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Canada : la bureaucratie syndicale présente un candidat dans la course à la chefferie du Parti québécois

Par Guy Charron
11 novembre 2005

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Le club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ libre) a présenté Pierre Dubuc, le secrétaire de SPQ libre, comme candidat dans la course à la chefferie du Parti québécois (PQ), le parti de la grande entreprise qui a formé le gouvernement provincial au Québec en alternance avec le Parti libéral du Québec depuis le début des 1970.

Bien que cette candidature n'a pas été celle qui fut la plus suivie par les médias, elle est néanmoins l'une des plus significatives.

Il est vrai que Dubuc, selon les sondages, ne peut compter que sur un faible appui dans le PQ et, de son propre aveu, le SPQ libre ne s'est pas lancé dans la course pour la gagner. «Une candidature de la gauche, même si elle ne pouvait prétendre à la victoire, pourrait détenir la balance du pouvoir dans le cas où aucune candidature ne rallierait d'emblée une majorité, a déclaré Dubuc. La gauche pourrait alors négocier son appui à telle ou telle candidature placée en meilleure position en demandant, par exemple, à ses supporteurs d'inscrire le nom de cette candidature comme deuxième choix sur leur bulletin de vote. Bien entendu, la gauche négocierait en échange de cet appui des avantages pour le courant qu'elle représente.»

La course à la chefferie ne laisse aucun doute sur la signification de la politique prônée par le SPQ libre qui consiste à cacher derrière une rhétorique gauchisante de lutte au néolibéralisme un programme de soumission des travailleurs à la grande bourgeoisie.

Le SPQ libre a annoncé qu'André Boisclair, le candidat en avance dans les sondages, étant trop à droite, il donnerait son appui à Pauline Marois, une candidate aussi identifiée avec l'establishment du PQ que l'est Boisclair. Il faut beaucoup d'imagination pour voir en Marois une politicienne proche de la gauche. Elle a occupé tous les plus importants ministères du gouvernement péquiste. Elle était d'ailleurs ministre lors des sauvages attaques du PQ contre les travailleurs en 1981-83 et en 1996-99. Elle se vante d'être le seule ministre des Finances québécois à avoir diminué la dette. Si pour le SPQ libre elle est plus à «gauche», c'est en vertu de ces liens personnels avec la bureaucratie syndicale. Elle est une bonne amie de Henri Massé, le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) et son mari, Claude Blanchet, est un financier qui a été président du Fonds de solidarité, une caisse de retraite multimilliardaire fondée et dirigée par la FTQ. Elle a accueilli l'appui du SPQ libre comme un exemple de la «coalition de la gauche à la droite» qu'elle voulait former.

L'appui que le SPQ libre veut donner à Marois n'est pas le fruit d'une erreur de calcul ou même une manoeuvre tactique à caractère temporaire. Elle est l'axe même de la politique du SPQ libre. «Il est nécessaire de construire une grande coalition des forces souverainistes dont le spectre va de la gauche à la droite, des social-démocrates aux néolibéraux.» a écrit Dubuc pour expliquer la raison d'être du SPQ libre.

Et le SPQ libre n'a pas donné un appui du genre «bouchons-nous le nez» à Marois. C'est dans les termes suivants que Dubuc a recommandé à ses supporteurs d'appuyer Marois au second tour : «C'est une femme rassembleuse, la seule qui peut rencontrer les objectifs du SPQ libre, battre le gouvernement Charest et nous mener à l'indépendance.»

Le SPQ libre contrôle déjà le poste de président du parti (au PQ, le président est à la tête de l'appareil du parti et le chef est le dirigeant politique qui peut devenir premier ministre si son parti remporte la majorité des sièges à l'Assemblée nationale) et ne veut pas prendre la tête du parti, ce qui identifierait trop directement le PQ aux syndicats. C'est ce qui explique la candidature de Dubuc, qui contrairement à d'autres têtes d'affiche du SPQ libre, est relativement inconnu des médias, des travailleurs et de la population en général.

Depuis la liquidation en 1984 de l'organisation maoïste peu connue dont il a été membre pendant sept années, toute la carrière de Dubuc s'est faite à l'ombre de la bureaucratie syndicale. Il a fondé le mensuel L'Aut'Journal dont il est l'éditeur en chef depuis plus de vingt ans. Avec ce journal, il s'est offert comme publicitaire de la bureaucratie syndicale, ouvrant les pages de son journal à des articles qui défendent en termes gauchisants la position des appareils syndicaux et le nationalisme québécois. En échange, les organisations syndicales ont financé son journal pendant toutes ces années au moyen de l'achat d'espace publicitaire. Depuis 1992, Dubuc s'est intégré plus directement dans la bureaucratie syndicale en devenant agent d'information pour des syndicats d'enseignants.

Avec cette campagne à la direction, les dirigeants du SPQ libre sillonneront le Québec pour tenter de convaincre les travailleurs qui ont quitté le PQ en masse depuis les années 1980 de joindre ce parti détesté pour ces politiques de droite. «Je participe à la course dans l'objectif de renforcer le Parti québécois, particulièrement par l'apport de nouveaux membres en provenance du mouvement syndical et des organisations progressistes On a beaucoup parlé dans les dernières années de l'influence de la société civile. Mais le vrai centre de décision et de pouvoir, c'est dans un parti politique.»

Le SPQ libre a été fondé au début de 2004 à l'instigation de Dubuc, d'importants dirigeants syndicaux et d'anciens dirigeants de centrales syndicales. La formation de SPQ libre a représenté un changement de l'attitude de la bureaucratie syndicale par rapport au PQ.

Alors que les dirigeants syndicaux ont, depuis la fondation du PQ en 1968, donné de façon constante leur appui au PQ, ils avaient toujours insisté pour que les syndicats gardent une apparence d'indépendance par rapport à ce parti. Ainsi ils pouvaient mieux l'appuyer aux moments décisifs et ils gardaient les mains libres pour faire des ententes avec le Parti libéral du Québec (PLQ), l'autre parti gouvernemental. Avec SPQ libre, la bureaucratie syndicale a sa tendance organisée au sein du PQ.

Aujourd'hui que le PQ traverse une profonde crise, les dirigeants syndicaux tentent de sauver la « coalition de la gauche à la droite » en disant qu'il faut unir tous les Québécois, des travailleurs jusqu'aux milliardaires, pour réaliser l'indépendance du Québec et défendre le caractère francophone du Québéc. Mais la société québécoise ne forme pas une unité. Elle est constituée de classes antagonistes et les intérêts de la classe ouvrière au Québec sont infiniment plus proches de ceux des travailleurs anglophones au Canada, aux États-Unis et dans le reste des Amériques que de ceux de la bourgeoisie québécoise.

Selon le SPQ libre, le PQ doit devenir «la grande coalition qu'il était dans les années 1970». Pourtant, le «virage néolibéral» du PQ est loin d'être une erreur de parcours. Ce parti, né à la fin des 1960 d'une scission avec le Parti libéral, le parti traditionnel du monde des affaires, a toujours été un parti de la grande entreprise.

Si l'on fait exception de la question constitutionnelle, le PQ et le PLQ ont toujours eu des programmes très proches. Tous les deux prônaient qu'il fallait utiliser l'État pour favoriser le développement et l'enrichissement de la bourgeoisie francophone. Le PQ poussait simplement la logique de cette position un peu plus loin que le PLQ, jusqu'à l'indépendance du Québec, et ce faisant, il a développé un programme qui répondait mieux aux intérêts de la petite bourgeoisie. La loi 101 qui a ouvert les postes de cadres moyens à la petite bourgeoisie francophone en imposant le français comme langue au travail est considérée dans ces milieux comme une des grandes réalisations du PQ.

Le programme péquiste a trouvé un large écho au sein de la bureaucratie syndicale qui y a vu le moyen d'attacher une classe ouvrière, qui était très militante syndicalement parlant à cette époque, à un véhicule politique bourgeois qui ne menacerait pas le système capitaliste.

En résumé, la «grande coalition des années 1970» a été le principal mécanisme politique pour assurer la domination politique des élites et des grandes entreprises sur les travailleurs. Pour ce faire, le nationalisme québécois jouait un rôle clé.

Grâce à l'étroite collaboration entre les dirigeants syndicaux et le PQ, ce dernier a pu imposer les plus importantes coupures dans les dépenses sociales et les plus grandes attaques contre les travailleurs au Québec.

Lors de la crise économique de 1981-83, le PQ avait coupé les salaires des enseignants de vingt pour cent, une mesure sans égale dans le monde à cette époque. Cette mesure n'était qu'une partie d'un assaut frontal plus large contre la classe ouvrière, le PQ ayant imposé la réouverture des contrats aux travailleurs du secteur public. Quelques années plus tard, le PQ avait donné son appui au Parti conservateur alors dirigé par Brian Mulroney, ce qui a donné à ce parti de droite la plus importante majorité de l'histoire au niveau fédéral. Le PQ a ensuite été un des principaux supporteurs du libre-échange entre les États-Unis et le Canada élaboré sous Ronald Reagan et Brian Mulroney.

Après plusieurs années sur les bancs de l'opposition, le PQ est revenu au pouvoir en 1994. Après le référendum de 1995, il a alors offert un gouvernement qui a été parmi les plus à droite d'Amérique du Nord. Grâce à l'appui indéfectible des dirigeants syndicaux, le gouvernement péquiste a pu imposer des compressions sauvages dans les dépenses publiques.

Le PQ qui aime à se présenter comme un parti progressiste a perdu une grande partie de son appui électoral. Aux élections de 2003, le PQ a subi une cuisante défaite électorale, perdant le tiers de ses voix pour obtenir le pire résultat électoral depuis 1973, une époque où le parti vieux de cinq années n'avait jamais formé le gouvernement.

Une grande partie de la crise du PQ s'explique par le fait que deux gouvernements péquistes de neuf années ont dégoûté une grande partie des travailleurs de ce parti. De plus, le projet indépendantiste selon lequel le transfert de pouvoirs d'Ottawa vers Québec permettra de construire une société progressiste sonne creux dans le nouveau contexte posé par la mondialisation où les travailleurs de tous les pays font face à un assaut contre l'ensemble de leurs acquis.

