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wsws : Nouvelles et analyses : Australie

L’impérialisme australien, le Timor oriental et le rôle du PSD

par Nick Beams
28 juillet 2006

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Nous publions ci-dessous le rapport de Nick Beams, secrétaire national du Parti de l’égalité socialiste australien et membre du comité international de rédaction du WSWS, lors de réunions publiques tenues à Sydney et à Melbourne les 11 et 18 juillet, sous le thème: «La vérité sur le Timor oriental: pourquoi il faut s’opposer à l’intervention militaire australienne».

Les événements du Timor oriental sont le résultat d’une campagne pour «un changement de régime» orchestrée par le gouvernement australien, pas seulement durant ces derniers mois, mais depuis des années. En fait, la dernière intervention est la poursuite de ce que l’armée australienne avait entrepris en 1999.

Pour comprendre ce qui s’est passé il est nécessaire de placer ces événements dans leur contexte mondial.

Lorsque l’Union soviétique et les régimes staliniens de l’Europe de l’est se sont effondrés au début des années 1990, cela a signifié non seulement la fin de ce qu’on appelle la Guerre froide mais aussi le commencement d’une nouvelle ère en politique internationale. Une décennie et demie plus tard, les contours de cette nouvelle ère ont clairement émergé. Loin d’entrer dans une nouvelle période de paix et de démocratie, le monde est ravagé par des conflits toujours plus profonds parmi les grandes puissances capitalistes à la recherche de marchés, de ressources et de sphères d’influence.

Telle est la signification de la guerre en Irak, des conflits en Asie du nord-est, des antagonismes croissants entre la Russie et les États-Unis, des inquiétudes concernant la poussée de la Chine pour trouver des sources d’énergie et du conflit sur les capacités nucléaires de l’Iran, pour n’en citer que quelques-uns.

Le cadre de ces conflits s’est dessiné quasiment immédiatement après l’effondrement de l’URSS. En 1992, le Pentagone a produit un document de stratégie insistant sur le fait que l’objectif fondamental de la politique étrangère des États-Unis devait être de garantir qu’aucune puissance ou groupe de puissances ne soit en position de défier militairement les États-Unis, ou de menacer sa domination mondiale.

La nature de cette nouvelle ère dans la politique mondiale a aussi été clairement expliquée lors de la conférence de novembre 1991, organisée par le Comité international de la Quatrième Internationale à Berlin, contre la guerre impérialiste et le colonialisme.

Le manifeste produit pour cette conférence montrait que la période qui s’était ouverte avec la retraite après-guerre des puissances européennes de leurs possessions coloniales et l’octroi d’une indépendance de pure forme, salué par les opportunistes de tous poils comme représentant un changement fondamental de la nature du capitalisme mondial, s’était achevée. L’intensification des activités militaires par les principales puissances – la guerre des Malouines en 1982, la série d’actions militaires des USA dans les années 1980 et la guerre en Irak de 1990-1991 – a signifié «le retour par l’impérialisme à ses méthodes traditionnelles pour défendre ses intérêts dans les pays opprimés.»

Et comme cet avertissement s’est révélé exact!

La guerre du Kosovo en 1999 contre la Serbie a vu se déchirer tous les préceptes sur lesquels s’étaient basés toutes les relations internationales de la période d’après-guerre. La base de ces relations avait été la reconnaissance de la souveraineté nationale. Cela ne s’appliquait plus. Dans un important discours en avril 1999 tandis que commençait la campagne de bombardements sur la Serbie, le premier ministre Tony Blair donnait les grandes lignes de la nouvelle doctrine.

Dans l’ère de la mondialisation, dit-il, la communauté internationale, c’est-à-dire les principales puissances capitalistes, avaient le droit d’intervenir et de violer la souveraineté nationale, même par des moyens militaires quand cela était jugé nécessaire. Cette doctrine a été correctement surnommée «impérialisme éthique.» C’était l’équivalent à la fin du 20e siècle de l’appel de clairon, lancé à la fin du 19e siècle pour que les principales puissances capitalistes s’occupent du « fardeau de l’homme blanc » tandis qu’ils établissaient des colonies dans le monde entier.

