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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Le sens de l'appel du SWP britannique à créer une nouvelle « gauche alternative »

Première partie

Par Tony Robson et Chris Marsden
26 août 2009

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Voici la première des deux parties d'une série concernant une lettre ouverte publiée par le Socialist Workers Party en Grande-Bretagne.

Le Socialist Workers Party (SWP) en Grande-Bretagne a publié une lettre ouverte sous le titre : « La gauche doit s'unir pour créer une alternative ».

Il a publié son appel le 9 juin, deux jours après les élections européennes qui étaient couplées avec les élections municipales au Royaume-Uni.

Ces élections ont incontestablement souligné la nécessité de construire une direction politique différente pour la classe ouvrière. Le vote pour le Parti travailliste aux élections européennes s'est effondré, atteignant son plus bas niveau historique et arrivant en troisième position derrière les conservateurs et les nationalistes de droite de l’United Kingdom Independence Party. Pour la première fois, le British National Party (BNP) d'extrême-droite a réussi à faire élire deux candidats au Parlement européen après avoir recueilli plus de 6 pour cent des voix.

La réponse nécessaire est de construire un nouveau parti socialiste et internationaliste, indépendant des bureaucraties du Parti travailliste et des syndicats, s'appuyant sur l'héritage théorique et programmatique du mouvement marxiste.

Le SWP est âprement opposé à cette perspective. Son but est, au contraire, d'utiliser la crise du Parti travailliste pour réitérer sa vieille demande pour un regroupement des diverses tendances de gauche de Grande-Bretagne en un nouveau véhicule électoral dominé par la bureaucratie syndicale et tous les députés travaillistes mécontents qu'ils pourraient attirer. Il espère qu'une insistance exagérée sur la menace posée par le BNP peut servir à faire avancer ce projet – à convaincre des sections de la bureaucratie qu'un vide politique s'est ouvert et qu'il pourrait être comblé par d'autres forces et à demander que ses rivaux « de gauche » fassent tout ce qui est nécessaire pour se rendre acceptables par les bureaucrates qu'il veut séduire.

« Jamais auparavant les fascistes n'ont remporté un tel succès en Grande-Bretagne », affirme le SWP. « L'histoire nous enseigne que le fascisme peut être combattu et arrêté, mais seulement si nous nous unissons pour résister»

Le public que vise le SWP transparaît dans la manière dont la lettre propose de réagir aux résultats des élections européennes. « Une réponse au problème serait de dire que nous devons avaler tout ce que le Parti travailliste a fait et de le soutenir pour maintenir David Cameron [le dirigeant du Parti conservateur], et le BNP à distance»

Qui présenterait un tel argument, mis à part des bureaucrates ? L'évolution la plus importante révélée par les élections européennes, c'est l'effondrement général du soutien à la social–démocratie. Que des partis de droite, conservateurs voire même fascistes, bénéficient d'un certain succès ne démontre pas un virage à droite. On a plutôt observé que des millions de travailleurs ont tourné le dos à leurs vieux partis parce qu'ils ne croient plus qu'ils soient différents, d'une manière ou d'une autre, des partis traditionnels du grand patronat, mais ils l'ont fait principalement en refusant de voter pour qui que ce soit.

En moyenne, à travers toute l'Europe, les partis sociaux-démocrates, socialistes et travaillistes, n'ont obtenu que 22 pour cent des voix avec la participation historiquement la plus faible de tout juste 43 pour cent en moyenne.

Les résultats britanniques ont été l'expression la plus aboutie de ce processus. Les gouvernements travaillistes successifs ont imposé une politique économique thatchérienne de privatisations et de réductions d'impôts pour les riches, lancé les guerres profondément impopulaires d'Irak et d'Afghanistan, et mis en application une offensive permanente contre les droits démocratiques. La croyance que le remplacement de Tony Blair par Gordon Brown au poste de premier ministre donnerait au parti une bouffée d'air frais a été contredite. Au lieu de cela, les luttes de factions et les scandales sur les dépenses des députés ont menacé de désintégrer le parti.

Le Parti travailliste a été abandonné par son ancienne base sociale dans la classe ouvrière, et il risque l'anéantissement électoral. Il n'a obtenu que 16 pour cent des voix avec une participation de 34,5 pour cent. Le fait que seulement 5 pour cent des électeurs ont voté pour le Parti travailliste tient à ce qu'il n'est pas perçu comme une alternative aux conservateurs. Le vote travailliste a baissé d'un quart à Londres, d'un tiers dans le nord-ouest, et a été presque divisé par deux dans le Yorkshire et le nord-est.

