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Réunion du comité de rédaction international du WSWS

Rapport sur l’économie mondiale en 2006

Partie trois

Par Nick Beams
24 juin 2006

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Nous publions ci-après la conclusion du rapport en trois parties prononcé par Nick Beams lors d’une rencontre élargie du comité de rédaction international du World Socialist Web Site. Beams est membre de ce comité et secrétaire national du Parti de l’égalité socialiste (Australie), parti hôte à Sydney de la rencontre qui s’est déroulée du 22 au 27 janvier 2006. Les première  et seconde parties ont été publiées les 22 et 23 juin

Pour conclure cette étude, laissez-moi citer les récentes remarques de Sir Andrew Large, gouverneur adjoint en matière de stabilité financière de la Bank of England. Large a souligné ce qu’il appelle «les aspects les moins bénins» du système financier actuel, notamment la difficulté de connaître la véritable valeur des biens et des contrats, la confiance envers des modèles financiers n’ayant pas essuyé l’épreuve de diverses conditions économiques, l’incertitude relative au comportement des nouveaux participants du marché et «la difficulté que nous avons à juger de la solidité des marchés advenant qu’un nombre important d’investisseurs décide simultanément de tenter de réaliser leurs investissements... Ce qu’il faut se demander c’est : est-ce que les vulnérabilités vont en s’accroissant? Vont-elles un jour se cristalliser lorsqu’un plus grand choc que le marché ne pourra tout simplement pas absorber surviendra? Le fait est que nous n’en savons rien».

La croissance d’instruments financiers exotiques, dont beaucoup n’existaient pas encore il y a de cela quelques années seulement, est assez extraordinaire. Les fonds spéculatifs disposent maintenant d’au moins 1 billion $, un montant qui a doublé depuis 1998. Et on évalue que le marché des instruments dérivés en 2006 atteindra le demi-quadrillion; c’est-à-dire 500 billions $, soit plus de 10 fois le PIB mondial -- qui est d’environ 45 billions $.

Un autre événement important de la récente période a été la montée du prix de l’or, gravitant maintenant à environ 560 $ l’once, soit des sommets jamais atteints en 25 ans. Le changement vers l’or reflète le manque de confiance croissant envers toutes les grandes devises. Lorsque l’administration Nixon a cessé d’aligner la valeur du dollar américain sur celle de l’or en 1971 en éliminant le système des accords de Bretton Woods, le dollar est alors devenu une devise internationale à cours forcé. Mais dans les 35 années qui ont passé depuis, le dollar n’est jamais parvenu à devenir une base stable pour le système monétaire international.

Dans la période de stagflation de la fin des années 1970, le dollar est descendu à un plancher record, menant éventuellement au choc de la politique Volcker en 1979, alors que les taux d’intérêt américains ont atteint des sommets records. Cela a entraîné la pire récession depuis les années 1930 et une crise financière majeure dans les pays sous-développés. La croissance de la valeur du dollar américain a entraîné un déficit de la balance commerciale de plus en plus grand, alors que les exportations américaines se sont retrouvées non compétitives au niveau des prix sur le marché mondial. Cela a entraîné en 1985 l’Accord du Plaza, sous lequel les banques centrales ont accepté d’abaisser la valeur du dollar. Mais cette décision avait des conséquences à long terme, dont notamment l’augmentation de la valeur du yen et la création d’un boum dans les marchés des actifs et boursier au Japon qui allaient finalement s’effondrer en 1989, ouvrant la voie à plus d’une décennie de déflation.

Le dollar a chuté si rapidement qu’en 1987 l’accord du Louvre a été conclu pour stabiliser sa valeur. Cependant, des différends entre les États-Unis et l’Allemagne relativement aux taux d’intérêts ont entraîné des turbulences dans les marchés financiers et le marché des actions qui ont abouti au krach d’octobre 1987.

Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale américaine alors nouvellement installé dans ses fonctions, a réagi au krach d’une façon qui allait devenir bien familière au cours des 18 années qui allaient suivre. Il a ouvert les robinets financiers en garantissant le crédit aux institutions financières qui éprouvaient des difficultés. Le marché des actions s’est alors effondré et a ainsi été stoppé -- avec l’intervention massive des autorités financières -- mais la tempête des devises s’est poursuivie. Le début des années 1990 a vu la crise de la livre sterling et du système bancaire scandinave. Puis est survenue la crise mexicaine de 1994, dans laquelle l’administration Clinton est intervenue pour renflouer les banques et autres institutions financières américaines.

