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Canada : Le Parti québécois lancé dans une course à la direction improvisée

par Guy Charron
17 septembre 2005

À cause de la démission choc de Bernard Landry en tant que le chef du Parti québécois (PQ), ce parti de la grande entreprise qui depuis les années 1970 a formé le gouvernement provincial du Québec alternativement avec le Parti libéral du Québec (PLQ) a été lancé dans une course à la direction improvisée.

L'élection du nouveau chef aura lieu le 15 novembre et sur la douzaine de personnes qui ont annoncé leur intention de briguer les suffrages, neuf sont officiellement candidats. Les plus connus sont Pauline Marois et André Boisclair.

Marois est députée depuis près de 25 ans et a été candidate à la direction du PQ en 1985. Elle a dirigé pratiquement tous les ministères d'importance et a été vice-premier ministre. Boisclair joue la carte de la jeunesse et du renouveau. Plus jeune que Marois de 15 ans, il fut un des premiers députés à affirmer publiquement son homosexualité.

Malgré qu'il soit assez jeune, Boisclair est associé à l'establishment du parti. Élu député à 23 ans, Boisclair a pratiquement autant d'expérience que Marois à l'Assemblée nationale et a occupé plusieurs ministères, toutefois moins importants que ceux de Marois.

Une autre candidature très significative même si elle est peu suivie par les grands médias est celle de Pierre Dubuc des Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ libre). Depuis l'origine du PQ en 1968, la bureaucratie syndicale a toujours été un des principaux piliers de ce parti. Le PQ a été le véhicule politique de leur stratégie d'utiliser le nationalisme québécois pour subordonner la classe ouvrière à l'ordre social existant. Avec la fondation du SPQ libre en 2004, les dirigeants syndicaux ont intensifié leur appui au PQ pour tenter de contrer sa perte d'appui populaire en couvrant le parti de la gauche.

Tant la course à la direction elle-même que les circonstances entourant la démission de Bernard Landry sont des manifestations du profond malaise qui ronge le PQ.

Après qu'un quart des 1600 délégués ait refusé d'accorder sa confiance à Landry lors du congrès du PQ de juin, celui-ci a causé tout un émoi en annonçant sa démission immédiate. Les délégués au congrès étaient en état de choc, quelques uns même en larmes. Dans un contexte où le PQ mène dans les sondages par plus de vingt points, Landry a considéré qu'il n'avait pas d'autre choix que d'abandonner son poste devant un résultat aussi misérable dans son propre parti.

Si sa démission a causé un tel choc, c'est que jusqu'alors, l'on croyait qu'il avait réussi à consolider sa position au sein du parti. Il a été aux prises avec une course au leadership larvée presque dès le lendemain des élections 2003 où il avait perdu le pouvoir. Landry avait ensuite dû louvoyer sur les questions sensibles pour le PQ comme la détermination du meilleur moment pour tenir un référendum sur la souveraineté du Québec, mais avait finalement réussi à rallier ou neutraliser ses principaux rivaux, François Legault et Pauline Marois, en bonne partie grâce à son contrôle sur l'appareil du parti. Quelques semaines avant le congrès, il avait aussi gagné l'appui officiel des dirigeants de SPQ libre, en échange du poste de la présidence du PQ pour la présidente de SPQ libre, Monique Richard.

Bien que le PQ aime se présenter comme un parti progressiste, c'est sous sa gouverne que les travailleurs ont subi les plus grandes attaques depuis trente ans.

Lors de son dernier gouvernement, le PQ a lancé un assaut tous azimuts contre les services sociaux et les services publics. Le gouvernement péquiste avait fermé une dizaine d'hôpitaux, jeté des milliers de psychiatrisés à la rue, éliminé 30.000 emplois dans le secteur public et attaqué de front les assistés sociaux. Le gouvernement péquiste a bénéficié de l'appui indéfectible de la bureaucratie syndicale pour son programme de compressions sauvages des dépenses sociales, nommé le «déficit zéro». Ce sont même les chefs syndicaux qui ont insisté pour que le gouvernement péquiste adopte un programme de mise à la retraite des employés du secteur public qui a mené à l'élimination des 30.000 emplois.

Suite à ces mesures, l'appui du PQ s'est irrémédiablement effrité. Le PQ a subi une raclée aux élections de 2003, perdant 500.000 voix, soit près d'un tiers de son appui, par rapport aux élections de 1998. Obtenant seulement que 1,2 millions de voix ou 33 pour cent du vote exprimé (et 23 pour cent des voix des électeurs inscrits), le PQ n'avait pas aussi mal fait depuis 1973, une époque où le PQ n'avait encore jamais formé le gouvernement.

En réaction à la perte d'appui à leur parti, les grands bonzes du PQ ont appelé pour que le parti aille encore plus à droite et mette l'accent sur les diminutions d'impôts qui bénéficient aux plus riches. 40 pour cent de la population du Québec ne paie pas d'impôts sur le revenu parce qu'elle a des revenus trop faibles.

Encore aujourd'hui, le PQ est remarquablement faible face au gouvernement libéral de Jean Charest. Ce gouvernement est devenu le plus impopulaire de la période d'après-guerre après que les travailleurs se soient mobilisés en masse contre son programme de privatisations, de compressions budgétaires et de diminutions d'impôts quelques mois seulement après son élection. Le PQ obtient à peine 40 pour cent des intentions de vote et ne compte pas plus de 70.000 membres alors qu'il en comptait 300.000 au début des années 80. La course à la direction avec sa dizaine de candidats sillonnant le Québec pour enrôler des nouveaux membres dans le parti n'a suscité qu'une réponse très modeste.

Le PQ a aussi perdu beaucoup de lustre aux yeux de la grande bourgeoisie. Et la démission de Landry n'a rien pour les rassurer.

