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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les élections présidentielles françaises : quatre électeurs sur dix indécis

Par Peter Schwarz
14 avril 2007

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Les élections présidentielles en France entrent maintenant dans leur phase officielle. Les affiches des douze candidats ont été apposées devant les 65 000 bureaux de vote du pays, tous les foyers recevront les professions de foi des candidats et, jusqu’au premier tour des élections qui se tiendront le 22 avril, chaque candidat a 45 minutes, divisées en plusieurs clips courts, pour présenter son programme électoral à la radio et à la télévision publiques.

Dans les faits, la campagne électorale a commencé il y a plusieurs semaines, plusieurs mois même si on prend en compte le processus de nomination des candidats. Les candidats ont voyagé de par le pays, tenu des réunions électorales et participé à d’innombrables débats télévisés. Les élections sont le principal thème traité par les médias depuis longtemps et les positions des candidats sont bien connues.

Néanmoins, dix-huit millions d’électeurs ne savent toujours pas pour quel candidat voter. Selon deux sondages publiés dimanche, 42 pour cent de l’électorat n’ont pas pris de décision ferme, un chiffre plus important de 10 pour cent que celui donné par un sondage semblable deux semaines avant les élections présidentielles de 2002. Le nombre d’électeurs indécis est exceptionnellement élevé chez les jeunes, les femmes et les travailleurs, c’est-à-dire chez ceux qui ont été le plus touchés par la crise sociale de ce pays.

La raison expliquant ce grand nombre d’électeurs indécis n’est pas difficile à trouver. Aucun des candidats ne bénéficie de la confiance de larges couches sociales et n’a de réponse aux problèmes sociaux urgents confrontant le peuple français.

Jusqu’à présent, c’est Nicolas Sarkozy, candidat du parti gaulliste au gouvernement, l’Union pour un mouvement populaire (UMP) qui a donné le ton de la campagne électorale. Sarkozy a repris une série de thèmes traditionnellement associés à l’extrême droite : l’immigration, la sécurité, l’ordre public et, de façon répétée, l’identité nationale et la grandeur de la France.

Il fait beaucoup de bruit, mais ne laisse pas une impression durable. Aucun sujet n’a fait les manchettes plus d’une semaine. Sarkozy sait comment provoquer, attirer l’attention et la détourner des questions importantes, mais il reste à la surface des choses.

Cette semaine, il a déclenché une controverse en déclarant que la pédophilie et les 1 300 suicides par an chez les jeunes de France sont innés et génétiquement conditionnés plutôt que le résultat de circonstances sociales et familiales. Cette fois, il a éveillé l’hostilité de certains de ses partisans de droite, telle l’Église catholique, qui l’ont accusé de nier le rôle de la responsabilité personnelle en faveur de l’eugénisme.

Sarkozy prend continuellement modèle sur Jean-Marie Le Pen, dirigeant du Front national, parti extrémiste de droite, qui a réagi avec fatuité. Lorsqu’on est continuellement imité, affirme Le Pen, cela ne fait qu’augmenter la valeur de l’original. Les sondages semblent appuyer cette déclaration, Le Pen étant maintenant en quatrième position avec 15 pour cent des voix. En 2002, il avait obtenu 17 pour cent des voix et était passé au second tour contre le président sortant, Jacques Chirac.

La candidate du Parti socialiste Ségolène Royal se laisse bousculer par Sarkozy ou bien trottine docilement derrière lui. Il y a de cela deux semaines, ils sont entrés dans un jeu bizarre visant à prouver lequel des deux aimait le plus la patrie. A la manière de Sarkozy, Royal a fait chanter l’hymne national dans ses meetings et elle a recommandé à tous les Français de mettre le drapeau bleu-blanc-rouge aux fenêtres le jour de la fête nationale. Sa proposition selon laquelle les jeunes délinquants devraient être éduqués par l’armée pourrait aussi provenir de l’arsenal de Sarkozy.

Sarkozy est profondément détesté dans la classe ouvrière et dans de larges couches de la jeunesse. La nature anti-classe ouvrière de sa politique est claire même si elle est présentée dans un emballage de clichés populistes de droite. Il a récemment présenté son programme pour les cent premiers jours de son gouvernement s’il devait remporter les élections et n’a laissé aucun doute sur l’orientation de sa politique.

Cet été, il a l’intention de faire adopter une loi anti-grève qui imposera un vote à bulletin secret avant la grève et obligera les grévistes du secteur public à maintenir un service minimum. Cette mesure vise particulièrement les travailleurs des services publics, comme ceux des chemins de fer, du transport public et de la poste ainsi que ceux du service des eaux, d’EDF et de GDF (électricité et gaz de France), c’est-à-dire les travailleurs qui ont été l’épine dorsale des grands mouvements de grève de ces dix dernières années et qui ont à plusieurs reprises immobilisé des parties du pays. Cette loi anti-grève vient en prévision des larges coupes dans les retraites prévues pour cet automne. Dans le passé, une telle réforme des retraites n’avait pas réussi à être mise en place face à la résistance de grande envergure des travailleurs.

