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Les souverainistes québécois gardent en vie le gouvernement conservateur canadien

Par Guy Charron
26 septembre 2006

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Dans un vote tenu au Parlement le 19 septembre où la survie même du gouvernement minoritaire conservateur était en jeu, le Bloc québécois, le parti indépendantiste québécois au niveau fédéral, s’est distingué des deux autres partis d’opposition en endossant l’entente sur le bois d’œuvre intervenue entre le Canada et les États-Unis.

Ce n’est pas la première fois que le BQ garde en vie le gouvernement ultra-conservateur de Stephen Harper. Dès le lendemain de l’arrivée des conservateurs au pouvoir, le Bloc annonçait « qu’il allait donner sa chance au coureur ». Après avoir appuyé le discours du Trône, le BQ a voté pour le budget conservateur de mai 2006, qui annonçait des diminutions d’impôts de 26 milliards pour les trois prochaines années, la fin du programme national de garderies et d’importantes augmentations du budget militaire.

De plus en plus impopulaire aux yeux des Canadiens ordinaires à cause de sa promotion du militarisme, le gouvernement minoritaire conservateur puise sa force dans le soutien que lui accordent les sections les plus puissantes de la grande entreprise. Il existe un large consensus au sein de l’establishment canadien pour l’adoption d’une politique étrangère agressive, la réduction des dépenses sociales et une baisse massive des impôts qui profite aux plus riches.

L’appui du Bloc pour une telle politique démolit ses prétentions progressistes. Le fait est que l’élite dirigeante québécoise, pour laquelle parle le BQ, appuie non moins fermement le virage à droite opéré dans la politique canadienne par le gouvernement Harper – y compris l’adoption d’une stratégie militariste visant à augmenter la part du butin colonial revenant au Canada.

Dans une lettre ouverte rejetant la demande que les troupes canadiennes d’occupation soient retirées d’Afghanistan, le chef du Bloc, Gilles Duceppe, a encouragé Ottawa à mieux « expliquer » son virage militariste. « Les Québécois et les Canadiens », a-t-il écrit,  « ne peuvent appuyer la démarche du gouvernement Harper si on les laisse dans l’ignorance, s’ils ne comprennent pas les tenants et les aboutissants de cette opération et des autres interventions militaires ailleurs dans le monde. » Cela fait partie des efforts du Bloc pour donner un vernis « humanitaire » aux visées impérialistes du Canada.

Le BQ limite son opposition à ce qui touche les intérêts de la grande entreprise québécoise, comme la question des sommes que le gouvernement fédéral octroie au gouvernement provincial québécois. Ce sont ces intérêts de classe étroits qui sont en jeu lorsque le BQ, et son parti frère au niveau provincial, le Parti québécois, parlent de la défense des « intérêts du Québec ».

L’appui du Bloc au Parti conservateur est loin d’être une bourde passagère. Le mouvement nationaliste québécois a une longue histoire de coopération avec les régionalistes de l'Ouest et la droite canadienne, non seulement avant la « Révolution tranquille » des années 1960, lorsque le nationalisme québécois était associé à l’opposition au progrès social au Québec, mais aussi après.

Qu'on se rappelle que Duplessis, en mettant en 1958 sa machine électorale au service du chef conservateur Diefenbaker, avait permis à ce dernier d'obtenir la plus grande majorité de l'histoire à la Chambre des communes ; ou encore du « beau risque » de René Lévesque, un des fondateurs du Parti québécois, alors premier ministre du Québec, qui avait mené les conservateurs au pouvoir à l’échelle fédérale en 1984. Les nationalistes québécois avaient alors mis leur machine électorale au service de Brian Mulroney et fourni plusieurs candidats vedettes.

Dans l’élection fédérale subséquente de 1988, qui a tourné autour du projet conservateur d’instaurer un libre-échange entre le Canada et les États-Unis, Bernard Landry et les autres dirigeants du PQ ont pesé de tout leur poids en faveur du libre-échange et fourni ainsi un appui implicite mais décisif à la réélection de Mulroney.

Après l’échec de l'accord constitutionnel du lac Meech, Lucien Bouchard, qui avait été le lieutenant québécois de Mulroney, a quitté le Parti conservateur pour fonder, avec les députés conservateurs qui l’ont suivi et quelques libéraux dissidents, le Bloc québécois dont il est devenu le chef.

En 1996, Bouchard était nommé par acclamation à la tête du PQ et a formé un des gouvernements les plus à droite en Amérique du Nord, imposant un sévère plan de compressions budgétaires dans les dépenses sociales avec l’aide des dirigeants syndicaux.

Depuis au moins les années 2000, le Bloc québécois a manoeuvré avec les prédécesseurs du Parti conservateur pour évincer les libéraux du pouvoir. Ils se sont ligués avec eux pour faire tomber le précédent gouvernement minoritaire libéral dirigé par Paul Martin sur des questions de scandales de corruption, contribuant ainsi à détourner l’attention du programme de droite impopulaire du Parti conservateur.

La bureaucratie syndicale endosse entièrement l’étroite collaboration entre souverainistes et conservateurs. Henri Massé, le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), la plus importante centrale syndicale au Québec, a demandé au BQ d’appuyer l’entente canado-américaine sur le bois d’œuvre. Lors des dernières élections, il avait déclaré que les travailleurs n’avaient rien à craindre des conservateurs s’ils élisaient des bloquistes pour les représenter.

Fait à noter, Québec solidaire, qui se présente comme une opposition de gauche au PQ, parti frère du BQ sur la scène provinciale, ne dénonce pas le soutien accordé par le Bloc aux conservateurs de Harper. Cela nuirait à ses espoirs de conclure une entente électorale avec le PQ lors des prochaines élections provinciales et minerait ses efforts pour peindre le nationalisme québécois sous des couleurs progressistes.

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