À la fin de 1996, il était apparent qu’une bulle se développait au sein des marchés financiers aux États-Unis -- un fait qu’a reconnu même Greenspan lors d’une réunion de la Réserve fédérale américaine. Mais hormis une déclaration à propos de «l’exubérance irrationnelle», aucune mesure n’a été entreprise. L’opposition de Wall Street à la hausse des taux d’intérêts lancée par Greenspan en 1997 a été tellement intense que le président de la Réserve fédérale américaine en est venu à la conclusion qu’aucune mesure ne pouvait être prise pour mettre fin à l’escalade du prix des actions. Qu’importe, l’éruption de la crise asiatique a été le signal d’une détente des liquidités.

Lorsque la bulle du marché des actions a éclaté au début de 2001, la réaction de Greenspan a été de réduire les taux d’intérêts. L’effet a été de créer une bulle dans le marché immobilier alors que les taux d’intérêts ont atteint un plancher historique. Au cours de la récente période, la Réserve fédérale a monté ses taux, principalement par crainte que si elle ne le faisait pas, elle ne pourrait réagir à la prochaine crise financière

Les contradictions du capitalisme

Il ne fait aucun doute que lorsqu’une crise financière se développe, ils sont nombreux à frapper à la porte de Greenspan pour le blâmer… «si seulement la Réserve fédérale américaine avait agi en conséquence pour crever la bulle financière dès son apparition, etc.» peut-on entendre. De la même façon, on a tenté de blâmer les politiques de la Réserve fédérale américaine pour le Krach de 1929 à Wall Street et la Grande dépression qui a suivi.

Bien qu’il serait erroné de nier le rôle des individus et de leurs décisions, l’expansion du système financier et du crédit, avec toute l’instabilité potentielle qu’elle introduit, ne peut être réduite aux seules décisions de Greenspan. Ces politiques sont une réaction au développement des contradictions objectives de l’économie capitaliste même.

Quelle évaluation tirons-nous de ces processus?

Au début des années 1970, l’équilibre du capitalisme mondial de l’après-guerre s’est effondré. Les trois décennies qui ont suivi ont été le théâtre d’une vaste transformation de l’économie mondiale. Nous faisons maintenant face à la question: allons-nous vers un nouvel équilibre, ou est-ce que les changements en profondeur survenus dans l’économie mondiale au cours des trois dernières décennies ont créé les conditions pour des bouleversements économiques et politiques et la possibilité du renversement du capitalisme au moyen de la révolution socialiste? Autrement dit, quelles sont les perspectives internationales du socialisme?

Afin de répondre à cette question, j’aimerais parler d’un article rédigé par des auteurs «de gauche», Leo Panitch et Sam Gindin, intitulé «Finance and the American Empire» (La finance et l’Empire américain) et qui a été publié dans l’édition 2005 de Socialist Register.

D’après l’article, le processus de financialisation des 30 dernières années n’a pas affaibli mais bien renforcé le capitalisme américain. Selon les deux auteurs, le choc de la politique Volcker du début des années 1980 et l’ordre du jour néo-libéral qui a suivi ont été primordiaux pour les progrès de l’impérialisme américain.

«En bout de compte», poursuivent-ils, «les risques de l’accumulation internationale dépendent de la confiance exprimée envers le dollar et les fondement matériels de celle-ci dans la force de l’économie américaine et dans la capacité des États-Unis à gérer l’inévitable volatilité des marchés financiers. Le boum de l’Après-guerre reflétait un type de confiance dans la puissance américaine; la reconstitution de l’empire qui a commencé au début des années 1980 passait par sa restauration après les incertitudes des années 1960 et 1970».

Les auteurs insistent sur le fait que l’expansion de la finance est au centre tant de l’internationalisation de la production que de la force constante de l’économie américaine; la finance libéralisée est un mécanisme en développement par lequel les États-Unis atteignent leurs buts, en plus de gérer les crises financières lorsqu’elles surviennent. Parallèlement, la mondialisation de la finance a vu l’américanisation de la finance, maintenant au centre de la reproduction et de l’universalisation de la puissance américaine.

