Le Parti de l’égalité socialiste appelle
les postiers à rejeter l’accord concocté entre la direction de Royal Mail
et le syndicat des postiers, Communication Workers Union (CWU), et à se
mobiliser pour défendre leurs emplois, leurs salaires et leurs conditions de
travail.
Cet accord est une gifle pour les 130 000
postiers qui se sont fortement mobilisés en perdant des journées de salaire
pour sauvegarder leurs droits.
La question n’est pas seulement que
l’accord implique un marchandage inégal et des compromis, le CWU a tout
donné au Royal Mail, dans un accord global, en pleine connaissance des
conséquences terribles qu’il aura sur les milliers d’emplois, les
conditions de travail et les droits à la retraite tout en donnant le feu vert à
une plus grande libéralisation de l’industrie.
La procédure de vote y représente un élément
essentiel. Après avoir annulé une série de grèves tournantes au mois
d’août, le CWU refait la même chose et recourt à présent à une longue
période de « consultation » comme moyen de disperser ce qui était en
train de se développer en un conflit politique explosif non seulement contre
l’entreprise, mais aussi contre le gouvernement travailliste et les
dirigeants syndicaux.
Ce
que signifie l’accord
Le CWU affirme que les négociations ont garanti
une augmentation de salaire de 6,9 pour cent durant 18 mois et réussi à « découpler »
les droits à la retraite de l’accord proposé.
Mais le chiffre réel d’augmentation de
salaire est tout juste de 5,4 pour cent sur deux ans. Le paiement
supplémentaire de 1,5 pour cent inclus dans le chiffre précédent était lié à
l’application d’une « flexibilité totale » supprimant les
heures supplémentaires et laissant les postiers à la merci de la direction. Les
horaires seront modifiés en fonction d’une sorte d’horaire flexible,
journées courtes et journées longues, durant lequel les bureaux adaptent leurs
heures d’ouverture au volume du courrier. Le paiement supplémentaire unique
de 175 livres sterling (245 euros) est constitué grâce à l’argent déjà
gagné par un système de bonus.
Le CWU a présentement engagé une consultation
avec la direction sur des mesures pour la finalisation du système de retraite
ouvert aux nouveaux embauchés et allonger l’âge du départ à la retraite à
65 ans. Les postiers partant encore à la retraite à 60 ans seront obligés
d’accepter une réduction de leurs droits à la retraite tandis que Royal
Mail a obtenu le droit d’appliquer un système à deux niveaux, ayant des conséquences
terribles pour les travailleurs qui doivent soulever et porter de lourds sacs durant
leurs tournées quotidiennes.
Le dirigeant CWU, Billy Hayes, a dit que la
direction syndicale reconnaît que « l’accord n’est pas
parfait », mais le syndicat est indifférent à l’impact que cela a
pour ses membres. En ce qui le concerne, le seul but des grèves était de forcer
Royal Mail à accepter le fait que la bureaucratie syndicale ait son mot à dire
dans son programme de « modernisation ».
Le CWU se vante à présent d’avoir obtenu
un accord « qui cimente notre rôle, une fois de plus, sur le lieu du
travail et qui nous permette de négocier sur toutes les questions majeures qui
se posent à nous. » Peu importe que la rémunération payée représente une
réduction effective de salaire pour les travailleurs et leurs familles qui ont
déjà du mal à joindre les deux bouts avec les hypothèques et les dettes qui
n’arrêtent pas de grimper. Et aussi que les modifications apportées à la
retraite correspondent à un pillage légalisé de l’argent revenant de
droit aux postiers. Le syndicat a dit qu’il considère les arrangements
déjà existants comme « intenables » sans mentionner que ceci est en
grande partie dû au fait que Royal Mail prend 17 ans de « vacances »
dans le versement des cotisations.
De plus, le syndicat a effectivement accepté
les nouveaux horaires d’ouverture des centres de tri qui avaient provoqué
des grèves sauvages à Londres, en Écosse et dans le Nord-Est. Et rien n’a
été dit sur ce qui va arriver aux postiers qui ont été licenciés ou suspendus
durant le conflit.
Les
groupes d’« extrême-gauche » et la campagne pour le
« non »
Il est très possible que l’accord soit
rejeté lors du vote dont les résultats seront communiqués après le 27 novembre.
Plus de 30 sections ont déjà rejeté la proposition et des grèves ont été
déclenchées à Carlisle, Oxford et en Écosse. Mais le rejet de cet accord global
dérisoire n’est que le début. Des conclusions plus fondamentales doivent
être tirées des expériences faites ces mois derniers.
L’accord confirme que même du point de
vue des intérêts immédiats de ses membres, le CWU ne peut être considéré comme une
organisation ouvrière dans un sens plus strict. Une opposition à l’accord
doit être liée à une rébellion contre la bureaucratie syndicale et la formation
de comités d’action pour organiser une offensive au moyen de grèves et d’actions
politiques menées contre Royal Mail, le gouvernement travailliste et ses
complices de la CWU.
