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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les politiciens allemands nient toute responsabilité dans les attaques racistes

Par Stefan Steinberg
10 septembre 2007

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Des membres dirigeants du gouvernement allemand de grande coalition (Parti social-démocrate, Union chrétienne-démocrate, Union chrétienne-sociale) ont réagi avec un mélange d’hypocrisie et de dénégation aux récentes agressions de citoyens originaires du sous-continent indien par une bande de voyous ivres dans la ville de Mügeln dans l’Est de l’Allemagne.

Ils affirment à l’unisson que de telles flambées rétrogrades n’ont rien à voir avec leur propre programme politique et social. Au lieu de cela, ils critiquent la population allemande pour sa « xénophobie » en lançant des appels pieux aux citoyens pour qu’ils fassent preuve de plus de « courage civique ».

Aux premières heures du dimanche 19 août, huit Indiens, qui participaient à une kermesse  dans la petite ville de Mügeln qui se situe à une cinquantaine de kilomètres au Sud de Leipzig, avaient été brutalement agressés par une bande d’une cinquantaine de jeunes scandant des slogans nationalistes et racistes.

Angela Merkel, la chancelière allemande (Union chrétienne-démocrate, CDU) a condamné les évènements de Mügeln comme étant « un incident extraordinairement affligeant et honteux » et qui avait été « suivi très attentivement » à l’étranger et qui pourrait porter atteinte à la réputation internationale de l’Allemagne.

Selon Merkel, la lutte contre l’extrémisme de droite ne peut pas se réduire à mettre en œuvre davantage de moyens financiers pour les programmes sociaux et culturels. Au contraire, chaque citoyen est invité à s’impliquer et à « faire preuve de courage personnel ».

Merkel a été soutenue par le secrétaire général de la CDU, Ronald Pofalla qui s’est fait l’écho de la chancelière. « Nous n’avons pas besoin de plus d’argent, mais de plus de sens civique », a-t-il déclaré au journal Ostsee-Zeitung.

Le ministre-président du Land de Saxe-Anhalt, dans l’Est de l’Allemagne, Wolfgang Böhme (CDU) a dit que l’Allemagne sous-estimait le degré d’influence exercé par l’extrême droite dans l’Est du pays et déclaré au journal Leipziger Volkszeitung, « Il existe des sentiments xénophobes latents au moins chez une partie de la population. »

Selon un commentaire désespéré paru dans le journal Süddeutsche Zeitung, l’agression de Mügeln a confirmé à combien la « peur de l’étranger » et « la diffusion de la pensée autoritaire » étaient ancrées dans la population allemande.

Les dirigeants du parti des Verts ont également condamné la violence alors que le chef de la Confédération allemande des syndicats (DGB), Michael Sommer, a appelé à l’« insurrection des gens honnêtes » (« Aufstand der Anständigen »), autrement dit à une relance des protestations inefficaces conduites par le gouvernement et semblables à celles qui avaient été organisées suite à de précédentes attaques contre des étrangers.

Bien qu’il n’y ait aucune preuve directe de l’implication du Parti national allemand (NPD) aux événements du 19 août, Kurt Beck, le président du SPD et Dieter Wiefelspütz (SPD), le porte-parole du ministère de l’Intérieur, ont tous deux réagi aux événements de Mügeln en lançant un appel pour une interdiction du parti qui, ces dernières années, a étendu ses activités dans l’Est de l’Allemagne.

En 2003, une tentative précédente d’interdire le NPD avait été rejetée par la Cour fédérale de justice allemande lorsqu’il s’avéra que l’infiltration massive de l’organisation néo-fasciste par des agents de l’agence fédérale allemande du renseignement rendait son interdiction intenable. L’interdiction d’organisations d’extrême droite en Allemagne est traditionnellement proposée par les politiciens conservateurs dans leur détermination de renforcer les pouvoirs de l’Etat pour venir à bout de toute opposition contre le gouvernement, en particulier de la gauche.

