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Questions politiques soulevées par la grève étudiante au Québec

Déclaration du Parti de l'égalité socialiste (Canada)

15 mars 2003

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Ce mercredi 16 mars, en comptant les étudiants de l'Université Concordia, de l'École Polytechnique de Montréal et des autres institutions qui ont voté pour une journée de grève, il y aura environ 200.000 étudiants qui seront en grève dans toute la province. Plus de 100.000 étudiants viendront gonfler les rangs des 88.000 étudiants du niveau collégial et universitaire qui sont en grève générale illimitée au Québec. Et la grève devrait continuer à prendre de l'ampleur dans les prochains jours, plusieurs associations ayant prévu de tenir un vote de grève cette semaine.

La cause immédiate de la plus grosse grève étudiante au Québec depuis 1968 est la colère envers la conversion de 103 millions de dollars de bourses en prêts, une mesure qui touche les plus démunis des étudiants post-secondaires. Cette mesure vient s'ajouter aux 300 millions de dollars que les gouvernements du Parti québécois et du Parti libéral ont coupé dans le programme des prêts et bourses depuis 1996, forçant les étudiants à s'endetter, à abandonner leurs études ou à tenter de combiner leurs études avec le travail à temps partiel et même à temps plein.

L'esprit de rébellion traduit par ce mouvement est tout à fait justifié et nécessaire. Mais pour qu'il porte fruit, il doit servir non seulement à repousser la plus récente attaque sur les bourses post-secondaires, mais surtout préparer une contre-offensive politique des plus larges couches de la population travailleuse contre l'assaut tous azimuts de la classe dirigeante sur les emplois, les salaires et l'accessibilité à des programmes sociaux aussi vitaux que l'éducation.

La colère qui s'exprime aujourd'hui représente un cri de coeur de la jeunesse face au terrible avenir qui l' attend si la société continue d'être régie par la recherche individuelle du profit, au détriment des besoins humains. La domination du marché prend sa forme la plus brutale dans les guerres de pillage lancées par les classes dirigeantes des pays les plus puissants pour s'approprier les ressources critiques de la planète, comme en témoigne si tragiquement l'occupation militaire de l'Irak par les États-Unis.

Alors que le mouvement de protestation des étudiants a été catalysé par les coupures dans les bourses, ce n'est que la dernière manifestation d'un courant plus profond et plus large d'opposition populaire au gouvernement libéral de Jean Charest, aux programmes néolibéraux que tous les nivaux de gouvernement et tous les partis mettent en uvre à la demande de la grande entreprise.

Les libéraux - élus en avril 2003 en faisant appel au mécontentement populaire envers les coupures du gouvernement péquiste dans la santé, l'éducation et les autres services sociaux et publics - ont vite fait de mettre en oeuvre un programme de droite, comprenant notamment la révision du Code du travail pour lever les règles limitant la sous-traitance, l'adoption d'une loi préconisant les partenariats public-privé dans la gestion et l'offre des services publics, et des coupes budgétaires dans pratiquement tous les secteurs gouvernementaux.

Dans les semaines qui ont précédé l'élection de 2003 au Québec, des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes sont descendus dans les rues de Montréal et de plusieurs autres villes au Québec pour s'opposer à l'invasion de l'Irak par les États-Unis. En novembre et décembre de la même année, de larges mouvements de protestations des travailleurs se sont développés contre les amendements au Code du travail en faveur des employeurs et une série d'autres mesures socialement régressives. Pour garder le contrôle sur le mouvement de grève qui s'étendait, les dirigeants des grandes centrales syndicales ont menacé d'organiser une grève générale d'un jour pour ensuite utiliser le temps des Fêtes et le fait que les lois avaient déjà été votées pour étrangler toute autre action des travailleurs.

Depuis, il y a eu plusieurs indices d'un profond courant d'opposition, qui demeure toutefois à l'état latent, face au gouvernement libéral de Charest et à son programme au service de la grande entreprise. Les représentants syndicaux, entre temps, ont répondu à une hausse de l'aliénation populaire envers l'establishment politique en redoublant d'efforts pour ressusciter un parti de la grande entreprise, le PQ, et son programme pour l'indépendance du Québec. La bureaucratie syndicale du Québec, comme celle de tout le Canada, utilise le fait que la constitution canadienne place les politiques sociales sous la responsabilité des provinces pour limiter au niveau provincial les nombreuses luttes qui ont eu lieu contre le démantèlement des services publics et sociaux.

