Cela fait maintenant deux mois que des
soldats du Honduras ont enlevé le président élu du pays, Manuel Zelaya, l'ont
mis de force dans un avion et l'ont expulsé du pays.
Le coup d'Etat du 28 juin a mis en place un
régime de droite soutenu par l'armée, l'oligarchie autochtone et les grandes
multinationales qui récoltent des profits juteux de l'exploitation des
travailleurs du Honduras.
Malgré une résistance populaire de masse et
des condamnations de pure forme de ce coup d'Etat de la part de Washington, de
l'Organisation des Etats d'Amérique et divers gouvernements d 'Amérique
latine, le régime mis en place par le coup d'Etat conduit par Roberto
Micheletti se maintient au pouvoir et s'apprête à organiser des élections
truquées pour élire le successeur de Zelaya.
Le régime se maintient au pouvoir,
principalement, du fait de la répression brutale qui s'accroît. Ces dernières
semaines, des rapports publiés par diverses organisations des droits de l'Homme
ont fourni des preuves de la violence d'Etat qui s'est déchaînée contre les
travailleurs du Honduras, qui dans leur écrasante majorité s'opposent à la
dictature.
Amnesty International a fait état
d'arrestations de manifestants et de violence de masse à leur encontre, ainsi
que d'assassinats et de « disparitions ». Cette association de
défense des droits de l’homme a accusé le régime « d'utiliser de façon
excessive la force et les détentions de masse comme moyen pour maîtriser les
manifestants et ceux qui protestent de façon non violente » tout en
« refusant la liberté d'expression et d'information par la fermeture des
médias, la confiscation de leur équipement et des sévices physiques à
l'encontre des journalistes et cameramen. »
De même, une délégation de l'IACHR (
Inter-American Commission on Human Rights, Commission inter-américaine des
droits de l'Homme) a découvert « une tendance à utiliser de façon
disproportionnée la force publique, les détentions arbitraires et de contrôle
de l'information dans le but de limiter la participation politique d'une partie
des citoyens ».
L'agence a dit qu'elle avait « confirmé
l'utilisation de la répression contre les manifestations du fait de l'existence
de barrages routiers, de l'application arbitraire de couvre-feux, de la
détention de milliers de personnes, du traitement dégradant, inhumain et cruel
et des mauvaises conditions de détention. » Elle estime à environ 4000 le
nombre de personnes assujetties à la détention arbitraire.
La commission a cité la mort par balle d'au
moins quatre manifestants, le passage à tabac sauvage de manifestants dont des
personnes âgées et des femmes à l'aide de « matraques et d'autres objets
contondants en caoutchouc, en métal ou en bois appartenant à la police »
et le viol collectif par des policiers de femmes détenues lors des
manifestations.
Devant cette brutalité, les travailleurs,
paysans et étudiants honduriens continuent à faire grève, à manifester en masse
et à organiser d'autres actions de résistance dans un mouvement de masse
soutenu et sans précédent dans l'histoire du pays.
Cette lutte héroïque a contribué à mettre au
grand jour deux énormes fictions politiques. La première est la prétention que
le gouvernement Obama a inauguré une nouvelle ère de non-intervention et de
respect mutuel dans les relations entre les Etats-Unis et les pays d'Amérique
latine. La seconde est que les régimes bourgeois de cette région de type
nationaliste ou populiste, de Chavez au Venezuela à Zelaya lui-même, ne
proposent à la classe ouvrière et aux masses opprimées aucune voie pour aller
de l'avant.
Malgré les déclarations de pure forme
d'Obama s'opposant à l'expulsion de Zelaya, deux mois après le coup militaire
du 28 juin, le département d'Etat américain n'a toujours pas tranché pour
déterminer si les événements de ce jour-là constituent un coup d'Etat. Une
telle conclusion déclencherait l'obligation de couper toute aide américaine au
régime du Honduras.
Fait encore plus révélateur, ni Obama ni
aucun autre dans son gouvernement n'a dit un seul mot concernant les
assassinats, les disparitions, la torture ou les détentions de masse au
Honduras. Quant aux mass médias américains, ils ont quasiment fait l'impasse
sur ces crimes.
