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Elections canadiennes : Les travailleurs ont besoin d’un nouveau parti

Le piège du mouvement « tout sauf Harper »

Par Keith Jones
14 octobre 2008

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Le tsunami financier qui a frappé Wall Street, les banques et les bourses de par le monde souligne l’urgence pour la classe ouvrière, anglophone, francophone et immigrante, de se constituer en une force politique indépendante et d’avancer son propre programme pour résoudre la crise économique aux dépens de la grande entreprise, pas des travailleurs.

Même les grands médias ont concédé que la crise actuelle est la plus grave et plus profonde depuis la Dépression des années 1930. Ce sera cette crise mondiale et pas les banales promesses électorales et formules développées pour les informations télévisées des cinq partis en lice dans les élections fédérales de mardi qui déterminera le programme du prochain gouvernement, peu importe ceux qui le formeront.

Le premier ministre conservateur Stephen Harper a déclaré que le Canada ne sera pas touché par l’ouragan économique. Et il a obstinément maintenu cette pose même si des centaines de milliards de dollars se sont évaporés à la Bourse de Toronto, que le dollar s’est effondré et que les économistes ont reconnu qu’une récession mondiale est inévitable.

Si Harper a hésité à discuter des implications de la crise, c’est par crainte des conséquences électorales que cela aurait pu avoir. Il sait bien que pour venir à la rescousse de la grande entreprise canadienne dans une position chancelante, le nouveau gouvernement sera forcé d’imposer des compressions draconiennes dans les dépenses sociales entre autres mesures impopulaires, alors que les entreprises devront, elles, éliminer des emplois et couper dans les salaires.

Le Parti libéral, le Nouveau Parti démocratique, le Bloc québécois et les Verts ont cherché à gagner des voix en soulignant l’indifférence manifeste de Harper envers les préoccupations des travailleurs quant à leur emploi, leur épargne et leur retraite. Mais ils n’en sont pas moins des serviteurs de la grande entreprise et, par conséquent, incapables d’énoncer cette vérité élémentaire : cette crise signifie l’échec du capitalisme, un système économique dans lequel la production, l’emploi et la satisfaction des besoins sociaux les plus fondamentaux sont subordonnés au profit.

Confrontés à la crise économique qui gagne en vigueur, les quatre partis de l’opposition ont réitéré leur engagement à ce que les budgets demeurent équilibrés. Ils ont promis de ne pas réaliser leurs modestes promesses d’augmentation des dépenses sociales « si nécessaire », adhérant à l’interdiction néo-libérale de tout déficit. Si l’un des partis de l’opposition, ou une coalition de ceux-ci, devait former le prochain gouvernement, il défendrait tout aussi sûrement les intérêts de la grande entreprise que les conservateurs et chercherait à faire porter le poids de la crise sur les travailleurs.

On trouve la cause immédiate des convulsions financières mondiales dans la tentative de la classe capitaliste de résoudre ses difficultés à réaliser des profits en produisant en se tournant vers la spéculation et la manipulation financière.

Un autre moyen par lequel la grande entreprise a cherché à résoudre sa crise a été le démantèlement de l’Etat providence et l’augmentation radicale de l’exploitation de la classe ouvrière. Durant les trente dernières années, la grande entreprise canadienne a systématiquement coupé des emplois et poussé les salaires vers le bas. Les gouvernements de toutes tendances, pendant ce temps, ont éviscéré l’assurance-chômage et les services sociaux publics, mis en place une batterie de lois pour briser les grèves et pour restreindre les autres droits des travailleurs et ont redistribué la richesse aux sections les plus riches de la société au moyen de coupes dans les impôts et les taxes sur le capital, sur les revenus personnels et sur les revenus des compagnies.

L’éruption du militarisme a été la troisième façon dont le capital a répondu à la crise de son système. En lançant des guerres en Irak et en Afghanistan, l’élite dirigeante américaine a cherché à s’assurer la domination stratégique et militaire des régions pétrolières les plus importantes dans le monde pour se placer en position avantageuse par rapport à ses rivaux impérialistes. Les autres grandes puissances et les pays qui aspirent à le devenir ont répondu de la même façon, annonçant des plans pour une expansion ambitieuse de leurs armées.