Panitch et Gindin rejettent ce qu’ils appellent le «vieux paradigme des rivalités interimpérialistes», soutenant que l’intégration actuelle dans l’empire américain signifie qu’une crise du dollar équivaut à une crise de tout le système dans son ensemble.

«S’accrocher à la notion que les effets des crises des années 1970 sont toujours actifs présentement vient se heurter à la réalité des changements survenus depuis le début des années 1980. Quelle sorte de crise le capitalisme traverse-t-il lorsque le système s’étend et prend de l’ampleur, notamment en chapeautant une nouvelle révolution technologique, alors que ses opposants sont incapables après trois décennies de monter la moindre opposition efficace? Si la crise devient la "norme", le concept même en devient banalisé et nous écarte des nouvelles contradictions de la conjoncture actuelle».

Plusieurs points doivent être relevés ici. Bien entendu, il est nécessaire de distinguer entre les crises à court terme de l’économie capitaliste -- effondrement du marché des actions de 1987, écroulement de la gestion à long terme de capitaux -- et la viabilité historique à long terme du mode de production capitaliste à l’époque actuelle. Le capitalisme n’est pas en crise permanente à court terme, pas plus que la «crise du capitalisme» ne peut être évoquée pour tenter d’expliquer les développements économiques

Ceci étant dit, il est nécessaire d’évaluer la position historique de l’économie capitaliste mondiale. Qu’était cette «crise des années 1970» sur laquelle nos deux auteurs insistent tant pour que nous l’oublions? Cette crise était enracinée dans le processus de l’accumulation du capital -- la force motrice de l’économie capitaliste. La baisse tendancielle des taux de profit qui s’est développée à partir de la fin des années 1960, ne pouvait être surmontée au sein du système de production. L’économie capitaliste requérait une restructuration radicale. C’est ce qui a mené au processus de mondialisation -- cette tentative du capital de surmonter la pression sur les taux de profit en tirant avantage des sources de main-d’oeuvre les moins coûteuses. Est-ce que les taux de profit ont été restaurés? Les faits nous démontrent que non.

Selon une analyse, les taux de profit aux États-Unis se maintenaient à 22 % au début du boum de l’Après-guerre, avant de connaître un déclin dans la période de 1967 à 1977, alors qu’ils étaient d’environ 10 %. Depuis lors, malgré les efforts les plus vigoureux tant des employeurs que de l’État pour réduire le salaire réel et introduire de nouvelles technologies, le taux de profit n’a augmenté que de 14 %, après une brève pointe dans les années 1990 (voir Fred Moseley, « Marxist Crisis Theory and the Postwar US Economy » dans Anti-Capitalism, Alfredo Saad-Filho éditeur, p. 212).

Même en l’absence de chiffres spécifiques, l’apparition d’une série de gigantesques bulles financières, au cours desquelles la richesse ne provient non pas de l’extraction de la plus-value, mais de la spéculation et des moyens financiers, montre l’existence d’une pression à la baisse sur les taux de profit. Si l’argent doit être produit au moyen de capital de risque, c’est parce qu’il ne peut plus être produit ailleurs.

Panitch et Gindin insistent sur le fait qu’il est nécessaire d’appréhender les «nouvelles contradictions de la conjoncture actuelle» Or, quelles sont-elles? Les contradictions interimpérialistes, nous disent-ils, sont choses du passé, et la baisse des taux de profit, qui a provoqué une crise dans les années 1970, n’est plus présente. Par conséquent, nous devons reconnaître la force croissante de l’impérialisme américain et mettre de coté nos vieilles notions et perspectives qui étaient basées sur une compréhension des contradictions objectives du capitalisme mondial. Est-ce que cela signifie que le socialisme est exclu? Non, mais il a de nouveaux fondements.

«Un avenir au-delà du capitalisme est possible, et de plus en plus nécessaire compte tenu de la perspective de justice sociale et du bon sens écologique, mais le capitalisme est toujours dans son processus d’évolution». Nous pouvons donc encore parler des contradictions du capitalisme, mais sans trop y accorder d’attention cependant, sauf si elles prennent la forme de contradictions de classes. Nous devons «négocier avec la notion de "crise" comme quelque chose entraînant le capitalisme à se désagréger seul».

«La possibilité d’un changement radical [et non pas faut-il souligner, pour la révolution socialiste] à l’ère actuelle du capitalisme gravite généralement autour des problèmes de légitimité politique plutôt que de quelque effondrement économique soudain».