La guerre du Kosovo a été significative en bien des points, notamment parce qu’elle a été entreprise sans l’aval des Nations Unies. C’était là un signe qui ne trompe pas, que dans la période faisant suite à la Guerre froide, les sanctions légales qui avaient soi-disant régulé les relations internationales à une autre époque commençaient à devenir trop contraignantes.

Mais même «l’impérialisme éthique» ne suffisait pas. Il était nécessaire de trouver un autre casus belli. Et il a été trouvé après le 11 septembre 2001: la guerre mondiale contre le terrorisme. L’invasion de l’Irak a marqué l’abandon de tout semblant de légalité. Mener une «guerre d’agression», base même de tous les chefs d’accusation contre les nazis lors des procès de Nuremberg, est devenu la doctrine centrale de la puissance impérialiste dominante, les États-Unis, avec l’aval de la «communauté internationale» qui au travers des Nations Unies a légitimé l’invasion et l’occupation de l’Irak.    

Australie, Portugal et Timor oriental

Examinons à présent ce qui s’est passé au Timor dans ce cadre général. Après les événements du début des années 1990 – guerre du Golfe et effondrement de l’Union soviétique – tous les pays capitalistes ont reconnu que les temps avaient changé et que la colonisation sous une forme ou une autre était de retour. Il était temps d’agir. Et le Portugal n’était pas une exception. Devenu membre de l’Union européenne, il était à même de fouler la scène mondiale avec plus de vigueur que durant la période qui avait suivi l’effondrement du régime fasciste en 1974 et l’indépendance gagnée par ses colonies.

L’ancienne colonie portugaise du Timor oriental suscitait un intérêt considérable, du fait surtout de la découverte de ressources de pétrole et de gaz sous ses eaux territoriales. Mais une autre puissance avait pris l’avantage, c’était l’Australie.

En 1989 le gouvernement travailliste australien avait signé ce qu’on appelle le Traité du Timor Gap. Avec ce traité, l’Australie reconnaissait officiellement l’incorporation par l’Indonésie de la province du Timor suite à son invasion en 1975 et gagnait en retour le contrôle des ressources de pétrole et de gaz situées en mer du Timor. Le marché, pour reprendre les termes de Gareth Evans, ministre travailliste des affaires étrangères, valait des «des millions et des millions» de dollars.

Dès 1991 le Portugal a commencé à s’intéresser activement à cette région. Il a lancé des poursuites contre l’Australie à la Cour internationale de justice, accusant le traité d’être illégal, d’endommager les intérêts matériels du Portugal et du Timor oriental et d’abroger les droits des habitants du Timor oriental. Ayant gouverné le Timor oriental comme colonie pendant près de 400 ans, le Portugal semblait maintenant être converti au principe de l’autodétermination.

Tel est l’arrière-plan de l’intervention en 1999 de l’Australie. La crise économique de 1997-98 en Asie de l’est ainsi que les mesures dictées par le Fond monétaire international avaient miné la dictature de Suharto en Indonésie. Cela laissait l’Australie dans une position difficile. Le danger était que l’effondrement du régime indonésien -  l’Indonésie avait été l’allié le plus proche de l’Australie pendant près d’un quart de siècle – donnerait une certaine forme d’indépendance au Timor oriental, ce qui remettrait en question le Traité du Timor Gap et ouvrirait la voie à l’intervention d’autres puissances, notamment le Portugal. 

