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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le Parti socialiste reste profondément divisé à l’issue du congrès de Reims

Par Francis Dubois
24 novembre 2008

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Le congrès du Parti socialiste français (PS) qui s’est tenu du 14 au 16 novembre à Reims et auquel participèrent environ 4000 personnes (dont 631 délégués, 860 adhérents et environ 700 journalistes) s’est terminé dans une complète division.  

Les dirigeants de ce parti appelèrent bien nombreux à l’unité et exercèrent bien des pressions, mais on ne put trouver une majorité en faveur d’une « synthèse » des quatre principales motions soumises à ce congrès à la suite d’un vote des adhérents le 6 novembre.

L’élection du premier secrétaire du parti se fera donc par un vote à bulletin secret de tous les membres le 20 novembre. C’est la première fois depuis le congrès de Rennes en 1990 qu’un congrès du PS se termine sans  majorité. Lors de son dernier congrès, tenu en novembre 2005 au Mans, le Parti socialiste avait réussi à trouver une « synthèse » de dernière minute. La direction du PS était alors divisée principalement sur la question de la constitution européenne, une majorité du parti soutenant ce traité. La victoire des adversaires de la constitution  au cours d’un referendum qui s’était tenu la même année avait conduit à une crise sévère de cette organisation.

La centaine de dirigeants du parti et leurs aides réunis dans la « commission des résolutions » dans la nuit du 15 novembre ne purent que constater leur échec à trouver un quelconque compromis capable de conduire à une unité de dernière minute. Ségolène Royal, la candidate du PS à la dernière élection présidentielle a claqué, non sans calcul, la porte de la commission. Pour finir, seuls le député européen Benoit Hamon et la maire de Lille, Martine Aubry maintinrent, outre Royal, leur candidature. 

Dimanche matin, Bertrand Delanoë, le maire de Paris expliquait qu’il n’avait pas voulu ajouter à la division et s’était donc retiré de la course. A la fin des délibérations le premier secrétaire sortant, François Hollande, résuma la situation en disant : « Je prends note du fait qu’il n’y a pas de majorité aujourd’hui au parti socialiste, c’est un moment difficile. »

Le vote du 20 novembre déterminera qui sera le prochain premier secrétaire du Parti socialiste. Si aucun des candidats n’obtient une majorité absolue les deux premiers se départageront lors d’un autre scrutin le jour suivant. C’est ensuite le candidat qui aura le plus grand nombre de voix qui l’emportera et sera le prochain dirigeant du parti. L’élection à la direction du parti est aussi considérée comme une nomination anticipée du candidat du PS à l’élection présidentielle de 2012. Royal parait avoir un avantage sur ses rivaux du fait qu’elle conduit la motion ayant obtenu le plus de voix le 6 novembre (29 pour cent). 

Le congrès lui-même s’est ouvert dans la division la plus totale. Les quatre motions présentées par Ségolène Royal, Bertrand Delanoë, Martine Aubry et Benoit Hamon qui représente la soi-disant aile gauche, ont chacune reçu entre un tiers (Royal) et un cinquième des voix (Hamon) aucune n’obtenant la majorité. Une motion écologiste et une motion « utopie » n’obtinrent qu’un soutien marginal. Aucune des fractions en lice ne représente une opposition au capitalisme quelle qu’elle soit.

Alors que les factions qui s’étaient regroupées autour des diverses motions en décousaient au congrès (les motions servant de toit à des tendances et à des intérêts variés et conflictuels et à des alliances de nature souvent très temporaire) l’atmosphère était vite devenue houleuse. On allait des huées adressées à l’orateur de l’autre bord aux applaudissements frénétiques pour celui qu’on défendait, chaque faction essayant, toujours au nom de l’« unité », d’être plus adroite que l’autre, de l’intimider ou de la forcer à accepter sa propre position.   

Royal, dont l’arrivée au congrès vendredi a été marquée par une ruée des journalistes et par des bousculades largement rapportées dans les médias, avait déclaré être candidate juste avant le début du congrès, essayant d’imposer ainsi son « unité » à ses trois rivaux. On parla ensuite beaucoup d’une possible majorité autour d’un front « anti Royal » composé d’Aubry, Delanoë et Hamon. De nombreux délégués voyaient dans cette solution la seule manière d’obtenir, coûte que coûte, une majorité.  

