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Elections 2007 au Québec : la FTQ appuie officiellement le Parti québécois

Par Guy Charron
12 mars 2007

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Le samedi 3 mars, la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), la plus importante organisation syndicale au Québec, comptant plus de 500 000 membres et organisant la plupart des travailleurs du secteur industriel, a donné son appui au parti indépendantiste provincial, le Parti québécois (PQ), dans les élections québécoises qui auront lieu le 26 mars 2007.

D’autres centrales, telles que la Confédération des syndicats nationaux (CSN), vont appuyer le PQ en demandant, soi-disant pour garder leur indépendance, de ne pas réélire les libéraux. L’appui de la FTQ et des autres centrales syndicales offre une autre démonstration que la bureaucratie syndicale constitue depuis plus de trente ans l’un des principaux piliers du PQ.

Henri Massé, le président de la FTQ, a dit que « le bilan catastrophique du Parti libéral à l'endroit du mouvement syndical » motivait la décision de la centrale syndicale d’appuyer le PQ, citant notamment des changements au Code du travail favorisant la désyndicalisation par la sous-traitance et le décret imposant les conventions collectives à près de 500 000 travailleurs du secteur public, incluant presque quatre années de gel salarial et de très sévères dispositions anti-grève.

Toutefois, les raisons avancées par Massé pour s’opposer au Parti libéral s’appliquent tout aussi bien au PQ. André Boisclair, le chef du PQ, a annoncé qu’un gouvernement péquiste n’annulerait pas les changements au Code du Travail, pas plus qu’il ne renégocierait les contrats des travailleurs du secteur public.

Lors des dernières élections en avril 2003, le PQ a obtenu les pires résultats depuis 1973, époque où il venait d’être créé et n’avait jamais formé le gouvernement. Les sondages indiquent que sa fortune électorale pourrait être encore pire ces élections-ci, malgré le fait que le gouvernement Charest a connu un taux d’insatisfaction d’environ 70 pour cent pour toute la durée de son mandat et qu’il frise actuellement les 60 pour cent.

En 2003, la FTQ avait contribué à l’élection du Parti libéral en concentrant sa campagne sur le parti d’ultra-droite de l'Action démocratique du Québec (ADQ) dirigé par Mario Dumont. Massé avait alors déclaré qu’il fallait faire barrage à l’ADQ et qu’il pouvait travailler avec les libéraux. Après les élections de 2003, inquiets de l’effondrement de l’appui envers le PQ, les bureaucrates syndicaux ont formé un club politique au sein du PQ, Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ libre), pour obtenir plus en échange du soutien de la bureaucratie au PQ, mais surtout pour tenter de présenter ce parti comme étant plus à gauche que le Parti libéral du Québec.

Si le PQ demeure si impopulaire dans les sondages jusqu’à aujourd’hui, c’est en grande partie à cause de son bilan lorsqu’il a formé le gouvernement provincial québécois de 1995 à 2003. Le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard et de Bernard Landry avait alors mis en œuvre un programme de compressions sauvages des dépenses sociales, nommé le « déficit zéro », avec l’appui entier des syndicats.

Les dépenses annuelles avaient été réduites de 2,3 milliards $ dans le domaine de la santé, de 1,9 milliards $ dans l'éducation, et les transferts aux municipalités ont été réduits de 350 millions $ par année. Les dirigeants syndicaux ont exigé que le surplus de la caisse de retraite de 4 milliards $ soit utilisé pour mettre sur pied un programme de retraites anticipées, menant au départ de dizaines de milliers de travailleurs du secteur public. L’élimination permanente des emplois dans le secteur public et la saignée du personnel qualifié a porté un coup dur aux services sociaux publics.

Le PQ a aussi mené un assaut frontal sur les plus démunis. Il a imposé un programme de travail forcé pour les jeunes assistés sociaux. Il a aussi diminué les prestations d’aide sociale et retiré la gratuité des médicaments pour tous les assistés sociaux et les personnes âgées. Une dizaine d’hôpitaux ont été fermés et des milliers de personnes souffrant de troubles mentaux se sont retrouvées sans soutien médical ou autre et sont venus gonfler les rangs des sans-abri. En 1999, le PQ réprimait durement une grève des infirmières en défense de leurs conditions de travail et du système de santé.

Six mois après l’arrivée au pouvoir du gouvernement Charest, les travailleurs, opposés à sa « réingénierie de l’Etat », ont surpris les dirigeants syndicaux en prenant la rue en masse et en forçant un vote pour la grève générale contre le gouvernement. Ce mouvement d’opposition s’est, un an plus tard, manifesté en un mouvement d’opposition étudiante de masse aux coupes dans le programme des prêts et bourses. Ce n’est qu’avec le sabotage actif de la bureaucratie syndicale opposée à une mobilisation indépendante des travailleurs en défense de leurs intérêts fondamentaux que le gouvernement Charest a pu survivre à cette vague puissante d’opposition.

