Nicolas Sarkozy et
Ségolène Royal restent au second tour de l’élection présidentielle qui se
tiendra le 6 mai.
Sarkozy,
le candidat du parti gaulliste UMP (Union pour un mouvement populaire) est
arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle d’hier
avec 31 pour cent des voix. Royal, la candidate du Parti socialiste a recueilli
25,6 pour cent des voix.
François
Bayrou, le candidat de l’UDF (Union pour la démocratie française) a
recueilli 18,5 pour cent et Jean-Marie Le Pen, le candidat du Front national
(FN) d’extrême droite 10,5 pour cent.
Bayrou
qui appelle à dépasser les clivages entre gauche et droite, était proche de
Royal dans les sondages pendant un temps parce que de nombreux électeurs
opposés à Sarkozy pensaient qu’il avait plus de chances de battre le
candidat gaulliste au second tour que Royal. Mais il est finalement retombé.
Néanmoins, par rapport aux dernières élections de 2002 son résultat est encore
relativement élevé. Mais aucun candidat n’avait en 2002 recueilli plus de
20 pour cent des voix au premier tour.
Le
Pen qui, à la surprise générale, était resté au second tour en 2002 a fait un score
bien plus bas que ne le prédisaient les sondages. Il tournait toujours autour
de 15 pour cent. Sa directrice de campagne et fille, Marine Le Pen tient la
campagne de Sarkozy pour responsable du déclin des voix de Le Pen. Sarkozy a,
dit-elle, repris toutes les idées et thèmes du Front national.
Le
taux d’abstention a été exceptionnellement bas. 85 pour cent des
électeurs se sont rendus aux urnes, chiffre le plus élevé depuis la fondation
de la Cinquième République en 1958. Un grand nombre de jeunes gens
s’étaient inscrits sur les listes électorales, tout particulièrement dans
les banlieues défavorisées où de violentes batailles entre jeunes et policiers
s’étaient produites deux ans auparavant.
Cela
dénote clairement une mobilisation politique croissante des jeunes et de la
classe ouvrière. Durant cette campagne électorale, les meetings tenus par les
candidats, même dans les petites villes, attiraient un public de plusieurs
milliers de personnes. Tous les principaux candidats se sont sentis obligés de tenir
compte de ce désir de changement par les urnes des conditions existantes.
Sarkozy a mis « la rupture » au centre de sa campagne, Royal a promis
« un changement » et Bayrou a même parlé de « révolution orange. »
Mais
ce sont aux candidats de la soi-disant « extrême gauche » qu’est
revenue la tâche de canaliser vers les candidats de l’establishment
la lame de fond d’une opposition profonde, mais qui n’a pas de
représentation politique.
Il
y a cinq ans, les candidats de « l’extrême-gauche » avaient
recueilli un nombre extraordinairement élevé de voix. Arlette Laguiller de
Lutte ouvrière (LO), Olivier Besancenot de la Ligue communiste révolutionnaire
(LCR) et Daniel Gluckstein du Parti des travailleurs (PT) avaient à eux trois recueilli
plus de 10 pour cent des voix. Cela avait été un des facteurs qui avaient
contribué à la défaite du candidat du Parti socialiste Lionel Jospin par
Jean-Marie Le Pen du Front national.
Cette
fois, « l’extrême-gauche » a clairement dit dès le début
qu’ils sont en faveur d’une victoire de Royal et ne considèrent
leur propre campagne que comme un moyen de faire pression sur la candidate du
Parti socialiste. Des discussions sur le « vote utile », c'est-à-dire
voter pour le candidat le plus à même de battre Sarkozy au second tour, a
dominé le débat public des derniers jours avant le premier tour.
Cela
a fait que les candidats à gauche de Royal ont obtenu de moins bons résultats
qu’en 2002. Marie-George Buffet, candidate du Parti communiste a obtenu
1,9 pour cent des voix, de loin le pire résultat de toute l’histoire du
parti. La candidate des Verts Dominique Voynet a fait encore moins avec 1,6
pour cent. Arlette Laguiller de LO, qui en était à sa sixième campagne présidentielle,
n’a obtenu que le quart de son score antérieur soit 1,4 pour cent. Le
candidat anti-mondialisation José Bové a obtenu 1,3 pour cent des voix et
Gérard Schivardi du PT 0,3 pour cent.
La
seule exception est Olivier Besancenot de la LCR qui a atteint le score de 4,2
pour cent. Besancenot qui est relativement jeune et éloquent a un certain
pouvoir d’attraction auprès des étudiants et des jeunes de la classe
ouvrière.
Moins
d’une heure après la clôture des bureaux de vote, tous ces candidats se
sont rangés derrière Royal. Buffet, Voynet et Laguiller ont ouvertement appelé
à voter pour la candidate du Parti socialiste. Pour Laguiller c’était une
première. Lors de précédentes élections, LO s’était toujours abstenue
d’apporter ouvertement son soutien au Parti socialiste et adoptait une
attitude passive. Besancenot, tout en déclarant son désaccord avec le programme
de Royal, a appelé à voter pour elle contre Sarkozy.
Tandis
que ceux-là courent après Royal, Royal court après Sarkozy. C’était le
cas pendant la campagne, au cours de laquelle Royal essayait de prouver
qu’elle était aussi nationaliste et aussi attachée au tout sécuritaire
que son rival de droite. Et il en a été de même la nuit qui a suivi le premier
tour des élections.
Sarkozy,
conscient qu’il peut perdre les élections s’il se montre trop
polarisé, a rendu hommage à sa rivale et a appelé à une campagne
« digne » et à un « débat d’idées, » tout en
insistant sur le fait que Royal et lui-même représentaient deux perspectives
diamétralement opposées.
Cherchant à
élargir sa base électorale, Sarkozy s’est adressé aux pauvres qui
travaillent dur : à la « France qui donne beaucoup et ne reçoit rien »,
à la « France qui souffre ». Il s’est présenté comme le
protecteur de « ceux qui ont peur » et a dit qu’il voulait une
France qui soit « comme une famille où le plus faible a droit à autant
d’amour que le plus fort ».
Royal
qui a pris la parole presque une heure plus tard a égrené cliché après cliché, reprenant
bon nombre des panacées de droite de son adversaire et a fini par son cri de
guerre : « Vive la France ». Il est évident que
l’adaptation continuelle de Royal à Sarkozy, avec lequel elle n’a
pas de désaccords politiques fondamentaux, améliore les chances électorales
d’un homme qui est profondément haï et craint par certaines couches de la
population.
Un
premier sondage réalisé après le premier tour donnait à Sarkozy une avance de
54 contre 46 pour le second tour.
Bayrou,
dont l’électorat pèsera lourd dans la balance au second tour, s’est
prudemment gardé de donner des consignes de vote.