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La hausse du dollar canadien et son impact économique

Par François Tremblay
26 octobre 2007

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Pour la première fois depuis 1976, le dollar canadien a atteint la parité avec le dollar américain après avoir gagné près de 16% en valeur par rapport à ce dernier au cours des neuf derniers mois. Cette appréciation frappe de plein fouet le secteur manufacturier pour qui le marché américain constitue le principal débouché. Les produits manufacturés au Canada coûtent maintenant plus chers et perdent des parts de marché. 

Jean-Luc Trahan, le président des Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ) note que le huard s’est apprécié de $0,15 par rapport au dollar américain au cours des six derniers mois et estime que chaque sou de gain génère un manque à gagner de $400 millions pour les manufacturiers québécois sur une base annuelle. Il en résulte des ravages au niveau des emplois, avec 52.000 emplois perdus rien qu’entre janvier et mai 2007. Ce lourd bilan ne peut aller qu’en s’aggravant avec la brusque montée en valeur du huard. 

Le secteur manufacturier représente 20 pour cent du produit intérieur brut canadien et fournit plus de deux millions d’emplois au Canada, principalement en Ontario et au Québec. Selon Statistiques Canada, lorsqu’un travailleur du secteur manufacturier, qui gagne en moyenne $21 l’heure, est forcé de migrer vers un autre secteur, son salaire diminue de près de 25 pour cent. 

La hausse du huard a été accueillie par de nombreux commentateurs comme synonyme d’une augmentation du pouvoir d’achat des Canadiens. C’est pourtant loin d’être acquis. Selon Jayson Myers, président des Manufacturiers et Exportateurs du Canada, il faudra attendre de six à dix moix avant que les prix au Canada – plus élevés en moyenne de 20 pour cent par rapport aux Etats-Unis – se mettent à descendre. Les commerçants n’ont d’ailleurs pas montré la moindre intention de renoncer à leur pratique actuelle consistant à garder artificiellement les prix plus élevés pour faire gonfler leurs marges de profit ; et Ottawa a écarté l’option d’imposer un contrôle des prix, réitérant sa foi dans les «forces du marché». 

Les analystes attribuent à plusieurs facteurs la montée du dollar canadien : la hausse des prix des ressources énergétiques – en particulier le pétrole – dont le Canada est un important exportateur ; les ventes d’entreprises canadiennes à des intérêts étrangers et la baisse des taux d’intérêt aux Etats-Unis ; les surplus budgétaires amassés par les gouvernements libéraux et conservateurs successifs au moyen de vastes coupures dans les services publics et programmes sociaux fédéraux. 

Mais la montée constante du dollar canadien depuis 2002 reflète avant tout la baisse du dollar américain face aux principales devises de la planète, qui exprime à son tour le déclin du capitalisme américain sur la scène économique mondiale. La crise dans le secteur des prêts hypothécaires à risque, qui a particulièrement frappé l’économie américaine, n’en est que le plus récent exemple. 

Le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, a dû avouer que la «vraie question aujourd’hui, c’est le déclin dramatique» de la valeur du dollar américain. La faiblesse du secteur résidentiel américain et la faible demande dans l’industrie automobile continuent de susciter des «inquiétudes majeures» pour l’économie canadienne, a-t-il déclaré. 

Perrin Beatty, le président de la Chambre de commerce du Canada, la plus importante association d’hommes d’affaires au pays, a dit qu’il était crucial que le gouvernement crée un environnement favorable à la croissance. «Toutes les compagnies font face à des changements dramatiques sur les marchés et un dollar fort ajoute aux pressions sur les manufacturiers qui doivent faire face à une compétition étrangère profitant d’une main d’oeuvre à bon marché.»  Cela fait longtemps que des couches importantes de l’élite canadienne condamnent la «paresse» du secteur manufacturier qui traînerait un retard en matière de productivité parce qu’il hésite à moderniser ses équipements et à mener une offensive accrue contre les salaires et les conditions de travail. 

Dans un article paru dans le National Post, Flaherty a dit que les baisses d’impôt restaient une priorité du gouvernement conservateur, spécialement à cause du niveau du dollar canadien. «Ce que je peux faire au Canada c’est d’aider à augmenter la productivité par le biais de la politique fiscale. Nous pouvons réduire les impôts en général, ce que nous faisons déjà et nous prévoyons en faire plus.»  Lors de la réunion annuelle de la Chambre de commerce du Canada, Flaherty a promis d’introduire différentes mesures fiscales favorables aux entreprises, notamment sur le coût des emprunts investis dans la machinerie et l’équipement. Cette promesse pourrait se traduire par une réduction des taxes de l’ordre de $1,3 milliards. 

Cette politique est accueillie par les autres partis fédéraux. Le Bloc québécois, le parti nationaliste québécois au Parlement fédéral, critique le gouvernement conservateur pour ne pas avoir agi assez rapidement et énergiquement pour aider les entreprises avec l’adoption de mesures fiscales favorables à celles-ci. 

Même les sections de la bourgeoisie canadienne à qui profite la situation actuelle, craignent les impacts de la montée du dollar canadien. L’Alberta, la province canadienne la plus riche en pétrole, a connu entre 2003 et 2006 une croissance économique de 4,9 pour cent comparativement à 2,7 pour cent dans le reste du pays. Mais la hausse du dollar «crée des difficultés pour nos exportateurs», a déclaré le ministre albertain de l’énergie, Mel Knight. «Du point de vue des revenus gouvernementaux provenant de l’énergie», a-t-il expliqué, «chaque cent d’augmentation du dollar sur une période d’un an signifie une coupure de $123 millions dans nos revenus provenant de l’industrie de l’Énergie.» 

La réponse de l’élite canadienne à la montée du huard et aux signes annonciateurs d’une crise beaucoup plus grave qui serait provoquée par une récession aux Etats-Unis, est de réduire encore plus les taxes sur les entreprises et de pousser les compagnies à être plus compétitives au détriment des emplois, des salaires et des conditions de travail.

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