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WSWS : Nouvelles et analyses : Afrique

Un homme d’affaires populiste s’empare du pouvoir à Madagascar

Par Barry Mason
1er avril 2009

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Après plusieurs mois de manifestations, le dirigeant de l’opposition Andry Rajoelina a prêté serment comme président de l’île de Madagascar qui est située dans l’Océan indien. L’ancien président, Marc Ravalomanana, a démissionné la semaine dernière après avoir tenté de confier le pouvoir à un comité militaire composé de hauts gradés de l’armée et de la marine.

De puissantes sections issues des rangs inférieurs de l’armée ont soutenu Rajoelina contre Ravalomanana et les gradés de l’armée l’ont aidé à saisir le pouvoir. Le colonel de l’armée André Ndjiarijaona a déclaré, « Nous avions déjà dit que nous ne voulions pas de cette autorité militaire, c’est encore un stratagème de M. Ravalomanana. Les gens ici ne veulent pas d’une autorité militaire. »

La prise de pouvoir de Rajoelina a été condamnée par l’Union africaine (UA) qui a suspendu l’adhésion de Madagascar en protestant que sa prise de pouvoir était un « coup d’Etat ». La Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a considéré l’imposition de sanctions contre Madagascar. Cette attitude est partagée par les gouvernements occidentaux y compris les Etats-Unis qui ont coupé leur aide financière. L’on évalue que jusqu’à 70 pour cent du revenu du pays en aide et en soutien provient de dons de charité, c’est pourquoi Rajoelina s’efforce à présent désespérément de récupérer le soutien occidental.

Rajoelina, riche homme d’affaires, est entré en politique après avoir été élu maire de la capitale malgache, Antananarivo, en décembre 2007. Il a largement vaincu le candidat du parti de Ravalomanana en remportant 60 pour cent des voix. Il a critiqué le régime de plus en plus autoritaire de Ravalomanana et gagné le soutien des masses qui réclamaient l’amélioration de leurs conditions de vie.

Le conflit s’était nettement aggravé en décembre 2008 lorsque Ravalomanana avait pris la décision de fermer la station de télévision de Rajoelina après que celui-ci avait transmis une interview de l’ancien président Ratsiraka qui avait été évincé par Ravalomanana en 2002 lors d’un mouvement populaire identique. Ratsiraka qui vit en exil en France est l’un des partisans de Rajoelina.

En janvier, Rajoelina avait organisé des rassemblements oppositionnels et une grève générale dans la capitale. Des dizaines de partisans de l’opposition avaient été tués. Le 31 janvier, Rajoelina avait défié Ravalomanana en disant que c'était lui le véritable dirigeant de Madagascar. Ravalomanana avait répliqué en le destituant de son poste de maire.

D’autres manifestations qui avaient eu lieu en février avaient été réprimées par l’armée au cours desquelles une trentaine de manifestants avaient été tués. Rajoelina avait renforcé sa tentative de prise de pouvoir en annonçant un gouvernement alternatif.

Le pouvoir a commencé à s’effriter pour Ravalomanana en mars lorsque des soldats stationnés dans les casernes de la capitale ont refusé d’exécuter ses ordres et de recourir à la force contre les manifestants. A un moment donné Rajoelina a trouvé refuge à l’ambassade de France. Des tentatives de médiation faites d’abord par l’Union africaine puis par les Nations unies ont échoué.

Le 16 mars une centaine de soldats sont entrés dans le palais présidentiel et s’en sont emparé bien que Ravalomanana était retranché ailleurs. Un porte-parole de la section de l’armée a dit que cette dernière refusait de recevoir des ordres de Ravalomanana.

Selon Africa Confidential, le projet selon lequel Ravalomanana allait remettre le pouvoir à un comité militaire, avait été mis en avant pas l’ambassadeur américain, R. Niels Marquardt. Cependant, des officiers de rangs inférieurs se sont opposés au projet. Africa Confidential précise : « L’on rapporte que les commandants militaires affectés à jouer ce rôle [à savoir, la prise de pouvoir dans une junte militaire] … l’ont refusé en présence d’un officier subalterne brandissant une Kalashnikov. A un moment crucial, il semblait être sur le point de vouloir faucher les dignitaires rassemblés pour l’occasion … Heureusement, la tension s'est dissipée. »

Ravalomanana, riche homme d’affaires ayant fait fortune dans l’industrie laitière, était devenu le dirigeant de Madagascar en juin 2002. S’ensuivit une période de lutte de six mois contre le président sortant, Didier Ratsiraka, qui tout en évitant de justesse une guerre civile, avait coûté la vie à des dizaines de civils. Le conflit avait éclaté après des élections contestées. Ratsiraka avait été au pouvoir pendant plus de vingt ans et entretenait d’étroites relations politiques avec la France, l’ancienne puissance coloniale. Ravalomanana avait été en mesure de triompher avec l’aide des Etats-Unis.

