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Reprise du procès de Saddam Hussein : un étalage indécent de justice impériale

Par Bill Van Hauken
30 novembre 2005

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La deuxième session du procès de Saddam Hussein a été convoquée lundi dernier et n'a duré que deux heures et demie : un laps de temps largement suffisant pour exposer le caractère grotesque et illégal des poursuites orchestrées par les Etats Unis contre le chef d'état irakien destitué.

Après un renvoi de 40 jours, la suite du procès a été repoussée d'une semaine supplémentaire, en partie pour trouver des avocats pour la défense des prisonniers jugés en même temps que Saddam Hussein. Deux avocats ont été assassinés, un autre a été blessé tandis que d'autres ont été contraints de se cacher des escadrons de la mort à la solde du régime soutenu par les Etats Unis.

Si le juge qui préside le procès et les procureurs sont irakiens, le tribunal a été créé par les Américains et toutes ses opérations sont mises en scène dans les coulisses par des officiels américains.

Le principal accusé a dénoncé cet état des choses dans une déclaration faite à la Cour, affirmant qu'il avait été enchaîné pour être traîné jusqu'au quatrième étage par les agents de sécurité américains avant d'arriver sous escorte devant le tribunal. Les gardiens américains lui avaient également confisqué les documents qu'il avait préparés pour sa propre défense.

Quand le juge, Rizgar Mohammed Amin, a dit qu'il transmettrait aux officiels américains ses doléances, Hussein a répondu: " je ne vous demande pas de leur dire, je vous demande de leur donner des ordres...Vous êtes citoyen irakien. Ce sont des étrangers, des envahisseurs et des occupants, pour cette raison vous devez les condamner. Si vous ne le faites pas, vous n'êtes qu'un petit bateau ballotté au gré des vagues."

Cet étalage sans détour des relations qui existent dans le tribunal ­ comme dans tout l'Irak occupé par les Américains ­ a été très difficile à accepter par les contrôleurs américains. Ils ont ordonné à Court TV, la chaîne de télévision américaine engagée pour diffuser le procès, de suspendre la diffusion des images jusqu'à la fin du discours de Saddam Hussein et jusqu'à ce que celui ci soit retourné à sa place.

Les médias américains, ont comme un seul homme, adopté une politique d'auto ­ censure dans la couverture de ce procès. Ils acceptent, dans leur presque totalité, ces procédures comme légitimes, et rejoignent l'administration Bush dans sa diabolisation de Saddam Hussein tout en ridiculisant les défis qu'il lance à la Cour.

La presse s'est montrée incapable de noter l'ironie évidente des accusations portées par Washington à l'encontre de son prisonnier. Saddam Hussein est jugé pour la mort de 148 adultes et adolescents dans le village de Dujail, à dominance chiite, suite à une tentative d'assassinat contre Hussein qui s'est produite en 1982, pendant la guerre Iran ­ Irak.

Pour l'administration Bush, le faire passer en jugement pour ce crime ­ assouvir en temps de guerre une vengeance mortelle contre une population rebelle ­ met en évidence toute l'hypocrisie et toute l'absurdité de toute cette entreprise. Pour quelle raison Bush n'est il pas dans le box des accusés pour répondre exactement du même crime ? Après tout, qu'était donc le siège barbare de Fallujah fait par l'armée américaine il y a tout juste un an ? Après la mort de quatre mercenaires américains dans cette ville, Fallujah fit l'objet de représailles sauvages.

Du napalm, du phosphore blanc, des bombes, de l'artillerie et des obus lancés par des tanks se sont abattus sur la ville, alors que des snipers avaient reçu l'ordre de tirer à vue. Ceci a causé la mort de 800 civils, pour la plupart des femmes et des enfants, tandis que des centaines de milliers d'habitants étaient contraints de fuir la ville pour chercher refuge. Des attaques similaires ont été menées au cours de ces derniers mois contre des populations habitant le long de la vallée de l' Euphrate.

Le parallèle évident entre la répression menée par le régime irakien et celle menée par les forces d'occupation américaines n'apparaît nulle part dans la presse américaine qui considère de tels faits comme inadmissibles, même si ils sont maintenant reconnus par le Premier Ministre irakien installé par Washington, Ayad Allawi, qui a déclaré dimanche dernier au journal britannique, The Observer, que la vague actuelle de torture et de meurtres perpétrés par les escadrons de la mort est "au moins identique à celle de la période de Saddam Hussein, sinon pire". Il a ajouté " C'est une comparaison tout à fait justifiée".

La parodie de légalité qui caractérise de la même manière les procédures du tribunal est tout autant passée sous silence. Le mensonge consistant à présenter ce tribunal comme un tribunal irakien et qui règle les comptes entre un ancien dictateur et le peuple irakien est maintenu même si ce sont les "conseillers" américains qui déterminent l'ordre du jour des juges; Les services de sécurité américains contrôlent le prétoire, et les officiels américains ont la main sur les commandes pour effacer de la diffusion du procès tout ce qui peut aller à l'encontre de la propagande et la politique de Washington.

Les chefs d'accusation mêmes ont été choisis par Washington et par le régime irakien soutenu par les américains parce qu'ils cadrent avec leurs politiques respectives. Les massacres de Dujail étaient loin d'être les pires massacres menés par le régime de Saddam Hussein contre le peuple irakien. Mais ces massacres ont été perpétrés en réponse à des attaques venant de la guérilla du Parti Dawa dont est membre l'actuel Premier Ministre irakien, Ibrahim al ­ Jaafari. Il est évident que le procès qui reprendra le mois prochain à la veille de l'ouverture des élections législatives vise essentiellement à mobiliser la base chiite de Dawa.

Aux yeux de Washington, l'épisode de Dujail présente aussi l'avantage de ne pas avoir de lien direct avec la politique étrangère des Etats Unis qui ont activement soutenu Saddam Hussein pour nombre des actes les plus violents menés par son régime Baathiste. On peut citer la liquidation de la gauche irakienne et l'exécution de membres du Parti Communiste en 1979, le soutien à l'invasion de l'Iran, puis l'utilisation par Bagdad d'armes chimiques (dont une partie avait été fournie par des agents américains et qui ont été utilisées contre l' armée iranienne mais également contre des populations civiles rebelles en Irak), et la répression des soulèvements chiites et kurdes ­ le tout avec l'agrément de l'Administration Bush Senior ­ aux lendemains de la Guerre du Golfe en 1991.

Ces crimes qui sont à présent invoqués pour justifier l'invasion en 2003 de l'Irak par les Etats Unis, n'ont aucunement empêché Washington de soutenir le régime de Saddam Hussein dans les années 80 et de soutenir tacitement sa survie en 1991.

Un tribunal illégitime

La contestation de Saddam Hussein et de ses avocats quant à la légitimité du tribunal est tout à fait fondée. Le tribunal a été créé par un décret établi par l'autorité d'occupation coloniale sous la direction de Paul Bremer en 2003. En cela, c'est une violation de la Convention de Genève qui interdit à toute puissance d'occupation de changer la législation des pays sous leur domination.

Le tribunal s'est contenté d'écarter les contestations concernant sa propre légitimité. Les juges irakiens, après tout, sont très mal placés pour prendre une décision sur cette question, étant donné que leurs décisions et leurs actions sont sous le contrôle de « conseillers » américains invisibles.

La qualité des dépositions et des preuves qui sont utilisées constitue une violation des codes législatifs internationaux ou de ceux des Etats Unis mêmes. Par exemple, au cours de la séance de lundi, le premier témoignage présenté à la Cour était l'enregistrement vidéo d'un ancien agent secret irakien sous le régime de Saddam Hussein et qui est depuis décédé. Aucun avocat de la défense n'avait été autorisé à assister à sa déposition et il est évident que maintenant tout contre ­ interrogatoire est impossible.

Washington a insisté pour que Hussein et ses coaccusés soient jugés en Irak, malgré le fait que la guerre coloniale qui continue rend impossible un fonctionnement normal du tribunal. Les Etats Unis veulent à tout prix empêcher que Saddam Hussein et que ses coaccusés ne soient jugés par un tribunal international parce qu'ils ont conscience que des questions embarrassantes risquent d'être soulevées concernant l'invasion illégale de l'Irak en 2003 ou leur soutien à Saddam Hussein alors que celui ci commettaient les crimes dont il est maintenant accusé.

