Quelque 200 délégués représentant 64 universités (sur les 86
que compte le pays) et trois IUT (Institut universitaire de technologie) se
sont réunis à Tours dimanche pour décider des suites à donner à leur lutte
contre la privatisation progressive de l’enseignement supérieur.
C’était la seconde réunion de la Coordination nationale étudiante qui
représente les étudiants participant aux assemblées générales des universités qui
se mobilisent.
Les étudiants protestent contre une nouvelle loi des Libertés
et responsabilités des universités (LRU). Cette nouvelle loi ouvrirait la voie
à un financement privé plus important des universités publiques, subordonnant plus
directement l’organisation de l’université aux intérêts du
patronat. Les principaux syndicats étudiants, notamment l’UNEF (Union
nationale des étudiants de France) proche du Parti socialiste, sont en faveur
de la loi bien qu’ils réclament plus de moyens pour l’éducation.
Dès vendredi, 43 universités étaient touchées par le mouvement
de grève, et 28 d’entre elles ont été fermées. La semaine dernière,
quelque 22 000 étudiants ont participé à 33 assemblées générales. La
réunion de Tours a voté une résolution disant, « Nous appelons les lycéens-ne-s
à organiser partout des AG, pour préparer la grève à partir du 20. Nous ferons
tout pour que la journée de grève du 20, aux côtés des salarié-e-s en lutte,
soit un succès. Nous proposons qu’étudiants et cheminots, salarié-e-s
en lutte d’EDF, GDF et de la RATP s’organisent ensemble le 21
novembre pour populariser leur grève vis-à-vis des usagers et de la
population. »
Elle a aussi appelé à une journée de grève et de manifestations
le 22 novembre. Un représentant de la Coordination a dit, « Nous appelons
les lycéens à nous rejoindre dans la lutte à travers des débrayages, des
blocages comme durant le CPE. Nous devons construire un mouvement
d’ensemble des jeunes et des salariés pour riposter à l’offensive
du gouvernement… La grève des étudiants se poursuivra jusqu’au
retrait de la loi Pécresse. »
L’intransigeance de la ministre de l’Enseignement
supérieur Valérie Pécresse fait partie de l’attaque de front du président
Sarkozy sur tous les acquis sociaux gagnés antérieurement par les travailleurs.
Dans une interview au Parisien le 18 novembre, Pécresse déclarait,
« les grèves dans les universités : je ne suis pas inquiète. Cette loi
d’autonomie est vitale pour l’avenir de l’université et la
réussite des étudiants… Renoncer à cette loi de la République débattue et
votée au Parlement, ce serait renoncer à toute réforme de l’enseignement
supérieur. »
Jeudi dernier, l’UNEF, accompagnée de quatre autres
syndicats étudiants (Fage, Uni, Cé et PDE) et de présidents d’université
ont rencontré Pécresse. La Coordination nationale étudiante et le Collectif
contre l’autonomie des universités (CCAU) représentant les étudiants en
lutte n’étaient pas invités. Pécresse a annoncé : « Il
n’y aura pas de désengagement de l’Etat, pas de sélection à
l’entrée des universités, pas d’augmentation des frais
d’inscription… pas de privatisation. »Le président de
l’UNEF, Bruno Julliard a dit, « la rencontre n’a pas été du
tout concluante, il faut amplifier le mouvement. »
L’UNEF et autres syndicats étudiants cherchent à garder
le contrôle de la situation qui leur échappe dans les assemblées générales.
Depuis l’adoption de la loi, l’UNEF s’en est accommodée et
s’est opposée à son abrogation. Elle cherche des
« modifications » avec de « réelles négociations sur les moyens. »
La présidente de la Confédération étudiante (Cé), Julie Coudry a déploré le
manque d’écoute de Pécresse et a demandé des moyens pour l’aide
sociale, les conditions d’étude et la rénovation des bâtiments.