Au départ, les libéraux de Charest ont pris une ligne dure contre la grève des étudiants, menaçant ces derniers d'annuler leur session s'ils continuaient avec leur grève qui a débuté le 23 février. Cette position était tout à fait en ligne avec les efforts du gouvernement visant à rassurer la grande entreprise qu'il ne reculerait pas devant l'opposition populaire à ses politiques de droite. Quelques jours avant le déclenchement de la grève, Charest a congédié son ministre des Finances Yves Séguin pour le remplacer par Michel Audet, ancien président de la Fédération des chambres de commerce du Québec et militant endurci pour les diminutions d'impôts. Séguin aurait prétendument refusé de diminuer les impôts d'un milliard dans le budget prévu sous peu, déclarant que cela nécessiterait des coupures sauvages dans les services gouvernementaux.

Au cours des derniers jours, le gouvernement Charest est revenu sur sa position et a laissé entendre qu'il profiterait d'une injection de fonds par le gouvernement fédéral dans le cadre du programme des bourses du millénaire pour retourner une partie, si ce n'est l'ensemble, des 103 millions de dollars aux étudiants au cours de la prochaine année fiscale.

Le ministre de l'Éducation Jean-Marc Fournier a aussi indiqué que des négociations privées avaient lieu avec les représentants de deux associations étudiantes proches des péquistes et des libéraux, la FEUQ et la FCEQ. Fournier a utilisé de fausses accusations de violence étudiante pour déclarer que le gouvernement ne négocierait pas avec une troisième association, l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), qui a initié le mouvement de grève et qui demande non seulement que les 103 millions de dollars soient retournés au programme de bourses mais encore la gratuité de l'éducation post-secondaire.

Le changement dans l'attitude du gouvernement est venu après une série d'éditoriaux et de chroniques très critiques à son égard. Ce n'est pas que les médias de la grande entreprise s'opposent à ce que le gouvernement aille de l'avant avec son programme de privatisations et de diminutions des impôts. Mais, ils considèrent que le gouvernement Charest n'entreprend pas les bonnes batailles et contribue à engendrer une « radicalisation » qui rendra la tâche de raser ce qui reste de l'État-providence plus difficile. Comme l'écrivait Alain Dubuc, éditorialiste à La Presse : « Les crises contribuent à accroître le niveau de tension dans la société, accentuent la radicalisation, réduisent la capacité de dialogue. Un gouvernement doit désamorcer les crises, non pas les provoquer. Il y a bien sûr des cas où l'État, pour des enjeux importants, doit se préparer à affronter de forts mouvements d'opposition. Mais il doit choisir ses batailles parce que chaque crise inutile réduit sa marge de manoeuvre. »

Sur la question de l'éducation, ce que les médias de la grande entreprises demandent, c'est que le gouvernement entreprenne ce qu'il faut pour mettre un terme au gel des frais de scolarité dans les universités plutôt que d'attiser l'opposition populaire en imposant des mesures qui pénalisent si clairement les sections les plus défavorisées de la société.

La demande pour reconvertir en bourses les 103 millions de prêts est si limitée qu'elle a été reprise par les deux partis de l'opposition : le PQ qui a imposé les plus importantes coupures de l'histoire du Québec lorsqu'il était au pouvoir et l'Action démocratique du Québec (ADQ), un parti populiste de droite qui brandit le nationalisme québécois et l'autonomie provinciale pour prôner le « droit » à un système de santé privé.

Même si le gouvernement libéral acceptait de reconvertir les 103 millions de prêts en bourses, cela n'arrêterait pas l'hémorragie dans les programmes sociaux. Les quotidiens ont publié plusieurs articles qui annoncent que le cabinet prépare une autre coupure d'urgence de 500 millions de dollars et a indiqué que les 450.000 travailleurs du secteur public qui sont sans contrat de travail depuis juillet 2003 verraient leurs salaires encore une fois gelés pour l'année qui vient.

Les grèves étudiantes et la crise du gouvernement Charest montrent que l'offensive de la grande entreprise contre la classe ouvrière ne s'appuie que sur une base sociale très mince. Ce qui, fois après fois, a permis à la grande entreprise d'imposer son programme malgré l'immense opposition populaire qu'il soulève, c'est que les organisations censées représenter les travailleurs, c'est-à-dire les syndicats et le NPD social-démocrate étouffent la lutte de classe.

Les jeunes en lutte aujourd'hui doivent dépasser le cadre de la simple protestation étudiante et orienter leur combat autour d'une nouvelle perspective, celle d'une lutte politque indépendante par la majorité travailleuse. Mais la clé pour libérer la puissance politique et le potentiel créateur de la classe ouvrière est de l'armer d'un programme socialiste et internationaliste qui rejette la subordination des besoins humains aux profits de la grande entreprise et qui cherche à unir les travailleurs au-delà des frontières et des continents dans une lutte commune contre le capitalisme.



 

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