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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Le Canada expulsera un autre résistant à la guerre en Irak vers les Etats-Unis

Par John Mackay
21 août 2008

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L’Agence des services frontaliers du Canada a, la semaine dernière, ordonné que Jeremy Hinzman, le premier soldat américain à refuser de combattre en Irak et à faire la demande de statut de réfugié politique au Canada, soit renvoyé aux Etats-Unis. Le jugement fut rendu un mois après que Robin Long devienne le premier objecteur de conscience américain à être déporté du Canada. Long est présentement détenu à la prison centrale de Fort Carson au Colorado et sera jugé en cour martiale au début septembre.

Hinzman, 29 ans, a une femme et deux enfants, dont le plus jeune est âgé seulement de 3 mois. On a ordonné qu’ils quittent tous le Canada d’ici le 23 septembre.

On donna à Hinzman un ordre de déportation après que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié  eut décidé que sa demande, présentée dans le cadre du programme d’examen des risques avant renvoi, ne respectait pas les conditions. Le programme évalue le risque encouru par un demandeur si il ou elle est renvoyé dans son pays d’origine. L’appel final de Hinzman concernant le rejet de sa demande de statut de réfugié lui avait été précédemment refusé.

On jugea que les Etats-Unis avaient un système de justice équitable et que la liberté d’expression de Hinzman était protégée. La Commission a aussi jugé que le programme « No child left behind » (Aucun enfant laissé pour compte) du président Bush allait assurer que son fils bénéficie d’une bonne éducation.

A son retour aux Etats-Unis, Hinzman sera probablement détenu et devra passer en cour martiale et subir le même sort que Robin Long, soit cinq ans de prison pour désertion. Même si ses avocats prévoient en appeler de l’ordonnance de déportation, Hinzman est peu optimiste. Dans un entrevue à l’émission « Democracy Now », Hinzman a déclaré : « Cela bouleverse complètement nos vies. »

Hinzman a joint l’armée des Etats-Unis au début de 2001, en partie par patriotisme et pour l’aventure. Cependant, il a été avant tout attiré par la promesse d’aide financière pour ses études universitaires.

Il affirme qu’un peu plus d’un an après s’être enrôlé, il a réalisé qu’il ne pouvait devenir un tueur. Il pensait ne pas pouvoir déshumaniser les gens qu’il devait tuer. Il fit une demande pour le statut d’objecteur de conscience en août 2002 mais son commandant ignora cette dernière. Hinzman refit une demande alors qu’il était en Afghanistan, et elle aussi fut rejetée.

En Afghanistan, alors que sa demande pour le statut d’objecteur de conscience était évaluée, on ordonna à Hinzman de reprendre le service actif. Lorsque son unité revint aux Etats-Unis et sachant qu’ils seraient bientôt envoyés en Irak, Hinzman déserta, traversant la frontière canadienne en janvier 2004 avec sa femme et son jeune enfant et tentant d’obtenir le statut de réfugié.

En décembre 2004, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) a rejeté sa demande pour un statut de réfugié, affirmant qu’il ne remplissait pas les conditions. À cette époque, le gouvernement libéral du premier ministre Paul Martin était intervenu dans le processus pour bloquer toute discussion sur la légalité de l’invasion et de l’occupation de l’Irak par les Etats-Unis.

Le solliciteur général du Canada avait argumenté que la question de la légalité de la guerre était hors du domaine de la CISR. On jugea que le Tribunal pénal international de La Haye était la seule institution avec l’autorité et la compétence nécessaires pour entendre des arguments concernant la légalité de la guerre.

Hinzman soutint que l’on devait lui accorder le statut de réfugié car la guerre en Irak avait été condamnée par la communauté internationale et que l’administration Bush avait menti au sujet des armes de destruction massive et des liens avec Al-Qaïda du régime de Saddam Hussein. Toutefois, la CISR a maintenu que cela n’avait pas de rapport avec la demande. D’importants quotidiens canadiens tels que le Globe and Mail et le National Post ont commenté en éditorial que Hinzman était un « déserteur », pas un « réfugié ».

En novembre 2007, la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre une cause impliquant Hinzman et un autre résistant, Brandon Hughey. La Cour n’a pas motivé son refus. Précédemment, à la suite de la première demande de Hinzman pour un statut de réfugié, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale avait aussi refusé d’entendre la cause.

Bien que le gouvernement canadien avait choisi de ne pas s’impliquer directement dans la guerre en Irak, ces actions sont un symbole de complicité par soutien politique pour l’occupation américaine. Le Canada est impliqué activement dans la guerre en Afghanistan, où 90 soldats canadiens ont été tués au combat depuis le déploiement en 2002. Les appuis pour la déportation de soldats américains qui cherchent refuge contrastent avec la politique canadienne durant la guerre du Viêt-Nam, lorsque plus de 50 000 Américains qui avaient fui la conscription ou le service militaire trouvèrent refuge au Canada.

Comme le gouvernement libéral de Martin avant lui, l’actuel gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper ne souhaite pas se mettre à dos les Etats-Unis en recréant un possible refuge pour les soldats américains. Cette position va de pair avec le refus de l’élite dirigeante canadienne de mettre en doute la légalité de la guerre en Irak, et son attaque plus générale sur les droits des demandeurs d’asile.

Cette position contredit le quatrième principe de Nuremberg qui maintient que quiconque est obligé, dans la mesure du possible, de défier les ordres du gouvernement et de l’armée qui violeraient le droit international. Elle contredit de plus la position du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, qui soutient que qu’un déserteur peut être considéré réfugié si les actes militaires sont condamnés par la communauté internationale comme violant les principes humains fondamentaux.

Les actions du gouvernement canadien contrastent fortement avec les sentiments de la majorité des Canadiens, comme l’a révélé un sondage publié en juillet selon lequel deux tiers des répondants appuyaient le fait que l’on accorde le statut de résident permanent aux soldats américains ayant fait défection.

En juin, les partis d’opposition canadiens ont tenté de calmer les sentiments populaires contre la guerre en Irak et l’implication du Canada en Afghanistan en votant une résolution non contraignante pour arrêter la déportation des objecteurs de conscience. Comme elle est non contraignante, le gouvernement minoritaire Harper ne s’est pas engagé à mettre en oeuvre cette résolution, la maintenant comme un geste « symbolique » qui ne fait rien pour empêcher la déportation de Hinzman et de sa famille.

Michelle Robidoux, porte-parole de la Campagne d’appui aux résistants à la guerre basée à Toronto, a affirmé : « Cela envoie un sinistre message à tous ceux qui passent présentement à travers le même processus », ajoutant que « Cela crée une vague de stress pour tout le monde. Si Jeremy Hinzman, qui a une femme et des enfants, peut être renvoyé, qu’en est-il des célibataires qui sont ici depuis moins longtemps encore ? »

(Article original anglais paru le 19 août 2008)

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