Ce n’est que dans ce contexte qu’on peut comprendre l’enthousiasme de la classe dirigeante canadienne à faire la guerre en Afghanistan et à soutenir le gouvernement fantoche d’Hamid Karzaï mis en place par les Américains. Comme Harper l’a dit clairement, si le Canada veut devenir un « joueur » qui compte à l’échelle mondiale, c’est-à-dire un participant dans la lutte entre les blocs nationaux de capitalistes pour les profits, les marchés et le contrôle des positions géostratégiques, il doit être prêt à faire la guerre dans les pays lointains.

La crise des années 1930 a mené au fascisme et à la guerre mondiale. Pour éviter un sort semblable à l’humanité au 21e siècle, la classe ouvrière au Canada, de concert avec ses frères et sœurs de classe de par le monde, doit avancer un programme socialiste. Le système financier et les principales compagnies industrielles doivent devenir la propriété de la classe ouvrière et être mis sous contrôle démocratique de cette dernière. Ce n’est qu’ainsi que les ressources de la société pourront être canalisées pour satisfaire les besoins sociaux plutôt que déployées pour enrichir qu’une infime minorité.

Harper et Bush

Le débat électoral a souvent porté sur la validité de comparer Harper avec Bush. En analysant ce débat de façon critique, les travailleurs rejetteront les « conclusions » auxquelles arrivent les deux côtés.

Les grands médias, en tout cas la majorité de ceux-ci, ont insisté que Harper était un « modéré », un politicien de centre-droit, qui a en pratique répudié depuis longtemps toutes ses anciennes positions néo-conservatrices. La suggestion que lui et Bush sont des frères politiques n’est, si on devait les croire, qu’une caricature grossière.

La réalité est que le gouvernement Harper fait partie des alliés les plus proches de l’administration Bush. Le Canada a entièrement appuyé l’invasion du Liban par Israël en 2006, une opération encouragée par les Etats-Unis. Il s’est allié avec Washington pour rejeter le traité de Kyoto sur les gaz à effet de serre. Harper, lui seul parmi tous les dirigeants des gouvernements occidentaux, a refusé de critiquer le camp de concentration de Bush à Guantanamo Bay et les commissions militaires qui servent de cours de justice, illégales de façon évidente, refusant d’appeler pour l’extradition du citoyen canadien Omar Khadr. Et en 2003, Harper a prononcé un discours devant la Chambre des communes soutenant la participation du Canada à la guerre en Irak. Au moins la moitié de son discours avait été directement copié d’une déclaration du premier ministre australien et proche allié de Bush, John Howard.

En prenant en compte les différences de caractère et leurs rôles respectifs dans les affaires mondiales, Harper et Bush sont du même type social, personnifiant le virage de la classe capitaliste vers la réaction sociale et la guerre. Comme Bush, Harper s’est fait le promoteur enthousiaste du militarisme, faisant de la guerre de contre-insurrection de Forces armées canadiennes (FAC) en Afghanistan la question déterminante de son gouvernement et proclamant que l’armée était la source des libertés des Canadiens. Il a fait la promotion des diminutions d’impôts comme la meilleure, si ce n’est l’unique, solution à chacun des problèmes socio-économiques, a fait des appels réactionnaires en défense de la loi et de l’ordre pour justifier l’augmentation des pouvoirs de répression de l’Etat, a courtisé la droite religieuse et a attaqué sans merci ses adversaires politiques bourgeois, les accusant d’être pratiquement des traîtres pour remettre en question certains agissements des FAC.

Né d’une fusion entre l’Alliance canadienne, un parti populiste de droite et le deuxième parti traditionnel de l’élite canadienne formant le gouvernement, le Parti progressiste-conservateur, le Parti conservateur de Harper est un nouveau venu de la politique canadienne, dont l’arrivée au pouvoir atteste de la détermination de la grande entreprise à mener une guerre de classe ininterrompue.

Si les grands médias veulent cacher les affinités entre Bush et Harper, c’est parce qu’ils veulent désarmer la classe ouvrière.

