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Le gouvernement conservateur canadien défend inconditionnellement Israël dans son assaut contre le Liban

par Guy Charron
5 août 2006

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Devant une réunion d’urgence du comité parlementaire des affaires étrangères convoquée par les partis de l’opposition, Peter Mackay, le ministre canadien des Affaires étrangères, a résolument défendu la politique du gouvernement conservateur minoritaire de Stephen Harper sur l’opération militaire israélienne au Liban et à Gaza.

Mackay a condamné le Hezbollah comme l’unique responsable des attaques d'Israël contre le Liban qui entrent maintenant dans leur quatrième semaine . Il a répété que c’était le Hezbollah qui avait déclenché le conflit en enlevant deux soldats israéliens. « Le Canada ne peut pas être neutre sur les questions fondamentales » a-t-il ajouté, justifiant l’assaut contre le Liban comme une partie de la soi-disant guerre du « terrorisme versus la démocratie ». « Ce n’est pas une guerre classique entre Etats, a plus tard dit Mackay aux journalistes. Il s’agit d’une organisation terroriste qui a une histoire continuelle de violence et d’attaques unilatérales par-dessus les frontières internationales. Israël a entrepris de changer ces circonstances. » Un député conservateur a décrit comme « dommage collatéral » les victimes civiles (750 morts et 3200 blessés selon l’ONU au moment d’écrire ces lignes) et les 800.000 réfugiés de l’assaut israélien au cours duquel des dizaines de milliers de bombes d’origine américaine ont été lancées sur le Liban.

Le gouvernement conservateur appuie entièrement la politique de l’administration Bush et contribue à lui donner de la crédibilité au niveau international. Les manoeuvres diplomatiques de cette administration n’ont pour but que de donner le temps à l’armée israélienne de mener son opération militaire planifiée de longue date et visant à changer la balance du pouvoir au Moyen-Orient. Les Etats-Unis appuient activement la campagne militaire d’Israël pour limiter l’influence au Liban du Hezbollah, de la Syrie et en fin de compte de l’Iran et pour punir l’ensemble de la population chiite du Liban sud appuyant le Hezbollah. Ils considèrent cette opération comme une facette importante de leur lutte globale pour consolider leur hégémonie sur le Moyen-Orient riche en pétrole et en gaz naturel.

Après avoir déclaré que « la plus grande retenue israélienne est nécessaire pour éviter autant que possible de faire des victimes chez les civils », Mackay a expliqué qu’il ne croyait pas que le cessez-le-feu « durable » que son gouvernement demandait était réalisable : « Nous avons affaire à des terroristes. Je ne suis même pas certain qui parle pour le Hezbollah et s’ils peuvent même commencer à respecter leur parole. »

Depuis le début de l’assaut israélien sur le Liban, le gouvernement conservateur a montré son indifférence, si ce n’est son mépris, devant le sort des centaines de milliers de personnes impliquées dans le conflit, y compris les citoyens canadiens.

Après avoir pris la position que l’intervention israélienne au Liban était « mesurée », le gouvernement conservateur a été l’un des derniers gouvernements occidentaux à organiser le rapatriement de ses ressortissants au Liban, refusant même pendant deux semaines toute aide aux résidents permanents canadiens (c’est-à-dire aux immigrants acceptés pour vivre et s’installer au Canada). Au même moment, ce n’est que sous l’outrage de la population qu’il a offert du bout des lèvres des condoléances officielles à la famille canadienne d’origine libanaise qui a perdu onze membres sous les bombardements israéliens. Quelques jours plus tard, il a condamné l’ONU pour la mort sous les bombes israéliennes de quatre de ses observateurs au Liban, dont un officier canadien. À la conférence de Rome, le gouvernement canadien s’est ligué avec les Américains et les Britanniques pour demander diplomatiquement un « cessez-le-feu durable » et laisser faire les Israéliens sur le terrain. Et finalement, Harper refuse encore à ce jour de blâmer Israël pour le bombardement de Cana.

