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La grève des enseignants en Colombie-Britannique demande une offensive politique de la classe ouvrière

Déclaration du Parti de l'égalité socialiste (Canada)
17 octobre 2005

Le débrayage dans la région métropolitaine de Victoria et la marche en direction de la législature provinciale qui ont lieu aujourd'hui sont une vibrante manifestation de l'appui populaire dont bénéficie les 40,000 enseignants du secteur public en grève et leur courageuse opposition de principe aux lois antigrève du gouvernement et les injonctions des tribunaux.

Le gouvernement libéral de Gordon Campbell, avec l'aide des grands médias corporatifs, a tenté de mobiliser le public contre les enseignants en les accusant de tenir 600,000 élèves en otage, de casser les pieds des parents qui doivent travailler et de faire peu de cas de la «volonté démocratique» du parlement. Les masses laborieuses reconnaissent, cependant, que c'est le gouvernement libéral qui menace les services publics essentiels et les droits démocratiques de base. Elles voient, avec justesse, la grève des enseignants comme un moyen de défier ce gouvernement qui, au cours de quatre longs ans et demi de pouvoir, a brutalement imposé les diktats de la grande entreprise.

Mais si les actions d'aujourd'hui montrent que le potentiel existe pour une contre offensive de la classe ouvrière contre l'assaut sur les services publics, sur les emplois, sur les conditions de travail et sur les règles en matière environnementale, elles démontrent de façon non moins décisive l'urgence pour les enseignants et leurs supporteurs de retirer le contrôle de la grève des mains de la direction de la Fédération du travail de la Colombie Britannique (BCFL) et de leurs alliés, les politiciens sociaux démocrate du Nouveau parti démocratique.

Mais qu'on ne se méprenne pas : la BCFL n'a pas autorisé les actions limitées d'aujourd'hui, qui ont épargné Vancouver, le centre économique et financier de la province, parce qu'elle a l'intention de développer une offensive industrielle et politique de la classe ouvrière contre le gouvernement libéral. Les bureaucrates syndicaux ont appelé cette journée de mobilisation dans l'espoir qu'elle leur donnera suffisamment de crédibilité face aux membres de la base pour rapidement et brutalement mettre un terme à la lutte des enseignants. C'est exactement ainsi qu'elle a procédé pour mettre fin à la grève des travailleurs des traversiers en 2003 et à celle des travailleurs hospitaliers en 2004 et qu'elle a trahi, en 1983, le mouvement «Opération solidarité». Ces mouvements pouvaient tous devenir le point de ralliement d'un soulèvement de masse de la classe ouvrière.

Toute la fin de semaine qui a précédé le mouvement d'appui aux enseignants, le président de la BCFL, Jim Sinclair, a plaidé auprès des libéraux pour qu'ils reprennent les pourparlers, leur promettant que s'ils le faisait, la journée de manifestation serait sabordée et que les enseignants reprendraient le travail. Un Sinclair solennel se plaignait samedi qu'il n'avait encore rien entendu du gouvernement et trépignait à l'idée que la BCFL serait forcé de mettre à exécution sa menace d'une grève d'un jour circonscrite à une région : «C'est un moment très sérieux, de sobre réflexion pour le mouvement ouvrier. Il n'y personne parmi nous qui est excité ou extasié à propos de ce qui se passe ici.»

Le NPD pour sa part, a actuellement accueilli la décision de jeudi dernier du juge Brenda Brown de la Cour supérieure de la Colombie Britannique qui a fait saisir les biens de la Fédération des enseignants, dérobant les enseignants de leur salaire de grève et pavant la voie pour d'importantes amendes contre les enseignants et leur syndicat. John Horgan, le critique du NPD en matière d'éducation, a déclaré : «J'espère que Mike De Jong [le ministre du Travail] va saisir cette occasion. Il prendre la balle au bond et je pense qu'il recevrait une réponse positive de la direction syndicale.»

Mais surtout, le NPD et la direction syndicale se sont empressés de rassurer l'élite dirigeante de la Colombie Britannique et du Canada qu'il ne remettait pas en question la légitimité du gouvernement Campbell, soit son droit de gouverner. En décrivant la grève comme une «protestation politique», ils ont explicitement affirmé leur intention de se rendre au gouvernement.

Inquiets à juste titre de la direction du syndicat et du NPD, plusieurs travailleurs font pression d'en bas pour l'adoption d'actions militantes, y compris la grève générale. De telles actions sont entièrement bienvenues, mais ce qui doit être compris avant tout, c'est que la question centrale à laquelle les enseignants et la classe ouvrière sont confrontés est la nécessité d'adopter une nouvelle perspective politique. Si les travailleurs en Colombie-Britannique et à travers le Canada ont subit défaite après défaite au cours des deux dernières décennies, ce n'est à cause d'un manque de militantisme, mais parce que leurs luttes sont restées confinées dans les limites de la négociation collective et de la politique de protestation parlementaire. Elles ont été menées avec la conception qu'il faut accepter l'ordre social et économique du capitalisme qui subordonne systématiquement les besoins sociaux essentiels aux profits de la grande entreprise.

En luttant pour défendre leurs conditions de travail et l'éducation publique, les enseignants ne défient pas seulement la politique du gouvernement Campbell, mais aussi la stratégie de classe de toute la bourgeoisie canadienne et du capital international.

