wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

« Dr Profit » à la tête de l’Association médicale canadienne

Par Éric Marquis
6 septembre 2007

Imprimez cet article | Ecrivez à l'auteur

Le 22 août dernier, le docteur Brian Day, qui défend ouvertement la privatisation des soins de santé au Canada, entrait officiellement en fonction pour un mandat d’un an en tant que président de l’Association médicale canadienne (AMC) qui regroupe plus de 60 000 médecins à travers le pays. L’arrivée sur scène de ce médecin que l’on surnomme « Dr Profit » a reçu l’appui soutenu de l’ensemble de l’élite dirigeante canadienne qui voit là l’occasion d’intensifier l’assaut sur le système de santé public et de développer le marché des soins de santé.

Le Dr Day, directeur médical d’une importante clinique privée à Vancouver, le Cambie Surgery Centre, et directeur pour l’Association des cliniques médicales indépendantes canadiennes (ACMIC), joint sa voix à ceux qui soutiennent que le régime de santé public au Canada et la Loi canadienne sur la santé ne peuvent être maintenus sous leur forme actuelle et qu’une participation beaucoup plus importante du privé est nécessaire.

« Soyons clairs — les Canadiens doivent avoir le droit d'acheter de l'assurance médicale privée lorsqu'ils n'ont pas d'accès opportun dans le système public. Ce n'est pas l'AMC qui a pris cette décision. Ce n'est pas moi non plus. C'est le plus haut tribunal du pays qui l'a prise », a-t-il affirmé, faisant référence au jugement Chaoulli de la Cour suprême qui avait invalidé en 2005 deux dispositions de la loi au Québec qui interdisaient aux compagnies d'assurances privées de couvrir les soins médicaux essentiels offerts par le système public de santé financé par l'Etat.

Ce jugement a marqué une étape décisive dans l’assaut que mène depuis longtemps la bourgeoisie pour démanteler le régime public. Faisant face à une opposition populaire considérable, cette dernière n’a vraisemblablement pas pu procéder aussi brutalement et rapidement qu’elle ne l’aurait souhaité, malgré les coupes sauvages dirigées contre les programmes et services sociaux au cours des années 1990 et 2000 par les différents paliers gouvernementaux, tant au fédéral qu’au provincial.

Sous Jean Chrétien et Paul Martin, le Parti libéral du Canada avait, entre autres, amputé du tiers les paiements de transferts vers les provinces servant à financer l’éducation postsecondaire et la santé. Au Québec, le Parti québécois de Lucien Bouchard avait, sous le mot d’ordre du déficit zéro et avec le soutien de la bureaucratie syndicale, coupé massivement dans les dépenses de soins de santé et forcé la retraite anticipée de plus de 30 000 travailleurs du secteur public, de la santé et de l’éducation, ce qui avait réduit de façon drastique et définitive les services offerts à la population.

L’état actuel du réseau de la santé – dont on ne peut ignorer les listes d’attente et le manque chronique de personnel infirmier – qui est exploité par l’ensemble de l’élite dirigeante canadienne et les futurs marchands de soins pour justifier un rôle prédominant pour le privé, est la conséquence directe et souhaitée des politiques de redistribution massive de la richesse, du bas vers le haut, des gouvernements au cours des dernières années.  

Dans ce contexte, la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Chaoulli est venue renforcer et intensifier l’attaque en donnant à cette dernière la couverture légale de la plus haute instance judiciaire du pays.

Day accueilli par l’élite dirigeante

Représentant les sections de l’élite dirigeante qui osent afficher le plus explicitement leur appui en faveur d’une marchandisation des soins de santé, le National Post, quotidien près du Parti conservateur, a exprimé emphatiquement son appui à l’arrivée du Dr Day à la tête de l’AMC. Dans un éditorial du 21 août, le Post soutenait que Brian Day était la personne qui possédait « l’énergie et l’intelligence pour expliquer les bienfaits du privé aux Canadiens ».

Tout autant en faveur de la privatisation, mais préférant une approche plus prudente que celle défendue par le Dr Day qui est centrée sur le développement rapide et direct d’un réseau privé indépendant du public, le Globe & Mail, qui parle au nom de sections de la bourgeoisie qui sont plus sensibles aux conséquences potentiellement explosives de cet assaut sans précédent sur le système public de santé, a plutôt préféré insister sur le rôle que pourrait jouer le privé, mais dans le cadre du réseau public.

