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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Grande-Bretagne : La grève des enseignants dépasse en nombre les prédictions

Les enseignants expriment leur colère face à la politique gouvernementale

Par nos reporters
28 avril 2008

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Deux cent mille enseignants syndiqués au NUT (National Union of Teachers) ont fait grève jeudi en opposition au plan salarial à la baisse du gouvernement. Les adhérents du NUT ont voté à 3 contre 1 le rejet de ce plan salarial sur trois ans prévoyant une augmentation de 2,45 pour cent cette année, suivie de 2,3 pour cent pour les deux prochaines années.

Les enseignants ont été rejoints par 100 000 fonctionnaires du syndicat PCS (Public and Commercial Service Union), qui s’opposent à un plafonnement similaire de leur salaire, imposé par le premier ministre Gordon Brown à tout le secteur public.

D’après le Guardian, « On s’attendait à ce que plus d’un million d’élèves de 8000 établissements scolaires ratent l’école… et il semblerait que ces prédictions aient été dépassées. Plusieurs municipalités ont rapporté un nombre de fermetures totales ou partielles d’établissements supérieur au double de ce qui avait été prévu ce jour-là. »

Un établissement sur trois en Angleterre et au Pays de Galles est resté fermé bien que les deux autres syndicats d’enseignants, le NASUWT (National Association of Schoolmasters Union and Women Teachers) et l’ATL (Association of Teachers and Lecturers) aient refusé de soutenir la journée d’action.

A Londres, 708 établissements scolaires sont restés complètement fermés et 769 étaient partiellement fermés. Dans le sud-ouest, la grève a provoqué la fermeture de 254 établissements et à Liverpool 187 établissements ont fermé leurs portes tandis que 213 n’ont pu fonctionner que partiellement. Dans le nord-est, il y a eu fermeture de 402 établissements, 500 ont fermé au Pays de Galles et 600 dans le Yorkshire. Le West Middlands a vu 200 fermetures d’établissement et 264 fermetures partielles.

Les enseignants ont défilé et organisé des rassemblements dans tout le pays, exprimant leur détermination à contrer ce qu’on appelle ici le gel des salaires de Brown. A Londres, entre 6000 et 10 000 enseignants et travailleurs du secteur public ont défilé ensemble, et il y a eu des rassemblements à Liverpool, Preston, Leeds, Sheffield, Hull, Cardiff et Wrexham. A Birmingham, un millier de travailleurs sont descendus dans la rue.

La manifestation de Londres s’est rassemblée à Lincoln’s Inn Fields, où le chanteur compositeur et militant politique Billy Bragg a chanté, puis est passée par le Strand, devant Downing Street, la résidence du premier ministre et s’est achevée par une réunion à Methodist Central Hall dans le quartier de Westminster. La salle ne pouvant contenir plus de 2600 personnes, les trois quarts des manifestants, y compris les reporters du WSWS, n’ont pas pu entrer.

 « Nous faisons grève pour des hausses de salaire, afin qu’il y ait davantage d’enseignants qui entrent dans la profession qu’il y en a qui la quittent, a dit Jan. J’ai une fille de 16 ans qui ferait une prof géniale, mais je ne la laisserai jamais devenir prof dans ces conditions. C’est une question de respect. Il faut savoir, soit le gouvernement nous respecte, soit il ne nous respecte pas. 

« Nous en avons assez de nous entendre dire qu’enseigner, c’est une vocation et qu’on devrait être bien contents de recevoir quelque chose à la fin du mois. Je ne vois pas pourquoi on devrait s’impliquer dans le TLR (Teaching and Learning Responsibilities) [prendre de lourdes responsabilités supplémentaires au sein de l’établissement en échange d’un salaire plus important, n.d.t] pour tout juste pour gagner un salaire à peine décent ! L’enseignement à lui seul est un métier suffisamment important. »

 « Il y a aussi d’autres questions en jeu, » a ajouté Keith. « Le travail administratif : on attend de nous maintenant que nous soyons des psychologues, des travailleurs sociaux, des infirmiers, en plus d’être des enseignants. »