Durant les deux dernières décennies, tous les gouvernements, tant fédéraux que provinciaux, tant du Parti libéral que du Parti conservateur, du NPD, du Parti québécois et du Crédit social ont sabordé les services publics et sociaux et attaqué les droits des travailleurs. Le gouvernement du NPD, qui a gouverné en Colombie-Britannique de 1991 à 2001, a pavé la voie à la prise du pouvoir du gouvernement libéral de Campbell en s'accommodant toujours plus complètement aux demandes de la grande entreprise. Sous Mike Harcourt, Glen Clark et Ujjal Dosanjh (actuellement ministre dans le cabinet fédéral), le NPD a imposé des budgets d'austérité et des coupures salariales dans le secteur public, a voté des lois pour briser des grèves, a imposé de nouvelles restrictions au droit de grève des enseignants et a imposé le travail forcé aux assistés sociaux.

Dans les années 1990, les gouvernements ont justifié les coupures budgétaires dans les programmes sociaux avec la lutte au déficit. Mais, ils ont rapidement voté des diminutions massives de taxes et d'impôts pour la grande entreprise et les mieux nantis. Ils ont agi ainsi pour s'assurer que l'État n'ait pas les moyens de rapiécer les trous du filet de sécurité sociale. Juste avant les élections fédérales de 2000, le gouvernement libéral de Martin-Chrétien a dévoilé un plan de réduction des impôts de 100 milliards de dollars que même le National Post, un quotidien néoconservateur, a présenté comme un «budget de l'Alliance (canadienne)». L'été dernier, la Cour suprême, a utilisé la crise créée par ce programme de la grande entreprise dans le système public de santé pour ouvrir la porte à un système de santé à deux vitesses. Les normes de soins seront établies en fonction des profits et les riches auront les meilleurs soins que l'argent pourra offrir alors que les travailleurs dépendront d'un système public dépouillé de ses moyens.

La poussée de la grande entreprise et de ses agents politiques pour le démantèlement des services sociaux et publics et pour l'élimination systématique de toutes restrictions au capital a eu pour résultat la montée des inégalités sociales, la pauvreté et l'insécurité économique. Ces mesures ont aussi provoqué une série de catastrophes sociales, du scandale de l'eau contaminée de Walkerton en Ontario jusqu'à l'abandon des sinistrés par le gouvernement américain suite au passage de l'ouragan Katrina.

Chaque concession au capital est suivie de nouvelles demandes alors que les États et les compagnies sont en concurrence pour profiter des plus faibles conditions sociales. Lors des dernières élections allemandes, les électeurs ont décisivement rejeté les appels de l'establishment pour des coupures massives dans les programmes sociaux et l'accroissement de la «flexibilité» du travail afin de rendre l'Allemagne plus concurrentielle face à l'Angleterre et aux États-Unis. Malgré cela, les deux principaux partis allemands, le parti de droite du CDU et les sociaux-démocrates du SPD, ont uni leur force dans une grande coalition la semaine dernière afin de s'assurer que ces changements régressifs soient implantés.

Pour justifier l'assaut continu contre les services publics et sociaux, on répète qu'il «n'y a pas d'argent». C'est faux. Le dernier quart de siècle a été témoin d'une révolution technologique qui a menée à une croissance phénoménale de la productivité du travail. Mais sous le régime capitaliste, cette nouvelle technologie a été utilisée pour intensifier l'assaut contre la classe ouvrière, par la destruction des emplois et le transfert systématique de la production vers les endroits du globe les plus favorables à l'extraction du profit au dépend des travailleurs.

Exemples parfaits d'organisations basées dans l'État-nation et qui acceptent l'inviolabilité de l'ordre capitaliste, les syndicats et le NPD ont fait la démonstration qu'ils sont impuissants, et en fait coopératifs, devant la grande entreprise et son assaut toujours plus généralisé contre la classe ouvrière. Alors qu'en d'autres temps, ils acceptaient de faire pression sur le capital afin d'obtenir des réformes limitées dans le cadre d'une économie capitaliste nationale, ils demandent maintenant que les travailleurs fassent des concessions aux compagnies afin de protéger les investissements. En ligne avec cette orientation, ils aident les sociétés à utiliser la production mondialisée comme une arme contre la classe ouvrière en appelant les travailleurs à se mobiliser non pas contre les compagnies sur la base d'une stratégie internationale, mais contre les travailleurs des autres pays.

C'est ainsi que la dirigeante du NPD de la Colombie-Britannique, Carole James, lors de son discours devant le parlement le mois dernier, a offert de travailler main dans la main avec le gouvernement Campbell et déclarait que les travailleurs et la grande entreprise étaient des partenaires : «Comme je l'ai déjà dit auparavant, il n'y a pas d'ennemis en Colombie-Britannique. Nous coulerons ou nous flotterons tous ensemble.»

Les travailleurs doivent consciemment rejeter cette perspective procapitaliste du NPD et des syndicats. Les moyens existent pour assurer à tous une éducation publique de qualité, des emplois et des services publics. Mais pour réaliser ces objectifs, l'économie doit être radicalement réorganisée de manière à ce que les besoins sociaux et pas les profits soient le moteur principal de l'activité économique.

Le Parti de l'égalité socialiste lance un appel à tous les enseignants et à leurs supporteurs pour qu'ils déclarent explicitement que leur lutte est politique en faisant de leur grève le fer de lance d'un mouvement pour la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière. Cela signifie qu'il faut lier les actions syndicales militantes à l'échelle de la province aux demandes pour le retrait de la loi 12 et de toute la batterie de lois antisyndicales adoptée par le gouvernement libéral de Campbell. Cette lutte doit être combinée avec une lutte pour la construction d'un nouveau parti politique de masse de la classe ouvrière dédié à un programme socialiste et à l'unification internationale de la classe ouvrière.

Nous demandons à tous les enseignants et à leurs supporteurs en Colombie-Britannique et à travers le Canada de discuter de ces politiques, de lire le World Socialiste Web Site et d'écrire au WSWS afin de participer à la lutte pour la perspective politique socialiste.





 

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