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WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

Bhutto et Sharif dénoncent la dictature tout en cherchant à s’entendre avec le régime pakistanais soutenu par les États-Unis

Par Keith Jones
29 novembre 2007

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Le Pakistan en est maintenant à son vingt-troisième jour de loi martiale de facto. Les libertés civiles fondamentales ont été suspendues. Des milliers d’opposants au gouvernement — des membres de l’opposition, des avocats, des défenseurs de droits de l’homme et des syndicalistes — sont toujours en prison. Tous les jours, la police charge à coup de bâtons les manifestations anti-gouvernementales et fait des arrestations de masse. Le gouvernement dominé par l’armée et bénéficiant du soutien des Etats-Unis a rendu passibles de cour martiale les civils qui défieraient le président, le général Perez Moucharraf.

Et pourtant, même s’ils fulminent contre le régime militaire, toutes les principales factions de l’establishment politique traditionnel du Pakistan cherchent à réaliser un accord avec l’armée et ses supporteurs et sponsors à Washington.

Ce n’est que le 12 novembre, après avoir été assigné deux fois à résidence et après que des milliers de ses supporteurs furent arrêtés ou battus que la « présidente à vie » du Parti du peuple du Pakistan (PPP), Benazir Bhutto, a annoncé qu’elle rompait « définitivement » les négociations de partage de pouvoir avec Moucharraf.

Aujourd’hui, cédant aux pressions de l’administration Bush, Bhutto a signifié que son PPP participerait aux élections nationales et provinciales frauduleuses que le régime militaire a l’intention d’organiser pour le 8 janvier. Tous les autres principaux partis, à commencer par la Ligue musulmane pakistanaise (Nawaz) du premier ministre renversé, Nawaz Sharif, de retour au Pakistan dimanche passé, semblent préparés à emboîter le pas à Bhutto, devenant ainsi des complices directs du régime militaire.

Moucharraf a indiqué que les élections auront lieu selon toute vraisemblance alors que la loi martiale est toujours en vigueur, ce qui signifie que la plus grande partie de la campagne serait illégale et que seule la plus faible critique du gouvernement et de l’armée sera tolérée. Fait encore plus important, les élections ont pour but de légitimer et de donner une façade démocratique à un arrangement politique dans lequel l’armée garde sa proéminence dans l’État pakistanais au moyen d’une présidence forte, d’un conseil national de sécurité dominé par l’armée avec de larges pouvoirs de supervision constitutionnelle sur d’importants champs d’action du gouvernement et d’un système judiciaire qui sous le régime martial de Moucharraf a été purgé des éléments jugés « dérangeants » par les généraux pakistanais.

Jeudi dernier, Bhutto a annoncé que le PPP présentera officiellement une liste complète de candidats aux élections du 8 janvier, disant qu’elle « ne voulait pas rendre la vie facile à nos opposants ». Dimanche dernier, elle a elle-même soumis les documents nécessaires pour se présenter dans une circonscription électorale de l’Assemblée nationale au sud de Sindh. « Si Dieu le veut, une élection aura lieu et le Parti du peuple et le peuple vaincront », a dit Bhutto.

Bhutto affirme que son PPP n’a pas encore pris de décision définitive sur sa participation dans les élections. Mais ce n’était clairement que pour surmonter l’opposition dans son propre parti à un geste de collaboration si ouvert avec Moucharraf et pour offrir une issue de secours au PPP si jamais les manifestations populaires contre le gouvernement se développaient soudainement, soit à cause du régime brutal sous la loi martiale, soit à cause de la crise économique naissante. (Le gouvernement actuel serait sur le point d’annoncer une augmentation de 15 à 20 pour cent des prix du pétrole).

Nawaz Sharif, le premier ministre que Moucharraf évinça lors de son coup d’Etat de 1999 et le chef du Parti considéré comme le deuxième en importance au Pakistan, a juré de mené une alliance de 17 partis, le Mouvement démocratique de tous les partis, au boycottage des élections. Mais il a aussi indiqué à son parti de remplir toutes les formalités juridiques nécessaires à la participation aux élections et son frère et proche conseiller, Shahbaz Sharif, avait déclaré à des journalistes, samedi à Londres avant de rejoindre Nawaz au Pakistan, que si le PPP décidait de participer aux élections le boycottage ne pourrait fonctionner.

Shahbaz se refusa d’écarter Nawaz Sharif en remplissant lui-même lundi son inscription à la candidature, bien que celle-ci pourrait être invalidée par le comité électoral pro-Moucharraf à cause de sa condamnation en 2000 pour trahison et kidnapping lors d’un simulacre de procès organisé par le régime Moucharraf.

Le PPP, le PML (N) et le troisième plus important groupe de soi-disant opposition, les fondamentalistes islamiques du Muttahida Majlis-e-Amal (MMA), ont déclaré à maintes reprises au cours des quatre dernières années être sur le point de déclencher une mobilisation populaire commune contre le régime militaire. Mais à chaque fois ils ont repoussé à plus tard ces actions tout en s’accusant mutuellement d’avoir contrecarré les plans d’une campagne anti-Moucharraf. Bien que le MMA ait souligné les contacts de longue date entretenus entre Bhutto et Moucharraf (contacts qui ont été les plus marqués durant les six derniers mois lors des tentatives concertées de l’administration Bush d’établir une alliance entre Moucharraf et Bhutto), le PPP a réprimandé le MMA pour avoir servi le régime de Moucharraf en formant le gouvernement de la province de la frontière Nord-Ouest et en participant à une coalition gouvernementale avec le PML (Q) pro-Moucharraf au Baloutchistan.