La réaction des cercles politiques influents et des organes de presse aux événements de Mügeln est tout à fait hypocrite. Toute analyse objective de ces 17 dernières années depuis la réunification de l’Allemagne en 1990, montre clairement que la principale responsabilité pour l’extension de sentiments nationalistes et racistes incombe aux principaux partis politiques du pays. Dans le but de détourner l’attention des conséquences sociales de sa propre politique, le gouvernement allemand a maintes fois lancé des campagnes xénophobes, dans le seul but de rejeter la faute sur la population en général en cas d’éruption de violence raciste.

Conséquences politiques et économiques de la réunification capitaliste

L’incitation au nationalisme avait été dès le début la marque de fabrique de l’introduction du capitalisme en ex–Allemagne de l’Est. Dès 1989, une coalition de personnalités politiques ouest-allemandes avait collaboré avec une partie de la bureaucratie stalinienne en Allemagne de l’Est dans le but de détourner les manifestations pro-démocratiques contre le régime est-allemand vers des canaux nationalistes allemands.

Le Land de Saxe avait été au centre de cette campagne. Lors des manifestations dites du lundi qui s’étaient déroulées à Leipzig en 1989, des drapeaux de la République fédérale d’Allemagne (Allemagne de l’Ouest) avaient commencé à apparaître et, avec le soutien de membres influents du Parti socialiste unifié (SED) de l’Allemagne de l’Est, qui devint plus tard le Parti du socialisme démocratique (PDS), le slogan originel des manifestants, « Nous somme le peuple » fut remplacé par le slogan nationaliste « Nous sommes un peuple ».

Depuis la réunification, tous les gouvernements allemands successifs ont, à maintes reprises, lancé des campagnes xénophobes en réponse à l’agitation sociale. Le gouvernement CDU de Helmut Kohl tout comme son successeur, le gouvernement de coalition SPD-Verts (1997-2005), ont tous deux restreint le droit d’immigration et d’asile prévu dans la constitution allemande d’après-guerre.

Les contrôles aux frontières furent renforcés pour empêcher que des immigrants n’entrent dans le pays, avec pour conséquence que davantage d’étrangers sont morts aux frontières allemandes qu’en victimes de violence d’extrême droite en Allemagne même.

Les attaques incessantes contre les droits des immigrés, associées à la propagande xénophobe du gouvernement ont formé l’arrière-plan aux attaques racistes dans les villes d’Allemagne de l’Ouest de Mölln (1992) et de Solingen (1993) et qui ont entraîné la mort de familles turques entières. A l’époque, tout comme aujourd’hui, les politiciens s’étaient lavé les mains de toute responsabilité dans la culture de sentiments nationalistes et racistes. Ils avaient cherché à détourner le sentiment d’écoeurement largement répandu et l’opposition à ces attaques par des manifestations à la bougie tout à fait inoffensives, organisées sous le slogan de l’« Unité des démocrates » et de l’« Insurrection des gens honnêtes. »

Les politiciens aussi bien du SPD que du CDU ont de façon répétée traduit la revendication de base de l’extrême droite d’appeler à un arrêt de l’immigration sous le slogan « la barque est pleine » en un vocabulaire plus approprié pour les parlementaires allemands. L’ancien ministre social-démocrate de l’Intérieur, Otto Schily, a déclaré que de nouveaux immigrés n’étaient plus les bienvenus en Allemagne en annonçant que « la capacité maximale était atteinte, » tandis que l’ancien dirigeant du groupe parlementaire Union chrétienne-démocrate/Union chrétienne-sociale (CDU/CSU), Friedrich Merz, avait proclamé en 2001 : « Nous devons régler l’immigration en fonction des intérêts de l’Etat, et non dans l’intérêt des immigrants… Il ne peut pas y avoir de droit légal d’immigration. »

Merz faisait également partie des principaux initiateurs de la campagne pour la soi-disant « culture de référence allemande » visant à réhabiliter le nationalisme allemand. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, les partisans de la campagne de Merz eurent vite fait d’identifier l’islamisme comme le nouveau « danger étranger » menaçant l’« identité allemande ».

Tout en incitant la population à faire preuve de plus de « courage civique », les politiciens allemands choisissent de fermer les yeux sur la manière dont le travail de la justice et de la police oeuvre à saper toute lutte efficace contre l’influence des extrémistes de droite.

