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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Ontario : malgré l’effondrement du vote, les libéraux ontariens gardent le pouvoir

Par Keith Jones
17 octobre 2007

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Les libéraux ont gardé le pouvoir en Ontario, la province la plus populeuse et la plus industrialisée du Canada, en obtenant 71 des 107 sièges au parlement provincial lors des élections générales du mercredi 10 octobre.

Les médias de la grande entreprise ont proclamé que la victoire des libéraux était un « triomphe » alors que les libéraux ont en réalité perdu 200 000 voix par rapport aux élections précédentes en 2003. Leur part du vote est tombée de 4,3 pour cent et n’atteint plus que 42,2 pour cent.

Le taux de participation ayant atteint un plancher record de 52,8 pour cent, les libéraux ont à peine obtenu le soutien d’un Ontarien sur cinq.

Il y a quatre ans, les libéraux avaient gagné les élections en faisant un appel calculé à la colère populaire envers les importantes coupes dans les services publics et sociaux du gouvernement précédent, un gouvernement conservateur se proclamant de droite et qui prenait les républicains américains comme modèle.

Les libéraux sont le parti traditionnel du pouvoir de la grande entreprise canadienne au niveau fédéral et au moment où les conservateurs de Mike Harris et Ernie Eves formaient le gouvernement ontarien (1995-2003), le gouvernement fédéral de Jean Chrétien et Paul Martin ont mis en œuvre des politiques de compressions des dépenses sociales et de diminution des impôts qui ressemblaient beaucoup à celles des conservateurs ontariens.

Néanmoins, la plus grande partie de la bureaucratie syndicale a ouvertement appuyé les libéraux de Dalton McGuinty lors des élections de 2004 et les autres ont donné un soutien tacite à l’élection d’un gouvernement libéral.

Comme il était prévisible, le gouvernement libéral de McGuinty a laissé en place les principaux piliers de la « révolution du bon sens » de leurs prédécesseurs conservateurs. Les budgets du système de santé, du système de l’éducation et des municipalités ont été augmentés, mais les augmentations étaient de beaucoup inférieures à ce qu’il fallait pour contrecarrer les coupes des conservateurs et pour prendre en compte les besoins accrus d’une population ayant rapidement grandi.

Les libéraux ont laissé en place le régime fiscal d’Harris et Eves qui favorisait la grande entreprise et les couches les plus aisées de la société. Le seul changement qu’ont effectué les libéraux fut d’introduire un impôt régressif sur la santé, dont le poids repose pour sa plus grande partie sur les épaules du travailleur pauvre et qui, de plus, viole en réalité le principe de soins de santé universels et gratuits.

Les conservateurs d’Harris et Eves ont mené une campagne de salissage envers les assistés sociaux, coupant les prestations de 21 pour cent peu après avoir pris le pouvoir. Après quatre années de règne libéral, les prestations d’aide sociale sont plus basses que ce qu’elles étaient avant l’arrivée au pouvoir des conservateurs en 1995, pas seulement en termes de pouvoir d’achat, mais en termes du montant lui-même.

Les libéraux ont aussi laissé en place la plus grande partie des lois anti-syndicales  du gouvernement Harris.

Cela n’a pas empêché la bureaucratie syndicale d’appuyer encore plus ouvertement les libéraux lors des élections de cette année qu’en 2003. Au moyen du groupe qu’elle a financé, « Les familles travaillantes », les Travailleurs canadiens de l’automobile (TCA), les syndicats de l’enseignement et de la construction ont travaillé avec des hauts placés du Parti libéral à l’organisation d’une campagne « pour rappeler aux travailleurs ce qui se passait il y a quatre ans, ce qui a changé et ce qui est en jeu pour les familles travaillantes ». En d’autres mots, ils ont soutenu les libéraux en défendant le mensonge que ces derniers avaient défendu et continueraient à défendre les services sociaux et publics.

Le dirigeant des TCA louange McGuinty

Six jours avant les élections, le président des TCA, Buzz Hargrove, s’est entretenu avec le Toronto Star. Il a louangé les vertus des libéraux de McGuinty et a dénoncé les sociaux-démocrates du Nouveau Parti démocrate (NPD), qu’il a accusé de ne pas « comprendre l’économie ».

« Je ne vois aucune raison de voter pour le NPD », a déclaré Hargrove avant de continuer en disant que les libéraux avaient « été plus à gauche que le NPD au cours des quatre dernières années ».

Pour justifier sa position pro-libérale, Hargrove a indiqué que le « contrat social » du gouvernement NPD de Bob Rae, éliminant des emplois et diminuant les salaires a été dur pour un million de travailleurs du secteur public. Les néo-démocrates de Bob Rae ont été au pouvoir de 1990 à 1995.

