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WSWS : Nouvelles et analyses : Economie mondiale

La conférence des Nations unies offre une aide dérisoire aux millions de victimes de la hausse des prix de la nourriture

Par Paul Mitchell
14 juin 2008

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Le sommet sur l’escalade des prix de la nourriture, convoqué par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à Rome la semaine dernière, fut dominé par des craintes au sujet des troubles sociaux causés par l’augmentation des prix de la nourriture de base et la hausse importante du prix de l’essence.

Mais cette rencontre de haut niveau dagences et représentants gouvernementaux venant des quatre coins du globe n’a réussi qu’à offrir une aide symbolique aux millions de personnes qui souffrent de la faim et même de la famine en raison de l’explosion des prix de la nourriture et de l’énergie.

Le prix des céréales a presque doublé durant la dernière année et le prix du riz a triplé au cours des cinq dernières années, d’environ 600 $ la tonne à plus de 1800 $ la tonne. Le prix du pétrole, qui a augmenté de 75 pour cent durant la dernière année, a fait grimper le coût du transport, de l’agriculture et des fertilisants. Pour un tiers de la population mondiale, ces énormes augmentations de prix font la différence entre une diète minimale et les affres de la faim.

Selon la FAO, 37 pays, soit 20 en Afrique, 9 en Asie, 6 en Amérique latine et 2 en Europe de l’Est, font présentement face à d’exceptionnels manques à gagner en terme de réserves et de production de nourriture. Des manifestations ont éclaté à travers le monde. Une instabilité politique liée aux marchés de la nourriture s’est développée au Maroc, en Ouzbékistan, au Yémen, en Guinée, en Mauritanie et au Sénégal.

Le gouvernement d’Haïti a dû abdiquer après avoir perdu un vote de confiance, à la suite de plusieurs jours de manifestations contre la montée des prix de la nourriture lors desquelles au moins cinq personnes seraient mortes et où des masses auraient tenté de prendre d’assaut le palais présidentiel.

Des émeutes se sont déclenchées à Mexico après que le prix des tortillas eut augmenté de 60 pour cent, et la hausse du prix des pâtes en Italie a provoqué des manifestations à la grandeur du pays.

La Chine est l’objet d’agitation à cause de la pénurie d’huile de cuisson.

Dans les pays développés, l’inflation des prix de la nourriture et de l’essence devient de plus en plus un fardeau pour les familles ouvrières qui tentent de joindre les deux bouts dans un marché de l’emploi en détérioration et une crise du logement. Aux Etats-Unis, le nombre de personnes ayant recours aux bons de nourriture devrait atteindre 28 millions l’an prochain, égalisant ainsi le record atteint en 1994.

Tous les gouvernements nationaux sont tout à fait conscients de la menace de troubles civils advenant une famine ou de graves pénuries de nourriture, et ont été forcés de mettre en oeuvre certaines mesures minimales pour calmer la crise à court terme, telle que la réduction des taxes sur l’importation et la mise en place de restrictions sur l’importation. Ces craintes expliquent en grande partie le nombre sans précédent de dirigeants mondiaux au sommet de Rome.

Le directeur général de la FAO Jacques Diouf a appelé à « des actions urgentes et concertées pour combattre les impacts négatifs de la hausse des prix de la nourriture sur les pays et les populations les plus vulnérables du monde » sous la forme d’une aide alimentaire immédiate et d’une augmentation des investissements en agriculture. Il fit remarquer qu’en 2006, 1200 milliards de dollars furent dépensés mondialement en armement.

« Est-il possible dans ces conditions d'expliquer aux personnes de bonne volonté et de bonne foi que l'on ne peut pas trouver 30 milliards de dollars par an pour permettre à 862 millions d'affamés de bénéficier du droit humain le plus fondamental, celui à la nourriture, donc à la vie ? » a-t-il demandé.

Son appel a généré une maigre réponse de moins de 3 milliards de dollars en promesses d’aide supplémentaire.