Voilà pourquoi, après avoir soutenu les 25 années d’oppression de la dictature indonésienne qui avait provoqué la mort de jusque 200 000 personnes, le gouvernement australien s’est placé pour jouer le rôle central dans l’intervention militaire de septembre-octobre 1999. Cela nécessitait cependant de l’aide, qui est venue bien entendu sous la forme d’un diktat du président américain Clinton disant que si l’Indonésie n’acceptait pas l’intervention, les États-Unis se chargeraient de «mettre en faillite» l’économie indonésienne.

La mobilisation des radicaux de la classe moyenne

Mais l’intervention australienne nécessitait plus que la puissance des États-Unis. D’importantes ressources politiques devaient aussi être mobilisées.

Pour mener des interventions militaires et des guerres, toute puissance capitaliste doit tenir compte des sentiments et des opinions des larges masses de la population. Non pas pour être guidée par l’opinion publique, mais plutôt pour la créer et la manipuler à ses propres fins.

Aucun gouvernement ne peut révéler les motifs sous-jacents et matériels d’une guerre; cela causerait beaucoup trop d’opposition. Par conséquent, il doit entreprendre une série de préparations idéologiques, qui sont aussi importantes, sinon plus, que les préparations militaires. Deux grandes méthodes peuvent être identifiées:

1) Une campagne de peur comme celle déployée par les États-Unis dans le déclenchement de la guerre contre l’Irak, avec les fausses affirmations sur les armes de destruction massive, dont des armes nucléaires, ou

2) L’affirmation qu’une intervention militaire est nécessaire dans un but humanitaire.

Afin de mener la campagne idéologique nécessaire, les médias doivent jouer un rôle central: promouvoir la campagne de peur, comme dans le cas de l’Irak, ou créer le climat propice à une intervention sur une base humanitaire. Mais seul, l’appui des médias n’est pas suffisant. Des ressources politiques doivent être mobilisées, et ici le rôle des divers groupes radicaux de «gauche» de la classe moyenne est décisif.

Prenons le cas du Kosovo en 1999 et l’implication de l’impérialisme allemand. Étant donné le passé historique de l’impérialisme nazi, et le rôle de l’impérialisme allemand en général en Europe du sud-est, une intervention militaire dans les Balkans était plutôt problématique pour le gouvernement allemand.

Il en revint à l’ancien radical Joschka Fischer, ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Schröder, de trouver une solution. Fischer en arriva à la conclusion qu’il était inutile d’essayer de cacher le passé des Nazis.

Au contraire, la solution au problème consistait à faire de ce passé la principale raison pour une action militaire contre la Serbie. En conséquence, une intervention allemande était nécessaire, selon Fischer, afin de prévenir un autre Auschwitz. Qui, plus que l’Allemagne, avait la responsabilité d’agir contre une présumée épuration ethnique?

En Australie, l’implication du pays dans la guerre du Viêt-Nam, combinée d’une hostilité généralisée envers toutes les actions militaires à l’étranger qui formaient son héritage politique, rendait une intervention militaire au Timor oriental problématique.

Par conséquent, les divers groupes radicaux, en compagnie des verts, des démocrates et autres, soutinrent que l’Australie devait déployer des troupes afin de défendre le peuple timorais contre la milice qui était appuyée par l’Indonésie.

Comme les alchimistes d’autrefois qui promettaient de transformer le plomb en or, les radicaux insistaient que, mis à part l’appui de l’Australie envers l’oppression indonésienne du Timor oriental au cours du dernier quart de siècle, le gouvernement du premier ministre Howard pourrait être obligé d’agir à l’encontre de ses propres intérêts et d’assurer une solution «humanitaire» et une «importante victoire» pour le peuple est-timorais.

Toutefois, loin d’être imposée à un «Howard réticent,» comme l’affirmaient le Parti socialiste démocratique (PSD) et le Green Left Weekly, l’intervention militaire au Timor oriental ouvrit la voie à l’implémentation d’un nouveau programme par l’impérialisme australien. Comme le fit remarquer le Australian Financial Review à l’époque, depuis le Viêt-Nam existait «un tabou intérieur» sur la discussion d’une intervention militaire australienne dans la région. Maintenant, grâce aux radicaux, ce tabou a été aboli.