Il n’y a aucun doute que le NPD a mené une campagne électorale de droite, visant à prouver que le parti est responsable fiscalement parlant et qu’il n’est pas anti-entreprise. Il n’a même pas demandé l’abolition immédiate de la taxe sur la santé punitive des libéraux. Le dirigeant du NPD, Howard Hampton, n’a laissé aucun doute que l’espoir le plus cher du NPD était d’obtenir assez de sièges pour détenir la balance du pouvoir dans un parlement où les libéraux sont minoritaires.

Mais l’attaque de Hargrove contre le NPD était plutôt motivée par son appui au patronat de l’Ontario — même l’habituelle voix pro-conservatrice de l’establishment financier de Bay Street, le Globe and Mail, s’est prononcée en faveur de McGuinty — en favorisant la réélection d’un gouvernement libéral de droite.

Ironiquement, l’ancien premier ministre du NPD Bob Rae, qui a rejoint le Parti libéral fédéral en 2003, appuyait, tout comme Hargrove, les libéraux dans l’élection de mercredi dernier.

Entre 1993 et 1995, le président des TCA s’était présenté comme le leader de la campagne de protestation de la bureaucratie syndicale contre l’assaut du NPD sur les travailleurs du secteur public et les services assurés par eux — un assaut qui prépara l’arrivée au pouvoir des conservateurs d’Harris lors de l’élection de 1995. Les allures de « gauche » que Hargrove se donnait étaient basées sur l’avantage compétitif du coût de la main-d’oeuvre dont bénéficiaient les trois grands constructeurs automobile au Canada, grâce à la faiblesse du dollar canadien et au régime public d’assurance maladie du Canada. Avec la hausse du dollar canadien et la concurence accrue à laquelle doivent faire face les Trois Grands, Hargrove a viré à droite, imposant des suppressions d’emplois et des baisses de salaires, collaborant avec les patrons de l’industrie automobile et les gouvernements ontarien et fédéral via le Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l’automobile afin d’augmenter la productivité, faisant du lobbying pour que l’on offre des subventions massives et des baisses d’impôts à GM, Ford et Chrysler, et devenant le défenseur le plus enthousiaste du Parti libéral.

Le débat sur les écoles confessionnelles

Dès le début de la campagne, le premier ministre libéral Dalton McGuinty a tenté de présenter l’élection comme un référendum sur la proposition des conservateurs d’étendre l’actuelle politique gouvernementale de financement des écoles catholiques à toutes les écoles confessionnelles. Comme l’ont même fait remarquer les médias de la grande entreprise, si McGuinty a mis l’accent sur cette question c’était à cause du fait que les programmes des libéraux et des conservateurs étaient en de nombreux points semblables.

La proposition des conservateurs de financer publiquement les écoles confessionnelles — à un montant initial de 400 millions $ par année — était doublement réactionnaire. Elle avait pour but de défendre le conservatisme religieux et, sous prétexte de développer le système d’éducation public, encourager dans les faits l’éducation privée. Et pour ces raisons, beaucoup d’Ontariens furent indignés par la proposition des conservateurs.

Mais la défense du « système d’éducation public » par McGuinty était hypocrite et essentiellement motivée par les préoccupations de l’élite que la politique du multiculturalisme canadien était allée trop loin et était devenue un frein à la promotion du type d’« identité nationale » nécessaire à l’Etat pour mobiliser un appui pour ses politiques au pays et à l’étranger.

Tout en attaquant les conservateurs pour leur désir de financer les écoles juives et musulmanes, McGuinty et les libéraux ont passé sous silence leur appui au maintient du financement des écoles catholiques. Le premier ministre amorça le débat des chefs télévisé en lançant un appel couvert aux sentiments anti-musulmans, affirmant que le plan des conservateurs pour défendre les écoles confessionnelles entraînerait des « émeutes » du type de celles observées à « Paris et à Londres ».

Mais la proposition des conservateurs sur les écoles confessionnelles s’est retournée contre eux. Le Globe and Mail a dénoncé le chef conservateur John Tory pour avoir gaspillé ses énergies sur cette question alors qu’il aurait plutôt dû défendre la privatisation des soins de santé et les baisses d’impôt.

Faisant face à des dissensions au sein de son parti, Tory retira son engagement une semaine avant l’élection en annonçant que si les conservateurs gagnaient l’élection ils permettraient un vote sur la question.

Mais la campagne des conservateurs ne s’en est jamais remise. Mercredi, les conservateurs n’obtinrent que 26 sièges, presque tous en région rurale, et recueillirent 3 pour cent de moins du vote populaire que lors de l’élection désastreuse de 2003, soit 31,7 pour cent. Tory lui-même ne fut même pas élu.