Reconnaître cela n’est pas la même chose que souscrire à l’affirmation que pour « stopper la poussée vers la droite », les travailleurs doivent voter et soutenir les partis de l’opposition, le mouvement « tout sauf Harper ». Et ce n’est pas soutenir la conception que le Nouveau Parti démocratique (NPD) ou tout autre parti de l’opposition mérite qu’on le soutienne parce qu’il constituerait un « moindre mal ». Le virage de la bourgeoisie vers la réaction et la crise économique mondiale souligne plutôt qu’il est urgent que la classe ouvrière construise son propre parti pour entreprendre la lutte contre le capitalisme.

Tous les partis de l’establishment ont été complices du démantèlement des services sociaux publics, de l’attaque sur les droits démocratiques et les droits des travailleurs et de l’adoption par les FAC d’un rôle ouvertement guerrier. Tous contribuent à leur façon à ce que la population soit embrigadée dans le programme du grand capital canadien. Dans cet arrangement, les sociaux-démocrates du NPD et leurs alliés des appareils syndicaux ont le rôle particulier de diffuser et de faire dérailler l’opposition de la classe ouvrière.

Le gouvernement conservateur de Harper n’a qu’élargi et approfondi le programme de droite des gouvernements libéraux de Jean Chrétien et de Paul Martin. Ce furent les libéraux qui, au nom de l’élimination du déficit budgétaire, ont imposé entre 1995 et 1997 les plus importantes coupes dans les dépenses publiques de l’histoire canadienne et retiré à la majorité des Canadiens la possibilité d’être couvert par l’assurance-chômage. En 2000, ils ont annoncé 100 milliards de dollars en diminutions d’impôts. Ce sont aussi les libéraux qui ont ordonné aux FAC de se joindre à l’OTAN en 1999 dans sa guerre contre la Yougoslavie; qui ont fait que le Canada est devenu un partenaire des Etats-Unis dans leur guerre en Afghanistan et qui ont plus tard amené le Canada dans le sud de l’Afghanistan pour qu’il y joue un rôle dirigeant dans la campagne coloniale de contre-insurrection; qui ont offert le soutien militaire aux Américains dans son invasion illégale de l’Irak, un soutien qui a été, dans les mots de l’ambassadeur américain à cet époque, beaucoup plus important que celui de plusieurs des pays membres de la « coalition des volontaires » de Bush; et qui ont commencé l’importante expansion et le réarmement massif des FAC.

La même chose, peut-on rajouter, pourrait être dite à propos de George W. Bush. Son administration représentait seulement un nouveau stade dans le tournant de l’élite dirigeante américaine vers la réaction et la guerre. Ce fut le démocrate Carter qui a lancé l’assaut de dérégulation de la bourgeoisie américaine. L’administration Clinton a été le fer de lance des « allocations conditionnelles » de l’aide sociale et a fait du « changement de régime en Irak » une politique du gouvernement américain. Aussi, même si Barack Obama, que le chef libéral Stéphane Dion et le chef du NPD Jack Layton ont pris comme exemple, a fait appel à l’opposition populaire à la guerre en Irak et aux coupes d’impôts de Bush, il a clairement démontré qu’il favorise une présence massive de l’armée américaine en Irak pour les décennies à venir et il s’est rallié derrière le plan de sauvetage de 700 milliards $ de l’administration Bush, en vertu duquel la classe ouvrière paiera pour sauver la richesse de la ploutocratie américaine.

Le mouvement « tout sauf Harper »

La comparaison Bush-Harper est au centre des appels faits par les syndicats, Québec solidaire, les ONG environnementaux ainsi que différents groupes de protestation pour un « vote stratégique » mardi afin de défaire les conservateurs. Plusieurs mettent aussi de l’avant une alliance postélectorale, ou carrément une coalition, qui unirait les libéraux, le NPD, les Verts et, possiblement, le BQ indépendantiste.

