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Brésil: Le gouvernement Lula et la "nouvelle classe dirigeante" La faillite sans appel du centrisme au Brésil

Par Hector Benoit
20 avril 2006

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Lorsque le Parti des travailleurs (PT) du président brésilien Luiz Inàcio Lula da Silva a commencé à gagner un soutien de masse parmi les travailleurs, tout d'abord avec les grandes grèves des métallurgistes de 1978-80, de nombreux intellectuels soi-disant «marxistes» ont soutenu que nous allions enfin voir un parti des travailleurs « légitime ».

Enfin, dirent-ils, le marxisme allait s'émanciper des "sectes léninistes autoritaires" et un parti socialiste démocratique allait naître, un parti qui serait riche par sa diversité, son respect pour la démocratie, la transparence de son activité et sa créativité pour trouver de nouvelles voies en vue de la transformation socialiste du pays.

En fait, depuis la fin des années 80, le PT s'est entièrement distancié des "sectes" qui l'ont aidé à naître. Il s'est mis à élire des députés, avec des majorités toujours plus grandes à chaque élection, à gagner le contrôle des administrations des villes, puis des états et finalement en 2002 il a pris le contrôle du gouvernement fédéral avec la victoire de Lula élu président de la république.

Mais que se passait-il pendant cette évolution de 26 ans? Une tendance dominante connue sous le nom de «Articulation» s'est développée dans le parti; et a été en grande partie incarnée par José Dirceu, ex-stalinien et homme compétent de la machine du parti. Il a réuni et organisé une véritable caste dans le parti se basant avant tout sur la bureaucratie syndicale (notamment dans les secteurs de la banque et de la métallurgie) et sur quelques intellectuels (en constante diminution) qui restaient encore dans le parti.

Dès 1980, la trajectoire du parti vers la catastrophe actuelle était prévisible pour un observateur attentif. L'argent en provenance de fonds syndicaux et de l'administration des villes sous contrôle du PT s'est mis à couler à flots dans les coffres du parti, finançant ses campagnes, rétribuant les personnels travaillant pour les élections et gagnant toujours plus de voix et toujours plus d'élections. A côté de cela, un nombre toujours plus important d'entreprises et de capitalistes se sont mis à apporter leur contribution à ceux qui apparaissaient à présent comme les nouveaux détenteurs du pouvoir.

Evidemment, entre cette époque et celle où Lula a gagné les élections présidentielles de 2002, les comptes bancaires et les styles de vie de la couche dirigeante du PT avaient considérablement changé, mais l'étendue réelle de ce changement n'était toujours pas connue. Je me souviens de Florestan Fernandes, un des rares intellectuels et députés du parti qui n'a jamais trahi ses convictions initiales, qui m'a dit un jour (c'était encore à la fin des années 80) avec une indignation visible, « [José]Genoino [alors député fédéral] ne porte que des costumes anglais en laine tropicale ! »

Mais Florestan qui à sa mort était toujours au PT a eu la chance de ne pas voir ce qui s'est passé après la venue au pouvoir de Lula: un conseiller du frère de Genoino, lui aussi député, arrêté dans un aéroport avec 100 000 $ dans ses sous-vêtements, la valise pleine d'argent pour les députés et des emprunts de millions et de millions de dollars contractés, sans aucune garantie, par Genoino (alors président national du PT) et Delùbio Soares (trésorier du parti) ; Marcelo Sereno et Silvio Pereira (importants dirigeants du parti), ainsi que le ministre de la communication, Luiz Gushiken, impliqués dans le détournement des contributions d'état pour les retraites, le ministre des finances Antonio Palocci perdant son poste après des révélations de scandales concernant des pots-de-vin et des prostituées et pour avoir violé la confidentialité du compte bancaire d'un simple concierge, et enfin l'ancien chef de cabinet de Lula, José Dirceu, et quasiment la totalité de la direction du PT officiellement accusée la semaine dernière d'avoir crée « une organisation criminelle sophistiquée » dans le but de se maintenir au pouvoir.

Mais que représente du point de vue marxiste la trajectoire prise par ce parti? Nous pensons qu'elle exprime une évolution très précise et prévisible dès le départ, c'est-à-dire depuis à partir de 1980. A cette époque, le PT était présenté par ses idéologues comme une alternative centriste, une forme démocratique et non léniniste d'organisation de parti. Ils rejetaient ouvertement la formule «de dictature du prolétariat» et proposaient une voie démocratique populaire vers le socialisme. Les théoriciens « démocratiques » du parti (Alvaro Moisés, Weffort, Marilena Chaui , Marco Aurélio Garcia, entre autres) ont développé une idéologie basée sur la victoire de « l'ensemble des habitants » et l'accent catégorique a été mis sur la « démocratie » comme voie royale vers le « socialisme brésilien ».

