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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le parti d’extrême-droite NPD gagne des sièges aux élections en Allemagne

Par Dietmar Henning
27 septembre 2006

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Lors des récentes élections régionales allemandes, le parti d’extrême-droite allemand NPD (Parti national démocrate allemand) a pu tirer profit de la politique droitière du Parti social-démocrate (SPD) et du Parti de la Gauche.PDS (Linkspartei.PDS). Le NPD qui se réclame ouvertement de l’héritage du national-socialisme, a pu remporter six sièges au parlement du Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale, dans l’est de l’Allemagne, lors des élections du 17 septembre. A Berlin, le NPD a pu remporter des sièges dans quatre des douze conseils de districts de la ville.

Le NPD a recueilli près de 60.000 voix en Mecklembourg-Poméranie occidentale. Cela correspond à 7,3 pour cent de l’ensemble des votes émis ; le taux de participation fut faible, 58 pour cent. Lors des élections au parlement de Berlin, le NPD a enregistré 2,6 pour cent des voix, 4 pour cent à l’est de la ville et 1,6 pour cent à l’ouest. Ce résultat signifie que les néo-fascistes ne furent pas en mesure d’accéder au parlement du Land de Berlin ; la condition préalable en étant d’atteindre au moins la barre de 5 pour cent des votes. Ils furent par contre en mesure de remporter des sièges dans plusieurs conseils de districts où un minimum de 3 pour cent est suffisant.

Le NPD fut en mesure d’effectuer une percée en Poméranie occidentale en recueillant un soutien substantiel dans les régions fortement touchées par le chômage de masse. Dans les circonscriptions I et II de Poméranie orientale, il a même gagné 12,2 et 11,5 pour cent des voix (deux membres du NPD siégeant déjà au parlement régional depuis deux ans) et à Uecker Randow I et II le score était même de 15 et 13 pour cent. Par contre, son score était inférieur dans les circonscriptions urbaines de Rostock (3,8 pour cent) et de Schwerin (6,7 pour cent).

Alors que le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale accuse les plus hauts taux de chômage des Länder (18,2 pour cent), le district d’Uecker-Randow compte avec 26,6 pour cent de chômeurs le plus fort taux de chômage d’Allemagne. La région, qui se trouve près de la frontière polonaise, est marquée par son caractère rural où la production agricole domine.

En Poméranie orientale et à Uecker-Randow il existe des régions où près de la moitié de la population active est au chômage. Dans le village de Postlow, en Poméranie orientale, qui compte 500 habitants, 38 pour cent des villageois ont voté dimanche pour le NPD. Dans la région Stettiner Haff, un quartier composé de barres d’immeubles, le NPD fut crédité de 35,2 pour cent.

Un premier sondage réalisé par l’Institut de sondage Infratest-Dimap a montré que le NPD fut surtout en mesure de gagner des voix chez les électeurs jeunes. Quinze pour cent des jeunes entre 18 et 24 ans ont voté pour les néo-fascistes et 12 pour cent des 25 à 34 ans. En termes de catégories sociales, c’est parmi les chômeurs que le NPD a obtenu le plus grand soutien avec 15 pour cent des voix.

A Berlin, le NPD a présenté des candidats dans cinq districts où le taux de chômage et de pauvreté est élevé. Il a gagné des sièges dans quatre conseils de districts : Neukölln (3,9 pour cent), Treptow-Köpenick (5,3 pour cent), Lichtenberg (6,0 pour cent) et Marzahn Hellersdorf (6,4 pour cent). Le parti ne réussit pas à atteindre la marque de 3 pour cent à Tempelhof-Schöneberg (2,1 pour cent) par contre, pour ce qui est de la chambre des députés, il enregistra avec 5,4 pour cent son meilleur score dans le quartier de Marzahn Hellersdorf où l’habitat est constitué exclusivement par des barres d’immeubles.

Le NPD s’était également partagé les circonscriptions de Berlin avec une autre organisation d’extrême-droite, les Républicains, qui avait présenté des candidats dans sept districts mai ne gagna qu’un siège.

