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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Les syndicats passifs devant les suppressions d’emplois dans le secteur public

Par Alex Lantier
22 septembre 2007

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Le gouvernement du président Nicolas Sarkozy a annoncé la suppression massive d’emplois dans le secteur public, avec le non-remplacement d’un tiers des fonctionnaires partant à la retraite en 2008. Les fédérations syndicales ont toutefois déclaré qu’elles n’entameront pas de préparatifs pour une grève en opposition au vote du budget.

Le 30 août, les principaux organes de presse ont confirmé que le chiffre des suppressions de postes qui avait fait l’objet de rumeurs et fait couler pas mal d’encre depuis un mois, était en fait inscrit au budget de cette année. 22 800 postes au total ne seront pas remplacés.

L’Education nationale sera la grande perdante (avec la suppression de 11 200 emplois), suivie du ministère de la Défense (6037 emplois), du ministère des Finances (2600 emplois) et du ministère de l’Intérieur (2300 emplois). Le seul ministère à recruter est le ministère de la Justice où 1600 emplois seront créés dans huit nouveaux établissements pénitentiaires et un hôpital-prison à Lyon. L’effectif des universitaires et des chercheurs restera inchangé par rapport au niveau actuel.

La ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi, Christine Lagarde, a appelé ceci un « plan de rigueur destiné à la fonction publique… (car) pour l’essentiel, nous souhaitons maintenir une parité entre nos dépenses et nos recettes ». Vu que ces recettes ont à présent été réduites, du fait que la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA) exonère d’impôt les revenus les plus élevés, ceci correspond, entre autres, à une politique consistant à transférer l’argent des travailleurs du secteur public dans les poches des riches.

En faisant comprendre que les réductions massives de personnel dans le secteur public se poursuivraient, Lagarde a ajouté : « On n’est pas exactement dans les clous pour 2008 puisqu’on ne remplace pas exactement un départ à la retraite sur trois. En 2009, on sera à un non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. »

Les sondages indiquent que cette mesure est tout à fait impopulaire. Dans un sondage Ifop publié le 11 août dans Le Journal du Dimanche, 61 pour cent des personnes interrogées y étaient opposées.

Le timing de cette confirmation officielle des suppressions d’emplois est significatif. Il a suivi de près la réunion du 24 août des syndicats de fonctionnaires qui ont ensuite annoncé qu’ils n’envisageaient pas pour le moment l’organisation d’une grève contre les suppressions d’emplois.

Les raisons invoquées par les syndicats pour le report de la grève sont visiblement fausses. Ils ont avancé l’affirmation bizarre qu’ils ne pouvaient commencer à organiser la grève, car certains de leurs membres étaient encore en vacances et donc injoignables.

Eric Fritsch de la Confédération française démocratique du Travail (CFDT) a dit, « Avant de se prononcer pour une éventuelle grève, attendons que le personnel soit rentré de vacances pour le consulter. » Jean-Marc Canon de la Confédération générale du Travail (CGT) a eu la même position en disant qu’étant donné que le personnel de la fonction publique se trouvait encore en vacances tout comme les autres Français, un appel à une journée d’action n’était pas à l’ordre du jour.

Pour le moment, a dit Canon, les syndicats se limiteraient à dire à Sarkozy qu’ils attendent un « changement de cap radical ».

Dans une interview accordée au Journal du Dimanche, l’entourage du secrétaire d’Etat à la Fonction publique, André Santini, a dit : « Enfin, on est tranquille de ce côté-là. » Le Journal du Dimanche a écrit, « Pour Nicolas Sarkozy, la mobilisation des agents de l’Etat formait le principal danger de la rentrée. »

Nombre de bureaucrates syndicaux haut placés et qui ont joué un rôle décisif dans la décision de ne pas entreprendre d’action de grève contre les suppressions d’emplois ont établi des liens étroits avec le nouveau président et les milieux pro-patronaux dans lesquels il évolue. La veille de la réunion des syndicats, François Chérèque, dirigeant de la CFDT, a déjeuné en tête à tête avec Sarkozy au Violon d’Ingres, un restaurant parisien huppé. En quittant le restaurant, Sarkozy a dit à la presse que Chérèque « comprend que la France a besoin d’un puissant mouvement de réforme. »

Chérèque a précisé : « Je lui [Sarkozy] ai dit de façon assez ferme, assez claire, "laissez-nous négocier, laissez-nous faire nos preuves avant de prendre des décisions qui sont du domaine de cette négociation". » Un journaliste de Reuters qui avait évoqué cette réunion avec des fonctionnaires de la CFDT a écrit : « La CFDT a souligné que ce déjeuner n’avait rien d’exceptionnel, le président français ayant déjà vu dans les mêmes conditions le secrétaire général de Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, et s’apprêtait à rencontrer d’autres syndicalistes. »

Le 27 août, Sarkozy a rencontré Mailly au Palais de l’Elysée. David Martinon, porte-parole de l’Elysée a dit que Sarkozy et Mailly « s’étaient déjà rencontrés avant l’été », et on assiste « à la poursuite de rendez-vous réguliers entre les deux hommes ».

