Près de 15 000 personnes ont défilé le 13 octobre au
départ du quartier Montparnasse à Paris lors de la première mobilisation de
travailleurs contre les attaques sur les dépenses de sécurité sociale annoncées
par le gouvernement de Nicolas Sarkozy.
La protestation avait été appelée par la Fnath, Fédération
nationale des accidentés de la vie (accidents du travail, handicaps) et
l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva).
On s’attend à ce que quelque 100 000 malades de plus décèdent dans
les 20 prochaines années suite à la négligence criminelle du patronat et du
gouvernement. La manifestation était aussi soutenue par la CGT (confédération générale
du travail) proche du Parti communiste.
Mis à part de gros contingents CGT, plusieurs groupes d’extrême-gauche
ont aussi participé à cette manifestation qui n’a pas fait l’objet
d’une grande publicité. Il y avait peu de jeunes sans étiquette politique
ou non syndiqués. Un autre élément expliquant le nombre limité de manifestants
est la couverture médiatique massive non-stop pour la coupe du monde de rugby
qui se tient en France. Les syndicats n’ont absolument pas cherché à
contrer cette tentative de noyer la lutte des classes dans le chauvinisme et
ont même donné la garantie que les matches ne seraient pas perturbés par des
mouvements sociaux.
La manifestation était spécifiquement organisée pour protester
contre l’introduction d’une franchise médicale de 50 centimes pour
chaque boîte de médicament prescrite par le médecin. Celle-ci entrera en
vigueur en 2008 et fait suite à des réductions de remboursement de certains
médicaments et de la consultation médicale mises en place ces dernières années.
Pour le moment, cette franchise est limitée à 50 euros par an et par personne,
mais c’est la porte ouverte à une augmentation beaucoup plus importante
des frais à la charge des malades.
Ces frais médicaux touchent durement les travailleurs couverts
par la sécurité sociale et qui jouissaient jusqu’à présent de soins
médicaux quasiment gratuits. Mais les plus grandes victimes sont les patients
en affection longue durée (ALD), les malades et les handicapés. La Fédération
des victimes d’accident a ainsi résumé la franchise de 50 centimes,
c’est « l’impôt sur la maladie ».
Le gouvernement a l’intention de réduire coûte que coûte
le déficit de la sécurité sociale, qui s’élèvera suivant les prévisions à
12 milliards d’euros en 2007 (il était de 8,7 milliards en 2006.) La CNAM
(Caisse nationale d’assurance maladie), organisme responsable des
remboursements médicaux, bras médical du système de sécurité sociale
s’oppose à ces mesures au motif qu’elles ne correspondent
aucunement à une logique visant à responsabiliser les gens, étant donné que ce
ne sont pas les patients qui prescrivent les médicaments, et qu’à la
longue, elles vont avoir pour effet de pousser les patients à abandonner un
traitement médical.
La colère des travailleurs devant cette franchise médicale est
exacerbée par les cadeaux fiscaux provocateurs accordés aux riches dans le
budget présenté par Sarkozy en juillet dernier et d’une valeur de 15
milliards d’euros. Cette insulte a encore été renforcée par le délit
d’initiés chez Airbus où des amis proches de Sarkozy, tel Arnaud
Lagardère, se sont défaits d’actions Airbus pour les vendre au
gouvernement et se faire un profit de 90 millions d’euros. Quelque
1 200 dirigeants d’EADS (maison mère d’Airbus) sont soupçonnés
d’être impliqués dans cette affaire.
Le soutien syndical pour cette manifestation contre ces incursions
dans l’assurance maladie a été limité. Les syndicats des transports se
concentrent sur leur journée de grève d’un jour le 18 octobre pour la
défense des régimes spéciaux, système de retraite concernant 1,9 million de
cheminots, de travailleurs des réseaux urbains, bus et métro, et de gaz et
électricité ainsi que d’autres. Cette manifestation a pour but de servir
de soupape face à la tension qui monte contre le programme tout entier du
gouvernement Sarkozy, au lieu de mobiliser toute la puissance de la classe
ouvrière pour en venir à bout.
Tous les signes donnent à penser que la grève du 18 octobre va
quasiment bloquer les transports en commun ce jour-là. Elle sera massivement
suivie par les travailleurs des transports sur le réseau national et
international ainsi que régional et municipal.