 « Officiellement, nous travaillons 27,5 heures par semaine, alors comment se fait-il que je travaille 60 heures ? » s’est exclamée Jan. « De plus, tout est basé sur les SATs [des tests standardisés auxquels sont soumis très régulièrement les élèves du primaire et du secondaire, n.d.t.] maintenant, mais notre travail c’est tellement plus que cela. »

Keith a renchéri: « Quand on enseigne aux Year Six [élèves de 10-11 ans, en dernière année de primaire, n.d.t.] il y a des gamins qui pleurent toutes les larmes de leur corps ou qui ne viennent pas à l’école parce qu’ils s’angoissent tellement à cause des SATs.”

 « Je ne suis pas en grève uniquement pour des hausses de salaire, mais aussi à cause du niveau de stress, de la charge de travail et des objectifs qui ne cessent de changer, » a dit Sonia. « Le PPA [le temps de préparation et d’évaluation inclus dans l’emploi du temps, n.d.t.] n’est pas mal, mais on ne s’y tient pas toujours. Il faut retourner aux vieilles méthodes où l’enseignement était la priorité. Il n’est pas nécessaire d’évaluer tout, tout le temps. »

 « Le PPA c’est la reconnaissance par le gouvernement que la somme de travail administratif que nous sommes tenus de faire est complètement ridicule, a affirmé Keith. Toujours est-il que s’ils peuvent trouver 50 milliards de livres sterling pour renflouer les banques, pourquoi sont-ils incapables de nous payer ce à quoi nous avons droit ? Quelque 50 pour cent des enseignants nouvellement diplômés quittent la profession au cours des trois premières années. Quel gâchis de talent et de formation ! »

Tous les quatre étaient d’accord pour penser qu’une grève d’une journée ne suffit pas et que c’était dommage que la grève ait eu lieu sans le soutien des autres syndicats, notamment ceux représentant les concierges d’établissements, les assistants d’éducation et les assistants pour élèves en difficulté qui, dans la plupart des cas, sont payés moins de la moitié du salaire des enseignants. Ces travailleurs sont aussi tenus d’enseigner à des groupes d’élèves et dans certains cas de prendre la classe des enseignants lorsque ceux-ci ont leur temps de PPA.

Jo Boyle travaille dans une école primaire de l’ouest de Londres qui est restée fermée du fait de la grève. « Je suis en grève parce que je pense qu’il est important de soutenir un mouvement de grève de masse, a-t-elle dit. Je ne crois pas que cela va changer quoi que ce soit, mais je suis pour l’action en groupe pour changer les choses. Je ne me suis jamais impliquée dans le syndicat enseignant auparavant, mais je m’attendais à ce qu’on soutienne cette grève parce que je vois les enseignants comme des socialistes qui sont pour le changement.

 « Ce n’est pas tant la question du salaire, bien que ce soit difficile pour les enseignants qui travaillent à Londres d’accéder à la propriété, mais nous avons une qualité de vie convenable par rapport à bien des gens. C’est plutôt la question de la quantité de travail que nous fournissons et combien nous donnons de nous-mêmes. Nous ne nous sentons pas valorisés. Nous voyons d’autres gens travailler moins, avec moins de responsabilités et gagner plus.

 « Le système de rémunération ne soutient pas les gens qui veulent juste être de bons profs dans leur classe. Les gens sont contraints de s’impliquer dans le travail administratif juste pour une question d’argent. J’ai pris un TLR (Teaching and Learning Responsibility) après juste un an et demi dans la profession parce que j’avais besoin de davantage d’argent pour vivre à Londres et pouvoir payer mon loyer, alors qu’il aurait mieux valu pour moi que j’acquière davantage d’expérience comme enseignante.

