Canada : Une stratégie socialiste doit armer la résistance ouvrière
Déclaration du Parti de l’égalité socialiste (Canada)
1 août 2009
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L’élite patronale du Canada a déclenché un assaut
d’une férocité et d’une hypocrisie sans précédent contre les conditions de vie
de la classe ouvrière.
Les banquiers, les chefs d’industrie, les magnats des
groupes d’investissement ainsi que leurs serviteurs des partis politiques de
l’establishment exigent que les travailleurs (les travailleurs de l’auto, les
mineurs, les éboueurs, les employés de bureau ainsi que toutes ces familles qui
dépendent des programmes sociaux de base) portent tout le poids de la plus
importante crise du système capitaliste depuis la Grande Dépression.
Dans toutes les régions du pays, les suppressions
d’emplois, les concessions et les coupures gouvernementales exigent des
contributions sans cesse plus considérables de la part des ouvriers.
Depuis octobre dernier, plus de 450 000 emplois ont
été éliminés alors que les compagnies tentent de protéger leurs bilans en
détruisant le gagne-pain des travailleurs.
Les travailleurs à la retraite s’inquiètent maintenant
de la possibilité que leurs pensions soient anéanties. Face à cette possibilité,
le gouvernement de l’Ontario s’est empressé d’annoncer qu’il n’allait pas
honorer une garantie partielle de retraite vieille de trois décennies.
Dans une industrie après l’autre, les travailleurs
sont confrontés à des demandes de concessions, y compris le désengagement de
l’employeur dans les paiements à la caisse de santé, l’élimination directe des
avantages sociaux, un régime salariale à deux vitesses, des baisses de salaire,
de plus longues heures de travail et une augmentation du rythme de travail.
Les gouvernements conservateur au fédéral et libéral
de l’Ontario se sont alliés ce printemps pour menacer les ouvriers de GM et
Chrysler qu’ils allaient liquider les filiales canadiennes des constructeurs de
Détroit à moins d’une acceptation d’importantes coupures au niveau des salaires
et des avantages sociaux et des changements facilitant les mises à pied.
De la même façon, Ottawa n’aura consenti des prêts à
Air Canada qu’à la condition que les travailleurs acceptent un gel de salaire et
un report des paiements par la compagnie au régime de retraite pour une durée de
21 mois.
Le rôle du gouvernement qui lie l’aide à l’industrie à
des concessions de la part des travailleurs contraste fortement avec son
attitude envers les banques, leurs PDG et leurs actionnaires. Avec le plein
soutien des libéraux et des autres partis de l’opposition, les conservateurs ont
offert aux banques, sans condition, des dizaines de milliards en garanties de
prêts et en rachats de prêts hypothécaires.
Les concessions massives soutirées aux ouvriers du
secteur public ne suffisant pas à ses yeux, l’élite dirigeante considère
maintenant les salaires, les avantages sociaux et les conditions de travail dans
le secteur public. La grande entreprise exprime de plus en plus bruyamment son
mécontentement face aux déficits fédéral, provinciaux et municipaux qui montent
en flèche en raison du ralentissement économique.
Les demandes de concessions ont poussé les
travailleurs du transport en commun d’Ottawa, les auxiliaires médicaux de
Colombie-Britannique, les infirmières à domicile de Hamilton et les travailleurs
des villes de Toronto et Windsor dans une âpre confrontation avec leurs
employeurs.
Du point de vue de la classe dirigeante, l’attaque
contre ceux qui gèrent les services publics et les programmes sociaux constitue
une étape centrale dans la réalisation de leurs plans visant à éliminer la crise
fiscale de l’Etat. Elle souhaite ainsi mener une autre série de coupures
massives comme celles réalisées au milieu des années 1990 par les libéraux au
fédéral sous Chrétien et Martin, le régime conservateur Harris de l’Ontario et
le gouvernement provincial du Parti québécois sous Lucien Bouchard et Bernard
Landry.
Au cours des quinze dernières années, les
gouvernements fédéral et provinciaux ont effectué des changements majeurs dans
la politique fiscale (y compris des baisses d’impôts drastiques pour les
entreprises et les gains en capital) dans le but de gonfler les revenus des
riches et des super-riches, plaçant une plus large part du fardeau de taxation
sur le dos des travailleurs et réduisant les revenus d’Etat pour justifier les
coupures dans les dépenses sociales. Selon un rapport, les baisses d’impôt
effectuées par Ottawa depuis 2003 seulement ont entraîné une perte de 160
milliards de dollars en revenus.
La grande entreprise souhaite maintenant exploiter
comme prétexte la croissance des déficits budgétaires pour procéder encore une
fois à des coupures dans la santé, l’éducation, les logements sociaux, les soins
aux personnes âgées, les arts et d’autres besoins sociaux vitaux.