Dans un éditorial qui critiquait l’approche de Day, le Globe a attiré l’attention sur le travail fait par le gouvernement du Québec et ses cliniques spécialisées affiliées afin de suggérer un modèle à suivre, déclarant : « le régime d’assurance maladie peut supporter beaucoup plus de cliniques privées financées par le public que ne puissent généralement l’admettre les timides dirigeants politiques ».

Le modèle québécois

Les mesures entreprises par le gouvernement québécois de Jean Charest pour instaurer le cadre légal d’un marché privé sont très avancées.

D’abord, la mise en place de cliniques spécialisées affiliées correspond en pratique à un véritable partenariat public privé. Ces cliniques qui font affaire avec des établissements du réseau public peuvent profiter, pour un certain coût, de leur équipement, infrastructures et personnel infirmier afin d’offrir une partie des services qui seraient en temps normal offerts par l’établissement public, choisissant essentiellement de prodiguer les soins les plus profitables. De plus, les coûts des soins sont remboursés par le régime d’assurance maladie, de la même façon que ceux offerts dans le réseau public.

Selon ce modèle, une entente sans précédent pourrait se concrétiser entre l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal et la clinique privée Rockland MD qui verrait celle-ci réaliser jusqu’à 1300 opérations de chirurgie générale, d’orthopédie et de gynécologie. Cette nouvelle représentait, selon le ministre de la Santé, Philippe Couillard, une évolution du système de santé québécois. Notons que cette clinique avait été prise en défaut en juin dernier par la Régie de l’assurance maladie pour avoir imposé des frais accessoires à ses patients.

Cette mesure, introduite lors d’un plan gouvernemental sur la santé en février 2006, était l’un des éléments de réponse de gouvernement Charest à l’arrêt Chaoulli de 2005. Ce plan, qui était présenté par l’élite dirigeante et les médias comme une simple ouverture au privé dans le but de soutenir et d’améliorer le régime public, comportait en fait tous les ingrédients pour le développement d’un système de santé privé parallèle. Il fut officiellement adopté sous la loi 33 en décembre 2006.

La « garantie d’accès » avait été présentée de la même façon, minimisant les possibilités bien réelles d’un développement dramatique des ouvertures vers le privé. Selon cette garantie, un patient qui ne peut se faire soigner dans un délai raisonnable dans le réseau de santé public pourra se rendre dans une clinique spécialisée affiliée, et si cela n’est toujours pas possible, dans une clinique privée hors du système public. Cette « garantie d’accès » se limite pour l’instant à trois types de chirurgies dites électives : remplacement de la hanche, du genou et cataracte. Mais lors d’une annonce en juin dernier, le ministre Couillard a démontré ce à quoi était véritablement destinée la garantie d’accès. La liste des chirurgies électives s’allongera bientôt fort probablement d’une trentaine d’autres types de chirurgies, dont le traitement des hernies, des varices, des hémorroïdes, et des chirurgies en dermatologie ainsi que celles pour traiter l’obésité morbide. Cette liste sera modifiée par règlement.    

En vertu de la loi 33, il est aussi maintenant possible pour un patient qui aurait les moyens de se le payer de contracter une assurance privée pour couvrir les divers types de chirurgies électives.

Et pour développer davantage ces avenues, le gouvernement Charest avait mis sur pied en mai dernier une commission en ce sens. Il y a placé à sa tête l’ancien ministre libéral Claude Castonguay, un ardent défenseur de la privatisation. Les deux autres partis officiels, le Parti québécois et l’Action démocratique du Québec, ont chacun accepté d’envoyer un membre en vue siéger à cette commission, faisant ainsi clairement savoir qu’ils accueillaient favorablement cette démarche.

Le président de la commission Claude Castonguay a entre autres défendu l’idée d’un ticket modérateur, l’abolition de la prohibition d’un régime d’assurance privé, l’abolition de la cloison entre le public et le privé ainsi que la révision de la Loi canadienne sur la santé.


Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés