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Bush élu «homme de l'année 2004» par Time Magazine. Pourquoi lui ?

Par David Walsh
23 décembre 2004

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L'absurdité du choix de Bush comme «personnalité de l'année 2004» par Time Magazine ne réside pas nécessairement dans le fait que le président des États-Unis ait mené une politique réactionnaire et répugnante. Il serait possible de vilipender une personnalité politique et d'accepter néanmoins qu'il soit sélectionné.

Pour, en quelque sorte, se justifier, Time fait remarquer que ses choix de personnalité de l'année «sont souvent discutables. On demande aux rédacteurs de choisir une personne ou une chose ayant le plus influencé l'actualité, que ce soit en bien ou en mal. Ces critères ne leur laissent le choix que d'un sujet présentant un intérêt médiatique sans avoir nécessairement pour autant du mérite».

Par le passé, le choix de certaines autres personnalités a été tout aussi contestable: on peut citer Adolf Hitler, Joseph Staline ou l'Ayatollah Khomeini. Chaque président américain depuis Franklin Roosevelt a été choisi, sauf Gerald Ford (qui n'avait jamais été élu) et chaque président réélu a été choisi au moins deux fois (Dwight Eisenhower avait une première fois été choisi en tant que chef militaire.

Il se peut bien que le nom de Bush soit sur les lèvres des gens ainsi que des journalistes du monde entier, plus fréquemment que celui d'aucun autre dirigeant politique actuel. Bien évidemment, le nom est souvent précédé ou suivi par un juron. Des enquêtes mondiales laissent entendre que Bush est à l'heure actuelle une des personnalités les plus détestées de la planète.

Néanmoins, être «dans l'actualité», ce n'est pas du tout la même chose qu'avoir un grand impact «sur l'actualité».

La couverture du Time Magazine de cette semaine montre le visage du président, selon la vision d'un illustrateur, avec en-dessous cette légende: «George W Bush - révolutionnaire américain».

Toute une affirmation. Dans quel sens Bush est-il un «révolutionnaire»? Voici la tentative d'explication donnée par les rédacteurs de Time Magazine: «Parce qu'il reste sur ses positions, coûte que coûte et par la force des armes, parce qu'il a remodelé les règles de la politique afin de les faire correspondre à son style de gouvernance 'à la cowboy' et parce qu'il a convaincu une majorité d' électeurs qu'il méritait d'être à la Maison blanche pour encore quatre ans, George W Bush est la 'personnalité de l' année 2004' pour Time Magazine».

C'est un fait que l'administration Bush, par son unilatéralisme, par son bellicisme, par son militarisme débridé hors du pays et par ses attaques féroces contre les droits démocratiques dans le pays, a introduit des changements importants sur la scène politique mondiale ou américaine. D'ailleurs, soit dit en passant, aucun de ces changements n'est analysé sérieusement par Time Magazine.

On peut cependant se demander quelle influence réelle Bush a-t-il pu exercer, en tant qu'individu, sur ces événements. Après tout, un personnage monstrueux comme un Adolf Hitler exerce une influence considérable sur les affaires du monde, ce qui peut suffire à le nommer «homme de l'année». Même si l'on considère l'administration actuelle à Washington comme étant réactionnaire et sinistre, peut-on pour autant considérer Bush comme un maître dans l'art du crime, bougant les pièces sur l'échiquier mondial?

Cette idée est ridicule à première vue. Que reste-t-il de Bush, si on le sépare du pouvoir et de tout le cérémonial afférent à sa fonction? Son unique et véritable trait marquant, comme l'ont reconnu son ancien Secrétaire au trésor, Paul O'Neill, et son Conseiller à la sécurité, Richard Clarke, c'est l'étendue de son ignorance et de son incompétence. Bush est un homme singulièrement médiocre et insignifiant.

Il suffit de se poser la question: si on avait retiré Bush des évènements de l'année dernière, si l'impérialisme américain avait en quelque sorte fonctionné en pilotage automatique, dans quelle mesure les choses auraient-elles évolué différemment? Existe-t-il une seule conjoncture, un seul évènement dont on puisse dire: «George W Bush en a été le facteur décisif, pour le meilleur ou pour le pire, sa seule présence a fait toute la différence»?

L'article flatteur de Time, écrit par Nancy Gibbs et John F. Dickerson, soutient l'idée suivante: «Un homme politique ordinaire dira aux électeurs indécis les choses qu'ils désirent entendre. Bush les a invités à voter pour lui parce qu'il ne voulait pas se prêter à ce jeu. Les hommes politiques ordinaires ont besoin d'être aimés: Bush est rassuré par l'hostilité de ses détracteurs.»

Le portrait de «dur à cuire» que Time tente de dresser dans tout son numéro personnalité de l'année est une pure falsification. Le courage en politique consiste à s'affirmer en opposition aux pouvoirs en place, à aller «à contre-courant». Le mode opératoire politique de Bush, au contraire, consistant à être toujours du côté des riches et des puissants, à ne jamais rien faire sans leur consentement, suggère un type moral et intellectuel tout à fait différent.