Le chef du NPD Howard Hampton s’est plaint que la question des écoles confessionnelles avait étouffé le message de son parti, mais le fait est que les sociaux-démocrates sont correctement perçus par un grand nombre d’Ontariens comme un parti de l’establishment et de la grande entreprise.

Le NPD, qui formait le gouvernement ontarien il y a plus de 12 ans, a obtenu 10 sièges avec 16,8 pour cent du vote populaire, soit 2 pour cent de plus qu’en 2003. Il a ainsi obtenu trois sièges de plus qu’en 2003, mais en a un de moins que lors du déclenchement des élections.

Les Verts, qui n’ont jamais élu un seul membre au Canada, ont vu leur part du vote plus que tripler à 8,1 pour cent.

L’establishment sabote l’initiative de réforme électorale

Parallèlement à l’élection parlementaire, un référendum était tenu le mercredi, proposant de changer le système électoral ontarien actuel très antidémocratique de la majorité simple, au soi-disant système proportionnel mixte (MMP). Ce dernier système maintiendrait le système de la majorité simple par circonscription électorale pour les représentants élus au premier tour, mais offrirait également des sièges supplémentaires qui seraient distribués de telle sorte qu’il donnerait aux partis une part du nombre total de sièges de la législature correspondant à peu près à leur part du vote populaire. 

La proposition de réforme a été rejetée par 63 pour cent des votants au référendum.

Ce résultat s’explique par le fait que le système MMP a été très peu présenté et expliqué à la population.

Mais la principale raison pour laquelle la proposition de réforme a été rejetée réside dans l’opposition de l’establishment dirigeant.  Les médias de la grande entreprise la dénonçaient pour garantir l’instabilité politique, et pour la prolifération des partis politiques – même si le système proposé imposait un seuil minimum très élevé de 3 pour cent du vote populaire exprimé pour qu’un parti puisse obtenir une représentation parlementaire.

Dans un éditorial typique, le Globe & Mail se plaignait du fait que, « comme la représentation proportionnelle complète », le système MMP « va faire en sorte que les partis vont devoir gagner au moins 50 pour cent du vote populaire pour pouvoir former un gouvernement majoritaire. »  

« Les recherches, poursuit le Globe, suggèrent que si cette version du MMP avait été en place, aucun parti en Ontario n’aurait gagné de gouvernement majoritaire au cours des 20 dernières années... cela aurait également signifié qu’il n’y aurait pas eu de révolution du bon sens sous le gouvernement de Mike Harris en 1995 et aucune victoire claire des libéraux en 2003 – deux résultats qui… ont donné à ces gouvernements les outils nécessaires pour imposer des politiques impopulaires. »

Le journal libéral Toronto Star était du même avis : « Le système proposé est une recette qui a des bonnes chances de produire des gouvernements minoritaires faibles et instables qui seront tenus à des intérêts de partis étroits et uniques.

« Personne ne suggère que la majorité simple est parfaite. Mais le système ontarien actuel est démocratique et robuste, livrant des gouvernements forts et stables qui marchent. Pourquoi s’évertuer à « réparer » ce qui n’est pas brisé ? »

L’élite dirigeante capitaliste a d’énormes ressources à sa disposition, incluant les médias corporatifs, pour façonner l’opinion publique, supprimer les débats et manipuler les résultats d’une élection. Malgré cela, elle perçoit une réforme aussi mineure visant à distribuer les sièges au parlement de manière à refléter plus justement l’appui populaire pour les partis comme une menace. Sous la menace, elle se rassemble en défense d’un système électoral dans lequel les gouvernements n’ont plus besoin de chercher à gagner l’appui du public durant quatre ou cinq ans parce qu’elle trouve de tels « gouvernements forts » plus efficaces pour la défense de ses intérêts.

Les trois principaux partis de l’Ontario se sont opposés à la réforme électorale, soit ouvertement, comme dans le cas du Parti conservateur, ou sous le hypocritement comme pour les libéraux et le NPD.

Les libéraux prônaient la neutralité, mais imposèrent un niveau très élevé pour que le référendum passe (60 pour cent du vote et une majorité dans au moins 60 pour cent des 107 circonscriptions électorales ou districts).

Le NPD prétendait être en faveur du changement, mais refusait de mener une campagne en sa faveur, prétendant, faussement, que la loi référendaire empêchait les députés (les membres du parlement provincial) de faire la promotion de la réforme électorale.

L’opposition massive de l’élite dirigeante à un modeste pas vers une forme plus démocratique de représentation populaire est une indication de son hostilité croissante à l’égard des principes démocratiques.

(Article original paru le 13 octobre 2007)


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