Nous revoyons soulevées ici, dans la première décennie du XXIe siècle, toutes les questions qui ont surgies autour de la controverse révisionniste du début du XXe siècle. Comme Rosa Luxemburg l’expliquait dans sa réponse à Edouard Bernstein, où bien la transformation socialiste est la conséquence des contradictions internationales du capitalisme et de son effondrement éventuel, ou alors le système capitaliste est en mesure d’abolir ses contradictions internes. «…en ce cas, le socialisme cesse d’être une nécessité historique; il est alors tout ce que l’on veut sauf le résultat du développement matériel de la société».

Bernstein insistait sur le fait que les nouveaux moyens de crédit et financiers avaient empêché éruption du type de crises qui avaient ébranlé le capitalisme auparavant et avaient renforcé l’économie capitaliste. Luxemburg répliqua que le mécanisme du crédit, bien qu’il permettait de surmonter les contradictions du développement du capitalisme, ne le faisait qu’au prix de la reproduction de ces mêmes contradictions, mais à un niveau plus élevé.

En des mots qui n’ont rien perdu de leur pertinence, Luxemburg expliquait: «Ainsi le crédit, loin de contribuer à abolir ou même à atténuer les crises, en est au contraire un agent puissant. Il ne peut d’ailleurs en être autrement. La fonction spécifique du crédit consiste -- très généralement parlant -- à corriger tout ce que le système capitaliste peut avoir de rigidité en y introduisant toute l’élasticité possible, à rendre toutes les forces capitalistes extensibles, relatives et sensibles. Il ne fait évidemment ainsi que faciliter et qu’exaspérer les crises, celles-ci étant définies comme le heurt périodique entre les forces contradictoires de l’économie capitaliste».

Les banquiers de la Banque centrale auparavant cités ne sont probablement pas des adeptes de Rosa Luxemburg, mais ils expriment bien leurs préoccupations précisément à propos de ce même processus.

Les trahisons de la classe ouvrière et le rôle de l’impérialisme américain

Pour conclure, examinons l’affirmation selon laquelle le processus de financialisation a renforcé la position du capitalisme américain et sa domination du système capitaliste mondial, en plus de redonner au capitalisme un nouveau souffle de vie.

En réaction, nous devons examiner la relation historique des États-Unis avec le système capitaliste mondial. À la veille de la Révolution russe, Lénine décrivait l’impérialisme comme le stade suprême du capitalisme, à la veille de la transformation socialiste. La perspective de la révolution permanente de Trotsky était basée sur la compréhension que, même si la Russie seule n’était pas mure pour le socialisme, les économies capitalistes avancées en revanche l’étaient. Par conséquent, la Révolution russe pourrait être le début de la révolution socialiste mondiale.

Finalement, la perspective révolutionnaire des bolcheviks ne s’est pas réalisée et, au cours du XXe siècle, le développement des forces productives s’est poursuivi sous le capitalisme. Comme nos auteur nous le rappellent, nous vivons actuellement une révolution technologique. Peut-être devrions-nous conclure que la Révolution russe était prématurée, qu’elle n’était destinée qu’à être isolée, et que par conséquent sa dégénérescence, ainsi que la montée du stalinisme avec tout ce qui s’est ensuivi était inévitable?

Ce serait là une approche entièrement mécanique. On a qu’à se pencher sur les coûts énormes que l’humanité a du subir à cause de la continuité du système capitaliste au cours du XXe siècle pour répondre a cette question.

Le fait que les forces productives ont continué de se développer n’invalide en rien une perspective révolutionnaire basée sur le fait que le capitalisme n’est pas entièrement épuisé. Cependant, cela nous aide à comprendre pourquoi une telle perspective ne s’est pas réalisée. La continuation du capitalisme et le développement continu des forces productives a été rendu possible à cause de l’énorme puissance du capitalisme américain.

Le Comité international a mis l'accent de façon répétée sur l’importance des trahisons des luttes de la classe ouvrière par les directions staliniennes et réformistes dans le maintien du capitalisme au XXe siècle. Il est nécessaire également d’examiner l’interaction entre ces trahisons et le rôle des États-Unis.

