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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : les travailleurs de Caterpillar retiennent des cadres de l'entreprise

Par Antoine Lerougetel
4 avril 2009

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Des travailleurs des deux usines Caterpillar de Grenoble en France ont retenu dans leurs bureaux cinq cadres de leur direction mardi matin et les ont gardés jusqu'à une heure de l'après-midi le jour suivant. Les travailleurs sont en grève depuis lundi.

Lundi et à nouveau le mardi, la direction avait boycotté des réunions du comité d'entreprise appelées par les syndicats pour discuter d'un plan impliquant 733 licenciements sur un personnel comptant 2800 personnes sur les sites de Grenoble et Echirolles. Un peu plus tôt cette année, Caterpillar, basé aux Etats-Unis, le plus important fabricant au monde d'engins de terrassement et de construction avait annoncé qu'il licencierait 22 000 travailleurs dans le monde entier.

Les travailleurs français ont retenu en otages 5 cadres de direction pour forcer l'entreprise à négocier.

Ces actions des travailleurs de Caterpillar reflètent l'opposition grandissante des travailleurs français face aux attaques contre les emplois et les salaires. Quelque 80 000 emplois ont été supprimés nationalement en février en plus des 90 000 en janvier. La dernière estimation concernant le nombre d'emplois qui seront éliminés cette année fait état de 400 000, mais ce chiffre ne cesse d'augmenter. Entre deux et trois millions de travailleurs et de jeunes avaient participé aux manifestations et grèves du 29 janvier et 19 mars derniers pour s'opposer aux attaques contre les emplois et les programmes sociaux.

La prise en otage des patrons de Caterpillar fait partie d'une série d'actions similaires qui se sont produites dernièrement en France.

En février 2008, les travailleurs de BRS à Devecey avaient pris leur patron en otage parce qu'il avait essayé de délocaliser toutes les machines de son usine vers la Slovaquie sans les en avertir.

Le mois suivant, des travailleurs de l'usine Kléber de Toul avaient retenu deux dirigeants afin d'obtenir de meilleures indemnités de licenciement.

En mars de cette année, le patron de Sony France avait été retenu de force dans l'usine de Pontons-sur-Adour. Deux semaines plus tard c'était au tour du patron de l'usine 3M de Pithiviers près d'Orléans. Ces deux actions étaient des tentatives pour obtenir des concessions de la direction sur les indemnités de licenciement.

Mardi dernier, François-Henri Pinault, PDG milliardaire du groupe de magasins de luxe PPR a dû être libéré par les CRS après que des travailleurs l'avaient bloqué dans son taxi pendant plus d'une heure et demie après une réunion. Ils protestaient contre l'annonce de 1 200 suppressions d'emplois dans ses magasins.

L'entreprise allemande de pneumatiques Continental est en train de fermer deux usines en France et une autre en Allemagne. Les travailleurs de l'usine de Clairoix près de Paris, furieux que l'entreprise n'ait pas respecté sa promesse de maintenir les emplois jusqu’'en 2012 après que les travailleurs avaient fait des concessions considérables en 2006 ont fait irruption lors d'un conseil d'administration qui se tenait à Reims le 16 mars et ont jeté des oeufs et des chaussures sur leurs patrons. L'entreprise a été contrainte mardi de tenir sa réunion du comité central d'entreprise à 1000 km de là, dans un hôtel de Nice, avec des consignes de sécurité très strictes. 

Lundi dernier, des délégués syndicaux négociant des plans de licenciement et de fermetures à l'usine FCI Microconnections de Mantes-la-jolie à proximité de Paris, ont retenu deux de ses directeurs dans la salle de réunion pendant 4 heures jusqu'à ce que la police intervienne. Les délégués étaient soutenus par 40 des 150 travailleurs qui sont en grève « préventive » avec piquet de grève 24hsur 24 depuis six semaines afin d'obliger l'entreprise à révéler ses projets.

Les directeurs de FCI avaient refusé de fournir de garantie d'emploi au-delà de 2010. L'un des travailleurs a dit, « La vie, ça se résume pas à 2009-2010. On a des vies à vivre. »

Ces actes reflètent une colère de classe qui se développe, attisée par les parachutes dorés de plusieurs millions d'euros, les bonus et autres primes de retraite des grands patrons français.

Le conflit chez Caterpillar révèle au grand jour la stratégie du patronat à l'heure où le capitalisme mondial plonge le monde dans la récession.

L'entreprise produit de gros engins de terrassement et de construction en France et fournit aussi des véhicules blindés pour l'armée britannique et plusieurs autres pays. Elle produit les bulldozers blindés D9 utilisés par l'armée israélienne pour raser les logements palestiniens.