C'est pourquoi, en répondant à sa propre question, le SWP prévient, « Mais il faudrait un miracle pour que Gordon Brown soit réélu à Downing Street. Le danger est qu'en s'y accrochant simplement on serait entraîné dans le naufrage du Parti travailliste»

Le BNP n'est parvenu à dépasser le seuil requis pour être élu, suivant le mode de représentation proportionnelle, qu'en raison du déclin massif du soutien pour les travaillistes et du niveau de l'abstention. La région du nord-ouest et celle de Yorkshire et Humber sont celles qui ont connu l'effondrement le plus fort du vote travailliste et qui ont eu le niveau d'abstention le plus élevé, avec des participations de 31,9 et 32,51 pour cent respectivement, soit un déclin de 10 pour cent depuis 2004. Nationalement, la part des voix allant au BNP n'a augmenté que de 1,3 pour cent depuis 2004, passant de 808 200 à 943 598 voix.

Le SWP anticipe depuis des années que la trajectoire vers la droite du gouvernement travailliste amènerait une scission de la part d'une section du Parti travailliste et des syndicats, à laquelle il pourrait servir de conseiller « de gauche ». Mais la tentative de constituer un nouveau parti sur une telle perspective s'est soldée par un échec cuisant, car à ce jour aucune section importante de la bureaucratie n'a rompu avec le Parti travailliste.

La coalition « Respect – the Unity Coalition » soutenue par le SWP a été créée pour accueillir un unique député venu du parti travailliste, George Galloway, qui se trouvait en manque de structure politique après avoir été exclu du parti travailliste en octobre 2003 en raison de sa prise de position contre la guerre en Irak. Le SWP a accepté que Galloway prenne la direction de Respect, s'est plié à son orientation opportuniste vers les hommes d'affaires musulmans, les groupes islamistes et les régimes du Moyen-Orient, et a tenté de s'en servir pour accroître son propre profil politique. Cette alliance ne s'est rompue que lorsque Galloway a décidé qu'une association avec les « trotskystes » du SWP le mettait en porte-à-faux vis-à-vis de ses soutiens politiques anti-communistes, et il s'est alors dispensé de leurs services.

Le SWP espère que la crise du Parti travailliste lui ouvrira les portes de la bureaucratie qui lui étaient fermées jusqu'ici, et il veut utiliser les succès du BNP pour donner une légitimité politique à ses projets. La position de base du SWP est d'être prêt à accepter n'importe quel compromis politique nécessaire pour atteindre ce but, et, en particulier, de faire en sorte que ses efforts pour garder une rhétorique  socialiste et révolutionnaire ne sapent pas sa respectabilité politique aux yeux de la bureaucratie.

Le NPA en France

Le SWP n'est pas seul à chercher un regroupement « de gauche ». Il a été placé en position de faiblesse par l'échec de Respect, comparé, en particulier, à la Ligue communiste révolutionnaire, membre français du Secrétariat unifié pabliste, qui a formé cette année le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).

Les pablistes ont affirmé qu'il faut maintenir une distance rhétorique avec les sociaux-démocrates et insister sur le caractère de gauche du NPA. Ils sont arrivés à cette conclusion non seulement après avoir contemplé le naufrage de Respect et du Scottish Socialist Party, mais aussi après s'être rendu compte des dommages politiques subis lors de leur soutien et participation à Rifondazione Communista (PRC) en Italie et dans d'autres tendances staliniennes « dissidentes » et réformistes.

En tant que membre du gouvernement d'Union de Romano Prodi élu en 2006, le dirigeant du PRC Fausto Bertinotti a été élu président de la chambre des députés. Le PRC est resté au gouvernement alors que celui-ci imposait des réductions budgétaires et des mesures d'austérité, il a voté pour la poursuite de la présence militaire italienne en Afghanistan et a envoyé des troupes au Liban.

Les pablistes italiens, travaillant dans le PRC, ont été directement impliqués dans cette trahison politique. Parmi ceux qui ont soutenu Prodi lors d'un vote de confiance en 2007, vote qui s'appuyait sur un ultimatum en 12 points incluant le soutien à l'intervention militaire italienne en Afghanistan et la « réforme » du système de retraites italien, il y avait le sénateur Franco Turigliatto de l'organisation pabliste Sinistra Critica (gauche critique).

Polémiquant contre le NPA dans le journal théorique du SWP International Socialism, ("Revolutionnary Paths : A reply to Panos Garganas and François Sabado," le 31 mars), Alex Callinicos s'est opposé aux pablistes sur leur posture de refus de collaborer avec les sociaux-démocrates.

