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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Le gouvernement chinois impose aux étudiants une formation militaire dans l’ensemble du pays

Par John Chan
16 mai 2007

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Une réglementation du travail sur la formation militaire des étudiants, émise conjointement le 21 avril par le ministère chinois de l’Education nationale, l’état-major général et le département politique général de l’Armée populaire de Libération (APL) rendra obligatoire la formation militaire dans les lycées et les universités de l’ensemble du pays.

Un système de service militaire existe déjà, sur le papier, en Chine et qui oblige tous les citoyens âgés de 18 à 22 ans à effectuer un service militaire de 24 mois. En pratique, Beijing n’a jamais appliqué le projet vu que l’APL a toujours été en mesure de recruter suffisamment de volontaires parmi la jeunesse paysanne, cherchant à tout prix à quitter la campagne appauvrie. Les jeunes désirant s’inscrire dans l’enseignement supérieur sont exemptés du service militaire.

De plus en plus, la direction chinoise s’efforce de transformer l’APL en une force de pointe, plus petite. Toutefois, le but du programme de formation militaire des étudiants n’est pas en premier lieu celui d’attirer des recrues plus éduquées. L’année dernière, l’APL n’avait enrôlé que 10.000 étudiants universitaires de par le pays. L’objectif primordial est politique plutôt que militaire et reflète les inquiétudes profondes de la bureaucratie de Beijing face au potentiel de rébellion de la nouvelle génération de la jeunesse chinoise.

Un élément significatif de la formation militaire est idéologique. Le but déclaré est « de permettre aux étudiants de développer des compétences militaires et théoriques de base et d’accroître leur compréhension de la défense et la conscience de la sécurité nationale. » Le but est d’accroître l’assujettissement des étudiants à « l’organisation » et à la « discipline » ainsi que de leur insuffler les valeurs du « patriotisme », du « collectivisme » et de « l’héroïsme révolutionnaire ».

La nouvelle politique prône l’intensification de programmes de formation militaire et l’augmentation de personnel militaire de carrière sur les campus de l’éducation tertiaire. Dans chaque lycée, un proviseur au moins doit être nommé et chargé de la formation militaire. Les départements de l’éducation nationale établiront un système de bureaux communs avec l’APL pour organiser l’entraînement militaire. Le nouvel entraînement militaire sera obligatoire pour tous les lycéens et étudiants et leurs performances feront partie de leur résultat global.

La règlementation exige la tenue tous les cinq ans d’une campagne nationale d’entraînement militaire des étudiants. Chaque province devra organiser tous les trois à cinq ans un grand séminaire de formation. Tout autre aspect de l’éducation est soumis, en Chine, au principe du marché, à savoir celui de l’« utilisateur payeur ». L’entraînement militaire des étudiants toutefois sera financé par le gouvernement et l’APL – une indication que ceci est d’une priorité absolue. Il est strictement interdit de facturer les coûts aux étudiants.

Les médias nationaux ont présenté cette nouvelle politique comme étant une mesure positive pour « aguerrir » des jeunes gens qui auraient été gâtés en tant qu’enfant unique de parents urbains. En réalité, ce n’est pas l’impact de la politique de l’enfant unique que la direction stalinienne redoute, mais les vastes changements sociaux qui se sont produits au cours de ces trente dernières années suite à l’adoption ouverte de réformes libérales capitalistes.

Sous Mao Zedong, la bureaucratie jouissait d’un contrôle quasi-total sur tous les aspects des médias et de la culture et ce jusqu’au style vestimentaire terne et uniformisé qu’il fallait porter. Le culte de Mao qui allait de pair avec la propagande patriotique et les affirmations fausses de socialisme visait à supprimer toute opposition et à étouffer les influences « étrangères ». De plus, l’ensemble de la population était tributaire de la bureaucatie d’Etat à tout point de vue, que ce soit pour un emploi, des soins de santé, les pensions et l’éduation.

En ouvrant la Chine aux investisseurs étrangers et à l’entreprise privée, Beijing a déchaîné de vastes forces économiques et sociales qu’il ne contrôle plus directement. Les jeunes ne dépendent pas des médias officiels mais ont accès à Internet et à un grand éventail d’idées et de tendances culturelles. Selon les chiffres des statistiques officielles, le nombre d’utilisateurs d’Internet enregistrés a augmenté de 23,4 pour cent l’année dernière pour passer à 137 millions – soit la deuxième population du monde connectée à Internet après les Etats-Unis. La plupart d’entre eux ont entre 18 et 24 ans.

Dans le même temps, les réformes libérales ont créé une polarisation sociale de plus en plus profonde et une grande incertitude. Lycéens et étudiants en fin d’études ne sont plus assurés de trouver un emploi et nombre d’entre eux sont au chômage. Des dizaines de millions de jeunes travailleurs sont contraints de déménager de ville en ville à la recherche d’un emploi. Ceux qui ont de l’argent sont en mesure d’acheter des téléphones portables, une variété de vêtements, des bijoux, des motos et autres accessoires. Le mécontentement et l’aliénation ont produit une série de réactions diverses parmi les différentes couches de la jeunesse.