Diouf a dit lors du sommet que la présente crise alimentaire était une « chronique d’un désastre annoncé ». Il a dit que le Sommet mondial de l’alimentation de 1996 avait fait un « serment solennel » pour réduire de moitié la famine mondiale avant 2015 et que le Sommet mondial de l’alimentation de 2002 avait déterminé qu’il fallait seulement 24 milliards de dollars pour éradiquer la faim dans le monde.

Cependant, le financement des programmes agricoles dans les pays en développement avait diminué « significativement » a déclaré Diouf. Il continua : « Aujourd’hui, les faits parlent pour eux-mêmes : de 1980 à 2005, l’aide pour l’agriculture est passée de 8 milliards de dollars (basés sur 2004) en 1984 pour chuter à 3,4 milliards de dollars en 2004, représentant une réduction en termes réels de 58 pour cent. »

Il a accusé les pays riches du monde d’interférer sur les marchés mondiaux en dépensant 372 milliards de dollars en 2006 seulement pour soutenir leur agriculture. Il a fait remarquer qu’il avait émis des avertissements en septembre dernier quant aux risques de troubles sociaux et politiques causés par la famine et il a ajouté qu’en décembre, il avait demandé 1,7 milliard de dollars pour aider les agriculteurs à acheter des semences, des engrais et de la nourriture pour les animaux.

Les responsables ont « plutôt fait la sourde oreille » à l’appel et « c’est seulement lorsque les déchus et ceux exclus des tables fournies des riches sont sortis dans les rues pour exprimer leur mécontentement et leur désespoir que les premières réactions de soutien pour une aide alimentaire ont commencé à apparaître. »

Diouf a dit qu’il trouvait cela « incompréhensible » que la crise alimentaire était demeurée sans solution dans des conditions où un marché du carbone de 64 milliards de dollars a été rapidement créé dans les pays en voie de développement et où des subventions valant 12 milliards de dollars furent utilisées pour enlever 100 millions de tonnes de céréales à la consommation humaine pour la production de biocarburants.

En réplique, le secrétaire de l’agriculture américain, Ed Schafer, a vanté les mérites des biocarburants et des cultures modifiées génétiquement, un commerce qui est dominé par les entreprises américaines. Il a prétendu que moins de trois pour cent de l’augmentation globale des prix de la nourriture étaient attribuables à la compétition provenant des biocarburants, même si l’Institut international de recherche pour des politiques alimentaires, basé à Washington, estimait plutôt son impact à près de 30 pour cent.

La déclaration du sommet a terminé avec une formulation floue en appelant les gouvernements à « favoriser un dialogue international cohérent, efficace et orienté vers des résultats sur les biocarburants dans un contexte de sécurité alimentaire et de besoins en développement qui peuvent être maintenus. »

L’incapacité du sommet à fournir une solution à la crise alimentaire montre qu’une telle organisation n’est pas en mesure d’examiner l’incompatibilité du système capitaliste avec les besoins de milliards de pauvres et de travailleurs. Par exemple, il n’y a eu pratiquement aucune mention de la spéculation et du commerce dans les intérêts et dans les dettes qui ont un impact direct sur les bourses de marchandises agricoles et qui ont été un facteur majeur dans les récentes augmentations des prix de la nourriture et de l’essence.

Comme un récent article dans le magazine New Statesman le disait : « La raison des « pénuries » de nourriture c’est la spéculation sur les marchandises achetées à terme après l’effondrement des marchés financiers dérivés. Désespérés d’obtenir des gains rapidement, les investisseurs retirent des centaines de milliards de dollars des actions et des obligations hypothécaires et les réinvestissent dans la nourriture et les matières premières. Cela s’appelle le « super cycle des marchandises » à Wall Street et ça causera probablement de la famine à une échelle épique. »

L’article conclut : « Comme pour le boum dans le prix des maisons, l’inflation du prix des biens de consommation se nourrit de lui-même. Plus les prix montent et d’importants profits sont réalisés, plus il y de nouveaux investisseurs. Regardez les sites Internet financiers : tout le monde se rue sur les biens de consommation… Le problème c’est que si vous êtes l’une des 2,8 milliards de personnes, presque la moitié de la population mondiale, vivant avec moins de $2 par jour, ces profits pourraient bien vous coûter votre vie. »

Après l’effondrement du marché immobilier, provoquant les problèmes sur le marché du crédit et menaçant de provoquer une récession, le capital a investi les fonds indexés, des options sur les principales marchandises sur les marchés de Londres, New York et Chicago, surchauffant l’inflation sur les biens et les matériaux de bases. Une bulle spéculative vient d’être créée comme avant avec celle du marché des prêts hypothécaires à risque et des technologies.