Le Pentagone, pendant ce temps, poursuit ses
opérations militaires sur la base américaine de Soto Cano, sa plus importante
dans la région, où quelque 600 soldats américains et des centaines de
fournisseurs civils travaillent en étroite collaboration avec l'armée
hondurienne qui a perpétré le coup d'Etat.
Il est absolument impossible que l'armée
hondurienne et l'oligarchie dirigeante du pays, clients les plus serviles de
l'impérialisme américain depuis plus d'un siècle, aient procédé à une telle
action sans le feu vert de Washington.
Loin d'ouvrir une nouvelle ère de paix et
d'harmonie, le gouvernement Obama est embarqué dans une campagne visant à
réaffirmer la domination américaine en Amérique latine en ayant recours aux
moyens militaires pour compenser les défis économiques croissants posés par la
Chine, l'Europe et ses rivaux émergeant au sein même de la région. Le récent
scandale provoqué par l'accord de la Colombie de fournir au Pentagone des bases
capables de déployer des « forces de réaction rapide » américaines
partout dans l'hémisphère et la poursuite des projets de renouvellement de la
Quatrième Flotte américaine sont des signes de cette stratégie.
La première réaction de Washington au coup
d'Etat a été son instigation d'efforts de médiation par le président
costaricain Oscar Arias, atout de longue date de Washington, et son soutien
pour son Accord San José.
Cette proposition remettrait Zelaya au
palais présidentiel en tant que président sans pouvoir, subordonné à un
gouvernement « d'unité nationale et de réconciliation » dominé par
l'armée et les éléments politiques qui l'ont renversé. Ceux qui ont perpétré le
coup d'Etat et la répression brutale qui a suivi se verraient accorder une
amnistie totale. Toute tentative de réunir une assemblée constituante dans le
but d'amender la constitution réactionnaire de 1982 imposée par les Etats-Unis
et l'armée hondurienne serait interdite.
Un tel accord garantirait les objectifs clés
du coup d'Etat du 28 juin et a pour effet de légitimer les coups militaires
dans tout l'hémisphère.
L'acceptation par Zelaya d'un tel procédé
donne la mesure de sa propre incapacité et de son manque de volonté de remettre
en question le cadre de l'organisation politique bourgeoise et la domination
impérialiste au Honduras. En effet, l'ensemble de sa stratégie visant à
garantir son retour aux affaires se fonde sur des appels au gouvernement Obama
pour que ce celui-ci impose des sanctions plus sévères à l'encontre du régime
conduit par son vieil allié politique du Parti libéral, Roberto Micheletti.
Les gouvernements d'Amérique latine, y
compris celui de Chavez au Venezuela, ont démontré la même impuissance, en ne
fournissant que des condamnations en paroles du coup d'Etat, et en en appelant
aussi Obama pour rappeler à l'ordre les oligarques et généraux du Honduras.
Avec les événements au Honduras, les lignes
de classes sont apparues avec clarté. Ce sont les travailleurs honduriens
soutenus par les étudiants et les paysans qui luttent de façon intransigeante
contre le régime, alors même que Zelaya recherche un accord avec les dirigeants
par le biais des Etats-Unis.
La volonté de Zelaya de participer à un tel
arrangement confirme les leçons amères de la période antérieure de défaites en
Amérique latine, du Brésil en 1964 au Chili en 1973 et en Argentine en 1976. La
classe ouvrière ne peut se défendre des coups d'Etat et des dictatures en
subordonnant sa lutte à une faction soi-disant « progressiste » de la
bourgeoisie.
Seule la classe ouvrière, mobilisant sa
force politique indépendante contre le régime issu du coup d'Etat et contre
l'ordre capitaliste que ce dernier défend, peut empêcher un arrangement
contre-révolutionnaire au Honduras. Cette lutte doit être avancée par la
revendication d'un gouvernement de travailleurs et de fermiers, par
l'expropriation des « dix familles » de l'oligarchie et des
multinationales qui ont soutenu le coup d'Etat, et la transformation socialiste
du Honduras et de toute la région.
Dans ce combat, les travailleurs honduriens
ne trouveront de soutien ni dans des sanctions imposées par Obama ni dans
l'aide apportée par Chavez et d'autres régimes d'Amérique latine. Le soutien
viendra des travailleurs d'Amérique latine et des Etats-Unis qui sont poussés
dans des luttes de classes du fait de la crise historique qui confronte le
capitalisme mondial.