Les 27 et 28 septembre dernier, La Ligue communiste
révolutionnaire (LCR) a tenu une réunion à St Denis, en banlieue nord de Paris.
Des reporters du WSWS ont assisté à la réunion qui s’intitulait « Rencontre
nationale des salariés et privés d’emploi» et se présentait comme
une réunion pour recruter et préparer la création par la LCR du Nouveau Parti
anticapitaliste (NPA) en janvier 2009.
La LCR et son candidat à la présidentielle, Olivier
Besancenot, reçoivent une grande publicité de la part des médias bourgeois et
tirent profit de l’hostilité populaire envers les partis de « gauche »
plus traditionnels, les partis bourgeois socialiste (PS) et communiste (PC).
Avec son initiative du NPA, la LCR espère recruter une couche importante de
travailleurs et de jeunes sur la base de l’hostilité à la politique menée par
le président Nicolas Sarkozy et qui est favorable au patronat. La réunion de St
Denis a souligné que la LCR a pour objectif de former ses recrues sur la base
non pas du marxisme révolutionnaire, mais de la politique de protestation
syndicale.
La réunion se structurait autour de deux introductions
présentées par des intervenants lors d’une session plénière et huit commissions
suivantes sur divers sujets de la vie économique et quotidienne : les
salaires, les licenciements, la santé et la sécurité au travail, les prix, la
protection sociale, les services publics et deux commissions sur le
syndicalisme.
Autour de 350 personnes venues de toute la France étaient
présentes, la plupart quadragénaires ou quinquagénaires. Ceux qui ont parlé
avec les reporters du WSWS étaient des membres de la bureaucratie syndicale ou
proche d’elle.
Les deux sessions d’introduction s’intitulaient : « Comment
lutter contre les divisions de la classe ouvrière par la multiplication des
statuts, des contrats de travail, par la généralisation de la précarité, et les
outils syndicaux pour s’organiser, lutter et résister ? » et « Quelles
revendications, quel programme d’action portera le Nouveau Parti
anticapitaliste pour servir les mobilisations, les travailleurs, au
quotidien ? »
Un intervenant a dit lors de la première session, « L’action
[contre les récentes suppressions d’emploi chez Renault et Goodyear] ne peut
pas concerner uniquement les travailleurs touchés. Cela veut dire faire que
tout le monde soit concerné…Nous avons besoin d’une réponse à un niveau
supérieur, d’une réponse nationale et interprofessionnelle… Une mobilisation
pour exiger que les licenciements socialement et humainement inacceptables
soient mis hors la loi, imposer le droit à l’emploi comme un droit absolu qui
doit passer avant les profits. »
La seconde section de l’introduction était consacrée au
« programme d’action » du NPA, qu’elle présentait comme un « programme
d’urgence» nécessaire pour répondre aux « besoins urgents »
de la population. Elle a exigé l’interdiction des licenciements, une loi contre
la précarité de l’emploi, l’abrogation des attaques récentes sur les retraites,
une « réduction massive » du temps de travail et la création
d’emplois. Une demande importante était l’augmentation du salaire minimum à
1500 € net, proposition qui avait été faite par la candidate du PS Ségolène
Royal lors des élections présidentielles de 2007. Les intervenants ont aussi
exigé des contrôles des prix et l’indexation des salaires sur l’inflation, sous
la surveillance des syndicats.
C’est tout à fait caractéristique de la politique de la LCR que
de proposer de prendre des mesures qui menaceraient les intérêts les plus
fondamentaux de la classe capitaliste en faisant appel à des actions syndicales
pour faire pression sur l’Etat et les tribunaux. La LCR n’explique nulle part
que la bureaucratie syndicale et l’Etat bourgeois poursuivent une politique de
classe bien définie, correspondant à des intérêts matériels puissants et les
mettant dans l’impossibilité totale d’effectuer la conversion paulinienne
exigée d’eux pour décider de mettre en place les propositions de la LCR.
