World Socialist Web Site www.wsws.org

WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Allemagne : l’OCDE prévoit une hausse du chômage à plus de 5 millions en 2010

Par Ludwig Weller
10 avril 2009

Retour | Ecrivez à l'auteur

Les prévisions officielles du déclin économique de l’Allemagne sont corrigées à des intervalles de plus en plus courts. La crise financière et économique internationale a des effets bien plus dévastateurs que ceux escomptés jusque-là. Mardi, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a dû revoir à la baisse ses prévisions économiques pour l’Allemagne. Un rapport spécial établi en vue du sommet du G20 anticipe une chute de 5,3 pour cent du développement économique de l’Allemagne. En novembre, l’OCDE avait prédit un déclin de 0,9 pour cent.

Le chômage a grimpé de nouveau en mars pour atteindre les 3,6 millions, soit un taux de 8,6 pour cent. Depuis l’introduction des statistiques du chômage il n’avait jamais été enregistré de hausse au mois de mars.

L’agence fédérale pour l’emploi (Bundesagentut für Arbeit, BA) a annoncé cette semaine que les entreprises allemandes avaient enregistré 1,6 million de salariés au chômage partiel entre novembre 2008 et février 2009. Ce chiffre représente 26 fois celui enregistré durant la même période l’an dernier. La BA s’attend à un nouveau record des cas de chômage partiel en mars avec l’enregistrement de 680.000 à 740.000 nouvelles demandes.

Le rapport de l’OCDE anticipe une montée dramatique du chômage en 2009 et qui s’étendra à 2010. Klaus Schmidt-Hebbel, économiste de l’OCDE, a dit : « Selon nos prévisions, le chômage passera à 11,5 pour cent en 2010 dépassant ainsi la barre des 5 millions. »

L’OCDE s’attend aussi à ce que l’Allemagne soit confrontée à un accroissement rapide de la dette publique. Le déficit de l’Etat passera cette année à 4,5 pour cent et à 6,8 pour cent en 2010.

Dans les mois à venir, le chômage augmentera fortement dans tous les pays de l’OCDE sans exception pour atteindre son point culminant début 2011. L’OCDE s’attend à ce que le chômage dans les sept pays les plus industrialisés (G7) atteigne 36 millions d’ici la fin de l’année prochaine, soit près du double de mi-2007.

Une analyse effectuée par la Commerzbank prévoit que les choses pourraient empirer car la production industrielle allemande va rétrécir jusqu’à 7 pour cent dans le courant de l’année prochaine.

Les économistes de la deuxième banque allemande avaient précédemment anticipé un déclin économique de l’ordre de 3 à 4 pour cent. Les derniers chiffres cités dans le rapport de la Commerzbank montrent que « les entrées de commandes industrielles et les données de production publiées en janvier avaient chuté de façon spectaculaire, et ce d’une manière qui n’a pas son pareil dans toute l’histoire de l’Allemagne d’après-guerre. »

Ce recul extrêmement fort des entrées de commandes a « coupé l’herbe sous les pieds » des prévisions précédentes a expliqué Jörg Krämer, un économiste de la Commerzbank. Par comparaison au quatrième trimestre de l’année dernière qui était déjà mauvais, la croissance a reculé d’environ 1,5 pour cent. Faisant une estimation chiffrée à partir de là, Krämer s’attend à un recul de 6 pour cent. Mais « l’effondrement des entrées de commandes » de ces dernières semaines indique que la production industrielle continuera de baisser et les chiffres pourraient même se révéler être pires que ce qui était à craindre.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) avait prédit la semaine passée un déclin du commerce mondial de 9 pour cent, ce qui serait la plus forte baisse depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La croissance du commerce mondial s’était déjà considérablement ralentie dans la seconde moitié de l’année 2008. Le fait que l’Allemagne dépende fortement des exportations signifie qu’elle est durement touchée par cette évolution. La fédération allemande du commerce extérieur s’attend cette année à un recul de l’ordre de 15 pour cent des exportations, près du double des estimations précédentes.

Face à ce développement, une grande partie de la population verra ses conditions de vie se détériorer de façon spectaculaire. Les élections législatives prévues en septembre auront lieu dans des conditions de conflits sociaux et de luttes de classe féroces .

Certains journalistes en sont aussi tout à fait conscients. C’est ainsi qu’un récent article paru le 25 mars dans le Süddeutsche Zeitung portait le titre, « Le krach se rapproche. » L’article dit, « Les Allemands ne ressentent pas encore la récession économique, mais cela changera bientôt. » On ne peut plus nier plus longtemps l’« amère réalité » : « L’année 2009 sera vraiment catastrophique. »

Le décalage entre la manière dont la « crise est ressentie et les données économiques extrêmement mauvaises » disparaîtra très vite, remarque l’article. « Dans quelques mois, la crise frappera de plein fouet le marché du travail. Des centaines de milliers de personnes perdront leur emploi. Le nombre de chômeurs pourrait s’accroître de plus de 1,5 million d’ici fin 2010. Au sein de nombreux ménages qui apparaissent encore étonnamment détendus face à la crise, le désespoir prévaudra. »

Une controverse est apparue au sein du gouvernement quant à la meilleure manière de reporter le fardeau de la crise sur le dos de la population laborieuse. Les représentants des principales fédérations patronales et leurs alliés proches de l’Union chrétienne-démocrate (CDU)/Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) et du Parti libéral démocrate, (FDP) sont déterminés à imposer une nouvelle redistribution des richesses du bas vers le haut. Ils veulent exploiter la crise et le chômage de masse pour réduire les salaires et aggraver considérablement les conditions de travail. Les « réformes » de l’Agenda 2010 appliquées initialement par le gouvernement précédent social-démocrate-Verts de Gerhard Schröder et Joschka Fischer, bas salaires, diminution des acquis sociaux et pauvreté de masse, doivent être poursuivies coûte que coûte.

La chancelière Angela Merkel (CDU) ainsi qu’une section du CDU/CSU pensent que le choix de la confrontation serait trop risqué pour l’heure. Ils redoutent des protestations sociales et des luttes de classe qui ne pourraient être contrôlées qu’à grand-peine. Ils cherchent à gagner du temps jusqu’aux élections.

Les sociaux-démocrates tentent d’exploiter la controverse qui existe au sein du CDU/CSU pour leur propre compte électoral. Ce même parti qui, avec les Verts, avait introduit la main-d’œuvre bon marché et les attaques massives contre les acquis sociaux se plaint à présent de l’augmentation du chômage et de la misère de masse. Et ce, en dépit du fait que depuis dix ans les ministres du Travail et des Finances sont issus des rangs du SPD, lequel fait partie de la grande coalition avec le CDU.

(Article original paru le 4 avril 2009)

Untitled Document


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés