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Le congrès du Parti socialiste soutient la répression gouvernementale

Par Stéphane Hugues et Antoine Lerougetel
Le 28 novembre 2005

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Lors d'un congrès extraordinaire du Parti socialiste français qui s'est tenu au Mans du 18 au 20 novembre, différentes fractions du parti se sont unifiées pour défendre l'Etat français.

Le parti avait auparavant soutenu les mesures de répression prises par le gouvernement gaulliste du président Jacques Chirac contre les protestations anti-police des jeunes et qui se sont répandues dans les cités ghettos appauvries partout en France. Ce n'est que lorsque le premier ministre Dominique de Villepin et le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, prorogèrent l'état d'urgence jusqu'au 21 février que le Parti socialiste manifesta un semblant d'opposition.

L'état d'urgence accorde à la police et au gouvernement des pouvoirs extraordinaires qui entravent les droits démocratiques. Ces pouvoirs ne s'appliquent pas seulement aux émeutes des jeunes mais visent plus fondamentalement toutes les sections de la classe ouvrière qui, dans son ensemble, est opposée à la politique droitière de « libéralisme » du gouvernement. La décision de proroger de trois mois l'état d'urgence fut prise le 15 novembre dernier alors que l'agitation des jeunes, souvent d'origine immigrée, et le nombre d'incendies avaient sensiblement diminué.

Au congrès du Mans, le Parti socialiste déclara, pour la forme, être opposé à l'extension de l'état d'urgence mais souligna son soutien aux mesures policières répressives. François Hollande, premier secrétaire réélu du parti, déclara dans son discours de clôture : « Nous devons démontrer que la gauche est plus crédible pour la sécurité et la tranquillité publiques que la droite.»

Le congrès afficha l'unité des trois principales fractions ­ la majorité conduite par le premier secrétaire, François Hollande ; la fraction du Nouveau Parti socialiste (NPS) dirigée par Arnaud Montebourg, Vincent Peillon et Henri Emmanuelli ; et la fraction dirigée par l'ancien premier ministre, Laurent Fabius. Cette unité, qui se fit sur la base d'un programme commun, a pour but de présenter à l'électorat un positionnement de gauche. L'objectif de tous les participants était de renverser la vapeur en ce qui concerne les difficultés du parti en mettant à la disposition de l'élite dirigeante française un instrument par lequel l'agitation sociale et politique grandissante puisse être contrôlée par un parti appliquant une politique sécuritaire accompagnée de réformes sociales minimales.

Le congrès, auquel participèrent 4 500 personnes, dont 614 délégués, fut décidé à la suite de la cuisante défaite subie par la campagne commune en faveur de la constitution européenne menée conjointement par le Parti socialiste et Jacques Chirac ainsi que le premier ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin. La victoire décisive du « non » en mai dernier, au référendum en France, qui fut suivi par un résultat identique aux Pays-Bas, exprima l'opposition populaire à la politique économique néolibérale de la constitution visant à supprimer les services sociaux.

Pendant les mois suivants, la situation à laquelle le Parti socialiste, et l'ensemble de l'élite dirigeante française, est confrontée ne fait qu'empirer. La série de grèves combatives contre les suppressions d'emplois et les plans de privatisation des entreprises publiques fut suivie par l'explosion de rage contre l'exclusion sociale, la discrimination et les insultes policières qui débutèrent dans les banlieues parisiennes.

La semaine qui suivit le congrès du Mans fut celle d'une grève illimitée des cheminots, suivie par celle des employés des bus et du métro parisiens et par la grève nationale des enseignants.

Les délégués se réunirent dans des conditions où les droits démocratiques ont été violés par un gouvernement ayant recours à une loi de 1955 établie en son temps pour réprimer la résistance au régime colonial en Algérie.

Le Parti socialiste refusa d'appeler au retrait des CRS dans les banlieues. Il soutint l'état d'urgence instauré initialement par le gouvernement pour une période de douze jours. Vincent Peillon, qui se situe lui-même à « gauche » du parti, déclara alors : « Si on veut le respect de l'Etat républicain, quel que ce soit ce que je pense de Nicolas Sarkozy, non, le ministre de l'Intérieur n'a pas à démissionner parce que des gens qui brûlent des voitures le lui demandent. »

Le Parti communiste et les gauchistes petits-bourgeois de la Ligue communiste révolutionnaire ainsi que Lutte Ouvrière refusèrent eux aussi de lancer un appel en faveur d'un retrait des CRS postés dans les cités-ghettos.

Ce front commun pour la défense de la « République » est l'élément clé permettant de comprendre l'unité que le Parti socialiste fut en mesure d'établir au Mans. L'essence même de la nature du Parti socialiste en tant que parti bourgeois sécuritaire se trouve dans la résolution spéciale intitulée « répondre à la crise sociale et urbaine » et qui obtint le soutien de toutes les tendances. Plutôt que d'exiger de lever l'état d'urgence, la résolution dit : « Ces violences [pas celles des CRS, mais celle des jeunes] sont inacceptables et inexcusables. »

La résolution poursuit : « Les socialistes rendent hommage au courage des élus locaux, des fonctionnaires de police, des pompiers, des associations, des travailleurs sociaux qui ont protégé la population, porté secours aux victimes et permis un retour au calme. »

Le Parti socialiste est cependant conscient que la répression policière à elle seule ne peut maintenir l'ordre mais risque au contraire d'attiser l'opposition sociale. Dans le but de lancer un appel de soutien à la classe ouvrière, la résolution fait état de son opposition à « la crise sociale et [aux] dégâts du libéralisme » et à la réduction des crédits par le gouvernement aux services sociaux et aux associations dans les cités ouvrières. Elle promet un projet émancipateur aux habitants de ces quartiers appauvris et de « réaffirmer que la jeunesse des quartiers populaires, si souvent stigmatisée ou renvoyée à la diversité de ses origines, a les mêmes droits et devoirs que tous les citoyens. »

La critique de l'état d'urgence se limite à deux lignes dans ce document de quatre pages : « La droite tente aujourd'hui d'exploiter politiquement les violences pour justifier la poursuite d'une politique qui a échoué. Elle a recours à des lois d'exception et à un état d'urgence auquel nous sommes opposés. » L'attitude véritable du parti devint évidente dans sa tentative de paraphraser le premier ministre britannique Tony Blair. La résolution dit : « il faut être dur avec la violence et dur avec les causes de la violence. »

La première proposition du programme de réformes de la résolution spéciale pour les cités est, « la mise en place d'une nouvelle police de proximité, avec l'implantation de véritables commissariats de plein exercice, dotés d'effectifs de policiers expérimentés afin de déployer une stratégie coordonnée de lutte contre la délinquance, notamment l'économie souterraine. »

Nonobstant l'appel du congrès pour certaines mesures minimales de réformes, le Parti socialiste a renoncé depuis bien longtemps à tout engagement pour des réformes sociales. Lorsque François Mitterrand fut élu président en 1981, il annonça un programme de réformes comprenant un plan de nationalisations mais, dans les dix-huit mois qui suivirent, il fut rappelé à l'ordre par les marchés financiers internationaux. Il lança alors son plan d'austérité qui depuis est devenu la marque de fabrique des gouvernements dirigés par le Parti socialiste. Sous la direction de Hollande, le Parti socialiste défendit cet héritage quand il fit campagne pour le « oui » lors du vote pour le référendum de la constitution européenne.

Le parti fut divisé, avec une fraction minoritaire, dirigée par Laurent Fabius, appelant à voter « non » en affirmant s'opposer aux plans de privatisation du secteur public et à l'élimination de l'Etat providence. Mais, en tant que ministre des finances de Mitterrand et futur premier ministre, Fabius présida nombre de réunions qui décidèrent la suppression de millions d'emplois et le gel des salaires.

