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L'administration américaine ferme la porte aux négociations avec l'Iran

Par Peter Symonds
18 mai 2006

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L'administration Bush a catégoriquement écarté toute possibilité de pourparlers avec Téhéran, malgré une ouverture du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, une lettre ouverte d'un haut fonctionnaire iranien, Hassan Rohani, et un appel, la semaine dernière, du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan.

La position américaine met en évidence l'absurdité de la déclaration du président Bush, répétée mardi dernier, selon laquelle son administration utilisait la «diplomatie» comme «première et plus importante option» pour résoudre le conflit autour du programme nucléaire iranien. En ce qui concerne les gangsters politiques à la Maison Blanche, la «diplomatie» consiste à lancer des ultimatums appuyés par des menaces de guerre, et à intimider leurs opposants aussi bien que leurs alliés pour que ceux-ci accèdent aux demandes des États-Unis.

Bush n'a émis ses commentaires qu'un jour après qu'Ahmadinejad ait envoyé une lettre de 18 pages au président américain: le premier contact public direct entre les deux pays depuis le renversement du shah Reza Pahlavi, qui était soutenu par les États-Unis, en 1979. Si les États-Unis étaient le moindrement sérieux à propos de la diplomatie, ils auraient profité du long document, confus et parfois acéré, comme d'une ouverture pour des négociations.

Stratfor, un cercle de réflexion conservateur en liens étroits avec l'establishment des services de renseignement américains, a perçu la lettre comme un effort iranien pour rétablir les relations avec les États-Unis. «À l'intérieur de passages qui pourraient sembler tout à fait irréprochables pour n'importe quel auditoire au pays [en Iran], on peut retrouver des phrases clé et des indications qui tentent de communiquer à l'autre parti une volonté de faire des concessions, à condition qu'il y ait réciprocité. Ainsi, les tensions pourraient être désamorcées sans que personne n'ait semblé se compromettre Il sera intéressant de voir quelle sera la réponse des Américains.»

La secrétaire d'État américaine, Condoleezza Rice, a rejeté la lettre d'emblée, qualifiant son contenu de «rien de nouveau.» Bush a déclaré que Ahmadinejad n'avait pas abordé la question la plus importante: «quand allez-vous vous débarrasser de votre programme nucléaire?» En d'autres termes, ce que l'on demande à Téhéran n'est rien de moins que la capitulation totale. La Maison Blanche a aussi rejeté une lettre ouverte de Hassan Rohani, publiée mardi dernier sur le site Internet du Time. Rohani, ancien négociateur en chef du programme nucléaire, est présentement le représentant de l'ayatollah Ali Khamanei, chef suprême du puissant Conseil suprême de la sécurité nationale.

La lettre bien rédigée de Rohani faisait remarquer que l'Iran n'avait aucune raison de fabriquer des armes nucléaires, que l'Iran avait maintes fois nié l'existence d'une telle activité et que, après trois années d'inspection, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) n'avait pas découvert de preuve du contraire. «Quel est, alors, le motif d'un tel empressement à intensifier la situation et créer une crise? Se pourrait-il que, partout, les extrémistes voient qu'il est dans leur intérêt, bien que passager, à court terme et ne concernant que leur propre pays, de créer une situation de tension accrue et de crise?... Il est grand temps de mettre un terme au sensationnalisme et à la propagande belliqueuse, de s'arrêter et de penser à deux fois vers où nous nous dirigeons,» a-t-il déclaré, avant de définir une série de propositions iraniennes pour résoudre la crise.

Sean McCormack, porte-parole du département d'État américain, a déclaré: «Nous l'avons vue. Je crois qu'il n'y a vraiment rien de nouveau dans cette lettre.» Washington a aussi rejeté une autre offre de négociation du président iranien, jeudi dernier, et une demande de Kofi Annan priant les États-Unis «de se joindre à la table des négociations avec les pays européens et l'Iran afin de trouver une solution.»