Mais comme Trotsky l'a affirmé à plusieurs reprises dans sa Révolution permanente, ces partis centristes petit-bourgeois qui ne s'alignent pas clairement avec un projet politique conduit par le prolétariat vont inévitablement, malgré diverses hésitations, finir dans les bras du capital financier. Trotsky, dans un passage de son oeuvre fondamentale avertit, « La structure économique de la société capitaliste est telle que les forces dirigeantes en son sein ne peuvent être que le capital ou le prolétariat qui le renverse. Il n'existe aucune autre force dans la structure économique de la société ».

Ce pronostic s'est vérifié de façon concrète dans l'expérience du PT. Pour avancer sur sa «voie démocratique vers le socialisme», il a crée un appareil de parti énorme, basé d'abord sur la bureaucratie syndicale, qui petit à petit a trouvé les méthodes pour atteindre ses objectifs «démocratiques». Mais ces méthodes changeaient de plus en plus en bourgeois ceux qui comme Lula qui étaient à une époque antérieure des ouvriers. Quand en 2002, le PT est finalement arrivé au pouvoir, il était déjà clairement un parti petit-bourgeois, dont les racines ouvrières avaient depuis longtemps disparu du fait de l'élection de multiples bourgeois et des contributions financières des grands capitalistes.

Mais ce n'était que le début. Le parti, comme on pouvait le prévoir avec une analyse marxiste, devait finalement s'allier, de façon ouverte et directe, avec le capital financier. Cependant cette alliance était telle que la hiérarchie toute entière de la bureaucratie syndicale s'est transformée en une véritable nouvelle « classe », ou plus précisément une nouvelle couche bourgeoise au service du capital financier.

Bien qu'il n'ait rien accompli de significatif, à part de faire en sorte que la croissance économique du pays se retrouve au-dessous du niveau de croissance moyen de l'Amérique Latine et du reste du monde, le gouvernement du Parti des travailleurs a accompli un haut fait : Dans le court espace de trois ans après sa venue au pouvoir en janvier 2003 il a crée 37 543 nouveaux postes dans le secteur public, ce qui représente une augmentation de 7,72 pour cent au-dessus du contingent de fonctionnaires en activité dont avait hérité le président Luiz Inàcio Lula da Silva quand il était devenu président. Il y a à peine deux semaines de cela, au moyen d'une mesure provisoire (autrement dit une méthode dictatoriale pour imposer la volonté du pouvoir exécutif sur le congrès brésilien) Lula a encore réussi à donner son accord à la création de quelques 4 175 postes supplémentaires pour les ministères de la défense, des transports, du développement et de la santé.

L'augmentation des postes du secteur public, loin de signaler une tendance de gauche ou socialiste de la part du gouvernement de Lula, exprime l'attaque sur l'Etat brésilien opérée par cette nouvelle «classe» - la bureaucratie syndicale sur laquelle s'était basé le PT à l'époque de ses origines en 1980. Parmi les nouveaux postes crées, 2 268 sont des postes confidentiels au sein de l'administration fédérale jouissant des plus hauts salaires, tous occupés par des membres du PT ou leurs alliés directs. Quant aux 35 000 autres nouveaux postes qui nécessitent un financement public accru, il n'est pas impossible que des «amis du PT» en occupent une majorité significative.

Cette tendance est renforcée par le choix fait concernant les régions précises où sont crées ces emplois. Par exemple, parmi le nombre de nouveaux postes universitaires, la part du lion est revenue à l'université de l'ABC avec 1 911 postes. Il s'agissaitt en fait de créer une université toute neuve au financement fédéral, précisément dans la région où le PT était né et où Lula avait commencé son travail politique, et qui se vante d'avoir le plus grand nombre de « companheiros » - parmi lesquels on compte des députés fédéraux tels le professeur Luizinho, Vincentinho, Menegheli et d'autres anciens bureaucrates syndicaux, aujourd'hui alliés loyaux du capital financier.

Quant à la solidité de cette alliance entre bureaucratie syndicale et capital financier, le doute n'a pas sa place. Le bilan récent présenté par les banques principales opérant dans le pays a enregistré les bénéfices les plus grands et les plus fantastiques de toute leur histoire, et ce en contraste évident avec l'économie du reste du pays qui, comme nous l'avons dit, s'est développée franchement au-dessous de la moyenne de l'Amérique Latine et du reste du monde.

Lula et la bureaucratie du PT au sein de la fédération des syndicats liée au parti, le CUT, contrôlent les masses et imposent les impôts et les taux d'intérêts le plus élevés du monde;en retour, le capital financier leur garantit des postes, des salaires élevés, et le contrôle des finances publiques.

Vous avez là un bref historique du PT et de la voie "démocratique" vers le socialisme.


 

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