Plus récemment, Fabius, en tant que ministre des finances et Hollande, en tant que dirigeant du Parti socialiste, travaillèrent main dans la main avec le premier ministre Lionel Jospin dans le gouvernement socialiste de la gauche plurielle qui « cohabitait » avec le président Jacques Chirac en imposant une politique de « libéralisme » quasiment indiscernable de celle appliquée par le précédent gouvernement Chirac et dirigé par Alain Juppé. L'électorat rendit à Jospin la monnaie de sa pièce pour ses cinq années de politique néolibérale en le reléguant en troisième position lors des élections présidentielles de 2002. Il vint non seulement derrière Jacques Chirac mais à la troisième place derrière le candidat néofasciste du Front National, Jean-Marie Le Pen.

Sous la direction de Hollande, la réponse du Parti socialiste fut de se rallier derrière Chirac en affirmant que celui-ci représentait un rempart contre le Front National qui menaçait la « République ». Le Parti socialiste, le Parti communiste et la Ligue communiste révolutionnaire firent campagne en faveur d'un vote pour Chirac avec pour résultat sa réélection avec 82 pour cent des voix contre son adversaire Le Pen au deuxième tour des élections présidentielles. Toutes ces fractions ont leur part de responsabilité politique pour le régime Chirac/de Villepin et ses attaques contre la classe ouvrière.

Lors du congrès du Parti socialiste au Mans, les différentes fractions enterrèrent la hache de guerre et s'unirent dans le but de dissimuler cet état de fait et redorer ainsi le blason de la direction de François Hollande. Après le « non » au référendum pour la constitution européenne, la fraction majoritaire avait exclu Fabius de la direction nationale du parti.

Avant le congrès, les trois fractions déposèrent des motions qui furent soumises au vote des membres du parti. Celles avancées par la direction de Hollande l'emportèrent avec juste 53 pour cent et les résolutions des fractions du Nouveau Parti socialiste et de Fabius se partagèrent presque à égalité le reste des voix.

Le fait que la direction Hollande ait conservé le soutien de la majorité des militants et ce en dépit du rejet explicite de son programme par son propre électorat est une indication du caractère droitier du parti. Une majorité au sein du parti n'implique nullement un soutien populaire dans le pays.

Dans un effort pour reconquérir la popularité du Parti socialiste, tous les défis lancés à la direction furent rangés au placard et Hollande fut confirmé au poste de premier secrétaire. En retour, Fabius réintégra la direction nationale du parti tout comme les autres opposants regroupés autour d'Arnaud Montebourg.

Cette opposition fictive rendit un autre service au parti en lui fournissant un programme qui semble être de gauche et avec lequel attirer la classe ouvrière. Les réformes minimales proposées dans la motion finale sont en grande partie empruntées à celles soumises par Fabius : augmentation du SMIC à 1 500 euros, retrait des lois les plus anti-sociales du gouvernement sur la retraite, la semaine de 35 heures, pénaliser les entreprises qui licencient pour augmenter leur profit et la sauvegarde d'EDF comme service public. Tout ceci allant de pair avec l'application de mesures économiques au caractère protectionniste et nationaliste tel le tarif extérieur commun destiné à sauvegarder l'industrie européenne, un renforcement de la zone Euro au moyen d'un nouveau pacte de stabilité et un « contrôle démocratique » de la Banque centrale européenne dans le but de favoriser l'emploi et la croissance.

De telles mesures sont considérées indispensables si le Parti socialiste tient à s'ériger en alternative aux gaullistes lors des élections présidentielles et législatives de 2007. Le Parti socialiste n'a pourtant aucune intention de contrarier les grandes entreprises qui exigent des mesures anti-sociales plus poussées qu'elles déclarent essentielles pour la compétitivité de la France dans le monde. Si le Parti socialiste arrivait au pouvoir, son soutien, de facto, aux mesures répressives des gaullistes s'accompagnerait de nouvelles attaques contre les droits sociaux et démocratiques de la classe ouvrière.

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