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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Poursuites judiciaires pour corruption chez Volkswagen : des directeurs du groupe au banc des accusés

Par Ludwig Niethammer
5 février 2007

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Le vendredi 26 janvier se termina le procès de l’ancien chef du personnel de Volkswagen, Peter Hartz. Celui-ci fut condamné à deux ans de prison avec sursis ainsi qu’à une amende. Son procès attira une foule de journalistes et d’équipes de télévision et des ouvriers en colère protestèrent devant le tribunal de Brunswick (Basse-Saxe) où se déroulait le procès. Hartz, qui occupait de hautes fonctions chez Volkswagen, est toujours membre d’IG Metall, le syndicat de la métallurgie et du SPD (Parti social-démocrate). Hartz avait conçu les réformes draconiennes du marché du travail qui portent son nom alors qu’il était conseiller spécial de l’ex-chancelier Gerhard Schröder. A son arrivée au tribunal il fut accueilli aux cris de « canaille », « traître » ou encore de « Hartz en taule ».

Le procès fut un procès expéditif. Bien que l’acte d’accusation n’ait pas compté moins de quarante-quatre chefs d’accusation, parmi lesquels la subornation, le trafic d’influence et le détournement (2,6 millions d’euros), sa première apparition devant le tribunal n’a duré que quelques heures. Après une brève délibération, la présidente du tribunal, Gerstin Dreyer, déclara que la cour était parvenue avant le procès à un accord avec les parties concernées. Moyennant une confession digne de foi, la sentence de Hartz se limiterait à une peine de deux ans de prison avec sursis et une amende d’environ 300 000 euros ; une décision qui fut entérinée vendredi.

Volkswagen ne voulait à aucun prix que les détails de la corruption du président du conseil d’entreprise, Klaus Volkert, ainsi que d’au moins vingt-trois autres membres du conseil d’entreprise, ne soit révélés devant un tribunal et rendus publics. Un procès en bonne et due forme aurait soulevé la question de ce que Volkert avait fait pour mériter des « primes spéciales » s’élevant à 1,9 million d’euros, reçues entre 1995 et 2005, sans compter les 399 000 euros reçus pour sa maîtresse brésilienne.

Hans Leyendecker écrivit dans la Süddeutsche Zeitung, « Il aurait été tout à fait intéressant de discuter au tribunal ou éventuellement plus tard devant la Cour fédérale de justice la question de savoir si l’acceptation de pots-de-vin dont est accusé un président du conseil d’entreprise a fait du tort ou a bénéficié à l’entreprise. Peut-être que l’argent payé en valait la peine. Car chaque jour de paix sur le front tarifaire vaut son pesant d’or. »

Lorsqu’au début de janvier, le même procureur de Brunswick avait inculpé Hans-Jürgen Uhl, le vice-président du groupe parlementaire du SPD au Bundestag, les médias n’avaient pas montré tant d’intérêt. Uhl est, avec Volkert, une des figures-clés des structures de type mafieux et du système d’intrigue du conseil d’entreprise de Volkswagen. L’inculpation comportait sept chefs d’accusation dont le détournement de fonds et celui d’avoir fait sciemment un faux affidavit.

Uhl est accusé, en tant qu’ancien membre du conseil d’entreprise, d’avoir fréquenté des prostituées à Barcelone et à Séoul aux frais de Volkswagen. Selon l’enquête, Uhl aurait participé au moins à une dizaine de sex-parties, entre autres lors de voyages à Mexico, Shanghai, Pampelune et, de façon répétée, à Hanovre. Huit autres cas sont caducs au bénéfice de la prescription.

Selon les déclarations de Klaus Joachim Gebauer, ancien cadre de Volkswagen et responsable des paiements destinés à financer les voyages d’agrément du conseil d’entreprise, Uhl ne recevait pas seulement des paiements réguliers pour des prostituées à son usage personnel ; ils étaient aussi allés ensemble « en reconnaissance » à Barcelone et à Budapest pour repérer les bons endroits et les prostituées. Car, pour le conseil d’entreprise de Volkswagen, « tout devait être parfait et de la meilleure qualité » dit Gebauer dans sa déposition.

