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La situation désastreuse des assistés sociaux au Canada

Par Éric Marquis
2 octobre 2006

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Un rapport du Conseil national du bien-être social paru cet été trace un portrait très sombre de la situation dans laquelle vivent les assistés sociaux au Canada. Le rapport illustre à quel point la politique gouvernementale est orientée vers l’enrichissement de la minorité possédante au détriment des couches les plus vulnérables de la société. Loin de venir en aide aux plus démunis, l’État tente au contraire d’en faire une main-d'oeuvre bon marché pour accroître la rentabilité du grand capital canadien.

 Intitulé « Revenus de bien-être social 2005 », le rapport décrit en détail les revenus d’aide sociale dont bénéficient les familles à travers le Canada pour l’année 2005. Loin de s’améliorer, les conditions d’existence d’une importante couche de la population qui dépend de cette aide n’ont jamais été aussi difficiles depuis vingt ans.

Pour les 1,7 million de Canadiens qui dépendent de ces prestations, soit cinq pour cent de la population, dont près d’un demi-million d’enfants, les revenus n’ont jamais été aussi bas au cours des deux dernières décennies. Durant cette période, les montants versés par l’État ont été bien en deçà du seuil de pauvreté, qui se situe officiellement pour une personne seule à une moyenne canadienne de 19 795 $, ce qui est aujourd’hui à peine suffisant pour satisfaire aux besoins de base.

En Alberta, la province la plus riche du Canada, le revenu d’une personne seule recevant l’aide sociale a diminué de près de 50 pour cent depuis 1986, passant de 9881 $ à 5050 $. Il a chuté en Ontario de près de 35 pour cent depuis 1992, passant de 10 700 $ à 7000 $, tandis que le revenu pour un couple avec deux enfants passait dans cette province de 28 000 $ à 19 300 $ durant la même période. Dans toutes les provinces, un tiers des ménages ont subi une perte d’au moins 3000 $ depuis le début des années 90.

En 2005 au Nouveau-Brunswick, une personne seule recevait 3427 $, et un couple avec deux enfants, 17 567 $. En Alberta, un parent seul avec un enfant touchait 12 326 $. Cette même année, les revenus d’assistance sociale pour tous les ménages à travers le Canada se situaient aux deux tiers du seuil de la pauvreté. Dans le cas des personnes seules, les revenus se situaient plutôt au tiers du seuil de la pauvreté, tandis que les familles avec enfants se retrouvaient entre 55 et 60 pour cent de ce seuil.

En plus des coupures massives que les divers gouvernements leur imposent, les personnes qui dépendent de l’aide sociale font face, selon le rapport, à un processus « complexe, onéreux et dévalorisant » – autrement dit de l’abus administratif – pour obtenir des prestations qui ne suffisent même pas à couvrir leurs besoins essentiels.

Cela montre une chose : il y a longtemps que les différents gouvernements canadiens ont mis de côté toute prétention à subvenir aux besoins fondamentaux de leurs citoyens les plus démunis. L’État-providence se donnant pour tâche de redistribuer les richesses de la société est chose révolue. Il a cédé la place à une politique délibérée visant à appauvrir les plus vulnérables afin d’en faire une main-d'oeuvre désespérée, forcée d’accepter les emplois les plus dégradants et sous-payés rien que pour survivre.

Dans certaines provinces, après avoir enduré le harcèlement administratif, y compris les intrusions dans leur vie privée, ceux qui demandent de l’aide sont dirigés vers d’autres types de programmes visant à les inciter à aller sur le marché du travail.

C’est le cas au Québec où le programme d’aide sociale est carrément appelé « programme d’assistance-emploi. » Dans ce cas-ci, après avoir subi une étude détaillée et intrusive de leurs conditions matérielles et de leurs besoins, ceux qui sont aptes à travailler et qui veulent obtenir de l’aide financière doivent rencontrer un agent qui les orientera vers le premier emploi venu. Dans ces conditions, les prestataires ne peuvent refuser un emploi jugé « convenable » qui leur serait proposé sous peine de voir leurs prestations d’assistance-emploi diminuées ou coupées. Au Québec, ceux qui sont aptes au travail reçoivent actuellement 533 $ par mois, ou 6578 $ par année, soit 34 pour cent du seuil de pauvreté.

À travers le Canada, dans la plupart des cas, les prestataires d’aide sociale doivent régulièrement démontrer que leur situation financière et professionnelle demeure la même s’ils veulent continuer à recevoir leurs prestations et que, s’ils ne sont pas aptes à travailler, leur condition physique ou de santé les empêchent toujours d’accéder au marché du travail. Ils doivent ainsi continuellement prouver qu’ils sont admissibles à recevoir leur maigre pitance.

Malgré la minceur des prestations, les gouvernements ont développé toute une série de restrictions pour en diminuer le montant de base. Par exemple, depuis près de 10 ans, les gouvernements successifs du Québec réduisent de 100 $ la prestation de base d’un assisté social qui vit chez un parent non-prestataire, permettant ainsi à l’État québécois d’économiser 44 millions $ sur les dos des plus pauvres.

Il faut d’ailleurs remarquer ce qui se produit au même moment à l’autre extrémité de l’échelle sociale.

Pour l’année 1999 (et aujourd’hui, les chiffres seraient sûrement encore plus évocateurs), au Québec, la part de la richesse totale des 36 pour cent situés au bas de l’échelle des revenus était de 1,4 pour cent tandis que les 27 pour cent les plus riches en possédaient plus de 80 pour cent. En Alberta, les 30 pour cent les plus pauvres se partageaient un peu plus de 0,8 pour cent de la richesse totale tandis que les 24 pour cent supérieurs en possédaient 75 pour cent. En Ontario, les 25 pour cent les plus bas en termes de revenus en détenaient une part de 0,1 pour cent, et les 27 pour cent les plus riches, 77 pour cent.

Il est non moins significatif d’observer le total des revenus allant aux Canadiens les plus riches pour l’année 2004. Robert Gratton, PDG de Power Corporation, a gagné 173,2 millions $, alors que Bernard Isautler a reçu 93 millions $. Frank Stronach, de Magna International, a quant à lui engrangé 52,5 millions $ et John Hunkin, de la banque CIBC, a gagné 13 millions $. Et ceci n’est qu’une petite partie de la richesse totale accaparée par la minorité dominante.

Il s’agit d’un processus international. Aux États-Unis, par exemple, les salaires constituent aujourd’hui la plus petite part du PIB (produit intérieur brut) depuis 1947, alors que les profits n’ont jamais été aussi élevés depuis les années 60. Comme l’a fait remarquer un banquier d’affaires : « C’est la diminution de la part du revenu national allant au travail qui a le plus contribué à l’augmentation des marges de profit depuis cinq ans. »

Tous ces chiffres montrent à quel point l’écart est immense et continue de se creuser entre la classe ouvrière et l’élite dirigeante. Cette situation est la conséquence directe et souhaitée d’une politique qui vise à appauvrir la majorité travailleuse pour enrichir de manière grotesque une minorité possédante.

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