Si le PPP et le PML (N) se présentent aux élections, il ne fait aucun doute que le MMA, dont les membres ont aussi rempli des formulaires de candidature, va laisser rapidement tomber sa rhétorique du boycottage. En effet, l’un des dirigeants les plus en vue du MMA, Maulana Fazlur Rehman, a officiellement annoncé que lui et son parti, le JUF (I), allaient participer aux élections. Rehman, qui est reconnu pour ses liens étroits avec le régime de Moucharraf, a rencontré le 20 novembre l’ambassadrice des Etats-Unis au Pakistan, Anne Patterson. Selon Rehman, elle a insisté fortement pour qu’il participe aux élections du régime militaire. La journée précédant ses discussions avec Rehman, Patterson rencontra Bhutto pour lui communiquer sans aucun doute le même message.

Nawaz et Shahbaz Sharif ont nié avec véhémence les affirmations selon lesquelles leur retour était le résultat d’une entente avec le régime de Moucharraf. Des porte-parole du gouvernement ont cependant soutenu qu’un accord existait, sans toutefois fournir de détails.

En début de semaine dernière, Moucharraf, accompagné du chef des services de renseignement pakistanais, fit une visite impromptue en Arabie saoudite pour s’entretenir au sujet de Sharif, qui y avait été exilé en 2000. Par le passé, Moucharraf avait songé à une possible entente avec Sharif à propos d’un retour à la politique pakistanaise, la relance du PML (N) punjabi pouvant ainsi servir au gouvernement militaire en faisant contrepoids au PPP. Mais on spécule beaucoup dans la presse que ce geste de Moucharraf aurait été forcé par la décision du roi saoudien Abdoullah, ce dernier agissant au nom de Washington, de ne plus être le geôlier de Sharif. Jusqu’à maintenant, l’administration Bush avait peu porté attention à Sharif et elle avait en fait appuyé sa déportation du Pakistan en septembre dernier. Mais il n’y a rien dans la politique conservatrice de Sharif qui empêcherait Washington de collaborer avec lui.   

On peut dire sans crainte de se tromper que le roi Abdullah d’Arabie saoudite — qui est comme Moucharraf un proche allié de l’administration Bush et certainement pas un défenseur de la démocratie — n’aurait pas libéré Sharif de son exil en Arabie saoudite et effectivement commandité son retour au Pakistan s’il n’avait pas eu la certitude que Sharif n’allait pas nuire aux plans de Washington de maintenir un gouvernement dominé par les militaires au Pakistan.

Le roi Abdullah a non seulement rencontré Sharif durant deux heures vendredi et dîné avec lui, il lui a prêté l’avion qui l’a ramené au Pakistan.

Membre d’une famille d’industriels, Nawaz Sharif a traditionnellement maintenu des rapports étroits avec les militaires, la grande entreprise dans sa région natale du Punjab et la droite religieuse, que les militaires ont longtemps soutenue. Sharif a commencé sa carrière politique au milieu des années 1980 en tant que protégé d’un autre dictateur militaire, le général Zia et le parti pro-Moucharraf que les militaires ont commandité après avoir évincé Sharif, le PML (Q), est largement formé des dissidents du PML de Naswaz. 

Ceci étant dit, il ne manque pas de sujets de dissension entre Moucharraf et Sharif. Après tout, ils se sont affrontés sur la question de l’aventure militaire du Pakistan en 1999 au Cachemire occupé par l’Inde et, lorsque Sharif entreprit de limoger Moucharraf en tant que dirigeant de l’armée en octobre 1999, ce dernier réactiva un plan de coup d’État.

Au début septembre, lorsque les frères Sharif tentèrent de mettre fin à sept ans d’exil, les militaires organisèrent une opération de sécurité d’envergure, isolant l’aéroport d’Islamabad, arrêtèrent les deux et les retournèrent rapidement par avion vers l’Arabie Saoudite.

Dimanche, le gouvernement monta encore une vaste opération de sécurité en déployant plus de 6000 policiers dans une tentative infructueuse d’empêcher un grand nombre de partisans du PML (N) d’accueillir les deux frères à l’aéroport de Lahore. Dans les heures précédant leur retour, de nombreux activistes du PML (N) furent mis en détention préventive. Bien qu’un porte-parole du parti de Sharif ait évalué leur nombre à 1800, un représentant du gouvernement a ridiculisé ce nombre, l’évaluant plutôt à 100. Néanmoins, contrairement à ce qui s’était produit en début septembre, on a permis aux Sharif d’entrer au pays.

Si toutes les sections de l’opposition bourgeoise se concertent avec le régime de Moucharraf et envisagent de participer dans le simulacre d’élections du 8 janvier, c’est parce qu’elles espèrent toutes obtenir une part de pouvoir politique et les privilèges de la corruption qui viennent avec et qu’elles craignent que leurs rivaux bénéficient d’un boycottage des élections. Fait encore plus important, elles ont toutes peur d’une véritable mobilisation populaire contre le régime militaire, car elles reconnaissent que l’armée est le rempart protégeant leurs privilèges, l’État-nation pakistanais et les rapports de propriétés très inégalitaires.

(Article original anglais paru le 26 novembre 2007)

Lire aussi :

L’émissaire américain fait l’éloge de la « vision démocratique » du dictateur pakistanais [26 novembre 2007]


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