Pendant ce temps, les CRS, encouragés par certains présidents
d’université, délogeaient manu militari des étudiants des locaux de la
Sorbonne et de Tolbiac à Paris, Grenoble III, Nantes, Lyon et Montpellier. A
Rouen, six étudiants ont été arrêtés et mis en examen. A Rennes, 200 étudiants
ont essayé d’occuper la gare et ont été attaqués par 16 fourgons de CRS.
Il y a eu cinq arrestations. La police est intervenue à l’Université
Rennes II pour déloger les étudiants qui occupaient la faculté après que le
président Marc Gontard ait dit que les étudiants avaient un « comportement
terroriste » et poursuivaient le blocage « avec sous le manteau des
battes de base-ball ». Il a prétendu que la décision prise en assemblée générale
de bloquer l’université avait été annulée par un « référendum ».
Un exemple du type de « référendum » auquel il fait
allusion est le vote électronique organisé par le président de
l’Université Paris I, qui est un bastion du mouvement de grève des
étudiants, afin de discréditer les décisions des assemblées générales
d’étudiants. L’administration prétend que 25 pour cent des
30 000 étudiants de l’université ont voté et que 75,8 pour cent
d’entre eux trouvaient les blocages « inacceptables. »
Des sympathisants de la loi LRU se sont saisis de la question
du blocage ou non des universités pour mettre en question le droit démocratique
de liberté de réunion et de décisions collectives des étudiants pour défendre
l’enseignement supérieur. La Coordination nationale étudiante défend tout
à fait justement la position selon laquelle seul est légitime le vote issu des
débats démocratiques en assemblée générale.
La détermination des étudiants, telle qu’elle est
représentée par sa base combative dans les assemblées générales, a raison de
défendre le droit démocratique de prendre ses décisions sur la base de la
volonté collective des étudiants mobilisés pour défendre des acquis
historiques. Nul vote à bulletin secret, manipulé par l’administration de
l’université et les médias, qui cherchent à intimider l’électeur
individuel, n’est légitime.
Bien que la combativité de la Coordination nationale étudiante
contraste fortement avec la tentative de l’UNEF et des autres de
manoeuvrer avec le gouvernement, elle est incapable de mettre en question politiquement
de telles manoeuvres et met la mobilisation en danger.
Les commentaires du porte-parole de la Coordination nationale
étudiante, Kamel Tafer, n’ont fait que souligner son manque de
perspective et son appui sur la combativité des étudiants. L’abrogation
de la loi constitue un « préalable » à toutes négociations, a-t-il
maintenu. « Il faut continuer la mobilisation, la grève, le blocage
(…) et surtout pour établir un rapport de force avec le gouvernement »
(AFP). Cette dernière expression implique une perspective limitée consistant à
trouver un accord avec le gouvernement sur l’unique question de la loi
LRU, ce qui isolerait les étudiants du mouvement de masse des travailleurs s’opposant
à tous les aspects de la politique gouvernementale.
L’attaque sur les universités et les étudiants fait
partie d’un programme plus large soutenu par l’ensemble de l’establishment
politique et qui vise à subordonner plus directement les travailleurs français
aux intérêts du patronat. La politique de Sarkozy ne serait pas possible sans
la collaboration du Parti socialiste (et de l’UNEF), renforcé par les
partis d’« extrême-gauche » tels la LCR (Ligue communiste
révolutionnaire).
La tâche des étudiants actifs est d’apporter une
conscience socialiste et internationaliste à la lutte, pour s’opposer à
la politique réactionnaire de Sarkozy que la bourgeoisie française et
européenne et l’impérialisme international soutiennent. Il leur faut
aussi s’opposer au soutien que Sarkozy apporte à la guerre au
Moyen-Orient entreprise par l’impérialisme américain. Cela signifie
placer les grandes entreprises sous le contrôle social et démocratique de la
classe ouvrière en France, en Europe et dans le monde afin de pourvoir aux
besoins de tous.
Le WSWS encourage fortement les étudiants et les jeunes à
rejoindre l’Internationale étudiante pour l’égalité sociale, organisation
des jeunesses du Comité international de la Quatrième Internationale, et de
lutter pour un mouvement unifié d’étudiants et de travailleurs dans le
monde entier sur la base d’une perspective socialiste.