Time argumente que Bush a gagné le soutien de la majorité de la population, malgré leur répugnance envers sa politique en «pariant que ce que la population désirait plus (qu'un changement de cap) c'était un ferme leadership». Peut-on pour autant affirmer que Bush a fait preuve de leadership, même dans le cadre de la politique bourgeoise ?

Il est évident qu'une telle qualité exige un minimum de prévoyance et d'intelligence.
L'événement le plus marquant qui puisse servir à établir un jugement sur la politique de Bush au cours des deux dernières années est sans aucun doute l'invasion et l'occupation de l'Irak. Il suffit de se remémorer que c'est cet homme-là qui, en mai 2003, a posé sous une bannière portant le message «Mission Accomplie» et qui a déclaré: «Le plus gros des opérations militaires en Iraq est terminé; dans la bataille d'Irak, les États-Unis et nos alliés ont remporté une victoire». Et il croyait sans doute ce qu'il disait. Depuis lors, plus de 1000 soldats américains sont morts et une insurrection nationaliste irakienne a vu le jour, s'est structurée et a gagné un large soutien dans la population.

Nous avons eu quatre ans, plus que le temps nécessaire, pour jauger Bush. Ce qui est frappant, en plus de son incapacité à avancer un argument cohérent et de son ineptie lors de ses apparitions publiques, c'est sa mesquinerie, son caractère rancunier et sa forte tendance au sadisme. Aigri, psychologiquement fragile, et peu développé, Bush est tout naturellement fasciné par les petites brutes, par les «voyous», par les Bernard Kerik de ce monde.

Il est attiré par les voyous et par les flatteurs tels que les journalistes américains. Que penser des trois journalistes de Time qui, avec le plus grand sérieux, ont questionné Bush sur «sa place dans l'histoire». Quand on lui a demandé en quoi sa campagne de réélection était différente de celles, par exemple, de Reagan et de Clinton, Bush a répondu solennellement: «Ma campagne a été différente parce que les circonstances étaient différentes».

Bush et son administration n'ont pour le moment rencontré aucune résistance digne de ce nom. Le facteur déterminant de la victoire électorale de Bush ne tient ni à sa soi-disant volonté à tenir tête aux critiques et à poursuivre sa politique coûte que coûte, ni même dans l'éclat tactique de Karl Rove, mais elle réside surtout dans l'absence d'un parti de l'opposition. L'article de Dickerson/Gibbs est truffé de commentaires démoralisés et admiratifs de la part de dirigeants du Parti démocrate. Ces derniers se préparent déjà à perdre les élections de 2008. Une opposition sociale à grande échelle contre la politique de George Bush, qu'on ne trouve nulle part dans l'establishment politique actuel, n'est pas encore organisée.

Néanmoins, la répulsion envers la politique de George Bush est tangible et mesurable. Gibbs et Dickinson notent qu'un sondage de Time Magazine a montré que 49% des personnes étaient satisfaites de la politique de Bush. Pour Gallup, ce taux s'élevait en décembre à 53%, taux le plus bas jamais enregistré, depuis la création de cet institut, pour un président nouvellement réélu.

Un sondage du Washington Post/ABC News indique qu'une «solide majorité» de 56% des personnes interrogées pense à présent que l'invasion de l'Irak a été une erreur. En ce qui concerne la politique intérieure de Bush, une nette majorité désapprouve toutes les principales mesures qui ont été prises. D'après un sondage de Time, seuls 33% des personnes interrogées pensent qu'il a le mandat pour partiellement ou totalement privatiser la sécurité sociale. 38% pensent qu'il a le mandat pour privatiser le système des impôts.

Tout homme est un Napoléon aux yeux de son chien. Bush apparaît tel un colosse aux yeux des personnalités des médias, corrompues et ignorantes, qui partagent ses principales vues et qui comptent s'enrichir encore plus sous sa nouvelle administration. De toute façon, quel politicien ne paraîtrait pas inattaquable s'il n'avait à s'inquiéter que de la plume inefficace d'une Nancy Pelosi ou d'un Harry Reid ?

Toutefois, ceci est loin de régler le problème. Des processus objectifs sont à l'oeuvre. Même avant son entrée en fonction le 20 janvier, la nouvelle administration Bush se trouve en pleine déroute. À la crise qui entoure Rumsfeld, ministre de la Défense et au scandale grandissant des mauvais traitements (tortures, meurtres) dans les centres de détention américains, il faut maintenant ajouter l'attaque dévastatrice de Mosoul. Les déficits importants du budget et du commerce menacent le monde financier. L'élection n'a rien résolu.

Il n'est pas possible de faire de prévision certaine mais la page-couverture de Time Magazine peut très bien s'avérer une sorte de baiser de la mort donné à Bush. Un organe majeur de la presse américaine salue la fermeté et l'efficacité d'une administration instable, largement détestée et dont la politique ne peut que provoquer le mécontentement social dans un avenir plus proche qu'éloigné. Un mécontentement à grande échelle. Nous verrons comment le style de gouvernance «à la cowboy» de Bush se maintiendra dans ces circonstances.



 

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