 «Les demandes d’action au Timor sont ironiques car beaucoup parmi ceux qui ont favorisé le climat dans lequel l’armée s’est faite critiquer ont été les premiers à exiger que l’Australie intervienne là-bas. Cet appel aux armes a, pour la première fois en des décennies, fourni une grande légitimité à la proposition que l’Australie devrait être en mesure d’intervenir militairement à l’extérieur de son territoire.»

En d’autres mots, la campagne des divers groupes radicaux a ouvert la voie à l’Australie pour qu’elle joue le rôle de «shérif adjoint» des États-Unis dans la région du Pacifique tout en faisant avancer ses propres intérêts. Depuis la première intervention au Timor, on a été témoin d’un déploiement de l’armée et de la police aux Îles Salomon, d’un déploiement policier en Papouasie-Nouvelle-Guinée et maintenant d’une deuxième intervention militaire au Timor oriental pour assurer un changement de régime.

Revoyons ce qu’a fait le PSD (maintenant la Perspective socialiste démocratique) lors de la dernière intervention.

Le 19 mai, alors que le gouvernement Howard dirigeait des navires de guerre vers le Timor oriental, le PSD a émis une déclaration intitulée «Pas de politique de force australienne contre le Timor oriental!» Elle se concluait ainsi: «Nous nous opposons à l’intervention néo-coloniale de Canberra au Timor oriental. Toute tentative de la classe dirigeante australienne d’intervenir, militairement ou politiquement, sous le prétexte de «ramener l’ordre» doit être opposée par toutes les personnes progressistes.»

Mais, semblerait-il, pas pour longtemps. Le 31 mai, alors que des forces australiennes se trouvaient à Dili, le Green Left Weekly a publié deux articles qui justifiaient précisément l’intervention sur cette base. Un article de Jon Lamb citait le secrétaire du Parti socialiste du Timor, qui affirmait que «la présence des forces internationales aidait grandement à restaurer la paix.» 

Mais ce fut à Max Lane, un membre de l’exécutif national du PSD d’offrir les sophismes requis pour donner une tournure soi-disant de gauche à une ligne politique qui appuie l’intervention militaire du gouvernement d’Howard.

Lane a débuté son article intitulé « Solidarité avec le peuple timorais » avec un avertissement que le gouvernement australien était impatient de remplir la « requête » pour une force d’intervention dans le but de faciliter « le vol effectif du gaz et du pétrole du Timor oriental ». De plus, elle sera utilisée pour « justifier la politique étrangère interventionniste de l’impérialisme australien dans la région, une stratégie qui demande que l’armée, la police et des conseillers financiers australiens interviennent dans plusieurs de petits voisins pauvres de l’Australie pour défendre les intérêts du monde des affaires australien aux dépens du peuple de ces nations ». Ce sont des raisons suffisantes, pourrait-on penser, pour dénoncer l’intervention de demander le retrait de toutes les troupes australiennes.

Mais après ces observations, suivait l’affirmation que « La population générale et l’ensemble des forces politiques du Timor oriental appuient la présence d’une force internationale au pays. » Une affirmation plutôt extraordinaire étant donné que deux semaines plus tard, le dirigeant du PSD Peter Boyle écrivait sur le site web du parti que la situation au Timor était « compliquée, imprécise et changeait jour après jour » et qu’il était très difficile d’obtenir des informations du pays et même à connaître ce qui se passait dans le quartier voisin. Mais, malgré ces problèmes de communications, Lane pouvait nous assurer que l’intervention militaire avait l’appui de la masse de la population. Quelle coïncidence heureuse entre « l’opinion publique » et les intérêts de l’impérialisme australien!