Cette perspective fut le plus clairement avancée par Judy Rebick, l’ancienne présidente du Comité d’action national sur le statut de la femme, la chef de la maintenant défunte Initiative pour des nouvelles politiques (une faction « de gauche » du NPD) et l’éditrice et fondatrice de rabble.ca. Écrivant dans le Globe and Mail du 8 octobre, Rebick déclare : « Au lieu de se tourner l’un contre l’autre dans ces derniers jours critiques de la campagne, les partis de l’opposition peuvent commencer à négocier pour s’assurer qu’un nouveau gouvernement représentant la majorité des Canadiens émergera de cette élection. » Elle a cité comme exemple l’accord intervenu entre le NPD et les libéraux en Ontario en 1985, sous lequel les sociaux-démocrates avaient appuyé les libéraux pour qu’ils forment le gouvernement provincial de l’Ontario en échange de réformes sociales mineures, « Il n’y a aucune raison pourquoi les libéraux, le NPD, le Bloc ou les verts ne peuvent faire la même chose. » Sans nécessairement former une coalition ou « s’entendre sur tout », les quatre partis, soutient Rebick, peuvent « s’entendre sur la protection des emplois, la protection contre les saisies de maisons et la défense des retraites face à la crise économique mondiale et sur des mesures importantes contre les changements climatiques. »

Autrement dit, dans les conditions de la plus grande crise économique depuis la Grande Dépression, Rebick veut que les travailleurs placent leur confiance et dirigent leurs énergies vers les partis de l’establishment capitaliste, des partis qui ont constamment démontré qu’ils représentent non pas « la majorité » des Canadiens, mais plutôt les intérêts de la grande entreprise.

C’est uniquement dû à des raisons tactiques que le NPD n’a appelé ni à un « vote stratégique », ni à une coalition avec les libéraux. Le NPD craint que s’il propose une alliance avec les libéraux, il pourrait amener les électeurs « mous » du NPD à voter pour eux plutôt que pour le NPD et ainsi affaiblir la position de négociation post-électorale du NPD.

Mais, l’objectif des sociaux-démocrates est de collaborer avec le parti regroupant d’évidents représentants de la grande entreprise canadienne, tels Jean Chrétien, Paul Martin et le défenseur de la guerre en Irak et apologiste de l’administration Bush, Michael Ignatieff.

Le NPD continue de présenter le budget libéral de 2005 comme le « premier budget du NPD ». En échange de quelques modestes augmentations de dépenses et d’un report de baisses d’impôts pour les entreprises, le NPD, au printemps de 2005, a donné son appui au gouvernement minoritaire du grand coupeur de budget et d’impôts Paul Martin, lui permettant de demeurer au pouvoir pour un autre six mois.

De plus, sous Jack Layton, le NPD a ouvertement courtisé les politiciens libéraux dissidents et s’est davantage dissocié de la classe ouvrière en se présentant comme un « parti progressiste » — un terme aux connotations liées étroitement à l’establishment en politique canadienne. Ce n’est pas accidentel, considérant cela, que Layton a constamment louangé le passé politique de son père, un ministre du cabinet du gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney.

Les travailleurs et les jeunes qui ont des sympathies pour le socialisme doivent rejeter la campagne « tout sauf Harper » et l’appel qui lui est rattaché pour une alliance ou une coalition entre certains ou tous les partis de l’opposition. C’est un piège pour la classe ouvrière.

L’alliance défendue par Rebick servirait de mécanisme pour institutionnaliser au palier fédéral la collaboration entre les bureaucraties syndicales et les grandes entreprises. Cette collaboration aura comme premier objectif la réorganisation du capitalisme canadien dans des conditions de crise économique et aux dépens des intérêts de la classe ouvrière.

Le « vote stratégique » a émergé pour la première fois comme une question politique majeure lors des élections ontariennes de 1999. C’était la réponse de la bureaucratie syndicale à l’éruption d’une opposition de masse à la révolution du bon sens (une attaque tous azimuts sur la position de la classe ouvrière par le gouvernement provincial de Mike Harris). Initialement, la bureaucratie syndicale appuya une campagne de protestation contre le gouvernement Harris, mais elle changea d’avis après que l’opposition à Harris fut devenue plus radicale. Une grève illimitée et implicitement politique des professeurs de la province à l’automne 1997 qui défiait des lois anti-grève fut arrêtée par les syndicats. Ensuite, les dirigeants syndicaux se sont tournés vers le « vote stratégique » aidant ultimement à amener au pouvoir un gouvernement libéral provincial qui a, tout au plus, fait des changements cosmétiques à l’héritage de droite de Harris.