 « La grève aurait eu un plus grand impact si les autres syndicats avaient aussi appelé à la grève. Je me demande pourquoi les autres syndicats ont accepté le plan salarial et pourquoi le NUT n’a pas davantage cherché à les convaincre d’être en grève avec nous. »

Jo a été d’accord pour dire que le NUT ne s’était pas opposé aux constantes attaques sur l’éducation : « Le syndicat aurait dû soulever les questions comme le National Curriculum [les programmes nationaux, n.d.t.], les SATs et le salaire au mérite (Performance Related Pay, PRP), » a-t-elle dit. « Nous n’étions absolument pas au courant de la question du salaire au mérite jusqu’à son acceptation et sa mise en place et après cela on a le sentiment qu’il est trop tard pour faire quoi que ce soit. »

Katie Noble a dit être en grève parce que le plan salarial était « complètement injuste. Il est en dessous du niveau de l’inflation. On nous demande de payer plus pour plein de choses dans la vie courante, mais les salaires ne suivent pas ».

 « On travaille toujours plus. On n’a plus de week-end, on se couche tard à faire des préparations, à faire des corrections, à faire du travail administratif. »

Gilly Chapman a acquiescé: « Les gens ont de grandes attentes sur ce que seront les nouvelles initiatives. »

 « Il y a toujours quelque chose de nouveau, a ajouté Katie, vous croyez que, ça y est, vous avez réussi à planifier vos cours et hop le gouvernement impose un nouveau cadre de travail et il faut tout recommencer. »

Gilly a dit qu’elle pensait que la grève pourrait marquer le début d’une action plus générale. Katie a dit que cela bougeait dans tous les services sociaux. « Je ne crois pas que le gouvernement va reculer, mais je ne crois pas qu’on en restera là. »

Un rassemblement d’un millier de personnes s’est tenu à Manchester au Friends Meeting House, qui était plein à craquer. Après la réunion, les enseignants sont allés rejoindre les travailleurs du secteur public syndiqués à UNISON pour défiler dans la ville. Les manifestants ont été spontanément applaudis par les passants, un contraste criant avec le déluge médiatique faisant état d’une opposition répandue à la grève parmi les parents.

 « Je suis très surprise de voir tant de monde, » a dit Lindsay qui enseigne depuis deux ans. « Je pensais qu’on serait confronté à l’hostilité des gens. Mais les gens applaudissaient. J’ai emmené avec moi ma nièce qui a 10 ans pour qu’elle sache pourquoi les enseignants sont en grève. J’adore enseigner, mais c’est épuisant, et bien que mon mari et moi ayons tous deux des emplois décents, nous avons quand même eu des difficultés à accéder à la propriété. »

Une infirmière à la retraite participait aussi à la manifestation de Manchester à Albert Square et a exprimé son soutien à la grève. « Quand je travaillais comme infirmière, on a aussi du faire grève et je suis d’accord avec les enseignants. Maintenant je suis à la retraite et c’est toujours difficile, je n’ai pas fini de payer ma maison et puis il y a les factures. »

A Sheffield une jeune enseignante de Rotherham a pris la parole lors d’un rassemblement, « J’aime passionnément mon métier, mais c’est un métier très exigeant et qui prend énormément de temps. 

 « Les nouveaux profs comme moi doivent faire de gros sacrifices et c’est un réquisitoire contre le New Labour que de devoir commencer ma carrière d’enseignant avec des dettes très importantes contractées pour payer mes études et financer ma vie d’étudiante. Beaucoup d’autres comme moi ont des dettes d’un montant vraiment écoeurant. »

Elle a expliqué qu’elle n’avait pas les moyens d’avoir une voiture ou de s’acheter une maison, tandis que le coût de la vie ne cesse d’augmenter. Elle a exprimé son écoeurement pour le New Labour et pour le reniement des promesses qu’il avait faites, notamment le mantra de Tony Blair « l’éducation, l’éducation et encore l’éducation. » Elle a dit, « Nous avons besoin d’un gouvernement qui tienne ses promesses. Je suis écoeurée de voir que les enseignants n’ont pas les moyens de s’acheter une maison moyenne dans une ville moyenne. »