Quelle est la raison de la croissance du NPD ?

Deux facteurs sont principalement responsables de la croissance du NPD.

Le premier facteur est le désespoir social associé à la profonde indignation ressentie face à l’arrogance et à la langue de bois pratiquée par les partis de l’establishment politique allemand, notamment ceux qui se posent en défenseurs des intérêts des plus démunis.

Les gouvernements des Länder de Mecklembourg-Poméranie occidentale et de Berlin sont formés par une coalition entre le SPD et le Parti de la Gauche.PDS. Ces deux partis ont subi des pertes considérables lors des élections de dimanche dernier. A Berlin, le Parti de la Gauche.PDS a perdu la moitié de ses électeurs ; en Mecklembourg-Poméranie occidentale, le SPD a perdu 10 pour cent de ses électeurs (par rapport à la dernière élection régionale). Alors que les deux partis proclament vouloir défendre les intérêts des personnes socialement faibles, dans la pratique c’est l’opposé qui est le cas.

A Schwerin, la capitale du Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale, Helmut Holter (Parti de la Gauche.PDS) le ministre du Travail et de la Construction, a mis en vigueur les lois antisociales Hartz pour réformer le marché du travail et contre lesquelles son propre parti avait publiquement protesté. A Berlin, son collègue Harald Wolf joue, en tant que ministre de l’Economie, un rôle primordial dans les attaques contre les acquis sociaux et la destruction d’emplois dans le service public.

En Mecklembourg-Poméranie occidentale, le premier ministre Harald Ringstorff (SPD) s’est servi dans sa campagne électorale du slogan : « Poursuivre le succès », ce que les 160.000 chômeurs du Land ont certainement vu d’un autre œil. A Berlin, la partie de la population touchée par les coupes sociales a pu constater comment une mince couche de profiteurs voit sa fortune s’accroître, en l’occurrence le bourgmestre de la ville, Klaus Wowereit (SPD), qui en fait partie.

L’arrogance et l’impertinence des partis dirigeants furent portées à leur comble dans une brochure publiée par le Parti de la Gauche.PDS à Berlin lors de la campagne électorale et dans laquelle elle énumère les raisons pour lesquelles elle a « soutenu la politique d’austérité… au dépens des pauvres et des faibles vivant dans la ville. » Dans un paragraphe de la brochure on peut lire : « La Gauche.PDS est descendue dans la rue pour protester contre les lois antisociales Hartz. Au parlement elle les applique. N’est-ce pas une contradiction ? » La réponse laconique donnée dans la brochure est : « Non, c’est raisonnable. »

Un tel cynisme affiché face à sa propre politique fournit le terreau nourricier à la croissance de l’extrême-droite. Le SPD et la Gauche.PDS se partagent la responsabilité pour la catastrophe sociale et la confusion politique découlant de leur politique. Ils qualifient même les mesures socialement les plus néfastes de « politique de gauche » et créent un climat propice au NPD en lui permettant d’exploiter le désespoir, le sentiment d’impuissance, la colère et la haine des couches socialement déclassées.

En Mecklembourg-Poméranie occidentale, le NDP a gagné près du quart des voix sur le SPD et le Parti de la Gauche.PDS. Un quart supplémentaire de voix provenait d’anciens électeurs de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU) et un autre d’anciens abstentionnistes. Le reste étant dû à ceux qui avaient de par le passé voté pour d’autres petits partis.

Le deuxième facteur à bénéficier au NPD est la consécration par les principaux partis politiques allemands de la xénophobie. La chasse aux sorcières engagée contre les musulmans, à commencer par le discours du Pape à Ratisbonne jusqu’aux débats entre les ministres de l’Intérieur de l’Etat fédéral et des Länder sur la création d’un fichier national de données antiterroristes, dans lequel sera répertoriée la religion d’une personne suspectée, est de quoi apporter de l’eau au moulin des néo-nazis. D’autres mesures, telle la discrimination contre les demandeurs d’asile et les immigrés appliquée à la fois par les partis conservateurs du CDU/CSU ainsi que le SPD, ainsi que la « culture dominante allemande » sont des facteurs additionnels qui avantagent le NPD.