Même si l’arrivée de troupes australiennes était appuyée par le peuple timorais, la responsabilité de véritables socialistes ne serait pas d’accorder leurs politiques selon une soi-disant « opinion publique », mais d’expliquer la situation politique aux masses, d’exposer les mensonges et les campagnes de désinformation qui forment une composante indissociable de toute politique impérialiste — encore plus en temps de guerre et d’intervention militaire — et d’avancer une perspective socialiste indépendante.

Deux semaines après l’article de Lane, Boyle a publié un commentaire sur le site de discussion du PSD intitulé « Quelle est la position du PSD sur la crise au Timor oriental? » Il lui fallait réaliser en politique l’équivalent de résoudre la quadrature du cercle, c’est-à-dire établir comment un socialiste pouvait appuyer la lutte du peuple du Timor oriental tout en refusant de demander le retrait de l’armée australienne.

Boyle a rappelé que lorsque le gouvernement australien avait positionné ses forces militaires au large des côtes, le PSD avait « condamné ce qui paraissait être un acte d’intimidation lors du congrès du parti au pouvoir, le Fretilin ». Mais les apparences ont connu une transformation miraculeuse, de celles dont on entend habituellement parler à l’église, parce qu’une fois que les troupes ont effectivement envahi le pays, elles ont obtenu « l’appui entier de l’ensemble des forces politiques du pays ».

De la même façon, « le PSD ne fait pas campagne pour le retour des troupes à ce point-ci » même si, comme Boyle l’a reconnu, « le but de l’impérialisme australien avec cette intervention est de maintenir l’ordre dans la région en tant que « shérif » régional pour les principales puissances impérialistes, défendant les intérêts généraux de l’impérialisme et du capitalisme aussi bien que les intérêts directs du monde des affaires australiens dans la région ».

Ainsi, cela signifie que le PSD n’est rien de moins que le complice politique de l’impérialisme australien.

Le cul-de-sac de la « libération nationale »

J’ai consacré quelque temps à l’examen des positions du PSD parce qu’elles offrent un cas de figure sur la nature de classe des politiques des radicaux, qui protestent contre ce qu’ils considèrent comme les excès de l’impérialisme, et qui se décrivent même comme socialistes, mais qui s’opposent à la lutte pour l’indépendance politique de la classe ouvrière.

Dans son explication de la crise du Timor oriental, Boyle maintient que l’éclatement des forces armées, de la police et de la direction politique de la nation en factions en conflit est une « conséquence de la démobilisation du mouvement héroïque de libération nationale qui s’est développé sous l’occupation indonésienne ».

Il y avait une autre voie, déclare Boyle, basée sur la mobilisation des masses timoraises sur un programme de demandes pour satisfaire leurs besoins, mais elle fut abandonnée avant 1999 alors que le mouvement de libération nationale « a choisi de travailler dans le cadre bureaucratique de la construction de l’État sous supervision étroite des Nations unies ».

Aussi, toutes les factions dans ce conflit portent une part de la responsabilité pour le conflit parce qu’« ils sont des partenaires volontaires de l’impérialisme dans la tentative, aujourd’hui l’échec, de la construction bureaucratique d’un État néocolonial capitaliste ».

Mais rappelons que l’étape cruciale de ce processus a été l’intervention militaire dirigée par les Australiens et appuyée par l’ONU en 1999, qui a eu l’appui de tous les groupes radicaux qui, s’ils avaient dans le passé adopté le cri de ralliement « Sortez les troupes », disaient alors « Envoyez les troupes ».

Le véritable but de cette intervention n’était pas d’assurer la liberté du peuple du Timor oriental, mais d’assurer la pérennité de la domination des principales puissances capitalistes sur l’île et sur ses ressources.

Si, comme Ferdinand LaSalle l’a dit, la constitution s’appuie sur le canon, alors les bases de « l’État néocolonial » au Timor oriental ont assurément été posées par l’intervention militaire australienne et la période de gouvernance de l’ONU qui l’a suivie.

