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L’unique réponse au CPE : une stratégie socialiste pour le pouvoir ouvrier

Déclaration du comité de rédaction du WSWS
04 Avril 2006

La déclaration suivante sera distribuée par les sympathisants du World Socialist Web Site et du Comité international de la Quatrième Internationale dans les manifestations de masse qui se déroulent dans toute la France le 4 avril, journée nationale d’action contre le CPE (Contrat première embauche) du gouvernement gaulliste. Nous encourageons vivement nos lecteurs et sympathisants à télécharger cette déclaration, qui est aussi affichée en format pdf en anglais et en français et à la diffuser aussi largement que possible.

La lutte contre le CPE (Contrat première embauche) du gouvernement gaulliste, qui dure maintenant depuis un mois, a mis en évidence les questions fondamentales de classes et de politique qui confrontent les salariés et les jeunes, non seulement en France mais à travers l’Europe et dans le monde entier.

Les besoins des jeunes et des salariés - un travail stable avec un salaire décent, le droit à l’éducation, à la santé, à un avenir sans guerre ni répression - se trouvent dans un conflit irréconciliable avec les intérêts d’une élite financière qui représente un système économique et politique en échec. Cette oligarchie de la richesse et du pouvoir est déterminée à faire payer à la classe ouvrière la crise du système capitaliste.

Tel est le sens réel de toutes ces tentatives visant à calomnier les jeunes et les salariés français les faisant passer pour des casseurs de machines des temps modernes qui s’opposeraient aux conséquences inévitables du « progrès » économique et aux réalités de la mondialisation. C’est la subordination des besoins sociaux à l’accumulation de profit et de richesse personnelle des riches, et non l’intégration mondiale de la vie économique, qui est à la base de cet assaut sur les besoins fondamentaux de la classe ouvrière.

En promulguant le CPE qui permet aux employeurs de licencier les jeunes salariés sans devoir fournir de justification, le président Jacques Chirac a agi au nom de la classe dirigeante non seulement de France mais du monde entier. Dans le courant de la semaine dernière, on a appris, par exemple, que la coalition gouvernementale des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates prépare en Allemagne une mesure quasiment identique.

Cette démarche de Chirac, malgré les protestations de masse, les grèves et les sondages d’opinion confirmant l’opposition de la grande majorité des Français, signale un tournant dans les relations de classes. La bourgeoisie européenne, prenant exemple sur son homologue américaine, a l’intention de détruire tous les acquis sociaux obtenus par la classe ouvrière durant un siècle de luttes. Et ce n’est pas la volonté démocratique du peuple qui l’en dissuadera.

Avec un cynisme consommé, Chirac a essayé, dans son allocution télévisée, de faire passer sa décision pour une affirmation des processus démocratiques. Une loi, passée à toute vitesse au parlement après suppression des débats, soutenue par le Medef et rejetée par une majorité écrasante de la population, est déclarée être l’incarnation de la démocratie !

Le mouvement populaire contre le CPE révèle au grand jour la fausseté de toute perspective consistant à faire pression sur le gouvernement pour qu’il change sa politique, et pose de but en blanc la nécessité de renverser le gouvernement et de le remplacer par un gouvernement authentiquement contrôlé par la classe ouvrière et déterminé à réaliser un programme qui défende ses intérêts. La question sous-jacente, celle de la lutte pour la prise du pouvoir par les travailleurs et la réorganisation socialiste de la société, se présente de façon de plus en plus directe.

Un retour des partis de la « gauche » officielle, du Parti socialiste et du Parti communiste au pouvoir ne mettrait pas fin aux attaques portées contre la classe ouvrière et la jeunesse. Le bilan de mesures d’austérité et de coupes sociales qui est celui du gouvernement de la Gauche plurielle de l’ancien dirigeant du Parti socialiste, Lionel Jospin, qui accéda au pouvoir suite au mouvement de grève massif de 1995, confirme qu’un nouveau gouvernement du Parti socialiste et du Parti communiste ne ferait pas une politique très différente de celle du gouvernement de Dominique de Villepin et du président Chirac.

Le développement de la lutte a brusquement mis en avant la nécessité de construire dans la classe ouvrière une nouvelle direction révolutionnaire totalement indépendante des vieilles organisations bureaucratiques que sont les syndicats, le Parti socialiste et le Parti communiste. Ces derniers, loin d’être à la tête de la lutte contre le CPE et le régime gaulliste, agissent une fois de plus, comme dans les années 1930, comme en 1968, 1995 et 2003, de façon à contenir le mouvement de masse, à le canaliser derrière l’une ou l’autre fraction de l’élite dirigeante et à le conduire à la défaite.

Ni les syndicats, ni les partis de la « gauche » officielle n’appellent, à la suite de la décision de Chirac, à renverser son gouvernement. Ils ne posent aucune revendication de la sorte à la journée d’action du 4 avril et ils ignorent l’appel lancé par la Coordination nationale des étudiants pour une grève générale et pour que les jeunes s’adressent directement aux travailleurs dans leurs entreprises.