Les syndicats se réunissent et fournissent une couverture politique à Sarkozy précisément au moment où la dégradation de l’économie commence à exposer au grand jour les mensonges qui ont servi à promouvoir le programme d’« économie libérale » de Sarkozy. Les promesses selon lesquelles les travailleurs pourraient accroître leur pouvoir d’achat en travaillant plus ont perdu toute crédibilité en raison de l’inflation des prix à la consommation.

Au cours de l’année passée, les prix ont augmenté de 40 pour cent pour le beurre, 7 pour cent pour l’essence, 8 pour cent pour le pain et 7 pour cent pour le ticket de métro parisien, selon les chiffres publiés par le quotidien Libération. Selon un sondage publié par le journal britannique The Guardian, plus des deux tiers des Français étaient d’avis que le gouvernement Sarkozy ne réussirait pas à contrôler l’inflation.

Les économistes considèrent unanimement comme excessivement optimistes les prédictions de la croissance économique sur lesquelles est basé le budget de l’Etat. Au lieu d’une croissance économique prévue par le gouvernement Sarkozy à 2,5 pour cent pour 2007, les analystes du Crédit Agricole et de la banque BNP Paribas ont évalué la progression du produit intérieur brut (PIB) à 1,8 pour cent (selon le Crédit Agricole) et « légèrement inférieure à 2 pour cent » (selon BNP Paribas). Ceci créera encore plus de difficultés budgétaires vu que les recettes fiscales seront inférieures à celles anticipées.

Une croissance économique réduite n’enfreindra pas seulement le budget de l’Etat, mais aussi la création d’emplois, juste au moment où le nouveau gouvernement cherche à réduire les dépenses sociales et à allonger le temps de travail. Selon les études de marché réalisées par la société Xerfi, l’économie française n’a créé que 3 600 emplois (dans un pays comptant 60 millions d’habitants) au cours du second trimestre de 2007.

S’ajoutent à cela, des inquiétudes concernant l’ampleur qu’aura l’écroulement du marché hypothécaire américain à risque (« subprime ») sur l’économie et le capital français. Le 9 août, BNP Paribas avait suspendu des transactions d’une valeur de 3,8 milliards de dollars que ses filiales avaient investies dans des titres adossés à des prêts immobiliers américains.

La réaction de la bourgeoisie française a été exprimée le 30 août dernier par Sarkozy lors d’une réunion du Mouvement des entreprises de France (Medef). Devant un public d’hommes d’affaires et de syndicalistes (Chérèque et Mailly étaient présents), Sarkozy avait fait un discours de 57 minutes sur ses objectifs pro-patronaux. Il avait appelé au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans le secteur public, à aller « beaucoup plus loin » dans l’assouplissement de la semaine de 35 heures, à un nouveau projet de conditions de licenciement des travailleurs (appelé cyniquement « séparation à l’amiable ») et à une remise à plat de la taxe professionnelle.

En dépit du discours aux tons populistes tenu par Sarkozy lors de la réunion du Medef, disant que les banques ne devraient pas « prêter plus facilement aux spéculateurs qu’aux entreprises ou aux ménages », son programme économique est extrêmement impopulaire. Il s’agit essentiellement du même programme, mais mené plus rapidement et de manière plus agressive, que celui que les premiers ministres Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin avaient cherché à appliquer en 2003-2007.

Ces derniers s’étaient heurtés à une hostilité massive de la classe ouvrière et les syndicats s’étaient sentis obligés d’organiser des manifestations contre la réforme des retraites (en 2003) et le Contrat de première embauche (CPE, en 2006). Des millions de travailleurs s’étaient impliqués, mais la bureaucratie syndicale avait été en mesure de désamorcer le mouvement en morcelant les manifestations prévues et en refusant de lancer un appel à la grève générale contre le gouvernement. En conséquence, des gouvernements impopulaires étaient restés au pouvoir et ces mesures réactionnaires avaient été votées à l’Assemblée nationale.

L’arrivée au pouvoir de Sarkozy représente une victoire pour les factions de la bourgeoisie française qui veulent régler leurs comptes avec les travailleurs. Sarkozy est prêt à rencontrer, à maintes reprises et longuement, les dirigeants syndicaux, car il se rend bien compte qu’ils représentent ses meilleures armes pour désorienter la classe ouvrière et couper court à l’élan d’une explosion politique.

Les syndicats, en négociant inlassablement avec Sarkozy en dépit du fait que son orientation anti-travailleur est facilement reconnaissable à tout observateur réfléchi, fournissent une crédibilité essentielle aux affirmations de Sarkozy selon lesquelles il est à la recherche de solutions destinées à améliorer les conditions de vie de tous les citoyens français. En refusant d’appeler à la grève, les syndicats agissent comme un frein à la lutte des classes et un barrage aux tentatives de la classe ouvrière de se mobiliser contre les réformes anti-sociales.

La vision des syndicats est de tenter de stabiliser le capitalisme français. Comme l’a précisé le dirigeant de FO, Mailly, dans une interview accordée le 6 septembre au quotidien Les Echos, « Nous entrons dans cette négociation de manière positive, avec une volonté de compromis. Pour cela, le patronat doit également jouer le jeu. »

En dépit de la soi-disant popularité du nouveau gouvernement Sarkozy, la situation politique en France est en équilibre précaire. Le principal facteur politique qui permet à Sarkozy de continuer à conspirer est la décrépitude de la direction du mouvement ouvrier.

(Article original paru le 8 septembre 2007)


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