Une telle lutte ne pourra se faire qu’en
opposition à la campagne qui est actuellement organisée par des gens de gauche
et des groupes d’« extrême-gauche » dont le but est de masquer
la dégénérescence et la pourriture de l’ensemble de la bureaucratie
syndicale.
C’est le Socialist Workers Party qui
ouvre la voie. Après des mois d’éloges à l’adresse de Billy Hayes
et de Dave Ward, les architectes de la trahison, pour avoir tenu bon à Royal
Mail, le parti fait à présent tout son possible pour donner de la crédibilité
aux cinq des 14 membres de la direction qui ont voté contre l’accord. Le Socialist
Worker met la réalité « cul par-dessus tête » lorsqu’il
affirme catégoriquement : « Nombreux sont ceux à la direction du
syndicat qui reconnaissent que l’accord n’était vraiment pas à la
hauteur de ce qui aurait pu être atteint », sans toutefois expliquer
pourquoi la majorité l’a accepté ; puis le Socialist
Worker exige que les « postiers partout en Grande-Bretagne acceptent de
suivre leur direction et recourent au vote pour voter non. » (soulignement ajouté).
Ce que le SWP loue comme direction n’est
rien moins qu’une attitude d’opposition dont le but est d’empêcher
une rébellion contre la direction syndicale par des postiers écoeurés devant
une trahison aussi évidente. Aucun des cinq qui ont dit non,n’a
appelé à lutter contre leurs collègues bureaucrates. En effet, seul un membre
de la direction, Dave Warren, a fait une déclaration publique sur
l’accord.
Rien n’est plus révélateur du rôle du
SWP comme laquais de la bureaucratie syndicale que les agissements de sa
direction, la présidente du CWU, Jane Loftus. Le Socialist Worker
informe ses lecteurs que Loftus a voté contre l’accord. S’il ne
l’avait pas fait, les postiers n’en sauraient rien. Tout au long
des semaines de grève, Loftus est littéralement restée silencieuse. Malgré sa
position privilégiée qui la tient au courant des manœuvres des dirigeants
syndicaux au plus haut niveau, elle n’a rien fait pour alerter les
postiers de la trahison qui se tramait. Et, bien que votant contre
l’accord, elle n’a émis aucun appel à l’adresse des postiers
pour qu’ils fassent de même. Le SWP n’a nullement rendu compte du
silence de Loftus.
Un autre dirigeant syndical qui a des liens
avec un des groupes d’« extrême-gauche », Pete Keenlyside, a
voté en faveur de l’accord. Le groupe Workers Liberty a dissimulé de la
même façon la trahison de son sympathisant.
Pendant des années, le SWP a affirmé qu’une
relance du mouvement ouvrier était tributaire de grèves combatives et de
l’accession des « sympathisants d’extrême-gauche» et
des « militants » à la direction des syndicats. Et pourtant, lorsque
suite à une vaste hostilité à l’encontre de la bureaucratie syndicale en
place, il réussit à accéder à une telle position, son influente représentante garde
les mains dans les poches.
Les postiers sont en droit de demander au SWP pourquoi au
juste ils devraient voter pour que ses membres intègrent des postes dirigeants
si leurs actions ne diffèrent strictement pas de celles des membres qu’ils
sont censés remplacer ? Au lieu de transformer le syndicat en une
organisation de combat, ce sont ces sympathisants de l’« extrême-gauche »
qui ont été désignés pour rejoindre la bureaucratie et qui placent leur propre
position et leurs privilèges non négligeables avant toute défense des membres
du syndicat.
Le SWP même ne considère pas qu’il est de son devoir
d’organiser une lutte politique contre la bureaucratie syndicale. Il est
hostile à une telle lutte. Il affirme que le principal problème qui se pose au
syndicat est qu’il continue de verser une contribution politique au Parti
travailliste sans rien recevoir en retour et en appelle au syndicat pour
instituer « un contrôle démocratique plus grand du financement politique. »
Des affirmations identiques sont faites par tous les groupes d’« extrême-gauche »
qui participent à la campagne du « non ». Mais, derrière leur
verbiage de gauche et leurs appels à l’action, leur campagne se base sur le
principe que les travailleurs doivent se limiter à essayer de contenir la
collaboration de classe des dirigeants syndicaux de haut niveau.