Le PDG de Caterpillar James Owens avait été nommé par George W. Bush à un conseil consultatif de négociations commerciales et est célèbre pour sa course au profit impitoyable par le biais d'attaques contre les emplois et les conditions de travail. Il était, selon le classement de Forbes, au 181e rang dans la ligue des plus hauts salaires de PDG en 2008, engrangeant 17 millions de dollars. Il avait soutenu le rival républicain de Barack Obama, John McCain lors de la course à la Maison-Blanche. Ceci n'a pas empêché Obama de le nommer à l'Economic Recovery Advisory Board (Conseil consultatif pour la reprise économique) avec pour tâche de restaurer la profitabilité des grandes entreprises par la destruction des acquis sociaux et du niveau de vie de la classe ouvrière.

En janvier, en réponse à la dégradation des perspectives économiques, Caterpillar qui a fait état de 3,5 milliards de dollars de profit l'an dernier, a annoncé la suppression immédiate de 5 000 emplois, dont 733 en France et la suppression totale de 22 000 postes dans le monde. L'entreprise prévoit une chute de 55 pour cent des commandes entre 2008 et 2009.

Nicolas Polutnik, PDG de Caterpillar France a affirmé à maintes reprises que les usines françaises ne pourront être sauvées que grâce à ces suppressions d'emplois. Il a dit à la presse : « Il faut absolument que nous gardions les intérêts de l'entreprise sous peine de gérer non pas 733 suppressions d'emplois, mais la totalité. »

Mercredi, la direction a accepté de reprendre les négociations et proposé de ne pas faire de retrait de salaire pour les trois jours de grève si les syndicats mettaient fin à la grève. La direction propose en guise d'indemnité de licenciement 60 pour cent du salaire mensuel par année travaillée, avec un plafonnement à 10 000 euros.

Le conflit démontre aussi l'échec total de la réponse syndicale face à l'ampleur de la catastrophe confrontant la classe ouvrière.

Les délégués de la CGT (Confédération générale du Travail) proche du Parti communiste, ont dit qu'ils maintenaient leur demande d'une somme globale de 30 000 euros d'indemnité de licenciement pour tous les travailleurs licenciés, quelle que soit leur ancienneté, plus trois mois de salaire pour chaque année travaillée, ainsi que la garantie que l'entreprise ne ferme pas.

Comme on le voit clairement avec la focalisation des syndicats sur la négociation des indemnités de licenciement, ils n'ont aucune perspective pour combattre les pertes d'emplois. Leur faillite apparaît clairement dans « l'appel solennel » à Sarkozy lancé par l'intersyndicale de Grenoble mercredi matin. Il en appelle au président Sarkozy pour le déblocage des fonds prévus par le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation pour les victimes des licenciements, un fonds disposant de 500 millions d'euros par an, pour « soutenir la possibilité d'un redémarrage rapide de notre entreprise et de nos sous-traitants. »

Cet appel lu à la presse demande à Sarkozy une modification des textes législatifs concernant le déblocage des fonds afin qu'ils puissent être utilisés pour financer un contrat négocié avec Caterpillar « sous forme de prêt. » Actuellement, le règlement subordonne le déblocage à une demande de subventions uniquement affectées à la réinsertion professionnelle des travailleurs licenciés.

Ce document poursuit, « Sans un effort du groupe américain et de l'Union européenne aucun débouché ne pourra être trouvé pour réduire les licenciements et permettre à ceux qui le souhaitent de partir dans la dignité. »

Sarkozy a rapidement réagi à l'appel de l'intersyndicale de Caterpillar, promettant sur radio Europe1, « Je vais sauver le site. Je recevrai cette intersyndicale puisqu'ils m'ont appelé au secours (...) On ne les laissera pas tomber. »

Les travailleurs de Caterpillar France devraient se souvenir des promesses faites par Sarkozy le 4 février de l'année dernière aux sidérurgistes de l'aciérie Arcelor Mittal de Gandrange où 575 d'entre eux devaient être licenciés. Ces mêmes travailleurs ont aujourd'hui perdu leur emploi et mardi ils manifestaient dénonçant « l'imposture et la trahison » de Sarkozy et du PDG d'Arcelor, Lakshmi Mittal. Sarkozy a déclaré, « C'est quand même pas de ma faute (...) si, comme il y a moins de croissance, il y a moins de consommation de fer. »

Imprégnés d'une culture de « défense » des intérêts des travailleurs par la défense des intérêts des patrons et des représentants politiques du capital, les syndicats mettent en avant la perspective que pour s'opposer au chômage il faut aider la classe capitaliste à faire des profits.

Il ne peut y avoir d'issue positive que si les travailleurs de Caterpillar rompent avec la connivence existant entre les syndicats et le gouvernement et les patrons. Rejetant tout accord fondé sur l'acceptation des pertes d'emplois, les travailleurs doivent construire des organisations de lutte de classes, indépendantes, dans leurs usines et sur leur lieu de travail, s'associant à d'autres travailleurs par delà les frontières.

De telles organisations doivent s'armer d'un programme pour la réorganisation socialiste de l'économie et l'appropriation sociale d'usines comme Caterpillar qui doivent être gérées comme des services publics sous le contrôle démocratique des travailleurs.

(Article original anglais paru le 2 avril 2009)


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