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WSWS : Nouvelles et analyses : Australie

Australie : l'intervention dans les Territoires du Nord — La nécessité d'une stratégie socialiste

Septième partie

Par une équipe de reporters du WSWS
18 septembre 2008

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Les journalistes du World Socialist Web Site Susan Allan et Richard Phillips accompagnés de John Hulme, photographe indépendant, se sont récemment rendus en Australie centrale pour exposer les effets sociaux et politiques de la « réaction d'urgence dans les Territoires du Nord » menée par le gouvernement fédéral, une intervention militaro-policière dans les communautés aborigènes [au nom de la protection des enfants contre les abus sexuels, ndt]. Cet article est le dernier d'une série d'articles, d'interviews, de films et de photographies (voir séries 1 (portraits) et 2 (conditions sociales)). Les parties une, deux, trois, quatre, cinq et six ont été publiées en anglais respectivement les 21 juin, 26 juin, 2 juillet, 15 juillet, 24 juillet et 6 août.

Lorsque le gouvernement Howard [John Howard, premier ministre libéral de 1996 à 2007, ndt] a annoncé son « intervention » dans les Territoires du Nord (NT — l'un des sept états de l'Australie, s'étendant de la côte nord au désert central) en juin de l'année dernière, la très grande majorité des Aborigènes ont compris que c'était l'une des atteintes les plus sérieuses à leurs droits démocratiques et à leurs conditions de vie depuis plus de quarante ans. Beaucoup d'entre eux ont dénoncé cette intervention comme une « usurpation » par le gouvernement et les compagnies minières, et ont demandé pourquoi, si le gouvernement à Canberra était si inquiet du sort des enfants aborigènes, il était nécessaire de suspendre la Loi sur les discriminations raciales et d'imposer une « prise en charge des revenus » aux familles dans le besoin [système où l'argent des aides sociales est directement versé aux commerçants qui ont une liste limitée des produits qu'ils peuvent fournir, ndt].

Malgré un battage médiatique ininterrompu en faveur de l'intervention dans les NT, de nombreux travailleurs des centres urbains australiens étaient également suspicieux. Après plus de dix ans d'attaques politiques contre les droits démocratiques et les conditions de vie, entretenues par des mensonges permanents sur la prétendue « guerre contre le terrorisme », peu d'entre eux faisaient encore confiance au gouvernement Howard. Le 24 novembre 2007, le gouvernement Howard était chassé de son poste.

Cette intervention n'était pas l'idée du seul gouvernement Howard. Elle intégrait les exigences des principales sections du monde des affaires australien et elle fut acceptée avec enthousiasme par les grands médias, la bureaucratie du Parti travailliste et divers entrepreneurs aborigènes fortunés. Elle prolongeait, sous une forme moderne, les mesures brutales prises contre les Aborigènes des NT depuis plus de deux siècles par les propriétaires de troupeaux, les entreprises minières et d'autres représentants du système capitaliste.

Alors pourquoi, dans ces conditions, cette intervention — et sa poursuite par le gouvernement travailliste de Rudd [Kevin Rudd, premier ministre depuis décembre 2007, ndt] – n'a-t-elle pas été combattue par la classe ouvrière ? Et comment peut-on mettre fin au chômage endémique, à la misère sociale et au harcèlement policier qui affligent les Aborigènes ?

Incontestablement, le discours « d'excuses » que Rudd a prononcé devant des membres des Générations volées [enfants retirés à leurs parents pour la seule raison qu'ils étaient aborigènes, sans avoir à établir qu'ils étaient victimes de mauvais traitements, par application d'une loi de 1915, ndt] a servi à détourner l'attention de l'agenda social de droite de son gouvernement et notamment de la continuation de l'intervention dans les NT.

Mais la grande majorité des travailleurs – indigènes ou non – ne conçoit pas toute l'étendue des plans de Rudd. Peu d'entre eux réalisent que la « prise en charge des revenus », la confiscation des terres et autres mesures anti-démocratiques ne constituent pas, en fin de compte, une question de race, mais de classe — les coups de semonce d'un assaut généralisé contre les conditions de vie et les droits fondamentaux de tous les travailleurs.