La seconde proposition de Sarkozy qu’il compte mettre en place immédiatement c’est de rendre plus sévères les peines pour les multirécidivistes. Ceux qui seront reconnus coupables de trois délits seront automatiquement condamnés à la peine la plus importante prévue pour leur délit, même dans le cas d’infractions mineures ou de délits commis par des mineurs. Les experts s’attendent à une augmentation draconienne de la population carcérale française si cette loi devait être votée. Avec son nouveau projet, basé sur des lois punitives à l’américaine, Sarkozy viole tant la tradition de la justice française que la Charte européenne des droits de l’Homme. Les deux affirment que les circonstances individuelles doivent être prises en compte lorsque l’on détermine le niveau de la peine à infliger.

Finalement, Sarkozy cherche à abolir les contributions pour la sécurité sociale et les impôts sur les heures supplémentaires. Une telle mesure abolira dans les faits la semaine de 35 heures introduite par le gouvernement dirigé par Lionel Jospin. Cela encouragera en même temps les entreprises à demander à leur personnel d’effectuer des heures supplémentaires et sera un frein à la création d’emplois.

Royal ne peut pas ouvertement remettre en question ce programme de droite parce qu’elle est d’accord avec Sarkozy sur l’essentiel. Elle aussi est en faveur d’une « modernisation » du capitalisme français afin de le rendre plus concurrentiel dans l’économie mondiale. Comme dans le cas de Sarkozy, cette « modernisation » signifiera l’augmentation des profits et des droits de grandes entreprises aux dépens de leur personnel.

Au cœur du programme de cent jours de Royal, on trouve la promesse qu’aucun jeune ne restera sans emploi plus de six mois. Royal a déclaré qu’elle avait l’intention de créer 500 000 nouveaux emplois pour les jeunes. Toutefois, en regardant de plus près ce contrat première chance, on voit des similarités évidentes avec le contrat de première embauche (CPE) dont la tentative d’introduction avait provoqué d’immenses manifestations au sein de la jeunesse française au printemps 2006. Ce n’est rien d’autre qu’un programme pour faire la promotion du travail à bon marché.

Comme dans le cas de mesures semblables introduites par le gouvernement Jospin, ce que Royal propose se base sur le principe de subventionner les compagnies et les petites entreprises. En engageant des jeunes sans formation, celles-ci seraient subventionnées durant un an. L’expérience montre que de tels projets mènent inévitablement au remplacement des travailleurs réguliers par de jeunes travailleurs subventionnés moins bien payés — qui après un an, lorsque les subventions prennent fin, finissent eux aussi par perdre leur emploi.

Bien que Sarkozy soit rejeté par de larges couches de la population et profondément haï dans les banlieues, où vivent un grand nombre d’immigrants et de travailleurs à faible revenu, les lâches adaptations de Royal ont fait en sorte que jusqu’à présent il est en tête des sondages. Cette avance varie de jour en jour, mais Sarkozy détient régulièrement une avance d’un point ou plus sur Royal. Un sondage récent lui accordait 28 pour cent de voix contre 24 pour Royal. Au deuxième tour, où seulement deux candidats s’affronteront, il possède une avance de 2 à 4 points sur Royal.

L’opportunisme de Royal a aussi augmenté les chances d’un autre candidat de droite, François Bayrou de l’UDF libérale. Beaucoup d’électeurs qui avaient traditionnellement tendance à voter par le Parti socialiste envisagent maintenant de voter pour Bayrou au premier tour car ils croient que ce dernier sera plus en mesure de vaincre Sarkozy au deuxième tour.

Bayrou s’affiche comme un partisan de la réconciliation et a annoncé que s’il venait à gagner les élections, il formerait un gouvernement incluant à la fois le Parti socialiste et les gaullistes. Bayrou, fils de fermier, s’adresse aux couches de la classe moyenne des campagnes ainsi qu’à tous ceux qui craignent des conflits sociaux incontrôlables au cas où Sarkozy deviendrait président.

Il est resté très vague dans sa profession de foi. Il soutient lui aussi la création d’un secteur à bas salaires par des subventions aux compagnies françaises. De plus, il projette une réorganisation complète du système de prestations sociales, dans lequel les neuf formes actuelles de prestations (dont l’aide sociale, les pensions minimums et les pensions de veuvage), dont dépendent 3,5 millions de citoyens, seraient combinées en un seul régime de prestations. Une telle mesure s’accompagnerait obligatoirement d’importantes coupes budgétaires.

Bayrou a quelquefois été au coude à coude avec Royal dans les sondages. Actuellement, il se situe autour de 18 pour cent, mais les instituts de sondage s’entendent pour dire que son résultat est difficile à prévoir et pourrait se situer entre 12 et 29 pour cent des voix.

Le rôle des candidats de « gauche »

Parmi les quatre principaux candidats qui, selon les sondages, recueillent  85 pour cent du vote se trouvent deux candidats bourgeois de droite (Sarkozy et Bayrou), un d’extrême droite (Le Pen) et Royal, une socialiste de droite à la manière du premier ministre britannique Tony Blair. Selon toute probabilité, le second tour qui se tiendra le 6 mai sera un face à face entre deux de ces candidats.