Les trois partis d’opposition au Parlement, le Bloc québécois, le Nouveau parti démocratique et le Parti libéral du Canada ont cherché à profiter de la vague d’opposition populaire à la politique étrangère de Harper (un récent sondage indiquait que 3 Canadiens sur 5 ayant une opinion sur le sujet étaient opposés à la position des conservateurs) en demandant une réunion d’urgence du comité parlementaire sur les affaires étrangères pour discuter de l’évacuation des ressortissants canadiens au Liban, de la situation humanitaire et de la crise au Moyen-Orient.

Les députés conservateurs étaient clairement sur la défensive et ont cherché à limiter le débat sur une motion présentée par l’opposition appelant le gouvernement à demander un « cessez-le-feu immédiat » au Liban. Toutefois, en critiquant la politique étrangère des conservateurs, les partis d’opposition ont été très prudents de ne pas s’aliéner l’élite canadienne qui appuie le virage de la politique étrangère de Harper ou encore Washington.

Ils ont jugé trop radicale la motion initiale présentée par Francine Lalonde, députée du Bloc québécois, qui condamnait « les bombardements d’Israël faisant suite à l’enlèvement de ces deux soldats israéliens par le Hezbollah comme étant des actes ne respectant pas le principe de proportionnalité qui balise le droit de tout pays de se défendre » et se sont finalement entendu pour adopter une résolution à la portée beaucoup plus limitée demandant « au gouvernement du Canada d’exhorter toutes les parties à déclarer un cessez-le-feu immédiat à la frontière libano-israélienne ».

Tous les participants ont défendu le droit d’Israël de se défendre et aucun n’a condamné l’administration Bush pour sa diplomatie hypocrite. Soit, comme les conservateurs, ils la reprenaient, blâmant le Hezbollah, la Syrie et l’Iran pour refuser de se rendre à la table pour négocier un cessez-le-feu, soit ils avançaient l’idée qu’il fallait que le Canada demande un « cessez-le-feu immédiat», ignorant complètement la question que les Israéliens ne peuvent aller de l’avant avec leur assaut que parce qu’ils ont le feu vert des États-Unis et que ceux-ci refusent systématiquement tout cessez-le-feu au Moyen-Orient.

Traditionnellement, les élites canadiennes ont cherché à défendre leurs intérêts en balançant entre les positions des grandes puissances européennes et celles des États-Unis. Dans le monde de l’après-guerre, le Canada a pu ainsi se tailler une place dans le système des rapports entre les grandes puissances en tant que médiateur et « gardien de la paix ». De plus, ce rôle soi-disant pacifiste au niveau international a constitué un des éléments essentiels du nationalisme canadien qui a été redéfini dans les années soixante.

Mais aujourd’hui, les élites américaines n’ont plus la marge de manoeuvre qu’ils avaient et ont abandonné la politique du multilatéralisme. Ils se tournent vers des solutions militaires à leurs problèmes économiques et politiques, cherchant à tirer avantage de la taille incomparable de leur armée. Face à cette poussée unilatéraliste américaine, les élites financières, industrielles et politiques canadiennes craignent d’un côté que cela puisse résulter en un blocage des frontières à cause de mesures protectionnistes ou sécuritaires (40 pour cent de la production canadienne est destinée au marché américain) et considèrent, de l’autre, que le contexte mondial dans lequel elles exerçaient leur rôle de « gardien de la paix » n’existe plus.

Harper bénéficie de l’appui des sections les plus importantes du milieu financier, du milieu des affaires et des grands médias canadiens, surtout du côté anglophone, précisément parce que d’un côté, il a amorcé un important virage vers la politique étrangère américaine et le militarisme (le budget militaire canadien dépassera bientôt les sommes octroyées à l’époque de la guerre froide) et de l’autre, parce qu’il prône au pays des coupes massives dans les budgets sociaux et des diminutions d’impôts.

 

 

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