L’absence de toute ligne de démarcation entre le CDU et l’extrême-droite est révélée par la campagne politique qui est menée à la fois par le NPD et le CDU contre la construction d’une mosquée dans le district de Pankow, à Berlin est. Le candidat tête de liste du CDU lors des élections de Berlin, Friedbert Pflüger, s’était positionné contre la mosquée. Le dirigeant régional du CDU, Karl Henning, qui était en faveur de la construction d’une telle mosquée, démissionna même du parti pour protester contre l’attitude de Pflüger. Ce n’est qu’après qu’un autre membre influent du CDU dans le district, Bernhard Lasinski, eût défilé dans les rues côte à côte avec les néo-nazis et les skinheads que Pflüger s’est senti obligé d’intervenir en exigeant la démission de Lasinski.

Les méthodes du NPD

Si dans le passé l’extrême droite a surtout bénéficié du vote de protestation, cette dernière élection montre qu’elle a renforcé sa présence, surtout à la campagne.

En 1988, l’Union populaire allemande (DVU) de l’éditeur et multimillionnaire munichois Gerhard Frey, avait obtenu de façon surprenante 13 pour cent des voix en Saxe-Anhalt sans disposer d’une organisation régionale. A l’élection suivante, cependant, la DVU avait à nouveau disparu de la scène. Le NPD lui aussi ne dispose que de 200 membres en Mecklembourg-Poméranie occidentale, mais ceux-ci y vivent et y ont établi des contacts sociaux.

Les articles de fond sur ce parti s’accordent sur le fait que le NPD est « parvenu jusqu’au cœur de la société ». Le candidat de tête du NPD, Udo Pastörs, possède ainsi dans le village de Lübtheen une horlogerie-bijouterie, le parti compte aussi dans ses rangs des gens qui gèrent leur propre entreprise de taxis.

Le NPD participe à des tables d’habitués dans les bistrots, à des comités d’action des citoyens et citoyennes, il organise des « quatre heures » agrémentés de café et de gâteaux en se présentant comme une organisation bienséante et amie de la famille. En cela, il renoue délibérément avec les traditions « populaires » des nazis. Dans un discours tenu la veille de l’élection, Pastörs donna un aperçu de la conception familiale et féminine du NPD. Il y loua le fait « que [sa] femme [lui] a préparé d’excellents plats, [lui] a lavé son linge et [lui] a procuré la force nécessaire pour surmonter cette campagne électorale ».

Les partis gouvernementaux ont été entièrement absents dans certaines régions et laissèrent le champ libre au NPD dont la propagande put dominer la scène.

Le NPD plaça les questions sociales au centre de sa propagande et se présenta comme une organisation anticapitaliste entièrement dans le style des partisans de Strasser au sein du NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands). Il se présenta comme le parti qui est à l’écoute des inquiétudes et des préoccupations de la vie quotidienne de la population.

« On a retiré la base d’un ordre de justice sociale », lit-on dans un manifeste électoral du parti. « Les coupables sont les partis du système et le cartel médiatique en tant que commis du grand capital ». Ceux-ci seraient en train de détruire l’ordre existant « de par leur soif immesurée de profit » et auraient par là remis en question le système politique et économique de la République fédérale et même de l’Union européenne.

La brochure associe protestation sociale et xénophobie. « L’endettement, le chômage, la fuite des industries, le déracinement social, l’excès d’immigrés, la violence et la misère de l’éducation ne sont que quelques-uns des mots clés qui décrivent la situation de notre ville ». La revendication d’une révision du tracé de la frontière germano-polonaise et le rétablissement des frontières allemandes de 1937 prennent également une place centrale parmi leurs slogans.