Et pour y arriver, elle juge nécessaire de briser le
militantisme traditionnel des travailleurs du secteur public. C’est cet
impératif qui repose derrière les demandes de concessions dirigées contre les
travailleurs municipaux de Windsor et Toronto.
Les grèves de Toronto et Windsor font partie d’une
résistance croissante de la classe ouvrière à la poussée de la grande entreprise
qui vise à faire payer la classe ouvrière pour la crise du système de profit.
Plus tôt ce mois-ci, 3000 travailleurs de Vale Inco à Sudbury et Port Colborne
ont déclenché la grève devant les tentatives du géant minier de réduire leurs
salaires et d’imposer de plus bas salaires aux nouveaux employés. Les
travailleurs de pièces d’automobiles à Windsor, Brampton, Toronto, Tillsonburg
et Cornwall ont organisé des occupations d’usine afin de s’opposer aux
tentatives de la compagnie de se débarrasser d’eux sans indemnité de
licenciement et sans même payer des salaires qui leur étaient dus.
Mais pour que cette résistance devienne une véritable
contre-offensive, qui ne sera pas isolée et détournée, de la classe ouvrière, il
est nécessaire que les ouvriers tirent d’importantes conclusions des revers
amers subits par la classe ouvrière durant ces trois dernières décennies.
Les partisans du capitalisme, les syndicats et le
Nouveau Parti démocratique (NPD), qui est soutenu par les syndicats, ont réprimé
la lutte des classes, permettant un assaut unilatéral de la grande entreprise
lorsqu’ils n’ont pas eux-mêmes imposé directement des suppressions d’emplois et
le démantèlement des services publics et des programmes sociaux.
Le syndicat des Travailleurs canadiens de
l’automobile, qui depuis des décennies base sa stratégie sur l’offre d’un
avantage de coût de main-d’œuvre au Canada pour les constructeurs de
l’automobile, a rapidement capitulé devant l’assaut conjugué des patrons de
l’auto et des gouvernements fédéral conservateur et ontarien libéral.
Forcée d’autoriser des grèves des travailleurs
municipaux de Toronto et Windsor, la direction du Syndicat canadien de la
fonction publique (SCFP) a fait tout en son pouvoir pour isoler leur luttes
anti-concessions et indiquer qu’elle était prête à capituler devant les demandes
des patrons : à Windsor dans l’opposition à un régime de retraite à deux
vitesses et à Toronto pour le maintien d’un programme de cumul des journées
maladie. Le syndicat n’a jamais tenté de répliquer à la tentative de l’élite
dirigeante de faire des travailleurs municipaux des boucs émissaires pour les
difficultés causées par la crise économique. Mais si les grèves des travailleurs
municipaux étaient portées à la tête d’une opposition de la classe ouvrière aux
concessions, aux licenciements et au démantèlement des services publics et
programmes sociaux, il est indéniable qu’elles s’attireraient un appui massif.
Avec le soutien entier du Congrès du travail du Canada
et des importantes fédérations syndicales du Québec, le NPD a réagit à
l’éclatement de la crise économique en concluant rapidement un accord de
coalition avec les libéraux, le parti traditionnel de gouvernance de la grande
entreprise canadienne. Sous l’accord NPD-libéral, le NPD et les syndicats se
sont engagés à maintenir au pouvoir un gouvernement dirigé par les libéraux et
consacré à un programme ouvertement de droite, comprenant la réalisation du plan
Harper de 50 milliards de dollars en baisse d’impôt aux entreprises, le
maintient de la « responsabilité fiscale » et la continuation de la guerre en
Afghanistan jusqu’en 2011.
La perspective défendue historiquement par les
syndicats et le NPD social-démocrate qu’il est possible de garantir une vie
décente pour les travailleurs sous le capitalisme, par la négociation collective
et les réformes législatives, a clairement échoué.
La fin du boum d’après-guerre et la mondialisation de
la production ont irrémédiablement miné la capacité des syndicats à faire
pression sur le capital pour des concessions sur le marché national de l’emploi.
Avec l’intensification dramatique de la lutte pour les profits entre les
entreprises et la possibilité pour ces dernières de déplacer la production où
les coûts de main d’œuvre, y compris les taxes, étaient les plus avantageux pour
la grande entreprise, même la traditionnelle résistance limitée des syndicats
s’est effondrée.
La réaction des bureaucraties ouvrières à ces
nouvelles conditions fut de s’intégrer sans cesse davantage à la direction
patronale. Ce processus va de pair avec la défense du chauvinisme national et le
protectionnisme qui ont facilité les efforts du patronat pour opposer les
travailleurs les uns contre les autres dans une compétition fratricide pour les
emplois. Le nationalisme et le corporatisme sont des idéologies pro-capitalistes
sœurs. Les campagnes élaborées par les diverses bureaucraties ouvrières
nationales afin de défendre les emplois « canadiens », « américains » ou
« allemands » ont été accompagnées dans tous les cas de l’acceptation de
concessions et de réductions salariales majeures pour les travailleurs canadiens
et américains ou leurs homologues en Asie et en Europe.
