de la santé vers les individus et les familles; réduire la proportion des dépenses étatiques dans les secteurs «non productifs» de la santé et des programmes de soutien au revenu et augmenter la part investie dans les infrastructures publiques et le développement d'une force de travail plus «concurrentielle»; augmenter significativement les dépenses militaires pour permettre une plus grande participation dans les missions de pacification de type colonial et les missions de «stabilisation»; forger un bloc militaire, économique et géopolitique encore plus étroit avec les États-Unis.

La grande entreprise comptait sur Martin pour mettre en oeuvre ce programme, c'est pourquoi elle l'a appuyé dans sa campagne pour déloger le premier ministre et chef du Parti libéral Jean Chrétien. Après tout, ce multimillionnaire du transport maritime, alors qu'il était ministre des Finances entre 1993 et 2002, n'avait-il pas imposé les plus importantes coupures de l'histoire canadienne dans les dépenses sociales pour ensuite dévoiler un plan de diminutions des impôts de 100 milliards échelonnées sur 5 ans?

Mais l'élite du monde des affaires canadien est de plus en plus insatisfaite de Martin, l'accusant de tergiverser et de manquer de leadership, en d'autres mots de refuser d'affronter l'opinion publique, sur des questions comme la participation canadienne au bouclier anti-missile.

Quant au Parti conservateur (une nouvelle formation politique née du mariage il y a moins de 18 mois entre ce qui restait du Parti progressiste-conservateur et du parti populiste de droite de l'Alliance canadienne), du point de vue d'une section importante de la grande entreprise, il a encore à faire ses preuves en tant qu'instrument fiable et capable d'imposer des mesures draconiennes et impopulaires.

En ce qui concerne les questions sur les rapports Canada/États-Unis et les diminutions d'impôts, la politique des conservateurs est plus proche des souhaits de la grande entreprise. Mais des sections importantes de l'élite considèrent que les liens de Harper avec la droite religieuse posent problème parce que cette question pourrait devenir le point de ralliement d'un mouvement d'opposition à un gouvernement conservateur. Plus important, les élites sont inquiètes qu'un gouvernement conservateur affaiblisse l'État fédéral avec sa politique de décentralisation des pouvoirs vers les provinces. Cette inquiétude est d'autant plus grande considérant que Harper est depuis longtemps associé aux demandes de l'Ouest (plus précisément de l'élite du monde des affaires et du monde politique de l'Ouest canadien, particulièrement de la province de l'Alberta riche en pétrole) pour plus d'autonomie et pour plus de pouvoir dans l'élaboration des politiques nationales.

La volonté de Harper à s'allier avec le BQ au cours des dernières semaines et à salir le nom du Parti libéral, le parti dirigeant traditionnel de la bourgeoisie canadienne et le seul parti qui peut prétendre avoir une base nationale, a soulevé des questions au sein des cercles dirigeants sur la capacité de «jugement» de Harper.

Belinda Stronach est un poids plume politique qui doit sa position politique à la fortune de son père et aux médias. Mais lorsqu'elle a condamné la stratégie de Harper de s'allier avec le Bloc, elle exprimait les réserves de plusieurs personnes du milieu des affaires qu'elle fréquente.

Il est significatif de noter que la plupart des éditoriaux qui ont critiqué Harper et les conservateurs le faisaient de la droite. Autant David Asper, le président et copropriétaire du journal néo-conservateur le National Post, et le bureau éditorial du Globe and Mail ont critiqué les conservateurs pour ne pas avoir assez vigoureusement défendu les diminutions d'impôts et les compressions des dépenses sociales. «Il y a beaucoup de marge de manoeuvre, déclare le Globe, pour un parti de centre droit qui prendrait position pour le conservatisme fiscal, la compétitivité et la prospérité qui soutiennent les programmes sociaux.» Mais plutôt, Harper «avait l'air de sortir d'une boîte à surprise pour dire «moi aussi» lorsque Martin dépensait plus pour les garderies, l'environnement et les villes.»

La crise politique actuelle est le fruit de l'intensification rapide de la lutte de classe. Le danger réside dans le fait qu'alors que la bourgeoisie lutte pour se doter d'un instrument politique destiné à réduire ce qui reste des conquêtes sociales de la classe ouvrière, les organisations qui prétendent parler au nom des travailleurs font tout ce qu'ils peuvent pour les maintenir liés à l'ordre social existant.

Répondant aux demandes pressantes du Congrès du travail canadien (CTC), le NPD a forgé une alliance parlementaire avec les libéraux. En conséquence, les sociaux-démocrates soutiennent maintenant un gouvernement qui, depuis les douze années qu'il est au pouvoir, a imposé systématiquement, bien qu'à la pièce, les politiques socio-économiques du Parti réformiste et de ses successeurs, l'Alliance canadienne et le Parti conservateur.

Combien à droite est aujourd'hui le NPD est bien illustré par la campagne qu'il a mené lors des élections provinciales en Colombie-Britannique qui ont eu lieu ce mois-ci. La dirigeante du NPD, Carole James, a critiqué le gouvernement libéral de Gordon Campbell, gouvernement qui a attaqué les syndicats, comprimé le budget et diminué les impôts, pour être «trop porté sur la confrontation». Mais elle déclarait du même souffle qu'un régime néo-démocrate laisserait en grande partie intactes les «réformes» de Campbell. Pour mieux plus attrayante pour la grande entreprise, James a critiqué l'ensemble des précédents gouvernements néo-démocrates de Colombie-Britannique pour avoir été fiscalement irresponsables et pour avoir été biaisés en faveur des syndicats.

Alors que le CTC et le NPD au niveau fédéral se sont rangés derrière le gouvernement libéral de Martin, les syndicats au Québec font la promotion du Bloc québécois et de son parti frère au niveau provincial, le Parti québécois (PQ). Au pouvoir, le PQ a mis en oeuvre des politiques socio-économiques très semblables à celles de leurs opposants politiques, Martin et Chrétien.

En supportant le BQ et le PQ, les syndicats québécois viennent aider la campagne des conservateurs pour renverser les libéraux et pour mettre au pouvoir un gouvernement qui prendra l'administration Bush comme modèle.

Parce que la bureaucratie ouvrière a supprimé la lutte de classe et divisé la classe ouvrière, la grande entreprise et ses gouvernements ont réussi tout au long du dernier quart de siècle à imposer des politiques auxquelles la majorité de la population s'opposait férocement. Pour empêcher une nouvelle ronde de revers importants, les travailleurs doivent adopter une nouvelle perspective qui s'opposera à la subordination des besoins humains aux profits de la grande entreprise et qui cherchera consciemment à unir les luttes des travailleurs à travers le Canada avec celles des travailleurs aux États-unis et dans le monde.

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