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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

La crise du Parti québécois à la lumière de l’élection québécoise

Par Guy Charron
26 mars 2007

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Lorsque Jean Charest, premier ministre québécois et chef du Parti libéral (PLQ), a déclenché les élections le 21 février, le taux d’insatisfaction envers son gouvernement dépassait les 50 pour cent. Sans doute considérait-il cela comme un contexte favorable, le taux d’insatisfaction envers son gouvernement ayant oscillé entre 60 et 70 pour cent pour la majeure partie de son mandat. Depuis le début des élections, il a remonté à près de 60 pour cent.

Il y a quelques années encore, cette profonde insatisfaction envers les libéraux aurait eu pour effet de se transformer en appui électoral au Parti québécois, le parti indépendantiste aujourd’hui dirigé par André Boisclair, qui a formé le gouvernement en alternance avec le PLQ depuis 1970.

Toutefois, le PQ est au moins aussi impopulaire que les libéraux. Selon les sondages, le PQ pourrait faire encore pire qu’en 2003, alors qu’il avait récolté 33 pour cent des voix, son pire score depuis 1973, une époque où il n’avait jamais formé le gouvernement provincial. Alors qu’entre 40 et 45 pour cent de la population déclare appuyer l’indépendance du Québec, l’option constitutionnelle que défend le PQ, ce dernier peine à dépasser la barre des 30 pour cent d’appui.

Cette désaffection envers le PQ est encore plus significative que ses alliés traditionnels, les bureaucraties syndicales, lui donnent un appui ouvert, ce qu’elles n’avaient pu faire en 2003 après neuf années que le PQ était au pouvoir.

Pourquoi Boisclair ne peut-il pas faire appel au sentiment d’opposition à Charest ? Parce que lui et son parti partagent la même position que le PLQ sur les questions essentielles : attaquer les acquis des travailleurs pour défendre les retours sur les investissements; mieux positionner les élites québécoises internationalement dans la concurrence pour les sources de main d’œuvre, de matières premières et autres ressources à bon marché; et utiliser l’armée pour défendre les intérêts des élites patronales à l’étranger.

L’autre aspect important de la dégringolade de l’appui au PQ est que les travailleurs sont de plus en plus tièdes à l’idée de l’indépendance du Québec. Les attaques brutales du PQ contre la classe ouvrière lorsqu’il était au pouvoir ont beaucoup contribué à briser l’illusion qu’un Québec souverain signifiera une société plus juste, plus égalitaire et plus libre.

Le PQ lui-même cache de moins en moins la signification de la création d’un Québec indépendant. Lors du deuxième référendum de 1995, que les souverainistes ont perdu de peu, le chef du PQ, Jacques Parizeau, avait élaboré un programme pro-patronal pour un Québec souverain. Il a fait valoir qu’en formant un pays, le Québec serait mieux placé pour soutenir les compagnies québécoises sur les marchés mondiaux. De plus, la réorganisation de l'appareil d'État qui serait nécessaire en cas de sécession servirait de mécanisme pour réduire les dépenses de l'État de façon draconienne.

Le PQ en campagne électorale

Dans la campagne électorale en cours, le PQ a mené une campagne de droite, attaquant le gouvernement Charest pour ne pas avoir tenu sa promesse de réduire les impôts d’un milliard à chacune de ses années au pouvoir.

Comme le PLQ et le parti populiste de droite, l’Action démocratique du Québec (ADQ), Boisclair défend la privatisation des soins de santé et la nécessité de réduire la taille de l’Etat.

Boisclair a réitéré qu’il ne modifiera au plus que quelques détails du décret des conventions collectives dans le secteur public. Les travailleurs du secteur public, qui comptent pour près d’un demi-million de personnes et sont en très grande partie syndiqués, ont vu leurs conditions de travails et augmentations de salaire imposées pour une durée de sept années par une loi spéciale du gouvernement libéral.

Non seulement les salaires ont-ils été gelés pendant 3 ans et demi et ensuite augmentés sous le taux d’inflation, mais les droits syndicaux ont été sévèrement limités pour permettre l’élimination des emplois et le transfert d’activités à des sous-traitants privés.

Depuis le début de l’année, Boisclair a déclaré que son parti se consacrerait à « soulager le capital ». « Il faut, a déclaré Boisclair, que le Québec devienne l'endroit au monde où le capital est le mieux accueilli possible ».  Quelques semaines plus tard, il déclarait que l’époque où les syndicats et le PQ étaient « copains-copains » était terminée, pour tenter de se démarquer aux yeux du patronat des bureaucraties syndicales qui lui offrent leur soutien.

Plus la campagne électorale avançait et plus le PQ s’adaptait de façon ouverte à la campagne réactionnaire de l’ADQ et des médias sur les soi-disant accommodements raisonnables. Laissant entendre que les immigrants bénéficient de privilèges exagérés, cette campagne vise deux objectifs principaux. Premièrement, elle veut détourner l’attention des travailleurs sur les véritables causes du contexte social actuel pour en faire porter le blâme sur les immigrants. Deuxièmement, cette campagne vise à utiliser l’anti-islamisme pour justifier la participation canadienne à l’occupation de l’Afghanistan et aux autres guerres en préparation, notamment celle contre l’Iran.