Dimanche, lors de commentaires à CNN, l'ancien conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter, Zbignew Brejinski, a déclaré en termes cinglants: «C'est vraiment ironique. Nous ne négocions pas avec l'Iran, mais nous négocions. Avec qui négocions-nous? Nous négocions avec les négociateurs qui négocient avec l'Iran. Et c'est une situation absurde.» Il fit remarquer qu'avec l'administration Bush, c'était deux poids, deux mesures. Celle-ci est prête à s'engager dans des pourparlers multilatéraux avec la Corée du Nord, qui affirme avoir construit des armes nucléaires, mais pas avec l'Iran.

Faisant écho aux inquiétudes au sein des cercles dirigeants américains au sujet de l'insouciance des actes de l'administration Bush, Brejinski a mis en garde contre l'action «de propager un sentiment d'urgence» alors que «les Iraniens obtiendront l'arme nucléaire, au plus tôt, selon la plupart des analyses des services de renseignement, dans environ 5 ans, et plus vraisemblablement 10. Certains disent même 15.» Brejinski a ainsi demandé qu'il y ait des négociations avec l'Iran, mais sa demande, comme toutes les autres, a été ignorée.

La brutalité diplomatique des États-Unis

L'objectif de l'administration Bush n'est pas de négocier une entente avec l'Iran à propos de ses programmes nucléaires, mais bien de procéder à un «changement de régime» et de mettre en place une administration fantoche, proaméricaine, à Téhéran. Les supposés programmes d'armes nucléaires de l'Iran ne constituent qu'un prétexte pour faire avancer les ambitions de Washington de dominer les régions riches en ressources que sont le Moyen-Orient et l'Asie centrale. L'Iran, avec ses propres réserves de pétrole et de gaz, est stratégiquement situé entre les deux régions et entre l'Iraq et l'Afghanistan, tous deux occupés par les États-Unis.

La «diplomatie» de Washington n'est pas orientée prioritairement vers Téhéran, mais elle vise plutôt à intimider ses rivaux européens et asiatiques pour que ceux-ci sanctionnent et appuient ses actions. Ayant forcé l'Union européenne, la Russie et la Chine à référer l'Iran au Conseil de sécurité de l'ONU, les États-Unis insistent maintenant sur l'application de la résolution du chapitre 7, qui déclarerait que les programmes nucléaires de Téhéran sont «une menace à la paix et à la sécurité internationales», ce qui ouvrirait ainsi la porte à des sanctions dissuasives et à une action militaire contre l'Iran.

Les négociations entre les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande-Bretagne, ainsi que l'Allemagne, se sont terminées la semaine dernières dans une acrimonie considérable. À l'exception des États-Unis, qui maintiennent un blocus économique sur l'Iran depuis 1979, toutes les grandes puissances ont des intérêts économiques et des investissements en Iran qui seraient minés par des sanctions ou une attaque militaire. La Russie et la Chine, en particulier, se sont opposées à toute résolution de l'ONU qui fournirait le prétexte pour des mesures dissuasives contre l'Iran.

Selon le quotidien de Hong Kong, Standard, la réunion, le 8 mai, des six ministres étrangers a été décrite par un représentant des États-Unis comme «une séance plutôt extraordinaire et depuis, tout le monde en parle en privé». Ce qui devait être une discussion polie, avant le repas et dans la suite de Rice, d'une durée de 30 minutes, s'est transformé en une prise de bec de deux heures avant que les ministres ne s'assoient et continuent à se chamailler devant les hauts représentants.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, «s'est plaint à maintes reprises» des remarques faites par le vice-président américain Richard Cheney durant un voyage la semaine précédente en Lituanie où il avait attaqué Moscou sur un ton provocateur pour vouloir limiter les droits démocratiques et utiliser son pétrole et son gaz naturel comme «outils d'intimidation et de chantage». Lavrov a accusé des représentants américains de miner les efforts européens pour résoudre la crise iranienne. Il a menacé d'exercer son droit de veto sur le projet de résolution préparé par la Grande-Bretagne et la France, et appuyé par les États-Unis, si celui-ci était présenté au conseil de sécurité de l'ONU.