L’apparition de telles tendances est un choc pour le régime. En 2005, par exemple, la ville natale de Mao, dans la province de Hunan, une chaîne de télévision avait organisé un concours « Super Girls », inspiré de l’émission américaine « American Idol », qui a attiré en une seule soirée 400 millions de téléspectateurs dans l’ensemble de la Chine. Quelque huit millions de téléspectateurs, en majorité des jeunes, ont envoyé des textos pour « voter » pour leur participante favorite. Les trois finalistes, toutes âgées d’une vingtaine d’années, sont devenues sur le coup des célébrités nationales. Li Yuchun de Sichuan, qui se présentait en garçon manqué, a finalement gagné.

La CCTV, télévision dirigée par l’Etat, a publié un communiqué pour dénoncer l’émission comme étant « vulgaire et manipulative » et a menacé de la supprimer. La direction chinoise craint que tout mouvement présentant un aspect vaguement anti-establishment, même s’il est tout à fait apolitique, puisse devenir dangereux. Wei Feng, étudiant à l’Institut des langues étrangères de Beijing a dit au Seattle Times : « Il s’agit tout simplement de chanter ce que l’on veut et des millions de jeunes filles dans ces provinces n’ont jamais eu cette occasion auparavant. » Quelque 120.000 jeunes filles ont participé à ce concours.

Le gouvernement a essayé de canaliser l’aliénation qui existe parmi la jeunesse dans la direction réactionnaire du nationalisme et du patriotisme. En 2005, il avait délibérément encouragé les manifestations anti-japonaises des Fenqing ou « jeunes en colère » contre un projet d’accorder au Japon un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, et contre le soutien de Tokyo pour des manuels d’histoire dissimulant les crimes de guerre japonais. Les jeunes issus principalement de la classe moyenne avaient chanté des slogans racistes, attaqué des commerces japonais et tabassé des visiteurs japonais. Beijing avait dû finalement mettre fin aux manifestations devant le risque que ce déchaînement ne puisse plus être maîtrisé.

La plus grande crainte de Beijing est un mouvement généré par des idées sociales progressistes et dirigé contre les inégalités sociales et la répression de l’Etat. D’ores et déjà, le coût élevé de l’éducation ainsi que le chômage omniprésent parmi les diplômés ont déclenché une vague de protestation et d’émeutes. La « réforme libérale » a mis fin à l’ancienne garantie d’emploi pour les diplômés universitaires dans les entreprises appartenant à l’Etat. Tout comme les étudiants des autres pays, les étudiants chinois ne font plus partie de l’élite privilégiée, mais forment plutôt une réserve de salariés qualifiés bon marché pour les patrons.

En 2006, sur les 4,13 millions de diplômés universitaires et de l’enseignement supérieur, un sur trois n’a pas pu trouver un emploi. Le 25 avril, lors d’une réunion du conseil d’Etat concernant les diplômés universitaires, les hauts fonctionnaires du gouvernement ont reconnu que le chômage des étudiants serait probablement plus important en 2007. Le nombre des diplômés chinois de l’enseignement tertiaire s’élèvera cette année à 4,9 millions, soit un accroissement de 820.000 par rapport à 2006.

Les difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants sont le produit direct des réformes éducatives libérales entreprises par le régime. Durant la dernière décennie, le coût des études universitaires a augmenté de façon exponentielle de 5.000 à 8.000 yuan (entre 640 et 1.000 dollars US) par an. Dans un pays où le revenu moyen par habitant est inférieur à 2.000 dollars, le fardeau financier des études est lourd à assumer pour les familles de travailleurs.

Beijing est pleinement conscient du potentiel explosif de ces tensions sociales. Les dirigeants chinois sont aussi conscients que les mouvements politiques des étudiants ont révélé au cours de l’histoire une radicalisation plus large de la population laborieuse. Le Parti communiste chinois (PCC) est issu du Mouvement du 4 mai 1919 des étudiants et des intellectuels, et qui était lui-même une réponse à la Révolution russe.

Le PCC abandonna les principes de l’internationalisme socialiste à la fin des années 1920, mais il continue toujours de célébrer tous les ans le 4 mai comme le Jour de la Jeunesse. Mais c’est un rite qui enterre la vraie signification du Mouvement du 4 mai. A la place de la « nouvelle jeunesse » rebelle de 1919, déterminée à changer le cours de l’histoire en Chine et dans le monde, on a mis en place l’image de jeunes gens patriotiques, irréfléchis, enrégimentés et totalement assujettis aux autorités.

En 1989, la direction chinoise avait donné l’ordre à l’APL d’envoyer des troupes fortement armées et des tanks pour écraser brutalement, sur la Place Tiananmen, les manifestations des travailleurs et des étudiants luttant pour des droits démocratiques fondamentaux et de niveaux de vie décents. Sa décision de mettre en vigueur dans l’ensemble du pays un programme de formation militaire pour les étudiants est une tentative plutôt désespérée d’écarter une nouvelle et inévitable explosion de la jeunesse.

(Article original anglais paru le 10 mai 2007)


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