Qui plus est, selon l’acte d’accusation, Uhl avait fait cinq affidavits où il disait n’avoir jamais eut recours à des prostituées aux frais de l’entreprise. Le procureur met à présent en avant, outre Gebauer, vingt et un autres témoins parmi lesquels des salariés de Volkswagen et quelques prostituées. Des dossiers regorgeant de preuves, de dépositions volumineuses et de rapports venant du milieu de la prostitution ont été présentés au tribunal. Uhl continue de nier toutes les accusations.

En décembre 2006, Uhl, qui est un député du SPD au Bundestag et représente la circonscription de Helmstedt-Wolfsburg, la région où Volkswagen a sa principale usine, vit son immunité parlementaire suspendue.

Il est significatif qu’Uhl ait reçu le soutien du SPD. Le ministre de l’Environnement du gouvernement fédéral qui est aussi le président du SPD à Brunswick, Sigmar Gabriel qui fut ministre-président du Land de Basse-Saxe et faisait partie du conseil de surveillance de Volkswagen, a rejeté les appels voulant que Uhl abandonne son mandat de député. Pour ce qui concerne Gabriel, Uhl a fait « un excellent travail » à Berlin. Le chef de la fraction parlementaire du SPD, Peter Struck lui donna, lui aussi, son soutien.

Uhl, qui a 55 ans est le type même de ces carriéristes sociaux-démocrates parvenus au sommet des appareils syndicaux et des conseils d’entreprise dans les années 1980 et 1990. Ancien enseignant, il accumula les postes au sein du SPD. Dans les années 1990, il passa à Volkswagen, où il se retrouva vite directeur exécutif du conseil d’entreprise. Il devait aussi bientôt devenir secrétaire général du conseil d’entreprise de Volkswagen en Europe.

Partenariat social et cogestion

Cette affaire de corruption qui met à jour l’infamie du conseil d’entreprise et des dirigeants syndicaux de Volkswagen, n’a pas été accueillie avec mépris et hostilité par les seuls travailleurs de Volkswagen. Le fait que des conseils d’entreprise peuvent être achetés d’une manière aussi répugnante est peut-être nouveau, mais syndicats et conseils d’entreprise sont au moins depuis les années 1980, où la globalisation s’est rapidement accélérée, des organismes qui codirigent les entreprises avec le patronat.

La globalisation permet aux sociétés opérant dans le monde entier de délocaliser leur production à tout moment et de faire baisser leurs coûts salariaux en permanence. Cela a retiré son fondement à la traditionnelle politique syndicale, basée sur l’Etat-nation. Les syndicats, qui, dans les années 1960 et 1970, avaient fait pression sur les entreprises pour qu’elles accordent des améliorations aux travailleurs, du moins dans certains pays, commencèrent alors de plus en plus à faire pression sur les travailleurs afin qu’ils acceptent des concessions sous forme de baisses de salaire et d’aggravation des conditions sociales. L’argument utilisé était toujours que c’était là la seule manière de défendre la production en Allemagne contre la concurrence internationale.

Cette évolution conduisit dans le monde entier au déclin des syndicats et à leur transformation en gestionnaires patronaux.

Ce n’est pas qu’Uhl et ses collègues du syndicat n’aient pas remarqué cette évolution. En tant que conseiller du conseil d’entreprise, ce dernier s’était penché sur ce dilemme en 1991 et avait fourni cette justification théorique pour le cours qu’allait prendre sa propre carrière :

« Le but du conseil d’entreprise et des syndicats ne peut pas être d’imposer nos propres modèles de participation à un autre pays; il n’y a pas de solutions toutes faites lorsqu’il s’agit de représenter des intérêts. Néanmoins, pour développer une stratégie syndicale, nous pouvons nous tourner vers les expériences faites dans les années 1970 en Allemagne.

« A cette époque, il existait deux modèles rivaux. L’un était la stratégie du conseil d’entreprise qui consistait à rejeter les décisions de la direction, avec critiques rétrospectives selon la formule ‘c’est ce que nous n’avons pas arrêté de dire’. L’autre peut être décrit comme l’orientation à la configuration et cherche à exercer très tôt une influence sur les conceptions de la direction. Aujourd’hui c’est clairement le second modèle qui a été accepté d’une façon générale. Il a également l’avantage d’être effectivement capable d’influencer les conceptions de la direction. Cette sorte de cogestion peut cependant aussi exiger son tribut, parce qu’elle implique une prise commune de responsabilité et dans le cas de décisions impopulaires cela peut conduire à des problèmes de légitimité pour le conseil d’entreprise. Il faut par conséquent qu’il y ait un processus d’échange mutuel entre les représentants des divers intérêts. »

L’ancien patron d’Uhl au conseil d’entreprise, Volkert, et son successeur Osterloh, sont des représentants typiques de cette stratégie syndicale qui est à « chercher à influencer très tôt les conceptions de la direction ». Ce n’est donc pas une surprise que Volkert ait demandé à Hartz d’augmenter son revenu à celui d’un directeur du groupe. La direction accepta ses conditions, primes et super primes comprises.