Au début, le PQ s’était timidement opposé aux manifestations les plus crues de l’anti-islamisme, comme l’expulsion d’une jeune fille de 12 ans d’un match de soccer parce qu’elle portait un foulard.

Mais à la fin de la campagne, Boiclair se vantait de prendre la tête du mouvement de l’intolérance en concentrant sa campagne sur la décision du directeur général des élections (DGE) de permettre à la cinquantaine de femmes au Québec portant le voile de s’identifier le jour de vote sans avoir à montrer leur visage.

 «Pour gérer ce genre de choses-là, ça prend du leadership. Moi, je suis capable de l'exercer, ce leadership-là,… de dire franchement le fond de notre pensée », a déclaré Boisclair.

Après avoir initialement refusé les demandes de Boisclair, le DGE a finalement plié devant les nombreuses menaces de violence contre lui et le personnel électoral et a utilisé ses pouvoirs spéciaux pour changer la loi et interdire aux femmes voilées de voter. Les trois principaux partis, le PQ en tête, ont applaudi à cette décision du DGE, prise devant l’intimidation d’une campagne raciste.

Le virage des souverainistes vers la droite trouve son expression au niveau fédéral par l’appui que le Bloc québécois, le parti souverainiste au niveau fédéral, donne au gouvernement ultra-droite des conservateurs de Stephen Harper. En politique canadienne, il n’existe pas deux formations plus proches au niveau organisationnel et politique que le PQ et le Bloc québécois (BQ) dirigé par Gilles Duceppe.

Aussitôt le budget d’Harper présenté lundi dernier, le BQ a signalé qu’il soutiendrait le gouvernement conservateur. Ce sera la troisième fois dans une période d’un peu plus d’un an que le gouvernement conservateur est confronté à la possibilité de tomber. Le vote sur le budget étant une question de confiance dans le gouvernement, une défaite du gouvernement signifie sa dissolution. Et comme pour les deux occasions précédentes, le BQ se précipite pour accorder au gouvernement droitier d’Harper les voix nécessaires qui lui permettront de continuer à gouverner.

Encore plus important, le BQ, avec l’appui du PQ, donne un appui entier à l’intervention de l’armée canadienne en Afghanistan. Cette intervention est opposée par la majorité des travailleurs au Québec comme au Canada, mais bénéficie de l’appui massif des élites patronales et médiatiques. Depuis la fin de l’an dernier, les Forces armées canadiennes sont positionnées au sud du pays dans la province de Kandahar où elles sont au cœur des manœuvres de contre-insurrection contre les résistants à l’occupation. Duceppe a insisté que l’appui à l’opération militaire canadienne était un exemple de la politique étrangère qu’adopterait un Québec indépendant.

Pour dégager une marge de manœuvre envers le Capital canadien, le mouvement souverainiste québécois courtise Wall Street et Washington. Duceppe est un ardent partisan de l’adoption par le Canada du dollar américain et les dirigeants souverainistes insistent que leur République du Québec fera partie des organisations militaires multinationales, comme l’OTAN et NORAD et sera partie prenante du pacte de libre-échange nord-américain.

Durant la campagne électorale, le PQ n’a pas dit grand-chose sur l’indépendance malgré le fait que son programme déclare que le PQ organisera un troisième référendum dans les mois suivant son élection, utilisant les ressources de l’Etat pour faire la promotion de l’indépendance du Québec.

Cette question divise le PQ lui-même, dont les différentes factions ne s’entendent pas sur l’objectif à atteindre. Les sections les plus proches des milieux d’affaires veulent une décentralisation importante des pouvoirs fédéraux, une conception que résume leur demande pour la « souveraineté-association » avec le Canada. Les sections plus proches de la petite-bourgeoisie, les purs et durs, exigent l’indépendance sans entente particulière avec les élites canadiennes.

La direction du PQ est aussi très consciente que les plus importantes sections du capital québécois et canadien sont fermement opposées à la tenue d’un autre référendum. Depuis une dizaine d’années, les plus importants représentants des élites canadiennes et québécoises, en appelant à la partition du Québec advenant une séparation, font planer la menace de guerre civile. C’est un signal qui ne trompe pas que les tensions entre les différentes sections de la bourgeoisie prennent une forme de plus en plus explosive, et qui n’est pas passé inaperçu au PQ.

Expérience du PQ

La classe ouvrière doit tirer les leçons de son expérience avec le PQ. Présenté comme un parti à gauche des libéraux par les dirigeants syndicaux, les travailleurs ont parfois cru qu’il était possible de se défendre contre les politiques de droite en votant pour ce parti de la grande entreprise qui s’est déjà vanté d’avoir un « préjugé favorable aux travailleurs ».

Fondé en 1968 d’une scission avec le PLQ, le PQ a très tôt bénéficié de l’appui des appareils syndicaux qui voulaient détourner le militantisme syndical des travailleurs québécois vers des formes politiques inoffensives pour le capital et diviser les travailleurs du Québec du reste de la classe ouvrière canadienne et internationale.