Il faut ajouter une autre raison. L'administration Bush est déterminée à faire pendre Saddam Hussein ainsi que d'autres membres du régime Baathiste alors que la peine de mort a été abolie par les tribunaux internationaux ainsi que par pratiquement tous les pays capitalistes avancés, mis à part les Etats Unis.

Ce procès ­ avec sa condamnation et sa peine connus d'avance ­ a été organisé en grande partie pour les Américains. Tout comme l'arrivée de Bush à bord de l'avion Lincoln afin de proclamer "mission accomplie" ou la mise en scène du déboulonnage de la statue de Saddam Hussein à Bagdad, le procès est destiné à servir de nouvelle image de propagande qui mettrait en valeur aux yeux du public américain l'idée du pouvoir omnipotent du militarisme américain.

Il a la même fonction que la parade des guerriers captifs enchaînés dans les rues de la Rome Antique. A cette époque tout comme de nos jours, il fallait démontrer l'incontestable pouvoir de l'empereur et des ses légions.

Le procès de Saddam Hussein est le reflet des délires maladifs des éléments d'extrême droite qui dominent à la Maison Blanche. La pendaison du chef irakien satisfait un désir sadique du président américain en personne qui, alors qu'il était gouverneur du Texas a présidé à 152 exécutions capitales. Le goût de Bush pour les meurtres d'Etat s'est exprimé de façon la plus écoeurante quand il a ridiculisé en public la demande de grâce d'une texane avant d'ordonner son exécution.

Aux yeux de la coterie qui a organisé la guerre contre l'Irak, le procès et l'exécution de Saddam Hussein sont des gestes de justification destinés à envoyer un message à tout chef d'état qui aurait le front de défier la politique étrangère de Washington et les intérêts économiques des Etats-Unis.

Tout comme l'invasion de l'Irak, les agressions contre les irakiens, la capture de dizaines de milliers de personnes sans chef d'accusation dans la « guerre mondiale contre le terrorisme », l'utilisation de prisons secrètes et de la torture, ce procès illégal est destiné à semer la terreur et à affirmer le pouvoir sans restriction de l'impérialisme américain à imposer sa propre loi pour infliger partout où elle l'estime nécessaire ses propres punitions.

Ce semblant de procès est finalement le reflet d'une société profondément malade dans laquelle une élite dirigeante indécemment fortunée et corrompue s'est tellement éloignée de la vie et des préoccupations de la masse de la classe ouvrière qu'elle en est venue à croire qu'il n'existe aucune limite à ses actes, qu'elle peut mentir, tricher, voler et tuer en toute impunité.

Néanmoins, tout comme les justifications mensongères que l'élite dirigeante au pouvoir et le gouvernement américains ont pu répandre sur la conquête de l'Irak, ce procès n'a pas les effets escomptés parce que les défis lancés à la Cour par les accusés éclipsent les crimes dont ils sont accusés.

La réaction des médias a montré une impatience grandissante. Les commentateurs de télévision ­ tous plus écoeurants les uns que les autres ­ se demandent tout haut pourquoi on ne peut pas tout simplement faire taire les accusés et continuer le procès. Il semble que tout le monde est d'accord pour se demander : pourquoi s'embarrasser d'un procès quand on peut lyncher les prisonniers sans que quiconque dans l'Irak occupé puisse intervenir ?

Ce procès mis en scène par les Américains comporte un effet dérivé inquiétant et inévitable. La politique étrangère des Etats-Unis ne peut fonctionner sans créer de nouveaux démons qui doivent être punis. Au fur et à mesure que le procès de Saddam Hussein se dirige vers une condamnation et une exécution de l'ancien chef d'état irakien, Washington se verra contraint de trouver un nouveau père fouettard pour faire peur au peuple américain et pour justifier une nouvelle série d'agressions militaires.

Qui sera la prochaine cible ? Le Syrien Bachar el' Assad, le Vénézuélien Hugo Chavez ou l'Iranien Mahmoud Ahmadinejad ? Il ne fait aucun doute que les préparations sont bien avancées pour des guerres d'agression contre tous ces pays, et que ces préparations font partie de la poussée impérialiste américaine visant à imposer l'hégémonie des Etats-Unis sur les marchés mondiaux, les sources de pétrole et sur les régions stratégiques du point de vue militaire.


 

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