Un enseignant a dit au WSWS, « Ce n’est pas seulement la question des difficultés financières des enseignants. C’est l’éducation qu’on est en train de détruire. Pas un seul de nos Year Seven [élèves de 11-12 ans, en première année de collège, n.d.t] n’a eu de professeur d’anglais cette année. J’ai beaucoup hésité à me mettre en grève. Ce n’est pas une décision facile pour moi. »

Un autre a ajouté, « Je n’ai jamais de week-end à moi. Je n’ai pas vraiment les moyens de me mettre en grève, mais maintenant je prépare les cours pour deux ou trois autres enseignants. On est submergé de travail et cela ne cesse d’augmenter tout le temps depuis quelques années. Je crois que le problème c’est que nous devrions tous nous mettre dans l’action et parler d’une seule voix. »

Une enseignante a dit être allée à un entretien pour un emploi dans une école et qu’on lui avait demandé si elle allait faire grève. « Il n’y a pas un département dans mon établissement qui ne soit pas touché par les absences, a-t-elle dit. Les profs quittent l’enseignement, on n’arrive pas à recruter de nouveaux enseignants, et puis il y a ceux qui sont en congé maladie pour cause de stress.

 « Cela a atteint un tel niveau qu’il est quasiment impossible d’assurer le travail. Cette grève n’est pas tant pour le salaire que pour les conditions de travail. Je connais des enseignants qualifiés qui ne peuvent pas se permettre de perdre une journée de salaire pour faire grève. »

Interviewé sur la chaîne de télévision Channel 4, le secrétaire d’Etat à la scolarité Jim Knight a cherché à dire que le salaire des enseignants était plus élevé qu’on ne le disait car il avait  augmenté de 19 pour cent depuis 1997. Cela signifie qu’en moyenne sur 11 ans, le salaire des enseignants a augmenté de beaucoup moins que 2 pour cent par an, ce qui revient dans les faits à une baisse de salaire étant donné le niveau de l’inflation qui se situe à plus de 4 pour cent. Le prix de l’immobilier a lui énormément augmenté, ainsi que les factures des services tels l’eau, l’électricité, etc. 

Les enseignants nouvellement diplômés sont particulièrement touchés du fait qu’ils entrent dans la vie active, criblés de dettes contractées pour payer leurs études et qui s’élèvent en moyenne autour de 20 000 livres sterling. Le gouvernement déclare aussi que les enseignants gagnent en moyenne 34 000 livres. C’est là en fait le salaire maximum après dix années d’ancienneté, et uniquement si les enseignants atteignent les objectifs attendus pour le salaire au mérite, ce qui dépend entièrement des contraintes budgétaires de l’établissement.

Knight a aussi essayé de se cacher derrière le School Teachers Independent Pay Review body, [organisme indépendant d’étude du salaire des enseignants, n.d.t.] qui avait recommandé le plan salarial au gouvernement. Cet organisme n’est indépendant que de nom, ses membres étant soigneusement choisis par le gouvernement.

Les enseignants des Further Education Colleges [établissements pour les élèves des classes de Première et de Terminale, préparant le diplôme de fin d’études secondaires, n.d.t.] ont aussi rejoint leurs collègues dans la journée d’action. Bien que ces professeurs enseignent à des élèves de 16 ans et plus et les préparent au A level (l’équivalent du bac, n.d.t.) et au GCSE (General Certificate of Secondary Education), ils ne reçoivent pas le même salaire que le reste de leurs collègues.

Lors des rassemblements, les appels à l’action unitaire de tous les salariés du secteur public contre le gouvernement, ont été particulièrement applaudis. Mais on ne pourra réussir une unité réelle que lorsque les travailleurs construiront leurs propres organisations ayant pour objectif l’utilisation des vastes richesses de la société pour la satisfaction des besoins humains et non des profits d’une minorité.

Les syndicats ont apporté la preuve qu’ils étaient incapables de défendre les conditions de vie. La situation économique d’aujourd’hui, avec l’effondrement du système bancaire, le resserrement du crédit et la récession qui menace, fait que les travailleurs doivent commencer à affirmer leurs propres intérêts sociaux et de classe, indépendants.

(Article original paru le 26 avril 2008)


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