Le Parti libéral, le parti de gouvernance préféré de la bourgeoisie

Le Parti libéral a historiquement été le parti de gouvernance préféré de bourgeoisie canadienne, précisément en raison de sa capacité à mettre de l’avant le programme de la grande entreprise tout en utilisant une rhétorique populiste (et autrefois des réformes) pour contrôler l’opposition de la classe ouvrière.

Le gouvernement libéral de Chrétien-Martin, qui a conservé le pouvoir d’octobre 1993 à janvier 2006, s’est rallié le vote populaire en dénonçant la politique de droite de ses opposants du Parti progressiste-conservateur, du Reform Party, de l’Alliance canadienne et du Parti conservateur, seulement pour les implémenter une fois élu. Pour n’en nommer que quelques-unes : l’ALENA, la taxe régressive sur les produits et les services (TPS), l’élimination du déficit budgétaire fédéral par des coupes massives dans les programmes sociaux, des coupes d’impôts favorisant les riches et l’adoption de la loi sur la clarté qui menace de partitionner un Québec souverain.

En ligne avec le rôle que lui assigne le fait d’être un des deux partis principaux de la classe dirigeante canadienne, les libéraux ont joint leurs forces aux conservateurs deux fois lors du dernier parlement pour s’assurer que la mission militaire canadienne en Afghanistan soit prolongée jusqu’à la fin de 2011.

Les souverainistes du Québec ont historiquement eu l’habitude de s’insurger contre la droite, pour mieux imposer par la suite à la classe ouvrière le programme de l’élite du monde des affaires. En 1995, les syndicats québécois, le BQ et le Parti québécois (PQ), son parti frère au niveau provincial, ont exhorté la population à voter « oui » pour l’indépendance du Québec. A la suite du référendum, le gouvernement péquiste implémenta un programme d’importantes compressions dans les services sociaux et l’aide sociale au nom de la défense des intérêts de la nation québécoise.

La position anti-conservateur du BQ dans la présente élection est particulièrement cynique pour deux raisons. D’abord, comme les libéraux, le BQ a à maintes reprises voter avec le gouvernement Harper, lui permettant ainsi de demeurer au pouvoir. Ensuite, le BQ et ses partisans des syndicats québécois n’ont jamais appelé à la défaite du gouvernement conservateur, mais souhaitent plutôt que Harper n’obtienne pas la majorité. La semaine dernière, Duceppe a clairement fait savoir que le Bloc québécois était prêt à collaborer avec un gouvernement conservateur minoritaire.

Nombreux sont ceux qui vont voter pour le Parti vert en croyant, de façon erronée, qu’il s’agit d’un parti anti-establishment. En fait, les Verts se vantent d’être un parti « fiscalement conservateur », défendent leurs politiques environnementales comme la meilleure façon de rendre le capitalisme canadien plus compétitif, et espèrent devenir partenaires d’un gouvernement libéral, comme annoncé par le pacte de « non-agression » convenu l’an dernier entre le chef libéral Dion et la chef du Parti vert Elizabeth May.

Le NPD : un défenseur de l’ordre capitaliste

Le leader du NPD Jack Layton a pressé les travailleurs à voter pour son parti sur la base qu’il allait les protéger de la crise économique.

Cependant, le lourd bilan du NPD démontre que lorsque le capitalisme canadien est en danger, les sociaux-démocrates se ruent à sa défense.

Dans les années 1970, les gouvernements du NPD au Manitoba, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique ont collaboré à lancer l’offensive de la bourgeoisie contre la classe ouvrière en imposant le programme de contrôle des salaires de Trudeau. En 1983, alors que les travailleurs de la Colombie-Britannique se dirigeaient vers une grève générale à l’échelle de la province, en opposition à une série de lois du Parti du crédit social qui tentaient d’imposer le modèle Reagan-Thatcher à la côte ouest du Canada, le chef du NPD Dave Barrett avait condamné le mouvement de grève « Opération Solidarité » en le qualifiant d’illégal et de menace à la « démocratie ».

Loin de protéger la classe ouvrière de l’impact de la crise économique, les gouvernements du NPD qui prirent le pouvoir en Ontario, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan au début des années 1990, lors du pire ralentissement économique du Canada depuis les années 1930, imposèrent des coupes massives dans les services publics et programmes sociaux, ainsi que les salaires, et reprirent la rhétorique de la droite, de la réforme de l’aide sociale jusqu’aux lois anti-ouvrières.