Le PQ et le PLQ sont deux partis profondément impopulaires auprès de la population québécoise à cause de leurs politiques de droite. Le PQ, parce qu’il défend les mêmes intérêts que ceux du Parti libéral, est incapable de faire appel au profond sentiment de haine envers ce dernier. Boisclair, répondant aux pressions du patronat, a annoncé qu’il allait positionner son parti encore plus à droite. Il a déclaré que l’époque où les syndicats et le PQ étaient « copains-copains » était terminée et qu’« il faut soulager le capital, il faut que le Québec devienne l'endroit au monde où le capital est le mieux accueilli possible ». Boisclair critique le PLQ de la droite, le dénonçant pour ne pas avoir pu diminuer autant les impôts des riches qu’il l’avait promis, principalement à cause de la grande mobilisation des travailleurs contre sa politique.

Si la bureaucratie syndicale a une politique de soutien au PQ et s’oppose à la mobilisation politique indépendante des travailleurs, c’est en vertu de la position sociale des appareils syndicaux. Après avoir résisté pendant des décennies à la formation des syndicats, l’Etat a favorisé après la Deuxième Guerre mondiale le développement des appareils syndicaux par une série de lois et de politiques parce qu’il considérait qu’ils pouvaient jouer un rôle de policier de la classe ouvrière. Mais depuis vingt ans, le policier s’est transformé en un participant direct à l’exploitation capitaliste, la FTQ en tête.

Au début des années 80, les bureaucrates de la FTQ lançaient, avec un important soutien financier des gouvernements, le Fonds de Solidarité, qui utilise les épargnes des travailleurs pour aider des sociétés en difficulté. C’était là la réponse de la bureaucratie syndicale à la récession de 1981-82. Lors de la création du Fonds de Solidarité, le président de la FTQ à l'époque, Louis Laberge, a déclaré que c'était une mesure plus « révolutionnaire » que la création d'un parti ouvrier. En d'autres mots, la bureaucratie syndicale avait déjà pris clairement conscience qu'elle représentait une couche sociale distincte, privilégiée, dont les intérêts étaient opposés à ceux des membres de la base et coïncidaient plutôt avec ceux de la classe capitaliste.

Aujourd’hui, alors qu’ils appuient le déficit zéro et demandent un vote pour le PQ, les directions syndicales indiquent qu’ils ne sont pas opposés aux demandes de sacrifices de la grande entreprise, mais qu’ils sont opposés à la diminution de l’importance des bureaucraties syndicales dans la politique québécoise.

Orateur invité d’un déjeuner-causerie organisé par les Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ) au début de février, Massé a déclaré : « On est capable de travailler ensemble », ce à quoi le président du MEQ, Jean-Luc Trahan, lui a répondu « Nous sommes prêts à travailler avec vous. »

Il faut dire que Massé a su toucher son auditoire. Il a déclaré qu’il accepterait les suppressions de poste, si négociées, une plus grande flexibilité du travail, si le processus n’est pas trop « débridé », des baisses de salaires, si l’on n’exagère pas. Pour faire bonne mesure, il a aussi demandé que les gouvernements financent les entreprises au moyen de « programmes costaux » et de généreux incitatifs fiscaux.

Il a aussi proposé la tenue d’un autre sommet économique tripartite qui réunirait les syndicats, le gouvernement et le patronat, rappelant ce qu’il a appelé le succès du sommet de 1996 sur le déficit zéro. Le succès dont aiment se vanter les dirigeants syndicaux avait servi de caution à l’assaut du gouvernement péquiste sur les services publics.

Dans cette conférence devant les manufacturiers, Massé indique au patronat qu’il acceptera les attaques sur les acquis de la classe ouvrière, « si » la bureaucratie syndicale n’est pas marginalisée dans le processus. En fait, il défend l’idée que la bureaucratie syndicale non seulement ne doit pas être marginalisée, mais qu’elle pourra garantir le succès des reculs imposés à la classe ouvrière. Les travailleurs doivent considérer comme un avertissement très sérieux les propositions de Massé de rééditer ce qu’il appelle le succès du sommet économique du déficit zéro.

La collaboration avec les dirigeants de l’entreprise est la solution de Massé à la crise du secteur manufacturier qui a perdu plus de 100 000 emplois depuis cinq ans. Le soutien de la FTQ au PQ n’est que le pendant politique de la stratégie syndicale où le patronat, leur gouvernement et les syndicats s’unissent pour organiser l’attaque sur le niveau de vie, les conditions de travail, les programmes sociaux et les services publics.

La signification de « l’union sacrée de tous les Québécois » prônée par les dirigeants syndicaux et le PQ au nom de la défense de la nation apparaît sans fard : les travailleurs doivent se liguer derrière leur patronat, accepter les sacrifices nécessaires pour défendre ses profits, qui seront ensuite utilisés pour enlever les acquis des travailleurs ailleurs au Canada, aux Etats-Unis et dans le monde.

En se liguant ouvertement avec le PQ, un parti profondément détesté qui veut aller encore plus à droite, les bureaucraties syndicales font la démonstration de quel côté de la barricade ils se trouvent. Il devient urgent pour les travailleurs de rompre avec la perspective syndicaliste et nationaliste des dirigeants syndicaux pour former leur propre organisation, internationaliste et socialiste.

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