L’éruption de la Première Guerre mondiale en 1914 signifiait la fin du développement organique paisible du capitalisme et le début de l’époque de la révolution sociale. Mais la classe ouvrière, à l’exception de la Russie, a été incapable de renverser la bourgeoisie. Ce n’était là aucunement une conclusion manquée. L’un des facteurs parmi les plus remarquables dans la décision des États-Unis d’intervenir dans la guerre a été la réalisation que plus elle perdurait, et plus le danger de révolution sociale était grand. Les fameux 14 points de Wilson ont été rédigés en réaction au défi que représentaient les bolcheviks et à la menace posée par la Révolution russe à la stabilité de l’ensemble de l’ordre capitaliste. Sans l’intervention américaine, l’Allemagne n’aurait pas demandé la paix et les puissances européennes auraient poursuivies la guerre. Dans ces conditions, la guerre aurait bien pu se terminer, non pas à cause de l’intervention américaine, mais bien à cause de la révolution sociale.

La bourgeoisie est parvenue à stabiliser la situation, sans toutefois résoudre aucun des problèmes qui ont mené à la guerre. Une série de situations potentiellement révolutionnaires s’est développée en Allemagne au début des années 1920. Cette ère s’est terminée lorsque le manque de préparation du Parti communiste allemand a entraîné l’occasion ratée d’Octobre 1923. Mais même cela n'aurait été qu’un incident dans une crise de plus en plus profonde et constante si les États-Unis n’étaient pas intervenus avec leur plan de restabilisation de l’Allemagne et de l’Europe -- le plan Dawes.

Il est important de souligner cependant que, sans les trahisons de la social-démocratie lors de la guerre et immédiatement après, l’impérialisme américain n’aurait jamais été en mesure d’intervenir.

Dans la situation politique créée par ces trahisons, la force du capitalisme américain a été capable, du moins temporairement, de stabiliser la situation. Mais elle ne pouvait résoudre les problèmes économiques du capitalisme mondial -- qui allaient éclater tout juste six ans plus tard et créer la Grande dépression. Néanmoins, cette restabilisation économique temporaire a eu des conséquences politiques énormes sur l’isolement se poursuivant de l’Union soviétique, la montée de la bureaucratie stalinienne et l’énorme dommage qu’elle allait infliger sur les jeunes sections de l’Internationale communiste.

Il ne fait aucun doute que les partis staliniens ont joué le rôle politique décisif dans la stabilisation du capitalisme mondial au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Mais sans la capacité des États-Unis de jeter les fondations pour la croissance de l’économie capitaliste mondiale, la situation aurait été bien différente. Dans des conditions de crise économique croissante dans l’Après-guerre, les sections de la Quatrième Internationale auraient eu l’occasion de défier la direction de la classe ouvrière alors que les travailleurs seraient entrés en conflit contre sa direction stalinienne et réformiste.

Au lieu de cela, la stabilisation du capitalisme mondial sous les auspices de l’impérialisme américain a vu la domination de ces appareils bureaucratiques se poursuivre sur la classe ouvrière, de même que l’isolement de la Quatrième Internationale, un processus qui s’est reflété par le développement de divers courants et tendances révisionnistes.

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, contrairement à la période qui a suivi la Première Guerre mondiale, les États-Unis, profitant de la trahison des directions stalinienne et social-démocrate, ont été en mesure d’établir un nouvel équilibre capitaliste en étant le porteur et l’organisateur d’un nouveau système de production capable de surmonter la baisse tendancielle historique des taux de profit apparue à la veille de la Première Guerre mondiale.

Mais qu’en est-il de la situation actuelle? L’impérialisme américain peut bien être la puissance mondiale dominante, mais il n’a pas de nouveau régime de production capable d’établir un équilibre économique mondial et une nouvelle phase d’expansion du développement capitaliste. Au contraire, il cherche à contrebalancer l’impact de son déclin économique en faisant appel aux moyens militaires. Et cela signifie, n’en déplaise à nos deux auteurs, que les conflits interimpérialistes vont devenir plus profonds et aller en s’intensifiant.

Sur le plan économique, la domination de la finance américaine n’est pas une expression de force, mais bien celle d’une crise historique. Le capital financier facilite l’accumulation de grandes richesses, mais sans être engagé dans l’extraction de la plus value de la classe ouvrière -- l’extraction la plus importante du point de vue du processus d’accumulation pour l’ensemble de l’économie capitaliste. Le capital financier est plutôt engagé dans l’appropriation de la plus-value extraite ailleurs. Bien qu’il soit entièrement nécessaire pour le développement du capitalisme à long terme, il est en même temps parasitaire.