Même si on se limite aux événements qui ont suivi l’élection
de Sarkozy, il est clair que les syndicats et l’Etat ont agi de concert pour
faire passer les mesures d’austérité dirigées à l’encontre de la classe
ouvrière. Les différentes fédérations syndicales ont participé à des
négociations étroites avec Sarkozy pour préparer son programme d’attaques sur
les retraites et les prestations sociales comme Sarkozy lui-même l’a reconnu le
18 avril dernier dans un article du quotidien Le Monde intitulé « Pour des
syndicats forts. »
Sarkozy avait écrit : « Juste après l'élection
présidentielle et avant même de rejoindre l'Élysée, j'ai tenu à recevoir les
organisations syndicales et patronales pour les écouter et recueillir leurs
positions sur les premières actions que je comptais entreprendre. Depuis, je
continue à recevoir très régulièrement chacun de leurs représentants. Je les
connais bien, nous avons parfois des divergences, mais notre dialogue est
toujours franc. » Le cours entier des événements sous la présidence de
Sarkozy montre que dans ce cas précis il disait la vérité.
Au sujet d’une des plus importantes mesures qu’il ait prises,
l’attaque sur les « régimes spéciaux » de retraite des cheminots, des
agents d’EDF et GDF et d’autres secteurs stratégiques, Sarkozy a écrit, « La
réforme des régimes spéciaux de retraite [a été] menée à bien à l'automne grâce
à une intense période de concertation au niveau national et des négociations
dans chacune des entreprises concernées. »
En octobre 2007, la CGT (Confédération générale du travail) a fortement
réussi à limiter les grèves de cheminots à des actions d’une journée, en dépit
de l’opposition écrasante des cheminots. En novembre 2007 les syndicats avaient
appelé à d’autres grèves chez les cheminots mais refusé de lier ces grèves aux
grèves d’autres secteurs tels les étudiants et les travailleurs de la fonction
publique. Toutes ces grèves avaient finalement été des défaites.
Avec la chute de sa cote de popularité au début de 2008, Sarkozy
a mis en avant de façon ostentatoire ses négociations avec les syndicats
concernant sa politique sociale à venir. Il en a résulté en avril 2008 un
accord appelé « la position commune » entre Sarkozy et les syndicats.
En échange d’une réforme des règles de financement des syndicats, ces derniers
ont reconnu être en train de négocier des réformes importantes du code du
travail, l’allongement effectif de la durée de travail hebdomadaire au-delà des
35 heures et d’autres attaques sociales. Ces lois ont été finalisées et adoptées
à la fin du mois de juillet.
La LCR est tout à fait consciente du mécontentement et de
l’hostilité populaire envers la politique collaborationniste de la bureaucratie
syndicale et cherche à canaliser cette hostilité en des efforts visant à
réformer les syndicats au moyen d’une pression exercée par les militants. Ainsi
une des sessions de la réunion avait pour thème : « Quel syndicalisme
de lutte des classes aujourd’hui ? » Durant cette session, un des
organisateurs a posé la question suivante, « Comment pouvons-nous
développer des tendances et des structures qui sont en quelque sorte de
« lutte de classe », qui soulèvent des revendications et des
luttes ? »
Un tract distribué aux participants disait : « Il ne
suffira pas d’appeler à des journées d’action à répétition, comme l’ont fait
l’année dernière les directions syndicales mais bien de construire un mouvement
d’ensemble… Soutenir chaque lutte des travailleurs en grève…Manifester et
agir...Démultiplier et relayer les fronts unitaires de résistance à la
politique du gouvernement. »
La question de savoir sur quoi se fonderait un mouvement de
masse de la classe ouvrière et par-dessus tout, une discussion sur les
traditions du marxisme révolutionnaire incarné par l’héritage politique de Léon
Trotsky, ont été systématiquement éludées lors de cette réunion. Un participant
à la section « Programme d’action » a fait référence en plaisantant à
« un certain Trots… j’ai le droit de le mentionner ? »
Lorsque les reporters du WSWS ont ensuite demandé pourquoi on
n’avait pas discuté plus activement des analyses historiques et de l’héritage
politique de Trotsky lors de la réunion, on leur a répondu : « On ne
peut pas assommer les gens avec Trotsky. Ça va leur faire peur. »
(Article original anglais paru le 14 octobre 2008)