En parallèle avec la désaffection de l'immense majorité de la population pour le PQ, la bourgeoisie québécoise a aussi changé de point de vue par rapport au programme fondamental du PQ et de la collaboration avec les bureaucraties syndicales. Elle considère que son «modèle québécois», la politique qu'elle a mise en oeuvre depuis le début des 1960, est maintenant dépassé.

À cette époque, la bourgeoisie québécoise francophone avait entrepris de combler son retard par rapport à la bourgeoisie canadienne et américaine en utilisant les ressources de l'État. Dans les années 1970, la composante de la collaboration entre l'État, les entreprises et les syndicats a été renforcée et institutionnalisée.

C'est un des objectifs de SPQ libre que d'assurer la pérennité du système de collaboration tripartite où les grandes centrales participent à l'élaboration de la stratégie de la bourgeoisie québécoise. Les dirigeants syndicaux ne ratent pas une occasion de rappeler à la bourgeoisie son rôle dans l'imposition des politiques du «déficit zéro».

Mais plus fondamentalement, les dirigeants syndicaux, en contact direct avec les travailleurs dans les assemblées syndicales, sont conscients de l'immense aliénation de la classe ouvrière envers la politique officielle. À la fin de 2003, six mois après l'élection du gouvernement libéral de Jean Charest, les dirigeants syndicaux ont dû faire des pieds et des mains pour contenir la mobilisation contre le projet de réingénierie de Charest. Moins d'un an après, les étudiants du niveau post-secondaire lançaient un important mouvement de grèves contre des compressions de 100 millions touchant les plus étudiants les plus démunis. Et aujourd'hui, parce que les sondages ne donnent pas 25 pour cent d'appui au gouvernement libéral, les dirigeants syndicaux font tout en leur pouvoir pour que les négociations du secteur public ne prennent pas un caractère de confrontation ouverte avec le gouvernement libéral de Charest.

Il propose comme solution aux attaques du gouvernement libéral de Charest que les travailleurs choisissent plutôt des attaques sous un gouvernement péquiste.

La position sociale de la bureaucratie syndicale, qui en dernière analyse repose sur le système capitaliste, donne un caractère particulièrement démagogique à la campagne de SPQ libre.

Malgré que le SPQ libre aime critiquer le PQ pour son virage néolibéral, cela ne l'a pas empêché de donner son appui au précédent chef du Parti québécois, le très néolibéral Bernard Landry, le plus digne représentant de l'aile ouvertement affairiste du PQ, au poste de chef du parti. Avant sa démission surprise au congrès du PQ en juin, Landry avait obtenu l'appui du SPQ libre en échange du poste de président du PQ pour Monique Richard, qui était alors la présidente de SPQ libre. L'appui à Marois n'est que la continuation de cette politique.

Le mépris du SPQ libre pour les travailleurs est aussi évident dans le programme de nationalisme économique qu'il propose. Selon SPQ libre, l'État doit subventionner les grandes entreprises multimilliardaires pour créer des emplois au Québec et exporter le chômage ailleurs.

La duplicité des dirigeants du SPQ libre sur le néolibéralisme du PQ ne surprendra ceux qui connaissent bien les politiques de la bureaucratie syndicale. Pierre Dubuc et les ex-dirigeants des grandes centrales syndicales aujourd'hui à la tête de SPQ libre espèrent que personne ne se souviendra du rôle crucial que les bureaucrates syndicaux ont joué pour imposer le «virage néolibéral» du PQ aux travailleurs et à la population.

En 1996, les dirigeants de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) avaient participé avec le gouvernement et des représentants du patronat aux sommets du «déficit zéro».

Ils avaient donné leur bénédiction aux sauvages coupures dans les dépenses sociales du PQ qui a mené, entre autres, à la fermeture d'hôpitaux et à des attaques contre les plus démunis. Pire, ce sont les dirigeants syndicaux eux-mêmes qui ont insisté pour que le gouvernement utilise les surplus de la caisse de retraite pour éliminer des dizaines de milliers d'emplois dans le secteur public au moyen d'un programme de retraites anticipées. Lorsque l'équilibre fiscal fut atteint en 2000, le PQ a diminué les impôts pour un total de 4,5 milliards de dollars en trois ans, versant les sommes qui étaient destinées aux services publics dans la poche des mieux nantis.

Aujourd'hui, c'est ce type de politique que veut faire renaître les dirigeants et ex-dirigeants syndicaux du SPQ libre. Mais ils craignent qu'un mouvement d'opposition à ces politiques ne vienne, à plus court terme, créer un climat défavorable aux investissements des grandes entreprises et, à plus long terme, que ce mouvement d'opposition ne se développe en un mouvement qui menacerait l'ordre capitaliste lui-même.

Comme alternative la «grande coalition des forces souverainistes dont le spectre va de la gauche à la droite», nous aimerions proposer la grande coalition du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest des travailleurs pour la souveraineté de la classe ouvrière mondiale. Elle a un peu plus d'avenir.

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