Si ce n'est pas l’industrialisation des États-Unis, alors peut-être est-ce celle de la Chine qui pourra insuffler un nouveau souffle de vie à l’ordre capitaliste mondial? Après tout, on peut argumenter que la réduction massive des coûts de la main-d’oeuvre résultant de l’envoi des activités de production en Chine et des opérations de service en Inde va faire monter les taux de profit.

Voyons ce qu’un tel développement impliquerait. Tout d’abord, cela nécessiterait une croissance massive de l’économie chinoise. Mais alors même que ce processus est engagé, il entre déjà en conflit avec les États-Unis. La Chine a déjà été identifiée comme «compétiteur stratégique».

De plus, l’industrialisation de la Chine vient bousculer les relations de classe dans tous les grands pays capitalistes où la classe ouvrière fait face aux conséquences de la mondialisation économique. Aux États-Unis par exemple, les compressions salariales massives effectuées par Delphi sont l’expression d’une pression extrême exercée sur les salaires et les conditions sociales. Cette pression se reflète dans la poussée vers l’élimination des régimes de retraite, là où ils existent encore, afin de rendre plus compétitives les entreprises basées aux États-Unis. En Europe, le premier ministre britannique Tony Blair a souligné la nécessité d’un processus de réforme -- essentiellement le démantèlement des mesures de sécurité sociale -- afin de rester compétitif avec la Chine. Et en Australie, le premier ministre John Howard a expliqué que l’une des raisons derrière les récents changements de fond en comble en matière de relations industrielles dans son pays était la compétition exercée par la Chine et l’Inde.

Puis il y a la situation de la Chine même. Des dizaines de millions de chinois ont été projetés dans les rangs de la classe ouvrière internationale. À l’étape actuelle, dans la mesure où la croissance économique se poursuit, il peut subsister quelques illusions envers le régime. Mais cela peut changer rapidement au fur et à mesure que le processus d’industrialisation entraînera inévitablement toutes sortes de chocs économiques et politiques. On n’a qu’à penser aux turbulences qui ont accompagné l’industrialisation en Russie à la fin du XIXe siècle -- et les processus en cours en Chine se développent sur une échelle encore bien plus vaste.

Les relations internationales sont caractérisées par des tensions croissantes. Non seulement il y a l’impact que la Chine exerce sur la région immédiate, mais aussi les relations qu’elle entretient avec les autres régions du monde telles que l’Amérique latine, le Moyen-Orient et l’Europe, où des conflits qui ont déjà commencé vont continuer d’éclater à propos des matières premières, des marchés et de l’influence politique. Les relations de la Chine avec chacune des grandes puissances vont exacerber les conflits entre elles. Par exemple, malgré son soutien inconditionnel à la guerre en Irak et à la «guerre au terrorisme» de Bush, même le gouvernement Howard a mit en garde Washington de ne pas assumer que l’Australie s’alignera derrière les États-Unis si jamais un conflit se développait avec la Chine à propos de Taiwan.

Comme l’histoire le démontre, la montée d’une nouvelle puissance industrielle vient briser l’équilibre du pouvoir et alimente les conflits et les rivalités interimpérialistes. À un certain point, cela peut entraîner la guerre et la descente dans la barbarie. Comment la classe ouvrière doit réagir? Elle doit entreprendre la tâche de réorganiser l’économie mondiale sur des fondements socialistes. Nous arrivons ici à la question cruciale de la perspective politique dont le développement passe par une analyse constante de tous les aspects de la situation mondiale et de ses implications stratégiques. C’est ce qui est au coeur des tâches auxquelles fait face le World Socialist Web Site pour la période à venir.

Notre analyse a démontré que 35 ans après l’effondrement du système des accords de Bretton Woods et de l’équilibre établi au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, le capitalisme mondial s’est non seulement montré incapable établir un nouvel équilibre, mais en plus ses contradictions sont en train de créer les conditions d’un profond déséquilibre. La précédente période de mondialisation qui s’est étendue de 1870 à 1914 a provoqué guerres et révolutions. Le résultat de la présente phase de mondialisation ne sera pas moins explosif. C’est précisément à cette situation que nous devons nous préparer.

Fin




 

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