Ainsi que l’ont souligné les médias et les dirigeants du Parti socialiste eux-mêmes, il n’y avait entre les diverses motions aucune différence fondamentale ou irréconciliable. Cela fut souligné également par ceux qui présentaient les motions au congrès, l’observateur se demandant, devant le spectacle d’antagonismes tant venimeux que tangibles pourquoi il en était ainsi. La plupart des journalistes, ainsi que de nombreux délégués craignant pour l’unité du PS, ont eux décrit cet état de choses comme une infortunée et inutile « bataille d’égos ». 

S’il n’y a pas de divergences entre les diverses factions en ce qui concerne la nécessité de défendre le capitalisme et d’empêcher la classe ouvrière de le mettre politiquement au défi, il y a en revanche des désaccords sur la manière de réaliser de tels objectifs. L’avenir politique du Parti socialiste et les intérêts matériels considérables liés à des postes, élus ou non, dépend de la capacité de ce parti à remplir cette fonction. Le PS a été, sous sa forme actuelle, un soutien indispensable de la politique capitaliste en France depuis le début des années 1970.    

Les médias informèrent en détail sur le déroulement de ce congrès qui fit la une des journaux français durant trois jours. Il est prévisible que dans les conditions d’une crise économique et politique qui va s’intensifiant et d’une radicalisation politique de la classe ouvrière, la bourgeoisie française aura une fois de plus besoin des sociaux-démocrates au gouvernement.   

Le Parti socialiste a été dans une crise visible depuis sa défaite à l’élection présidentielle d’avril 2002. Lionel Jospin, premier ministre à l’époque avait obtenu moins de voix que le fasciste Jean-Marie Le Pen au premier tour. Cette humiliation avait marqué la fin de la « Gauche plurielle », une coalition gouvernementale dirigée par le PS et comprenant les Verts et le Parti communiste. Depuis, ce parti, bourgeois de part en part, s’est déplacé rapidement vers la droite.   

Après la défaite à l’élection présidentielle de 2007, un nombre appréciable des dirigeants du PS ont soit rejoint le gouvernent Sarkozy, soit collaboré avec lui au sein de l’une ou de l’autre « commission », comme l’ancien ministre de l’Education Jack Lang (qui soutient Aubry) ou l’ancien Primer Ministre Michel Rocard (qui soutien Delanoë), tous deux présents aux congrès. Cette collaboration ouverte avec l’actuel gouvernement conservateur ne fut même pas mentionnée et encore moins débattue durant ce congrès. 

Une expression de la crise où se trouve ce parti est le fait que seuls 126 000 adhérents (55,38 pour cent) ont voté sur les motions présentées le 6 novembre.

Le Parti socialiste français se trouve a présent coincé entre l’UMP de Sarkozy (qui depuis l’éclatement de la crise financière a adopté un cours d’intervention étatique destiné à défendre les intérêts du capital financier français contre ses rivaux au niveau international) et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) des pablistes, qui a lui, pour objectif de donner une base plus « radicale » à la « gauche » politique et à la bureaucratie syndicale. Jusqu’ici, ce rôle avait été joué par le Parti socialiste et son proche allié, le Parti communiste. 

Une réaction à cette situation a été la scission juste avant le congrès d’une faction dirigée par le sénateur PS Jean-Luc Mélenchon. Celui-ci a immédiatement proposé une collaboration au NPA dans la prochaine élection européenne.

Les différentes motions mises au vote avant le congrès indiquent un certain nombre de divergences de nature toute tactique. Il s’agit de divergences sur des alliances avec d’autres partis bourgeois, en particulier sur une coalition au niveau national avec le Modem (Mouvement démocratique) de François Bayrou et de l’attitude à prendre envers d’autres partis de la « gauche », tels que le Parti communiste stalinien et la pseudo trotskiste Lutte ouvrière.

De telles alliances ont déjà eu lieu dans diverses régions lors des dernières élections municipales et ont été soutenues par tous les camps en présence au congrès. Certains, comme Delanoë et Aubry, préconisent une alliance traditionnelle avec les staliniens et la bureaucratie syndicale, d’autres comme Royal, une alliance avec le politicien libéral Bayrou. D’autres encore, comme Hamon, laissent la porte ouverte à une alliance avec l’ensemble de la gauche (y compris le NPA).  