Dans son discours sur l'état de la nation mercredi dernier, le président russe Vladimir Poutine a ouvertement condamné l'hypocrisie de l'administration Bush sur la question des «droits démocratiques», déclarant: «Où est toute la ferveur pour les droits de l'homme et la démocratie lorsqu'il s'agit de faire valoir leurs propres intérêts. Là il semble que tout soit possible, il n'y a aucune restriction.» Il a averti à mots couverts que «l'usage de la force [par les États-Unis contre l'Iran] pourrait être plus désastreux que la menace initiale.»

Soulignant l'étendue des tensions, Poutine a préconisé un redressement des forces armées russes pour «préserver l'équilibre stratégique des forces». Après avoir rappelé que les dépenses militaires des États-Unis sont maintenant 25 fois plus élevées que celles de la Russie, il a déclaré, sous les applaudissements des parlementaires russes: «Leur maison est leur forteresse. Tant mieux pour eux. Mais cela signifie que nous devons rendre notre propre maison forte et ferme. Nous voyons bien ce qui se passe dans le monde. Comme on dit, 'Le camarade loup sait qui manger'. Il mange et il n'écoute personne. Et selon toute apparence, il n'a aucune intention d'écouter.» L'aigreur des relations américano-russes reflète l'intensité de la ruée vers les ressources et positions stratégiques, particulièrement dans le Moyen-Orient, l'Europe de l'est et les anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale.

Après l'échec de la réunion des ministres des Affaires étrangères à New York, les six puissances se sont entendues pour accorder deux semaines aux pays européens pour qu'ils élaborent une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU offrant à l'Iran des incitatifs économiques et politiques pour qu'il mette fin à son programme d'enrichissement d'uranium ou encoure des sanctions dans le cas contraire. Une telle proposition n'aura probablement pas l'appui de la Russie et de la Chine parce qu'elle les contraindrait à des gestes auxquels elles se sont déjà opposées dans le cas où l'Iran n'accepterait pas les « incitatifs ». Le week-end passé, Ahmadinejad a indiqué que Téhéran rejetterait toute offre qui inclurait la demande que l'Iran ferme ses sites d'enrichissement.

L'administration Bush a très clairement fait savoir qu'elle avait l'intention d'aller de l'avant contre l'Iran, avec ou sans l'appui du Conseil de sécurité de l'ONU. L'ambassadeur américain aux Nations Unies, John Bolton, a déclaré crûment le 2 mai: « Si pour quelque raison que ce soit le Conseil n'assumait pas ses responsabilités, alors je crois qu'elles incomberaient à nous, et je suis certain que nous irions de l'avant en demandant à d'autres pays ou d'autres groupes de pays d'imposer ces sanctions». Si les États-Unis n'arrivaient pas à leurs fins au moyen de sanctions, comme c'est presque assurément le cas, alors Bush et les autres principaux représentants de l'administration ont déclaré à maintes reprises que «toutes les options [y compris l'action militaire] sont sur la table».

L'acharnement des États-Unis envers les programmes nucléaires iraniens n'est pas un signe de l'ampleur de la menace que pose l'Iran, mais plutôt de la crise politique et économique à laquelle est confrontée l'impérialisme américain. Prise dans un bourbier militaire sans issue en Irak et en Afghanistan, et faisant face à une profonde hostilité à ses politiques à l'intérieur, l'administration Bush prépare de façon téméraire une nouvelle aventure militaire criminelle à la fois pour détourner l'attention de l'opinion publique, intimider ses rivaux internationaux et consolider son emprise sur le Moyen-Orient. Les remarques que Poutine a faites ne laissent aucun doute que le militarisme de Washington produira tôt ou tard une réaction chez ses rivaux, déterminés à défendre leurs intérêts vitaux, semant ainsi les germes de conflits beaucoup plus larges et encore plus catastrophiques.

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