Comme la direction de Volkswagen en fit l’expérience, cette forme de cogestion et les quelques millions d’euros qu’elle lui a coûté en valaient la peine. Sous la direction du chef du personnel et membre d’IG Metall, Peter Hartz et ses partenaires Uhl et Volkert, Volkswagen fut capable d’imposer tous les plans exigés par le président du conseil d’administration Ferdinand Piëch contre les ouvriers. Les conditions de travail furent continuellement aggravées par l’introduction de divers modèles de temps de travail et de salaires.

Cela se traduisit l’an dernier par une augmentation des heures de travail sans augmentation de salaire. En retour, le conseil d’entreprise exigea que la production du modèle Golf soit concentrée en Allemagne et accepta tacitement la fermeture de la plus grande partie de l’usine Volkswagen de Bruxelles, ce qui ne l’empêcha pas d’exprimer ses regrets aux 3300 ouvriers licenciés, en télégrammes verbeux.

Ce genre de cynisme jouit d’une longue tradition parmi les membres du conseil d’entreprise de Volkswagen. Durant ses années en tant que secrétaire général du conseil européen d’entreprise, Uhl joua un rôle abject, aidant à isoler et à attaquer par derrière des travailleurs militants de Volkswagen dans d’autres pays.

L’exemple qui suit montre une absence de scrupules politiques qui cherche son pareil.

Il y a près de sept ans, en janvier 2000, quelque 6000 ouvriers de Volkswagen se mirent spontanément en grève à l’usine de Uitenhage, en Afrique du Sud. La colère des ouvriers était due à une nette détérioration des conditions de travail, voulue par la direction du groupe à Wolfsburg. Après deux semaines de grève, la direction posa aux grévistes un ultimatum et licencia 1300 travailleurs qui s’opposaient à ses diktats.

Hans-Jürgen Uhl s’était rendu à Uitenhage avec le directeur en chef du personnel de l’époque, Schuster, afin de briser la résistance des grévistes. Le conseil général d’entreprise du groupe Volkswagen essaya plus tard de justifier l’attitude d’Uhl ainsi que ses propres actions dans une déclaration :

« La situation était devenue intenable. Pour honorer les livraisons alors que la grève se poursuivait, il aurait fallu retirer de l’usine tout le volume d’exportations. Un groupe agissant de toute évidence illégalement aurait ainsi mit en jeu les emplois de milliers de salariés et de leurs grandes familles.

« L’entreprise n’avait pas d’autre choix que de refixer un délai: seuls restaient valables les contrats d’embauche qui seraient signés une nouvelle fois par les ouvriers le 3 février au début de l’équipe du matin. La grande majorité des 6000 ouvriers saisit l’occasion. Le fait que presque 1300 ouvriers n’aient pas accepté cette offre afflige fortement Hans-Jürgen Uhl. Mais ni le syndicat IG Metall ni le conseil d’entreprise du groupe ne se sont vu en mesure de demander à la direction de Volkswagen de retirer les licenciements.

« Ce groupe a saboté les appels lancés par le syndicat, par le gouvernement démocratique et la direction de Volkswagen et porte la responsabilité du fait que 1300 collègues se retrouvent au chômage. Uhl a mis l’accent sur ce fait après ses consultations avec le conseil général d’entreprise mondial du groupe, le syndicat IG Metall et la fédération internationale des ouvriers de la métallurgie, dont fait partie la NUMSA sud-africaine. Le groupe d’opposition devait porter la responsabilité de cette malheureuse issue du conflit » (cité d’après labournet.de).

(Article original paru le 27 janvier 2007)

Lire aussi 

Les travailleurs de l’usine bruxelloise de Volkswagen à nouveau en grève [1er février 2007]

Les travailleurs de Volkswagen en Belgique terminent leur grève et occupation d’usine [22 janvier 2007]


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