Il existe aussi des divergences sur l’Europe et le rôle de l’Union européenne ainsi que sur la réponse à apporter à la crise économique et financière. La plupart des motions préconisent une réglementation renforcée des marchés financiers. Pour des raisons qui lui sont propres, le groupe parlementaire socialiste s’est récemment abstenu lors du vote sur le plan de sauvetage du gouvernement pour les banques. Toutes les tendances proposent à présent un degré ou un autre de réforme du système capitaliste. Ces propositions ne sont pas différentes de ce qui se discute actuellement dans l’UMP ou dans le Modem.

La principale pomme de discorde aux congrès a cependant été la marche future du parti. Ce conflit s’est manifesté en condensé dans la candidature de Royal au poste de premier secrétaire et dans la réaction hostile mais divisée des autres tendances. Sous les mots d’ordre de « plus de démocratie » et d’un « renouveau du parti », Royal fait campagne pour transformer le Parti socialiste en une organisation populiste tournant autour de sa personne. Elle cherche à construire une machine électorale sur le modèle du parti démocrate aux Etats-Unis, s’appuyant sur des supporters qu’on mobilise pour de grands meetings, au lieu d’un parti basé sur une structure telle que celle du Parti socialiste. Cette ligne se heurte à la forte résistance d’un nombre important de ceux qui ont dirigé le PS ces trois dernières décennies.  

Royal et sa faction ont poursuivi cette ligne depuis la campagne de l’élection présidentielle de 2007. Son camp a profité de la désunion qui régnait alors dans la direction du PS pour faire passer sa candidature.

Dans le discours qu’elle a prononcé au congrès et qui consistait en un mélange de démagogie et de pression sur les autres factions, elle souligna le besoin de permettre à la base du parti et avant tout « au peuple français » de décider. Elle parla de « l’ouverture du parti aux masses » et de « la transformation de notre parti en un grand parti populaire ». Une de ses principales propositions, provoquant les applaudissements frénétiques d’une partie de l’auditoire, a été de soumettre la question des alliances à un vote direct des « militants » (les adhérents) et d’ouvrir le parti à quiconque voudrait bien payer la cotisation réduite de 20 euros.

Royal souligna que ce qui était requis en France contre Sarkozy, c’était une « lutte de tous les républicains ». Elle demanda de façon ironique aux autres factions si un « autre front populaire » ne les tentait pas. Elle pressa le congrès, de façon démagogique, de s’unir derrière elle, disant que « le temps que nous gaspillons en joutes dérisoires, lui, le malheur le met à profit et il prospère ».  

Sa ligne se heurta à une forte opposition d’une partie du PS, telles les forces qui se trouvent derrière Aubry et Hamon, qui craignent qu’elle ne conduise à une dissolution de l’appareil et ne lui aliène tout vestige de soutien dans l’électorat ouvrier. Pour ces gens, elle signifierait aussi la fin du Parti socialiste tel qu’il existe depuis 1971.

Il y a une véritable inquiétude au sein de cette partie du PS, proche de la bureaucratie syndicale, que le chemin proposé par Royal ne ruine sa chance de maintenir une influence quelconque dans la classe ouvrière et par conséquent n’empêche ce parti de jouer le rôle qu’il joue le mieux : celui de se poser en alternative de gauche aux partis bourgeois traditionnels afin d’étrangler les luttes de la classe ouvrière.

Il y a aussi l’inquiétude dans les médias et parmi les délégués que l’échec à parvenir à un accord au congrès de Reims conduira à une fracture irréversible dans le parti. Certains considèrent l’éclatement du Parti socialiste comme tout à fait possible dans un avenir prochain.

Une des choses frappantes de ce congrès fut que, malgré toutes les joutes spectaculaires, il ne put y avoir aucune discussion de la part des factions en lutte sur des questions politiques. Les formules codées prononcées dans tous les discours avaient pour seule fonction d’appuyer le maquignonnage ouvert entre factions et la compétition intense à propos des postes. Pas une seule question politique ou sociale ne fut soulevée et encore moins débattue le temps que dura ce congrès.  

Tout fut fait pour empêcher la véritable politique du Parti socialiste d’être révélée et reconnue, car toute discussion politique menée au grand jour aurait rapidement mis à jour le caractère totalement droitier de cette organisation.

(Article original anglais paru le 18 novembre 2008)


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