« Nous au Socialist Workers Party (SWP) sommes enthousiastes pour le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) affirme Callinicos. Mais, poursuit-il, « il y a d'autres cas où les ruptures les plus importantes sont le fait de forces qui rejettent le social-libéralisme, mais qui n'ont pas rompu avec le réformisme déclaré – Die Linke (La Gauche) en Allemagne, le Partito della Rifondazione Communista (PRC) en Italie aussi bien sous son ancienne direction que sous la nouvelle, Synaspismos en Grèce, et quelques éléments du bloc de gauche au Portugal ».

Après avoir déclaré que, en Grande-Bretagne et en Allemagne, « La social-démocratie était profondément ancrée », il continue, « C'est pour cela que l'émergence de Die Linke en Allemagne est un développement aussi historique… Pour la première fois depuis des décennies, le déclin de la social-démocratie a produit une rupture sérieuse vers la gauche. Bien sûr, la politique de Die Linke est du réformisme de gauche : comment pourrait-il en être autrement étant donné l'équilibre des forces en Allemagne ? »

Die Linke a été formé en juin 2007 par une alliance entre les ex-staliniens du Parti du socialisme démocratique de l'ex-Allemagne de l'Est et des forces qui ont quitté le Parti social-démocrate à l'ouest, il est dirigé par l'ex-ministre des Finances Oskar Lafontaine et constitué principalement de bureaucrates syndicaux. Les partenaires allemands du SWP fonctionnent dans Die Linke sur la base de leur acceptation du programme réformiste établi par Lafontaine.

Callinicos insiste sur le fait que c'est là tout ce qui est possible, allant jusqu'à affirmer que le développement de la lutte des classes ne ne fournit aucune occasion de gagner la classe ouvrière à une perspective révolutionnaire, mais, plutôt, « en attirant de nouvelles couches de travailleurs vers les activités nécessitant une conscience de classe, tendra à étendre la base de la politique réformiste ».

Il dit de la propre expérience du SWP, « L'influence continue du réformisme nous limite de différentes manières. Finalement ce qui a causé la perte de Respect c'est qu'il n'a pas réussi à créer une scission importante dans le Parti travailliste… Un parti de gauche radicale c'est comme un front uni classique en ce qu'il met ensemble des forces politiquement hétérogènes. C'est en partie la conséquence du caractère relativement ouvert des programmes de tels partis, qui jonglent généralement entre réforme et révolution»

Pour Callanicos, la leçon à tirer de Respect c'est que, ce que les travaillistes et la bureaucratie syndicale demandent, les groupes de gauche doivent l'exécuter. Dans un article suivant, « l'effondrement du parti travailliste, les victoires du BNP – fusion politique » de juillet 2009, il met en garde ses partenaires « de gauche » : « si nous sommes d'une honnêteté brutale concernant nos propres forces et faiblesses, il faut admettre que la gauche radicale est mal-en-point»

Pour que le BNP et d'autres partis d'extrême-droite ne profitent pas de l'effondrement du Parti travailliste, « nous avons besoin d'agir ensemble électoralement. Pour cela il faut, de la part des différents fragments de la gauche radicale, une admission de notre échec collectif… Tant que nous adhérons chacun à l'illusion que nous pouvons réaliser cette percée seuls, nous sommes perdus»

Le cynisme politique du SWP est sans limites. Tout en menaçant ses alliés électoraux potentiels du spectre de la droite, Callinicos reconnaît dans le même texte que « il est important de ne pas surestimer » cette menace. « Le vote BNP a en fait diminué dans les deux circonscriptions où il a obtenu des places. Les nazis sont entrés au Parlement du fait de l'abstention massive des électeurs travaillistes » et « il y a très peu de signes donnant à penser à un virage à droite généralisé de la société britannique semblable à celui qui a amené Thatcher au pouvoir il y a 30 ans»

En d'autres termes, le SWP est poussé à publier sa « lettre ouverte » non par souci sincère d'un risque fasciste – sa polémique aurait été largement inchangée si le BNP s'était effondré. Sa motivation politique essentielle est de botter en touche toute opposition socialiste authentique à la bureaucratie travailliste et syndicale.

Callinicos se plaint même de la « faiblesse chronique, historique, de la gauche travailliste » en Grande-Bretagne, avant d'insister que « cela ne serait pas si important si leurs idées n'étaient pas encore soutenues par des millions de gens (comme le montre l'immense popularité dont jouit Tony Benn à plus de 80 ans) ».

Il faut faire remarquer que Benn, qui n'est plus vraiment une force de première importance en politique aujourd'hui, a déclaré qu'il mourrait comme il a vécu, à savoir comme un membre loyal du Parti travailliste.

À suivre

(Article original publié le 28 juillet 2009)


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