Un certain nombre d’organisations et de nombreux jeunes ont maintes fois protesté et mené des campagnes contre l’injustice raciale et la violence de l’extrême droite pour voir en fin de compte que les tribunaux imposent des sanctions scandaleusement clémentes à l’encontre des extrémistes de droite ou des policiers jugés coupables de crimes contre des immigrés et des demandeurs d’asile. Dans le même temps, les organisations qui s’engagent contre le racisme sont privées des moyens dont elles dépendent pour fonctionner efficacement.

Ce n’est nullement une quelconque xénophobie endémique au peuple allemand qui crée un terreau fertile pour l’arriération culturelle et la croissance d’organisations d’extrême droite, mais bien plutôt l’encouragement délibéré des préjugés racistes et nationalistes de la part de l’élite dirigeante allemande associé à une pauvreté grandissante et qui est systématiquement exploitée par l’extrême droite.

Un rapport publié par le gouvernement de Saxe en 2006 donne une certaine idée de la dévastation sociale produite dans l’ancienne Allemagne de l’Est par la politique gouvernementale.

En 2005, un huitième de la population du Land de Saxe était tributaire d’allocations minimales mises en vigueur par les lois sur la réforme Hartz IV introduites par l’ancien gouvernement de coalition SPD-Verts. En 2005, le Land de Saxe comptait un total de 420 000 chômeurs, à savoir un cinquième de la population. Dans de petites villes et villages, le taux de chômage est presque le double.

Dans le même temps, des dizaines de milliers de travailleurs sont employés dans des emplois à bas salaire, sur le soi-disant second marché de l’emploi (en 2007, ils étaient d’au moins 36 000). En conséquence, la pauvreté ne se limite pas qu’aux familles de chômeurs. Le rapport du gouvernement de Saxe a révélé que 24 pour cent des ménages vivaient dans la pauvreté en Saxe, contre un taux national de 15 pour cent.

Alors que le niveau de pauvreté augmente à la fois en Saxe et en Allemagne en général, la pauvreté en Saxe augmente à une vitesse beaucoup plus grande depuis la fin des années 1990. L’offensive impitoyable montée contre l’emploi et les conditions de travail dans le Land a coïncidé avec les fermetures des structures sociales qui étaient à la disposition de la population en général et des jeunes en particulier.

De telles conditions économiques entrent tout à fait en ligne de compte et expliquent pour une part les flambées de violence comme celles qui se sont produites dans la ville de Mügeln. Des articles récents parus dans les médias allemands et traitant de l’incident révèlent que l’un des principaux acteurs de la violence avait été un jeune Allemand de 17 ans et membre d’une famille monoparentale de cinq enfants vivant d’allocations sociales.

Alors que des politiciens présomptueux et suffisants, y compris la chancelière Merkel, lancent des appels pieux pour plus de « courage civique » et déclarent que l’argent à lui seul ne résoudra pas les problèmes en Allemagne de l’Est, le fait est que leur propre politique économique a eu pour conséquence le transfert de la richesse destinée à la population laborieuse et socialement déshéritée vers une élite économiquement privilégiée.

Ce processus ne se limite pas à l’Est du pays. Sous le gouvernement de coalition SPD-Verts, des coupes dans les acquis sociaux avaient été faites de par le pays et allaient de pair avec des attaques massives contre les salaires et l’emploi dans une proportion jamais vue en Allemagne depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Une vérité fondamentale, mise à jour par ces expériences amères, est celle que la division la plus importante en Allemagne n’est pas celle entre l’Est et l’Ouest, mais bien plutôt entre la classe capitaliste et la classe ouvrière.

Le parti La Gauche en Saxe

Un examen du rôle joué par les partis politiques allemands dans l’accroissement de la pauvreté et la promotion du nationalisme serait incomplet sans un examen du rôle joué par le parti La Gauche (Die Linke) créé par la fusion du parti post-stalinien PDS (Parti du socialisme démocratique) et de l’Alternative électorale-travail et justice sociale (WASG).

Des membres dirigeants de La Gauche ont également condamné la violence à Mügeln. Ils ont cherché à se laver les mains de toute responsabilité en affirmant que leur parti n’est pas au pouvoir en Saxe. Dans d’autres Länder en Allemagne de l’Est, toutefois, tel à Berlin et, jusqu’il y a peu de temps, dans le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale, La Gauche a joué un rôle de premier ordre dans le démantèlement des services sociaux et des assauts contre l’emploi et les salaires. Ce parti partage donc toute responsabilité pour les conséquences sociales.