Cette confusion n'est pas un hasard. C'est un exemple supplémentaire de l'ampleur de la marginalisation des Aborigènes par l'élite dirigeante australienne, les grands médias et les bureaucraties syndicales et travaillistes, et du fossé ainsi creusé entre eux et leurs frères et sœurs de classe dans tout le pays.

Durant notre visite de l'Australie centrale, nous avons rencontré des travailleurs âgés qui avaient perdu leur emploi suite à l'obtention de l'égalité salariale pour les Aborigènes en 1968. Certains n'ont jamais retravaillé depuis et, avec leurs enfants et petits-enfants, ils sont pris au piège d'une pauvreté sans fin. Pour des dizaines de milliers de jeunes Aborigènes des NT aujourd'hui, le simple concept de « classe ouvrière » est quelque chose qu'ils ont du mal à comprendre, puisque ni eux, ni les gens qu'ils connaissent n'ont jamais eu de travail.

Comment est-ce arrivé ? Pour répondre, il nous faut examiner certaines des expériences politiques essentielles de la classe ouvrière dans la période de l'après-guerre et, en particulier, la trahison du mouvement de masse qui avait émergé dans les années 1960 et avait lutté pour mettre fin à l'oppression raciale et à l'exploitation des Aborigènes.

La confiscation des terres et l'expansion du capitalisme australien

Le capitalisme colonial australien s'est développé en réponse à un marché mondial en expansion. Il impliquait toute une série d'escarmouches sanglantes sur plusieurs dizaines d'années pour forcer les Aborigènes à quitter leurs terres et les remplacer par des moutons, du blé, et d'autres produits agricoles. La conversion dans le sang des terres tribales en propriétés privées a commencé au dix-neuvième siècle sur les côtes orientales des colonies de Victoria, de Nouvelles-Galles du Sud et de Tasmanie. Elle ne s'est étendue à l'Australie centrale et du Nord qu'à la fin du siècle.

Officiellement, on estime que plus de 1000 aborigènes ont été abattus ou empoisonnés en Australie centrale entre 1881 et 1891, et ce genre de meurtres a continué jusque dans le courant du vingtième siècle. L'un des massacres les plus connus s'est produit à Coniston en 1928, environ 300 kilomètres au nord-ouest d'Alice Springs, lorsque des équipes de tireurs menées par un officier de police ont tué plus de 100 aborigènes, hommes, femmes et enfants, en représailles à la mort de Frederic Brooks, un blanc qui vivait dans la région.

Face à ce genre de terrorisme, dépossédés de leurs terres et affamés, les Aborigènes ont commencé à se rapprocher des missions religieuses et des petites villes comme Alice Springs et Darwin. Le camp d'Alice Springs, par exemple, a commencé comme entrepôts de nourriture puis est devenu un lieu de recrutement pour les propriétaires de troupeaux et les colons locaux à la recherche d'une main d'œuvre à bon marché [les Town camps sont des banlieues où les Aborigènes se sont regroupés initialement parce que leur présence en ville était interdite, ndt]. Les Aborigènes n'avaient aucun des droits démocratiques fondamentaux et ceux qui parvenaient à obtenir un travail étaient traités comme de quasi-esclaves ; ils ne touchaient pas un salaire, mais des rations de tabac, de farine, de sucre, de thé et d'autres denrées de base.

Parallèlement, les enfants aborigènes de couples métisses étaient retirés à leurs parents par les missionnaires et les agents du gouvernement. Comme dans l'intervention actuelle, la justification officielle pour prendre ces enfants que l'on a appelé les « Générations volées », était de les « protéger ». La véritable raison de cette pratique officielle qui a perduré jusque dans les années 1970 était de les former comme servantes, ouvriers agricoles, et d'autres emplois à bas salaires et d'« évacuer l'héritage » des Aborigènes, considérés alors comme une « race inférieure » par les autorités gouvernementales.

Résistance de classe

En dépit de leurs conditions de travail dignes de l'esclavage et du système de paiement en rations alimentaires, un nombre croissant d'Aborigènes fut intégré à la classe ouvrière, processus qui s'accéléra avec le manque de main d'œuvre dans les Territoires du Nord après le début des hostilités de la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup d'entre eux entrèrent en contact avec des travailleurs socialistes, dont des membres du Parti communiste australien (CPA), stalinien, qui était à ce moment-là le seul parti politique ayant une base substantielle dans la classe ouvrière ; et le seul à s'opposer aux lois racistes pour une « Australie blanche » qui restreignaient l'immigration et les droits des Aborigènes.

Des sections importantes de la classe ouvrière aborigène commencèrent à se rendre compte qu'un combat contre leur oppression devait partir d'une action de classe unie et, dans la foulée de la montée du militantisme de la classe ouvrière après la seconde guerre mondiale, ils commencèrent à mener des actions syndicales et politiques contre leurs conditions de travail épuisantes.

L'une des batailles les plus importantes commença le 1er mai 1946, lorsque des travailleurs aborigènes des élevages de moutons de la région de Pilbara en Australie occidentale cessèrent le travail en demandant un salaire minimum de 30 shillings par semaine au lieu des rations.

Cette extraordinaire grève de trois ans, qui avait été menée par Dooley Bin Bin et Clancy McKenna, avec leur ami Don McLeod, membre du Parti communiste, réunit plus de 800 travailleurs aborigènes de 20 propriétés différentes sur une zone de 10 000 kilomètres carrés.

Les grèves de travailleurs aborigènes étaient illégales à cette époque et le gouvernement travailliste de l'état d'Australie occidentale y réagit violemment. Des dizaines de travailleurs furent arrêtés sous la menace des armes à feu, enchaînés par le cou et les pieds, et forcés à retourner dans les fermes. Les appels adressés à Herbert Johnson, ministre de l'Intérieur du gouvernement travailliste fédéral et ex-président du Syndicat des travailleurs australiens, trouvèrent porte close. Johnson défendait l'inégalité des salaires et déclara qu'il était favorable à l'utilisation de colliers de chaînes sur les prisonniers aborigènes.

McLeod et d'autres meneurs de la grève furent emprisonnés de nombreuses fois, mais en une occasion plus de 300 grévistes aborigènes se rassemblèrent devant la prison de Port Hedland et imposèrent la libération de McLeod. La grève gagna un soutien politique et financier de la part des travailleurs de tout le pays et les syndicats imposèrent un embargo interdisant à leurs membres de travailler pour les employeurs de Pilbara. Bien que les demandes des travailleurs n'aient pas été totalement satisfaites, et qu'ils n'aient jamais pu reprendre leur travail, la Haute cour décida en 1949 que les employés aborigènes avaient le droit de se syndiquer et d'élire leurs représentants. Plusieurs élevages de moutons commencèrent également à négocier des accords sur les salaires avec leur main-d'œuvre aborigène.

Plus largement, la grève de Pilbara encouragea d'autres protestations à la fin des années 1940 et dans les années 1950. Les employeurs et l'appareil d'Etat réagissaient inévitablement par une répression brutale, mais l'opposition de la classe ouvrière s'intensifiait.

Les grèves des travailleurs aborigènes à Darwin au début des années 1950, la campagne pour le droit à la période de convalescence après une tuberculose de 1963 [campagne de 18 mois relative à une loi qui garantissait un arrêt maladie se prolongeant jusqu'à ce que le malade ne soit plus contagieux, une clause en excluait les Aborigènes et métisses sans ressources, ndt] et, surtout, la grève de Wave Hill en 1966 par les gardiens de troupeau de la tribu Gurindji, ont été des événements majeurs de la montée du militantisme des Aborigènes et faisaient partie d'une vague montante d'actions politiques de la classe ouvrière internationale. Ces batailles reçurent le soutien des travailleurs et des étudiants des villes d'Australie du Sud, soutien exprimé très fortement lors du référendum national de 1967 qui accorda la citoyenneté aux Aborigènes avec 92 pour cent de « oui ».

En 1967 également, les tribunaux du travail australiens décidèrent que les travailleurs aborigènes devraient recevoir un salaire égal aux autres et ordonnèrent aux employeurs d'appliquer cette décision à partir de 1968. Les propriétaires de troupeaux des NT et d'autres employeurs réagirent en licenciant des centaines d’Aborigènes et en introduisant de nouvelles techniques d'élevage – avec des motos et des hélicoptères – pour ne plus dépendre du travail aborigène. Cela entraîna un exode en masse des travailleurs aborigènes au chômage et de leurs familles des stations d'élevage isolées vers les petites villes, où ils furent obligés de vivre dans des voitures abandonnées, des bidonvilles et d'autres abris rudimentaires.