Tout en prétendant être proche des citoyens et ami des familles, le NPD mise clairement sur l’intimidation en se servant de bandes de nervis. Le NPD, dont les cadres viennent pour la plupart de l’ouest de l’Allemagne, s’est lié ces dernières années avec des groupes néo-nazis au niveau local, les soi-disant « Freien Kameradschaften » (les camaraderies libres) parmi lesquelles se trouvent aussi de nombreux nervis condamnés pour violence par la justice. Ces éléments furent mobilisés par le NPD contre d’autres partis au cours de la campagne électorale.

Des membres du SPD, du Parti de la Gauche.PDS et même du CDU subirent massivement à leurs stands d’information ou lors de meetings électoraux les menaces de la part de membres du NPD et furent même victimes d’attaques de leur part tant à Berlin que dans le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale.

Une semaine avant l’élection, un néo-nazi retira l’échelle supportant un membre du Parti de la Gauche.PDS qui accrochait une pancarte électorale. Le jeune homme fit une chute et fut blessé à la colonne vertébrale. La veille, des extrémistes de droite avaient agressé deux assistants électoraux du SPD, l’un d’entre eux fut battu si sévèrement qu’il dut être transporté à l’hôpital.

Des bandes de nervis du NPD perturbèrent aussi, à la manière des SA hitlériens (Section d’assaut), les réunions publiques d’autres partis et s’en prirent violemment le soir même de l’élection à des journalistes et à des contre-manifestants.

La revendication de l’« Etat fort »

Les principaux partis bourgeois réagirent au renforcement du NPD en appelant à l’Etat fort.

Le chargé des affaires intérieures au parti des Verts, Volker Beck, dit qu’il fallait s’opposer au NPD « par une action conséquente au niveau de la police et de la justice ». Beck exigea que « cela devait s’accompagner d’une observation intense du NPD et des milieux d’extrême droite ». Selon lui, cela rendait nécessaire une amélioration de l’échange d’informations entre les services de renseignement des Laender et les agences de renseignement au niveau fédéral.

L’ancien président du parlement, Wolfgang Thierse (SPD), exigea que la police agisse avec plus de fermeté, il se prononça en faveur d’une nouvelle tentative d’interdiction du NPD. La dernière tentative de ce genre échoua en 2002 après que le tribunal constitutionnel déclara une interdiction impossible car la direction du NPD est composée en grande partie d’agents des services secrets. L’infiltration avait atteint un tel degré que trois des juges de la Cour constitutionnelle en conclurent qu’ils avaient affaire à « une officine d’Etat ».

Pendant la campagne électorale, les autorités avaient déjà réagi aux activités du NPD en réduisant les droits démocratiques pour tous les partis. Après que le NPD eut organisé des réunions électorales dans des locaux publics partout à Berlin, on interdit à l’ensemble des partis l’utilisation de tels locaux. L’argument utilisé par l’Etat fut qu’une interdiction générale d’utiliser des locaux publics était le seul moyen de restreindre les activités du NPD. La première municipalité à adopter cette stratégie fut celle de Friedrichshain-Kreuzberg, dirigée par le Parti de la gauche.PDS.

La réaction de l’establishment politique aux provocations du NPD fut d’appeler à l’« unité de tous les démocrates ». Dans la pratique, cela signifie une intensification de la collaboration entre les divers partis bourgeois et une capitulation devant la droite au nom d’une telle « unité » Ce fut le cas en France il y a quatre ans lorsque durant l’élection présidentielle tous les partis, y compris la soi-disant extrême gauche, se servirent des mêmes arguments afin de justifier leur soutien au président gaulliste Jacques Chirac contre son adversaire fasciste Jean-Marie Le Pen. La politique pratiquée depuis par Chirac n’a fait que renforcer Le Pen.

Le renforcement de l’appareil d’Etat et le rapprochement des partis officiels favorisent à longue échéance le développement de conditions où les démagogues fascistes peuvent gagner de l’influence. Seul un mouvement indépendant de la classe ouvrière qui allie la défense des droits démocratiques et sociaux à un programme international et socialiste peut mettre un terme à la menace néo-nazie.

(Article original paru le 20 septembre 2006)


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