En fait, la fédération de La Gauche en Saxe constitue l’aile droite du parti en général. Elle a toujours cherché à démontrer sa crédibilité de parti « responsable » en revendiquant un meilleur traitement des petits entrepreneurs dans l’Est de l’Allemagne.

Au début des années 1990, une personnalité influente du PDS à Dresde, Christine Ostrowski, avait cherché à mobiliser les mêmes couches sociales qui sont à présent courtisées par l’extrême droite du NPD. Ostrowski avait appelé à la formation d’un parti est-allemand selon le moule du parti conservateur bavarois CSU et basé sur les « petites entreprises autochtones ». Elle avait également appelé à un dialogue entre le PDS et les partis d’extrême-droite.

Alors que La Gauche n’a jusque-là pas encore joué un rôle dans le gouvernement régional du Land de Saxe, un certain nombre de ses représentants collabore au niveau local à la fois avec des maires et des dirigeants de collectivités locales du SPD et du CDU pour opérer les coupes dans les acquis sociaux. La direction du parti avait clairement fait savoir en début d’année qu’elle était prête à remplacer le SPD au sein de l’actuelle coalition gouvernementale et qu’elle « tolèrerait » un gouvernement CDU minoritaire.

Dans le but de prouver sa fiabilité en tant qu’allié de la droite conservatrice, la moitié du groupe parlementaire de La Gauche à Dresde a voté cette année en faveur d’une motion du gouvernement de coalition pour la vente du parc immobilier public au groupe de spéculateurs américain Fortress, lequel a immédiatement imposé une hausse de 15 pour cent des loyers.

Les partis dirigeants en Allemagne ont toujours joué la carte du chauvinisme national pour supprimer l’opposition sociale. Le même réflexe peut être observé chez le parti La Gauche. Au plus fort des manifestations de masse qui ont eu lieu en 2005 dans l’Est de l’Allemagne contre les réformes Hartz IV votées par la coalition SPD-Verts et attaquant les acquis sociaux, l’actuel président de La Gauche et ancien président du SPD, Oskar Lafontaine, s’était servi de la place du marché de Chemnitz pour lancer une attaque contre les travailleurs étrangers.

Lors d’un rassemblement contre la politique sociale de la coalition, et lorgnant sur la proximité des frontières de la Pologne et de la République Tchèque, Lafontaine avait déclaré qu’il était du devoir de l’Etat de protéger les mères et les pères allemands pour empêcher que des travailleurs étrangers ne leur volent leur emploi. La déclaration de Lafontaine n’avait rien d’un lapsus. Dans son dernier livre, il se réfère à « l’immigration forcée » qui serait imposée à la nation par l’élite dirigeante et déclare son intention de retirer la nationalité à tous ceux qui « ne parlent pas allemand, qui ne paient ni leur part d’impôts ni ne contribuent à financer l’Etat social. »

Alors que les milieux politiques allemands réprimandent la population allemande pour sa xénophobie, c’est en réalité le mélange explosif entre la destruction des acquis sociaux et la politique nationaliste propagée depuis la réunification par l’élite allemande, la droite conservatrice aussi bien que la gauche officielle, qui a créé le terreau fertile à la croissance du radicalisme d’extrême droite et des flambées du genre de celles qui se sont produites à Mügeln.

Des sondages récents ont indiqué que la population allemande, loin de succomber aux « sentiments xénophobes », est extrêmement inquiète de la croissance de l’inégalité sociale et se déplace vers la gauche. La réaction de l’establishment politique allemand à de tels développements est de détourner l’attention de sa politique économique en diabolisant certaines communautés, telles la communauté minoritaire islamique ou les travailleurs en provenance d’Europe de l’Est tout en renforçant les pouvoirs policiers de l’Etat. Ceci est la véritable signification de l’appel de Kurt Beck et d’autres en faveur du renforcement des pouvoirs de l’Etat dans le but de venir à bout de l’extrême droite.

(Article original paru le 31 août 2007)


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