La grève de Wave Hill

Menée par Vincent Lingiari, la grève des gardiens de troupeaux aborigènes de la station d'élevage de Wave Hill — une immense propriété appartenant à l'entreprise agro-alimentaire britannique Vestey — dans les Territoires du Nord en 1966 a été une expérience politique fondatrice, plusieurs chansons de l'époque y font référence, dont la populaire « From little things big things grow » de Paul Kelly et Kev Carmody. Les enseignements politiques de cette lutte sont cependant peu compris par les Aborigènes et le reste de la classe ouvrière.

Il y eut un soutien massif en faveur de cette grève de six ans, avec des réunions publiques, des manifestations et des milliers de dollars de donations de la part des travailleurs de toute l'Australie. Mais tout le potentiel politique de cette bataille acharnée — le développement d'un mouvement socialiste unifiant les travailleurs indigènes et non indigènes contre le système de profit — ne s'est jamais réalisé.

La responsabilité en incombe au CPA stalinien et à l'écrivain Frank Hardy, l'une de ses figures emblématiques, qui prétendaient que la principale question qui se posait aux Aborigènes était celle des « droits sur le sol ».  Aux grèvistes de Wave Hill et à tous les Aborigènes, y compris les centaines d'entre eux qui avaient été licenciés par les propriétaires de stations d'élevage et d'autres employeurs après l'introduction de l'égalité salariale en 1968, ils disaient que leur salut résidait dans les « droits sur le sol ». Ces droits, affirmait le CPA, garantiraient « le contrôle des affaires aborigènes par les Aborigènes » et mettraient fin à l'oppression raciale.

Dans la même perspective, le CPA et une alliance de prétendus « gauchistes » et de nationalistes noirs déclarèrent aux travailleurs et aux étudiants que la tâche principale n'était pas le développement des idées socialistes chez les Aborigènes et d'un mouvement unifié de la classe ouvrière. Selon eux, un tel développement se produirait, peut-être, dans un avenir indéterminé, mais la tâche immédiate des travailleurs des zones urbaines était d'apporter un soutien complémentaire aux demandes de « droits sur le sol » pour les Aborigènes. En d’autres termes, le combat contre l’oppression raciale, qui avait longtemps été associée au combat pour une perspective socialiste qui mettrait fin au système capitaliste, fut remplacé par la revendication des « droits du sol », une perspective complètement bourgeoise.

Ces demandes furent une bénédiction pour la classe dirigeante australienne, et, sans remettre en cause le soutien populaire de tout le pays pour les grévistes de Wave Hill, elles représentaient une trahison politique de toute la classe ouvrière, posant les bases d'une division sur des critères ethniques. « Les droits sur le sol » constituaient une demande démocratique, mais leur mise en pratique ne pouvait pas suffire à libérer les Aborigènes de la pauvreté et du racisme, parce que la source de leur oppression et de leur exploitation était le système capitaliste lui-même, avec sa propriété privée des moyens de production, y compris les terres.

Les sections les plus conscientes de l'élite politique australienne l'avaient compris et, au début des années 1970, elles adhérèrent à la perspective des « droits sur le sol ». Comme l'avait fait l'administration Nixon aux États-Unis en encourageant le               « capitalisme noir » pour tenter de dissiper les tensions explosives dans les grandes villes américaines, l'élite dirigeante australienne commença à cultiver une couche d'entrepreneurs, de bureaucrates et de cadres intermédiaires de couleur qui allaient défendre la propriété privée et le système de profit.

En 1975, le gouvernement travailliste de Whitlam accorda aux gardiens de troupeaux Gurindji un titre de propriété sur la majeure partie de la station d'élevage de Wave Hill et alla jusqu'à garantir cette décision dans la Loi sur les droits fonciers des Territoires du Nord, qui fut promulguée en 1976 par le gouvernement de coalition de Fraser.