Le monde des affaires considérait Landry comme la personne la plus fiable pour diriger le PQ. De leur point de vue, Landry avait fait ses preuves. En tant que premier ministre du Québec de 2001 à 2003, il a démontré que l'on pouvait compter sur lui. Auparavant, dans les années 80, il avait contribué à mobiliser le PQ pour appuyer le libre-échange entre le Canada et les États-Unis qu'il voyait comme une façon de soustraire le capital québécois de sa dépendance traditionnelle envers Bay Street, l'équivalent torontois de Wall Street. Dans les années 90, c'est Landry qui était ministre des Finances lorsque le PQ a imposé ses importantes compressions budgétaires dans les dépenses sociales.

Si le PQ avec ces politiques de droite s'est mérité l'opprobre populaire, il n'a toutefois pas réussi à convaincre les sections les plus puissantes de la bourgeoisie de la pertinence de son projet de république du Québec. Le PQ avait espéré qu'en déclarant la guerre au déficit, il réussirait à convaincre la grande entreprise qu'un Québec indépendant serait un meilleur véhicule pour la défense de ses intérêts. Mais alors que les élites québécoises ont applaudi le gouvernement péquiste pour ses compressions dans les services sociaux publics, de profonds changements économiques et politiques ont renforcé le scepticisme envers la séparation du Québec.

La bourgeoisie québécoise considère que la stratégie qu'elle a adoptée depuis les 1960, le «modèle québécois», qui consiste à se baser sur l'État et à collaborer avec la bureaucratie syndicale pour tenter de combler le retard de son développement social et économique, est maintenant dépassée. Dans ce contexte, le Parti québécois tente d'élaborer une nouvelle stratégie pour la bourgeoisie. Elle consiste à créer une enclave où les entreprises, n'ayant plus à tenir compte des intérêts divergents des autres sections du capital canadien, pourront bénéficier d'avantages fiscaux plus avantageux et de coûts de main d'oeuvre moins élevés, tout en ayant accès au marché américain, qui est déjà, et de loin, le principal marché d'exportation du Québec.

La majorité des grandes entreprises considèrent toutefois que leur position dans un Québec indépendant risque de se trouver affaiblie par la perte des avantages que lui procure la participation du Canada au G-7 et à d'autres alliances internationales.

La grande entreprise n'a également pas manqué de remarquer le changement de climat politique qu'indiquait le durcissement de la position de Washington et d'Ottawa envers la séparation du Québec.

Washington est sorti de sa réserve traditionnelle pour donner son appui à un «Canada fort, uni et démocratique», malgré toutes les assurances que le PQ et son parti frère à Ottawa, le Bloc québécois (BQ), ont voulu lui donner qu'un Québec indépendant serait un de ses partenaires les plus dévoués. Par exemple, le BQ et le PQ sont parmi les plus ardents supporteurs du remplacement du dollar canadien par son équivalent américain.

Ottawa a lui aussi durci le ton. Le référendum de 1995 a été suivi par la loi dite de la clarté sur les référendums. Durant la campagne référendaire, les fédéralistes les plus radicaux avaient laissé planer des menaces de guerre civile, appelant à la partition du Québec dans le cas d'une séparation.

Quant aux travailleurs et aux jeunes, même s'ils n'ont pas encore rejeter consciemment le programme de l'indépendance du Québec, ils ont de plus en plus l'impression que l'option indépendantiste du PQ résonne creux dans le contexte de la mondialisation où, dans tous les États-nations, la vie sociale des travailleurs est soumise aux impératifs du profit pour la grande entreprise.

La course à la direction ne va rien régler des contradictions internes du PQ. Les tensions entre les différentes factions qui ont mené à la démission de Landry vont être exacerbées dans cette course où toutes les tendances s'opposent avec véhémence.

Répondant au mouvement d'appui qui s'est développé après sa démission, Landry a longtemps jonglé avec la possibilité qu'il tente de se succéder à lui-même, avant d'annoncer qu'il ne le ferait finalement pas.

Les deux principaux candidats, Pauline Marois et André Boisclair, sont politiquement très proches de Landry. Comme les siennes, leurs politiques expriment le plus directement les intérêts de la grande entreprise et ils sont plus réticents par rapport à l'indépendance. Il est clair qu'ils décevront la faction des «purs et durs», constituée surtout d'éléments de la petite bourgeoisie plus chauvins, impatients et téméraires que la direction traditionnelle du PQ. Ces activistes forment une section importante du PQ.

La plupart des candidats sont en désaccord avec le nouveau programme du parti qui a été adopté au congrès où Landry a remis sa démission. Il y avait été établi que le PQ entreprendrait certaines mesures pour faire la promotion de l'indépendance du Québec au lendemain de l'élection du PQ, sans toutefois aller jusqu'à défier la constitution canadienne. Le programme du PQ prévoyait ensuite un référendum dans les plus brefs délais qui mènerait dans le cas d'un oui immédiatement à l'indépendance, sans offre de négociation d'un partenariat politique et économique avec le Canada.

Un candidat, Jean-Claude St-André, a déclaré lors du lancement de sa campagne: «Il doit être clair qu'à la prochaine élection, un vote pour le Parti québécois, c'est un vote pour la souveraineté. Aussitôt élu, le Parti québécois mettra en marche le processus qui mène à l'indépendance du Québec.»

Un autre candidat, Ghislain Lebel, critique ses adversaires pour avoir abandonner la politique nationaliste traditionnelle. Ils ont fait «table rase sur notre histoire, a déclaré Lebel. Pour aller chercher les communautés culturelles, c'est ethnicité zéro, c'est religion zéro. Ils font fausse route en affaiblissant notre identité.»



 

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