Les producteurs agricoles vendent sur la base de « contrat à terme » leurs productions plusieurs mois avant la récolte, garantissant ainsi un prix.  Les distributeurs de grains et les transformateurs achètent ces contrats à terme, garantissant qu’ils ne paieront pas plus au moment de la récolte. Cependant, cet arrangement a été détruit par une arrivée massive de capital spéculatif – de 13 milliards en 2003 à 260 milliards cette année.

La situation a été exacerbée par le programme de déréglementation introduit en 1991 par la Commission sur le commerce à terme des biens de consommation (CFTC), qui relâcha les règles visant à limiter le montant des transactions que pouvait réaliser les spéculateurs pour un bien spécifique. Plus tôt cette année, le CFTC lançait une enquête suite à des allégations de manipulation des prix autour de la production et la vente de pétrole brut et une autre pour le prix du coton. En une journée en mai, le prix du coton à terme explosait de 85 cents la livre à 1,09 $, malgré les rapports indiquant un surplus de stock de coton aux États-Unis.

Alors que l’inflation et la pénurie a exposé des milliards de personnes à la faim à travers le monde, les compagnies géantes qui dominent de plus en plus la production agricole profitent d’énormes augmentations dans les profits. Le plus grand producteur de grain aux États-Unis, Archer Daniels Midland, révélait dans son rapport trimestriel, un bond de 42 pour cent dans les profits et leur dirigeant exécutif, Patricia Woertz, qui clamait que « La volatilité du prix des biens de consommation offre des opportunités sans précédent. »

En dernière analyse, la crise est le produit du marché capitaliste lui-même. Ce n’est pas une question d’un trop grand nombre de bouches à nourrir ou de trop peu de nourriture pour combler les besoins humains. Selon la FAO, la nourriture est actuellement produite en quantités record, mais le marché a fait grimper les prix au-delà de la portée de la majorité de l’humanité dans les pays les plus opprimés, et il réduit au même moment les conditions de vie des travailleurs dans le monde capitaliste plus avancé.

Un après l’autre, les pays ont été rendus vulnérables à la hausse des prix mondiaux des marchandises par les politiques de « libre-échange » implantées à la demande de Washington et des agences financières internationales telles que le Fond monétaire international et la Banque mondiale lors des trois dernières décennies. L’intégration des économies des pays opprimés dans le marché mondial les a amenés à concentrer leurs efforts dans des cultures d’exportations spécialisées, pendant que la démolition des barrières tarifaires pavait la voie à des denrées de base subventionnées provenant des pays plus avancés, s’accaparant ainsi les marchés locaux.

Comme l’a expliqué au sommet de la FAO Walter Poveda Ricaurte, le ministre de l’Agriculture de l’Équateur, lorsqu’au cours des dernières décennies les prix de la nourriture étaient bas, l’Équateur a cessé de produire son propre blé, son maïs et son soya, et s’est tourné vers l’importation de ces produits qui étaient moins chers. « Les prix de ces marchandises ayant doublé durant la dernière année, le pays ne peut plus se les permettre », a-t-il déclaré.

Le sommet s’est conclu en appelant à un nouvel engagement « envers la conclusion rapide et réussie du programme de développement de Doha » sur la libéralisation du commerce, laissant présager une domination encore plus grande de la production mondiale de nourriture par les firmes agricoles géantes et un appauvrissement encore plus marqué des peuples du monde.

(Article original anglais paru le 9 juin 2008)


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