Ce saucissonnage des problèmes, opéré par les syndicats fait
partie de la stratégie visant à empêcher une résistance unie de la classe
ouvrière face au gouvernement et à ses attaques sur les droits sociaux et démocratiques.
Par contraste, l’intransigeance du gouvernement est on ne peut plus
claire. Sarkozy « est dans une logique d’aboutir... il n’y
aura pas de recul possible », a annoncé Claude Guéant secrétaire général
de l’Elysée. Alors qu’en 1995 le gouvernement conservateur
d’Alain Juppé s’effondrait sous le poids de la résistance massive
aux réformes des retraites, Guéant a insisté pour dire que « la France a
changé, et nous sommes déterminés ».
L’inefficacité des grèves d’une journée et la
volonté d’empêcher toute confrontation sérieuse avec le gouvernement
Sarkozy font que les syndicats en sont juste à réclamer davantage de négociations.
Bernard Thibault, dirigeant de la CGT, cherche à gagner du temps sur la
question de l’action en disant qu’il est « fort
probable qu’il y aura d’autres grèves après le 18 octobre, »
tout en se plaignant d’un gouvernement qui a « tendance à décider
d’une réforme (…) et après, à nous demander d’accompagner
cette réforme. » (Reuters 13 octobre) »
Pour sa part le gouvernement essaie de présenter la franchise
sociale comme un geste humanitaire dont le but est de financer la recherche sur
la maladie d’Alzheimer et le traitement du cancer. La ministre de la
Santé, Roselyne Bachelot a expliqué le déremboursement de médicaments comme « un
effort pour certaines familles, c’est vrai, mais c’est un effort
modéré qui nous permettra de répondre à ces nouveaux besoins ». Le cynisme
consistant à voler la population du droit aux soins de santé pour financer
ailleurs la recherche médicale urgente est un facteur contribuant à
l’érosion rapide de la popularité du gouvernement. Les sondages révèlent
que 70 pour cent de la population sont contre ces réformes de santé.
Tandis que la manifestation se regroupait, le service d’ordre
de la CGT a demandé aux sympathisants du WSWS de ne pas s’approcher
des points de rassemblement de leurs contingents. Ils s’opposaient à la
dénonciation faite dans la déclaration du WSWS de la complicité des syndicats
avec le programme social de Sarkozy et ont essayé de nier les accusations de
« collaboration des syndicats avec Sarkozy ». La déclaration du WSWS
était l’unique tract distribué lors de la manifestation parisienne
qui mette en avant les questions politiques confrontant la classe ouvrière et
proposant un mouvement de la classe ouvrière indépendant basé sur des principes
internationalistes socialistes.
Marina, une manifestante originaire d’Argentine a dit voir
dans le régime de Sarkozy « les mêmes signes de gouverner et de faire de
la politique que chez les néofascistes. Ce qui me fait réagir, c’est que
cela se passe dans un pays comme la France avec une tradition politique et une
culture. Le gouvernement reculera peut-être seulement si la mobilisation est
très grande et que les syndicats l’organisent. Les syndicats ne doivent
absolument pas collaborer avec le gouvernement, on commence comme ça et après
on lâche tout. La classe ouvrière, c’est les sans-emplois, les employés
des services, etc. La solidarité doit dominer. En Argentine il y a beaucoup de
richesse, on est exploité et par une partie de la population et par
l’extérieur. Il faut stopper toute guerre, civile, interethnique,
religieuse. »
Christiana a dit « espérer que le gouvernement va reculer…
Une chose est claire, il faut résister. »
Un technicien travaillant à Montparnasse a dit, « Tous
les éléments du programme de Sarkozy vont nous faire bouger, tous sans
exception. Les manifs sont efficaces. Il y en aura d’autres. Il ne faut
pas que les syndicats collaborent avec le gouvernement. On ne doit pas être en
concurrence : les travailleurs forment une seule classe, et une classe
internationale. On doit être en solidarité sinon on ne pourra jamais gagner. On
doit lutter contre l’impérialisme. Lutter internationalement, c’est
une nécessité et une nécessité historique. Il faut construire un parti
international, il faut le temps de le construire. »