Une fois de plus, comme lors de la mobilisation du 28 mars, les syndicats restreignent délibérément les grèves de façon à permettre le fonctionnement de la plupart des transports publics.

Chirac sait pertinemment que l’opposition de masse a révélé la faiblesse et l’isolement de son gouvernement et de l’establishment politique tout entier. D’où son offre de « concessions » sur la durée du CPE et son appel à des négociations avec les syndicats. La signification de cette manœuvre est de s’adresser plus directement encore aux syndicats, aux partis de la gauche » officielle et à leur « extrême gauche », la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et Lutte Ouvrière (LO) afin de contenir, de démoraliser et d’éparpiller la résistance.

Ces partis ont joué un rôle déterminant dans la réélection de Chirac et dans le fait que son Mouvement pour une majorité populaire (UMP) fut en mesure d’obtenir sa présente majorité à l’Assemblée nationale. En 2002, suite à l’élimination de Jospin au premier tour de l’élection présidentielle par le candidat du parti néo-fasciste, Jean-Marie Le Pen, ces partis de « gauche » appelèrent à voter Chirac, présentant ce vétéran de la politique de droite comme le sauveur de la « République ». Ils partagent la responsabilité politique de sa politique réactionnaire.

La logique de la lâcheté et de la prostration des partis de la « gauche » officielle et des syndicats est telle qu’ils donnent à présent de la crédibilité politique à Nicolas Sarkozy, le représentant de la fraction la plus droitière du parti gaulliste. Sarkozy, qui est président de l’UMP et ministre de l’intérieur, a l’intention de s’opposer à Villepin à l’élection présidentielle de l’année prochaine. Il a essayé de se positionner de façon à tirer parti de la colère populaire vis-à-vis de Villepin en critiquant le premier ministre pour n’avoir pas négocié avec les syndicats, alors même qu’il déclare soutenir le CPE.

Sarkozy, qui tente d’obtenir le soutien de racistes et de fascistes dans le camp de Le Pen, continue de dénoncer la jeunesse immigrée tout en supervisant la violence et les provocations policières contre les manifestants, une politique qui a déjà conduit à près de 2000 arrestations. Il utilise maintenant la police pour mettre fin aux occupations d’établissements scolaires par les lycéens.

Après le discours de Chirac, Sarkozy prit l’initiative et proposa des discussions avec les syndicats et les organisations étudiantes. Dimanche, il appela au téléphone le secrétaire général de la CFDT (Confédération française démocratique du travail), François Chérèque, et le président du syndicat étudiant UNEF, Bruno Julliard, qui sont tous deux alliés au Parti socialiste. Tous deux se déclarèrent prêts à discuter avec Sarkozy.

Ces développements soulignent le fait que le militantisme ne peut, à lui seul, résoudre les tâches politiques auxquelles le mouvement est confronté. On ne peut pas faire l’économie de la construction d’un nouveau parti basé sur un programme révolutionnaire socialiste et internationaliste.

Le point central de ce programme est l’unité internationale de la classe ouvrière. A l’époque de la mondialisation capitaliste, aucune des questions posées par le CPE ne peut se résoudre uniquement au sein des frontières de l’Etat nation France. Il ne peut pas non plus y avoir de retour à la politique sociale réformiste des années 1960 et 1970.

Aujourd’hui, la classe ouvrière en France et partout ailleurs est confrontée aux grandes entreprises transnationales qui ne cessent de licencier et de délocaliser les emplois des pays industrialisés avancés vers les régions appauvries où la main d’oeuvre est bien moins chère.

La lutte contre l’attaque universelle des droits et du niveau de vie des salariés nécessite le développement d’un mouvement international de masse de la classe ouvrière basé sur une perspective socialiste. Un tel mouvement doit unifier les salariés de toutes nationalités, origines ethniques et religions et soutenir le droit des travailleurs à vivre et travailler dans le pays de leur choix quel qu’il soit et à jouir des mêmes droits légaux que les gens du pays.

Ce mouvement doit défendre inlassablement les droits démocratiques et sociaux, s’opposer à la guerre impérialiste et exiger le retrait immédiat de tous les soldats étrangers d’Irak et d’Afghanistan.

Ce mouvement doit oeuvrer pour que les principales entreprises financières, industrielles et commerciales deviennent propriété publique et démocratique de façon à ce que la vie économique ne soit plus subordonnée à l’accumulation de profit par les entreprises et de richesse personnelle, mais plutôt qu’elle soit organisée sur une base rationnelle et internationale visant à éliminer la pauvreté et à fournir des emplois sûrs et des conditions de vie décentes pour tous.

La classe ouvrière d’Europe doit s’unir contre la politique capitaliste de l’Union européenne sur la base de son propre programme : celui des Etats socialistes unis d’Europe.

Le World Socialist Web Site est l’instrument fondamental de la construction d’un mouvement socialiste international de la classe ouvrière.Le WSWS est la publication Internet du Comité International de la Quatrième Internationale qui défend le marxisme et l’héritage du mouvement trotskyste depuis de nombreuses décennies. Nous invitons tous les jeunes et les salariés à lire le WSWS et à se joindre à la construction de sections du Comité International en France et dans toute l’Europe.