Pour défendre leurs emplois, leurs salaires et leurs
droits, les travailleurs au Canada et internationalement ont besoin d’une
stratégie radicalement nouvelle qui implique un changement dans les activités,
les politiques et la philosophie du mouvement des travailleurs. Le Parti de
l’égalité socialiste (PES) propose :
1. Une action industrielle militante basée sur les
intérêts indépendants de la classe ouvrière. Les travailleurs doivent
répliquer aux tentatives de la grande entreprise et de leurs mercenaires dans le
gouvernement de faire payer la classe ouvrière pour la crise du système
capitaliste en organisant des manifestations, des grèves et des occupations
d’usines, en faisant revivre les traditions militantes d’une période antérieure,
traditions qui ont été supprimées par la bureaucratie syndicale.
Le PES appelle les travailleurs à former des comités
indépendants composés de membres dans les usines, les lieux de travail et les
quartiers afin d’organiser une opposition aux banques, aux entreprises et aux
gouvernements. Les travailleurs doivent se préparer à occuper toutes usines,
mines ou scieries qui sont menacées et à s’impliquer dans des grèves de masse
dans le but de s’opposer aux baisses de salaires et aux coupes dans les dépenses
publiques et à prévenir d’autres fermetures et mises à pied. Une telle stratégie
requiert une rupture politique et organisationnelle avec les appareils
syndicaux, pro-capitalistes et contrôlés bureaucratiquement, et la création de
nouvelles formes d’organisation de la classe ouvrière véritablement
démocratiques : des comités indépendants des membres en usine, sur les lieux de
travail et dans les quartiers.
2. Une rupture avec les politiques de collaboration de
classe. L’action industrielle doit être liée à une nouvelle stratégie
politique : la construction d’un parti de masse de la classe ouvrière servant à
se battre pour défendre les intérêts indépendants de la classe ouvrière.
Pendant des décennies, les syndicats ont fait la
promotion du mythe que les intérêts des travailleurs peuvent être défendus par
le Nouveau Parti démocratique, le PQ pro-patronal ou même les libéraux ! Ces
partis, pas moins que les conservateurs, défendent les intérêts des entreprises
et des banques. Des gouvernements du NPD en Ontario, en Saskatchewan, au
Manitoba et en Colombie-Britannique ont coupé les programmes sociaux, attaqué
les salaires et les avantages sociaux des travailleurs et ont accédé aux
demandes pour réduire les impôts des entreprises. Pas plus tard que le mois
denier, le gouvernement du NPD a gagné les élections en Nouvelle-Écosse en ayant
gagné l’appui d’une bonne partie de l’establishment économique par la promesse
de ne pas annuler la loi antisyndicale Michelin et en dénonçant les libéraux et
les conservateurs pour ne pas avoir été suffisamment fiscalement conservateurs.
3. Le rejet du marché capitaliste et la renaissance
d’un mouvement socialiste international de la classe ouvrière. Les
travailleurs du Canada et de partout dans le monde font face aux conséquences
d’un système économique dont le principe central est la recherche du profit, peu
importe ses conséquences sur la société en entier. En réponse à la crise du
système capitaliste mondiale, le PES se bat pour la réorganisation socialiste de
l’économie. Cela inclut la nationalisation des banques et des industries de base
en les plaçant sous la propriété publique et le contrôle démocratique de la
classe ouvrière et en planifiant leurs opérations sur la base des besoins
sociaux et non sur la base du profit privé.
Si le capitalisme est incapable de fournir aux
travailleurs un niveau de vie décent, et il n’en est pas capable, alors les
travailleurs, ceux dont le travail collectif produit la richesse de la société,
doivent mettre de l’avant leur propre plan pour organiser la production et
l’emploi sur la base des besoins humains et non sur la base du profit privé et
de la valeur des actions.
Un nouveau mouvement politique de la classe ouvrière
doit avoir comme objectif la lutte pour un gouvernement ouvrier, un gouvernement
de, par et pour la classe ouvrière.
Dans chaque pays, les travailleurs font face à un
futur similaire : le chômage en hausse, des salaires en baisse et la crise
économique. Les travailleurs doivent rejeter toutes formes de nationalismes
promus par les syndicats. La crise du capitalisme est une crise mondiale et la
réponse de la classe ouvrière à cette crise doit être aussi mondiale.
Le Parti de l’égalité socialiste encourage fortement
les travailleurs qui sont d’accord avec cette perspective à joindre le PES et
entreprendre la lutte pour le socialisme.
(Article original paru le 22 juillet 2009)