L’opposition du NPD à l’intervention militaire canadienne en Afghanistan n’a rien à voir avec une opposition de principe à la guerre impérialiste. Le NPD a appuyé pendant cinq années l’intervention militaire canadienne, y compris le déploiement à Kandahar, et il a tout fait pour expliquer que, s’il devait former le nouveau gouvernement, il emploierait d’autres moyens pour soutenir le régime fantoche d’Hamid Karzaï.

Le NPD défend la tradition de « gardien de la paix » à la Pearson, en dépit du fait que Pearson était un belligérant de la Guerre froide qui remporta les élections de 1963 sur la base d’un engagement à stationner des missiles nucléaires américains au Canada. Afin de prouver sa « responsabilité » à l’élite canadienne, le NPD a systématiquement minimisé son opposition à la guerre en Afghanistan durant la campagne électorale, bien que cette position soit celle, plus que tous les autres partis, qui rejoigne le plus celle des Canadiens. 

La réélection des conservateurs n’entraînerait pas la disparation du mouvement « tout sauf Harper ». Au contraire, avec l’intensification de la lutte de classe, les syndicats, les sociaux-démocrates et divers autres groupes de protestation intensifieront leurs efforts pour empêcher la classe ouvrière d’atteindre la voie de la lutte de classe indépendante.

De plus, si le BQ reprend sa collaboration avec Harper, il y a de fortes chances que cette campagne s’oriente de plus en plus vers le nationalisme canadien : une alliance du NPD, des libéraux et des Verts sera présentée comme la « défense du Canada » contre le « pro-américain » Harper et les souverainistes québécois.

Pour un nouveau parti socialiste et internationaliste

Pour défendre leurs besoins les plus fondamentaux, les travailleurs ont besoin d’un nouveau parti et d’un nouveau genre de politique, un parti qui refuse d’accepter la subordination des besoins humains au profit capitaliste, un parti qui lutte pour un véritable gouvernement de la classe ouvrière et pour la classe ouvrière.

En opposition aux syndicats et au NPD, un tel parti lutterait pour l’unité internationale de la classe ouvrière contre le capitalisme et le système dépassé des Etats-nations qui forme la base des divers blocs capitalistes rivaux et leurs luttes pour les profits, les ressources et les avantages géopolitiques en divisant les travailleurs.

Le nationalisme économique défendu par les syndicats et les sociaux-démocrates n’a servi qu’à opposer les travailleurs d’un pays contre leurs frères et sœurs de classe internationalement dans une lutte fratricide pour les emplois, les salaires et les avantages sociaux. Invariablement, la bureaucratie syndicale a craché ce poison nationaliste, tout en collaborant avec les employeurs, dans le but de sauver les « emplois canadiens », d’imposer des concessions, des augmentations de productivité et des suppressions d’emplois. A preuve, l’évolution des Travailleurs canadiens de l’automobile qui sont, et ce n’est pas étonnant, les plus ardents défenseurs de la campagne « tout sauf Harper ».

Dans des conditions où s’approfondit la crise capitaliste et s’intensifient les antagonismes inter-impérialistes, le nationalisme canadien et québécois avancé par les syndicats et le NPD a pour but de conditionner les travailleurs à se soumettre à l’élite dirigeante en temps de guerre, ainsi qu’à la lutte de la grande entreprise pour les profits et les parts de marché.

Le Parti de l’égalité socialiste (Canada) encourage toute véritable résistance ouvrière aux tentatives de la grande entreprise et de ses mercenaires politiques de faire payer la classe ouvrière pour les échecs du système du « libre marché », que ce soit par des grèves, des occupations d’usines, ou une opposition aux saisies de maisons et aux expulsions.

Mais de telles actions ne peuvent avoir une signification progressiste durable que si elles deviennent part d’un mouvement politiquement indépendant de la classe ouvrière contre le système de profit.

C’est pour cela que luttent le PES et la Quatrième Internationale, le parti mondial fondé par Léon Trotsky en opposition à la trahison stalinienne du socialisme.

(Article original anglais paru le 13 octobre 2008)

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