Le Socialist Party déclare que le rejet de l’offre « enverra
un signal clair » disant que les postiers « n’accepteront pas ces
attaques » alors que Workers Liberty déclare que même si le vote ne
« réussit pas à rejeter l’accord, la campagne du Non pourrait créer
les conditions pour un nouveau réseau CWU de militants de base qui pourrait mettre
un frein à d’autres reculades. »
Le Parti travailliste est une organisation droitière du
patronat dont la seule préoccupation consiste à trouver le moyen de véhiculer
dans la politique du gouvernement les besoins des groupes transnationaux et des
super riches, ainsi qu’à appliquer celle-ci à la population. C’est
sous les travaillistes que les plus grandes avancées avaient été faites dans le
processus de privatisation des services postaux. Conformément à la dérégulation
des services postaux partout en Europe, elle vise à transformer l’industrie
postale britannique en une vache à lait pour les actionnaires de la City de
Londres et ce aux dépens des emplois et des conditions de travail des
travailleurs.
Dans l’ensemble du secteur public, les travaillistes ont
transféré des services vitaux vers des entreprises privées tout en imposant un
gel des salaires affectant des centaines de milliers de travailleurs, en plus
des réductions d’emplois et d’autres attaques à l’encontre des
conditions de vie. La défense du niveau de vie des travailleurs est intégralement
liée à une lutte politique contre le Parti travailliste.
Mais la relation entre les syndicats et le Parti travailliste
n’est nullement antagoniste comme l’affirme l’« extrême-gauche »,
mais c’est une relation de dépendance mutuelle. En Grande-Bretagne, plus
que partout ailleurs, le Parti travailliste avait été créé par les syndicats.
Tous deux avaient pour perspective de favoriser la sauvegarde de réformes
limitées en s’opposant à une lutte socialiste contre le système
capitaliste de profit.
Antérieurement, cette perspective semblait porter ses
fruits ; incarnée par l’étatisation de l’industrie et la
création de l’État providence, mais seulement au prix de trahisons
majeures quand les intérêts fondamentaux du capital étaient menacés, comme cela
avait été le cas pour l’annulation de la grève générale de 1926.
Toutefois, la viabilité du réformisme et du syndicalisme,
était tributaire de l’Etat nation fonctionnant comme l’unité de
base de la vie économique, ainsi que de la volonté de la classe dirigeante de
faire des concessions dans l’intérêt du maintien de la paix sociale. Tout
ceci a changé de façon irrévocable au cours de ces deux dernières décennies.
Aujourd’hui, la production est organisée mondialement, elle
est placée sous le contrôle d’une poignée de banques, de gros groupes et
de super riches qui monopolisent et dictent la vie économique et sociale de
milliards d’êtres humains de par le globe. Sous des conditions d’une
concurrence internationale acharnée, l’engagement à vie à la fois du
Parti travailliste et des syndicats au système de profit capitaliste a fait que
ces organisations ont été transformées en instrument politique au service du
patronat pour l’application de mesures qui paupérisent, de fait, la
classe ouvrière en la privant de ses droits.
Comment aller de
l’avant ?
Aucune lutte efficace ne peut être organisée sans que cette
transformation qualitative des relations qui existent entre les vieilles
organisations travaillistes et la population laborieuse, ne soit consciemment
assimilée et pour devenir la base d’une nouvelle offensive de classe.
Il n’y a pas doute qu’une action combative peut et
doit être organisée. Un appel au soutien, lancé par les postiers, serait
fortement soutenu notamment dans le secteur public où des centaines de milliers
d’emplois sont menacés et où un gel des salaires a été imposé.
C’est précisément parce que les questions se trouvant au centre du
conflit des postiers concernent les travailleurs partout en Grande-Bretagne et
pourraient amorcer une vaste résistance contre le gouvernement Brown, que le
CWU a annulé la grève. De manière tout aussi significative, on assiste
actuellement dans les grands centres européens tels Paris et Berlin à des
grèves quasi continuelles, chez les conducteurs de trains et les employés du
secteur public, au moment où les travailleurs s’efforcent de résister sur
le plan international à l’offensive menée par le patronat contre leurs
emplois, leurs salaires et leurs conditions de vie.
Ceci fournit une base sociale considérable à la formation de
comités d’action de par les frontières nationales et indépendants des
bureaucraties syndicales. Mais, une telle action ne peut réussir que si elle
est liée à une nouvelle stratégie politique, une stratégie qui part du besoin
urgent de construire un nouveau parti socialiste de masse.
Les travailleurs doivent rejeter l’affirmation selon
laquelle il n’est économiquement pas possible de garantir des emplois au
salaire décent et un service public qui soit de propriété publique.
Lorsqu’il est question des intérêts de la classe qu’il représente,
le gouvernement n’a pas hésité à dépenser des milliards pour voler au
secours de la banque Northern Rock ou pour financer des guerres de conquêtes impérialistes
comme en Irak et en Afghanistan.
Les intérêts des travailleurs ne sont pas compatibles avec le
système de profit qui est plongé dans une grave crise. Seul le développement
d’une économie socialiste planifiée qui place les besoins sociaux avant
la cupidité privée, peut subvenir aux besoins des travailleurs et de leurs
familles.