Ravalomanana fut réélu président en décembre 2006. Durant son mandat il chercha à multiplier des liens avec les pays africains anglophones, Madagascar adhérant en 2005 à la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

Il a ouvert le pays aux investisseurs occidentaux, notamment aux sociétés minières. Les investissements directs étrangers à Madagascar ont triplé en 2006 et triplé à nouveau l’année suivante. Des sociétés pétrolières américaines et britanniques explorent en offshore et des sociétés canadiennes, japonaises et coréennes se sont associées pour développer une mine de cobalt et de nickel. Rio Tinto a démarré la production dans leur mine de limonite. Un projet proposé par le groupe sud-coréen Daewoo Logistics de louer de vastes surfaces de terres agricoles pour produire de la nourriture pour la Corée du Sud était en discussion, mais semble avoir été rejeté par Rajoelina.

Ravalomanana a également courtisé les Chinois et en novembre dernier, Wu Bangguo, le président du comité permanent de l’Assemblée populaire nationale s’était rendu à Madagascar pour le rencontrer. Le même mois, le groupe sidérurgique chinois Wuhan Iron & Steel signait un accord de coopération pour l’exploitation des ressources minières à Madagascar.

En dépit des investissements réalisés à Madagascar, l’île demeure l’un des pays les plus pauvres du monde, en arrivant au 143e rang de l’indice de développement humain. Environ 70 pour cent de la population disposent d’un revenu inférieur à un dollar par jour et luttent pour survivre.

Rajoelina a prêté serment le 21 mars comme président de « l'Autorité de transition ». Il a suspendu le parlement en promettant des élections d’ici 24 mois et cherche à introduire des modifications constitutionnelles. En l’état actuel des choses, Rajoelina, qui a 34 ans, serait trop jeune pour briguer un mandat présidentiel, l'âge minimum requis étant de 40 ans. En dépit du soutien populaire dont il bénéficie par rapport à son opposant Ravalomanana, la politique de Rajoelina n’est pas fondamentalement différente mis à part qu’il est appuyé par d’autres sections de l’élite dirigeante.

Sans souscrire explicitement à Rajoelina, le président Nicolas Sarkozy a dénoncé la prise de pouvoir comme étant « un coup d’Etat » en appelant dès que possible à l’organisation de nouvelles élections, la France a rapidement réagi aux développements actuels car elle avait été prise de court par le renversement en 2002 de Ratsiraka par Ravalomanana.

Fin février, le gouvernement français avait annoncé que Jean-Marc Châtaigner serait le nouvel ambassadeur à Madagascar. Ceci vient après un vide de sept mois laissé après le départ, sur ordre de Ravalomanana, de l’ancien ambassadeur. Châtaigner, un diplomate de carrière, avait été directeur de cabinet du secrétaire d’Etat chargé de la coopération et de la francophonie.

Il s’était envolé pour Madagascar juste deux jours avant la démission de Ravalomanana. Selon le site internet Topmada.com, l’épouse de Rajoelina se trouvait dans le même avion que l’ambassadeur de France et Châtaigner avait été accueilli à l’aéroport par Rajoelina.

Le 19 mars, Châtaigner a rendu une visite officielle à Rajoelina. S’adressant aux médias après sa visite, Rajoelina a souligné l’importance des relations entre la France et Madagascar.

Bien qu’à ce jour l’on ne sache pas grand-chose sur les forces et les intérêts qui se cachent derrière la mise en place de Rajoelina, il est évident qu’elle est dans la lignée des manoeuvres impérialistes grandissantes et qui visent l’exploitation des ressources de l’Afrique. Les travailleurs et les paysans de Madagascar ne tireront aucun profit du remplacement à la tête de l’Etat d’un riche homme d’affaires par un autre.

(Article original paru le 28 mars 2009)


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