Après trente années d'applications, il est intéressant de constater ce que la perspective des droits sur le sol, les titres de propriété indigènes [Native titles – reconnaissance des droits de propriété coutumiers d'un groupe aborigène sur un territoire qui peuvent coexister avec les droits d'un autre groupe ou d'un non-aborigène ; ils sont souvent présentés comme un exemple de la coexistence de deux systèmes légaux sur un même territoire, mais en cas de conflit c'est la loi australienne qui l'emporte, ndt] et les autres mesures qui étaient censées offrir « le contrôle des affaires aborigènes aux Aborigènes » ont produit.

De grandes parties des NT sont actuellement sous le contrôle des conseils territoriaux aborigènes. Bien que des concessions minimes aient été accordées au long des trente dernières années, dont le droit à la sécurité sociale et à la retraite, ils n'ont produit aucune avancée durable. Les Aborigènes restent la section la plus marginalisée de la société australienne, ils subissent les plus hauts taux de chômage, de pauvreté et de toxicomanie.

Parallèlement, une petite couche privilégiée d'entrepreneurs aborigènes a émergé, proclamant la nécessité d'un capitalisme des gens de couleur, tout en s'enrichissant eux-mêmes au détriment de la grande majorité des Aborigènes. Ce groupe comprend des célébrités telles que Noel Pearson, directeur de l'Institut pour les politiques et les dirigeants de Cape York [Un partenariat entre le gouvernement fédéral, l'université et des fonds privés pour évaluer les choix politiques qui concernent les aborigènes, ndt], Gallarwuy Yunupingu, ex-président du conseil territorial aborigène des Territoires du Nord, Tracker Tilmouth [directeur du conseil territorial d'Australie centrale] et une longue liste d'autres, qui collaborent maintenant avec le gouvernement Rudd et ses soutiens du monde des affaires. Leurs actions ne sont pas motivées par un quelconque authentique souci des Aborigènes ordinaires, mais par l'espoir de parvenir à des accords commerciaux lucratifs avec les corporations minières ou d'autres branches économiques.

Les conseils municipaux des camps autour des villes et des communautés isolées n'ont pas été capables d'offrir un avenir durable à leurs habitants aborigènes. Pour les jeunes, qui représentent près de la moitié de la population aborigène des NT, la situation est particulièrement difficile.

Le programme de développement de l'emploi communal (CDEP) — introduit par le gouvernement Fraser en 1977, puis démantelé par l'administration Howard et maintenant restauré de manière sélective par le gouvernement Rudd — n'offre pas non plus d'amélioration. Ce n'est qu'un programme visant à faire travailler ceux qui sont sous le seuil de pauvreté pour un salaire de misère, servant à établir un minimum de services publics dans les communautés aborigènes — alors que ceux-ci sont considérés comme allant de soit dans le reste du pays. Dans de nombreux endroits, les services sanitaires et d'éducation de base n'existent même pas.

De plus, au cours des six dernières années, Tangenteyre [banlieue d'Alice Springs, ndt] et d'autres conseils municipaux des NT ont commencé à s'accommoder du gouvernement Rudd, négociant des accords pour transférer leurs terres au gouvernement fédéral ou au gouvernement travailliste des NT par des locations s'étalant sur 40 ans, ou plus, contre des promesses de financements futurs. Les financements gouvernementaux ne seront proposés qu'à des communautés aborigènes déclarées « viables ». Et même là où ils se concrétiseront, ils ne feront rien pour corriger sérieusement la pauvreté endémique et les défaillances des services publics.

Tels sont les résultats de trente années de prétendu « contrôle des affaires aborigènes par les Aborigènes ».

Les appels au Parti travailliste et autres voies sans issue

Alors que les Aborigènes sont profondément hostiles à l'intervention du gouvernement, cette opposition n'a pas pu s'exprimer dans le cadre de la politique officielle. Les Aborigènes sont paralysés par des responsables qui ne cherchent qu'à conclure toujours plus d'accords avec les pouvoirs en place, et par une couche de « gauchistes » qui sèment des illusions dans le Parti travailliste de Rudd en ne parlant pas de la profonde nature de classe de son programme.

Des organisations comme la Commission pour les droits de l'Homme et l'égalité des chances (HREOC) et les Verts, par exemple, se posent en opposants à l'intervention tout en donnant leurs conseils au gouvernement Rudd sur la manière dont elle devrait être modifiée. Ils servent à cacher le fait que cette intervention est une attaque contre la position sociale et les droits démocratiques de toute la classe ouvrière.