Toutefois, le PSD a fait campagne pour cette intervention parce que, selon Boyle, elle irait « dans le sens de la lutte de libération nationale » et qu’elle était « cruciale pour la victoire du mouvement de libération nationale du Timor oriental. Il n’y a pas de doute là-dessus. »

L'expérience amère des sept dernières années a prouvé le contraire. L'affirmation que la «libération nationale» et l'établissement d'un État supposé indépendant pourraient amener la liberté, la démocratie et le progrès social au peuple est-timorais s'est avérée être une cruelle illusion . Ce n'est pas simplement la faute des différents leaders impliqués. Cela découle de la nature même du programme dit de libération nationale.

Il y a plus de 70 ans, Léon Trotsky a expliqué que les mouvements nationaux tardifs de ce temps-là, en Afrique et en Asie, aussi puissantes qu'ils étaient, ne verraient pas une renaissance de l'État national. Ils ne pourraient aller de l'avant que dans le cadre de la révolution socialiste mondiale. L'expérience des 50 dernières années, l'époque dite post-coloniale, a entièrement confirmé cette analyse. En aucun cas le programme dit de libération nationale n'a mené à un progrès social véritable ou durable.

D'ailleurs «l'indépendance nationale» a été rendue encore plus anachronique par les vastes changements qui ont marqué le capitalisme mondial au cours des 20 dernières années. La mondialisation de la production, l'intégration des forces productives du monde à un niveau jamais atteint auparavant, signifie que tous les programmes nationalistes, basés sur la construction d'encore plus de barrières et de frontières, ne peuvent mener qu'à des conflits fratricides sans fin.

Le chemin vers une véritable liberté et démocratie ne passe pas par le séparatisme mais dépend de l'unification de la classe ouvrière et des masses opprimées dans la lutte pour le socialisme international.

Cette perspective arrache toujours la plainte suivante des opportunistes : c'est très bien, mais ce n'est pas réaliste, parce qu'en ce moment les gens se font tuer, les maisons sont en feu et il faut envoyer des troupes pour y mettre fin. C'était le refrain en 1999 et on le répète aujourd'hui. Ce prétendu «réalisme» n'a toutefois produit, et ne peut produire, qu'une série de désastres. Le Timor oriental est est juste le dernier exemple.

Un programme réaliste ne peut être fondé que sur un objectif, c'est-à-dire une évaluation scientifique de la situation politique.

Que révèle une telle évaluation? Qu'une décennie et demie après la fin de la guerre froide, une nouvelle ère de colonialisme et de rivalités inter-impérialistes a fait éruption, et que ce conflit doit éventuellement mener à la guerre.

Les États-Unis cherchant à maintenir leur hégémonie globale par des moyens militaires, toutes les vieilles puissances capitalistes, ainsi que des nouvelles, se lancent dans l'arène. La Russie cherche à rétablir sa position en tant que puissance mondiale; le Japon a réécrit sa constitution pacifiste d'après-guerre tout en menant aujourd'hui la charge pour la prise de sanctions contre la Corée du Nord et en demandant, par l'entremise de politiciens bien en vue, une frappe préventive; la Chine, l'économie à plus forte croissance dans le monde, se heurte aux intérêts américains. La liste continue ainsi. Et dans cette région, l'impérialisme australien revendique sa propre «cour arrière» face à ses rivaux.

Après avoir été divisé et redivisé par deux guerres mondiales au 20ème siècle dans la lutte pour les marchés, les profits et les ressources, le monde doit de nouveau être divisé. Contre ce régime de militarisme, de colonialisme et de guerre, la classe ouvrière doit avancer sa propre perspective socialiste indépendante pour la réorganisation du monde afin de satisfaire les besoins de l'humanité. C'est la signification plus large de la lutte politique qui doit être menée contre l'intervention militaire australienne au Timor.

 





 

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