Le PQ forma le gouvernement pour la première fois en 1976. Après la défaite au premier référendum sur la souveraineté du Québec en 1980, le PQ a viré vers la droite. Il a répondu à la crise économique de 1981-82 en imposant des compressions qui ont atteint 20 pour cent et voté une batterie de loi anti-syndicales. En 1984, il s’alliait au parti de la droite canadienne, le Parti progressiste-conservateur dirigé par Brian Mulroney, ce qui a contribué à donner à ce dernier une des plus grandes majorités de l’histoire au Parlement. Deux futurs premiers ministres du Québec de droite, le péquiste Lucien Bouchard et l’actuel premier ministre Jean Charest furent ministres sous Mulroney.

Le PQ est chassé du pouvoir en 1985 et le reprend en 1994, faisant appel au mécontentement populaire envers le chômage chronique et la détérioration des services publics. Une fois au pouvoir, le PQ lance un programme de fermetures d’hôpitaux, dont sept dans la région de Montréal.

Après que la défaite au deuxième référendum de 1995, les péquistes ont déclaré qu’il fallait redonner son « indépendance financière » au Québec en éliminant le déficit budgétaire annuel en cinq années. Ce programme a reçu le sceau d’approbation des dirigeants syndicaux, qui dans des sommets économiques tenus conjointement avec des représentants du gouvernement et du patronat ont élaboré un plan de compressions sauvages des dépenses sociales, le « déficit zéro ».

Les budgets du système de santé et du système de l’éducation ont été sabrés et les plus démunis tels les assistés sociaux et les malades demandant des soins de longue durée ont été les plus durement touchés par l’élimination de services. Les dirigeants syndicaux ont insisté pour que les surplus de la caisse de retraite soient utilisés pour obtenir le départ de dizaines de milliers de travailleurs du secteur public.

Depuis le début des années 2000, le PQ traverse une profonde crise, le patronat et des sections importantes du parti faisant pression pour qu’il vire encore plus à droite.

C’est dans ce contexte qu’André Boisclair fut élu comme chef du parti en 2006. Boisclair, qui avait alors 39 ans, affichant ouvertement son homosexualité, fut élu au premier tour comme représentant du renouvellement du parti face à Pauline Marois, considérée comme trop proche des syndicats et associée à la vielle garde du parti, ayant été à la tête de tous les plus importants ministères. 

Boisclair est associé à la droite du parti, faisant partie de la garde rapprochée de Lucien Bouchard. Il était ministre lors de l’assaut péquiste contre la classe ouvrière qu’il appuyait. Il était de ceux qui militaient au sein du PQ pour que son parti abandonne le « modèle québécois » et adopte un programme ouvertement de droite, a appuyé le manifeste lucide de 2006 écrit par Lucien Bouchard.

Tout ceci n’empêche pas les dirigeants syndicaux et la gauche officielle québécoise de prétendre que le PQ est fondamentalement différent des libéraux, parce qu’il veut la souveraineté du Québec.

Québec solidaire, un parti récemment fondé se disant à gauche a signalé à plusieurs reprises qu’il était prêt à collaborer avec le PQ pour empêcher l’élection du PLQ et de l’ADQ.

Les forces qui forment Québec solidaire s’étaient rangées aux côtés du PQ et de l’ADQ lors du référendum de 1995 pour militer en faveur d’un oui pour le projet de droite proposé par le PQ pour la souveraineté du Québec.

Tant le projet souverainiste que le projet fédéraliste, malgré leurs différences et les tensions acerbes qu’elles suscitent au sein des élites au Canada et au Québec, sont des programmes qui ont pour objectif de défendre les mêmes intérêts : ceux de la grande entreprise et du monde financier.

Les travailleurs n’ont rien à gagner de l’un ou de l’autre. Contrairement aux illusions que propage la gauche officielle, le réaménagement du système capitaliste des Etats-nations en Amérique du Nord n’a rien de progressiste. Bien au contraire, l’un et l’autre côté n’a à proposer que des mesures comme les coupes dans les dépenses sociales et les diminutions les impôts pour les nantis pour mieux défendre la position concurrentielle du capital canadien et québécois sur les marchés mondiaux.

Ce type de mesure est la manifestation que prend au Québec et au Canada un assaut mondial du Capital sur tous les acquis de la classe ouvrière : emplois, niveau de vie, retraites, système de santé, éducation, sécurité économique, conditions de travail, services publics. En ligne avec cet assaut dans chaque pays, les élites patronales et politiques prônent le développement du militarisme pour défendre leurs intérêts à l’étranger.

Pour s’opposer à cette attaque du Capital, qui monte les travailleurs de chaque pays les uns contre les autres, la classe ouvrière doit adopter une approche internationaliste. Il n’y a pas d’autres avenues que celle de développer un mouvement socialiste et indépendant de toutes les forces nationales, qui unira la classe ouvrière au niveau mondial. C’est à cette lutte que se consacre le World Socialist Web Site  et le Parti de l’égalité socialiste, section canadienne de la Quatrième Internationale.


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