Le mois dernier, la sénatrice des Verts, et porte-parole du Service des affaires indigènes, Rachel Siewert, en a appelé au Parti travailliste pour qu'il revienne à ses « valeurs fondamentales », insinuant que le soutien de Rudd pour l'intervention était une terrible « erreur ». En fait, l'adhésion du gouvernement travailliste à cette intervention et l'extension qu'il lui a donné sont des expressions particulièrement nettes de ses « valeurs fondamentales » — la défense du monde des affaires australien et du système de profit.

De même, le HREOC a imploré le gouvernement Rudd de réformer l'intervention sur la base d'un projet en dix points. Ce projet comprendrait une nouvelle loi contre la discrimination raciale et un nouveau CDEP, une révision de la « prise en charge des revenus » et du système de zones d'interdiction de l'alcool [dans certaines communautés, la police veille à ce que personne n'introduise d'alcool, ndt], ainsi qu'un « passage en revue et une évaluation drastique » des mesures prises par l'état des NT, pour les rendre « cohérentes avec les droits de l'Homme tels qu'ils sont garantis par les lois australiennes et internationales ». Même si elles sont adoptées, ces « réformes » ne changeront pourtant pas fondamentalement les conditions de vie et le statut social des Aborigènes ordinaires.

Quant à la Coalition des droits des Aborigènes et aux autres coalitions formées pour défendre une mesure particulière, elles défendent également le bilan historique et le programme de démantèlement social du Parti travailliste, répétant jusqu'à la nausée que des manifestations plus importantes forceront le gouvernement à « changer de trajectoire ». Ce genre d'appels est généralement mêlé à la dénonciation de l'intervention gouvernementale comme étant le produit de « la société blanche », rendant ainsi les travailleurs ordinaires responsables des malheurs de la population indigène d'Australie, au lieu de s'en prendre au système de profit et à ses représentants politiques.

La première division dans la société australienne est entre les classes, pas entre les races, une chose bien mise en évidence par le soutien apporté à l'intervention par une couche de riches entrepreneurs aborigènes et de dirigeants indigènes.

Les Aborigènes qui vivent dans les camps autour des villes et dans les communautés isolées ne peuvent pas sortir de la pauvreté et de la misère dans le cadre social existant. À l'ère de la production capitaliste globalisée, il n'y a pas de voie « indépendante » vers le développement économique et politique des minorités opprimées, que ce soit en Australie ou ailleurs.

Le Parti travailliste peut trouver opportun de modifier certains aspects de l'intervention dans les mois à venir, — quelques amendements mineurs, un changement de nom ici ou là — mais son objectif central qui consiste à réduire le niveau de vie et les doits démocratiques des travailleurs sera maintenu.

Notre brève visite en Australie centrale a mis l'accent sur une vérité fondamentale – la classe ouvrière ne sera jamais libre tant que les Aborigènes resteront confinés dans le terrible cauchemar social des camps et des communautés isolées. Ces problèmes ne peuvent pas non plus êtres réglés par les seuls Aborigènes ; cette tâche relève de la responsabilité politique de la classe ouvrière dans son ensemble.

La libération des Aborigènes australiens de plus de deux siècles d'oppression ne peut être menée à bien qu'en s'appuyant sur une perspective socialiste révolutionnaire, cherchant à mettre fin au capitalisme et à établir un gouvernement de la classe ouvrière qui réorganisera fondamentalement la vie économique, politique et sociale pour répondre aux besoins des êtres humains et non aux exigences de profit des grandes compagnies. Un tel gouvernement devrait avoir comme première priorité l'allocation de toutes les ressources nécessaires pour rectifier les crimes perpétrés contre les populations indigènes tout au long de leur histoire.

Le Parti de l'égalité socialiste (PES) est le seul parti à lutter pour unifier toutes les sections de la classe ouvrière sur la base de cette perspective, contre toutes les formes de nationalisme et de politiques identitaires. Nous incitons les travailleurs et les jeunes à lire le World Socialist Web Site, à étudier notre programme et à envisager sérieusement d'adhérer au PES.

(Article original anglais paru le 25 août 2008)


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