Mais un tel choix ne correspond pas aux sentiments de larges sections de la population, qui ont à maintes reprises exprimé leur opposition à la politique officielle — récemment par le rejet de la constitution européenne en 2005 et par la suite en 2006 contre le Contrat première embauche, que le gouvernement avait retiré suite à d’importantes manifestations. Néanmoins, les personnalités et partis de droite dominent les élections.

Cela n’est pas seulement dû à la politique de Royal, qui fait le jeu de la droite, mais aussi au rôle des soi-disant candidats de la gauche. Six des douze candidats inscrits s’identifient comme étant à la gauche du Parti socialiste.

Cependant, aucun de ces candidats n’ose déclarer ce qui est l’évidence même, à savoir que la classe ouvrière doit rompre avec ses vieilles organisations et développer un mouvement politique indépendant qui s’oppose à l’organisation capitaliste de la société. Ils tentent plutôt de détourner le mécontentement et l’opposition populaires en les orientant vers un soutien pour le Parti socialiste.

Ceci est particulièrement clair dans le cas d’Olivier Besancenot, candidat de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Il est le seul parmi ces candidats, selon les sondages, à obtenir entre 4 et 5 pour cent des intentions de vote. Tous les autres candidats de gauche sont au-dessous de 2 pour cent.

Besancenot a été capable de gagner le soutien du milieu traditionnel du parti, dans les cercles universitaires, ainsi que parmi les jeunes qui se sont inscrits en grand nombre sur les listes électorales. Il a réussi à obtenir un certain soutien grâce à ses dénonciations prolixes du système capitaliste.

Des rappeurs ayant une large base populaire dans les banlieues des villes françaises, où de violents combats avaient eu lieu avec la police il y a un an seulement, ont appelé à une participation massive au vote. Certains d’entre eux, tels Diam’s, Akhenaton et Axiom ont même inclus dans leur pochette de CD des instructions pour l’inscription sur les listes électorales. Les rappeurs sont sans équivoque contre Sarkozy et Le Pen, mais n’ont donné aucune consigne de vote pour un candidat en particulier.  Ils insistent plutôt sur l’importance de la participation aux élections  et demandent d’étudier de près et de manière critique les différentes professions de foi.

De tels appels ont eu un impact. L’inscription sur les listes électorales de nouveaux électeurs dans la région de Seine Saint-Denis, qui comprend plusieurs banlieues de Paris, a grimpé de 8,5 pour cent comparativement à 2002. En Saint-Denis, dans la banlieue de Paris, d’où est originaire le groupe hip-hop radical NTM, il a atteint le chiffre phénoménal de 40 pour cent.  

Ce réveil d’une partie de la jeunesse opprimée a une profonde signification et marque le début de l’intervention de nouvelles couches de la classe ouvrière dans la vie politique. Mais la réponse de Besancenot consiste à écraser dans l’œuf ce développement. Il donne voix aux sentiments et aux besoins des jeunes gens, mais n’a rien à offrir en terme d’orientation politique. 

La déclaration électorale de la LCR ne donne pas d’explication sur des questions aussi cruciales que le virage à droite du Parti socialiste, le rôle traître des syndicats ou le déclin du Parti communiste stalinien. L’objectif de Besancenot est de brouiller les questions plutôt que d’éduquer et de clarifier. Vidé de sa rhétorique radicale, son programme électoral ne consiste plus qu’en de vides promesses réformistes, qui sont impossibles à réaliser dans le cadre de la mondialisation capitaliste.

Au second tour, la LCR va appeler à voter pour Royal ou même Bayrou si ce dernier affrontait Sarkozy ou Le Pen. Il ne peut y avoir de doute là-dessus, son parti ayant déjà soutenu Jacques Chirac en 2002.

La LCR est déterminée à créer une coalition de « gauche » informe qui pourrait fonctionner comme partenaire de coalition d’un gouvernement du Parti socialiste, dans l’éventualité d’un accroissement des tensions de classes. Pour y arriver, Besancenot ne cesse de lancer des appels à l’unité aux autres candidats de « gauche ».

Les partis frères de la LCR au Brésil et en Italie, ont déjà pris cette voie. Au Brésil, leur organisation a un ministre dans le gouvernement de Lula ; en Italie, ils ont rejoint la coalition dirigée par Romano Prodi. Dans ces deux pays, ils préparent la voie pour le retour au pouvoir de la droite discréditée. Lula est devenu le favori du capital financier international et un proche allié des États-Unis. En Italie, les trahisons du gouvernement de Prodi ouvrent la voie pour un retour de Silvio Berlusconi.

Une évolution similaire risque fort de se produire en France. Le fort soutien que recueillent Sarkozy et Le Pen dans les sondages n’a rien à voir avec leur popularité, mais est surtout le résultat de la faillite de la gauche officielle, y compris de son aile « d’extrême gauche. » 

(Article original paru le 12 avril 2007)


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